INSTITUTIONS ADMINISTRATIVES

Chapitre Introductif. Le Cadre général

Il semble qu'il est nécessaire, avant de détailler le rôle, les missions, la nature et la composition des institutions administratives, de présenter une vue d'ensemble de celle-ci.

Les notions d'administration et d'institutions administratives doivent ainsi être définies en premier lieu, ce qui permettra d'apprécier finalement une forme de panorama, d'examiner un peu un panorama général des institutions administratives françaises, avant d'étudier les principes généraux de l'organisation administrative.

Section 1 – Les notions d’administrations et d’institutions administratives

En première approche, une institution désigne les éléments qui constituent la structure juridique d'une réalité sociale. Et cette réalité sociale est appréhendée sous le prisme du droit à travers différentes catégories et règles.

Une institution correspond à un ensemble homogène de principes et de règles qui viennent structurer tel aspect de la réalité sociale. Il existe deux grandes catégories d'institutions.

Ce cours d'institutions administratives va porter, pour l'essentiel, sur les structures juridiques qui permettent à la fois d'exercer et encadrent l'activité administrative. Il convient donc de définir cette dernière, de définir l'activité administrative et d'indiquer quelles sont ses missions.

Caractérisation de l'administration

Absence de définition juridique

Aussi étonnant que cela puisse paraître de prime abord, il n'existe pas de définition véritablement juridique de l'administration, mais une multitude de manières d'appréhender cette dernière.

Le mot « administration » est pourtant employé à six reprises par la Constitution, sans qu'elle n'en donne de définition. En l'occurrence, la plus importante de ce terme figure à son article 20, dont l'alinéa 2 prévoit que le gouvernement "dispose de l'administration et de la force armée".

Il est également indiqué à l'article 13 de la Constitution que le président de la République "nomme les directeurs d'administration centrale en conseil des ministres".

L'article 34 de la Constitution, sur le domaine de la loi, assigne quant à lui au législateur la mise en œuvre d'un important principe, celui de "libre administration des collectivités territoriales". De même, toujours selon cet article 34 et 47.2, les comptes des administrations publiques sont évoqués directement par la Constitution.

Malgré cette absence de définition textuelle, la notion d'administration n'a cessé d'évoluer et de croître depuis le XIXe siècle. Celle-ci est liée à la conception de l'État. La diversification des activités de la puissance publique conduit à une association étroite du secteur privé dans l'accomplissement de ses missions.

Et l'administration n'est ainsi pas synonyme de personnes publiques. Les personnes morales de droit privé peuvent ainsi exercer des missions de nature statutaire.

La notion de personnalité est extrêmement importante. La personnalité est une fiction juridique pour traduire en droit certaines réalités sociales. Notre système juridique repose sur la notion de personnes à qui l'on impute des droits et des devoirs.

On fait une distinction habituelle entre les personnes physiques et les personnes morales. La personnalité morale donne une consistance juridique à une institution sociale organique, c'est-à-dire à une collectivité rassemblée pour exercer des missions données. Aussi, une personne morale est une collectivité disposant de la personnalité juridique et a ce titre titulaire de droit et d'obligation. Ces droits et obligations engagent la responsabilité de la personne morale en question.

L'intérêt de la personnalité morale pour une institution administrative est de disposer d'une autonomie de gestion, d'organisation, et de son propre budget. C'est un concept vraiment important, le concept de personne morale.

Le concept de personne morale de droit public dispose de caractéristiques qui diversent de la personnalité morale de droit privé. En cela, elle est soumise à un régime de droit public sur lequel il n'y a pas lieu de revenir, mais qui comporte des différences substantielles par rapport à la personnalité de droit public.

Pour simplifier, le régime des biens, le régime des agents, le régime des missions exercées par ces personnes morales de droit public va être soumis au droit public, et notamment au droit administratif, c'est-à-dire à un corps de règles et à un ensemble de juges différents de ceux qui existent en droit public.

A noter que le terme de personne privée est relativement indéterminé, dans la mesure où, selon l'usage, on désigne aussi bien des personnes physiques que morales. À l'inverse, le terme personne publique désigne toujours une personne morale de droit public.

Les personnes publiques sont toutes des personnes morales. En droit, il n'existe pas de personnalité physique publique. Des personnes comme le président de la république, le premier ministre, le maire, etc. ne sont pas des personnes publiques, mais ce sont des agents ou des représentants d'autres personnes de droit public, comme l'état ou la commune.

Tout cela pour insister sur le fait que personnes publiques et administrations ne sont pas synonymes, et il faut aller plus loin en conjuguant les approches organiques et fonctionnelles.

Approche organique

Le point de vue organique est, comme son nom l'indique, celui qui fait référence aux organes, c'est-à-dire aux auteurs d'une action, à la structure de l'institution qui lui permettent d'assurer son fonctionnement.

L'approche organique de l'administration consiste en quelque sorte à définir celle-ci par rapport aux organes publics. L'administration se présente comme un ensemble d'institutions, aux statuts ou règles de fonctionnement très variés.

Au premier rang de cet édifice administratif, on trouve l'État, accompagné de ses administrations centrales et déconcentrées. Ce sont ensuite les collectivités territoriales et leurs établissements publics.

Les collectivités territoriales comprennent elles-mêmes plusieurs catégories comme les communes, les départements, les régions, les collectivités à statut particulier et les collectivités d'outre-mer, sous cela en vertu de l'article 72 de la Constitution. Ces collectivités ont elles-mêmes donné naissance à des structures complémentaires pour exercer toutes leurs missions.

A cet ensemble s'ajoute l'ensemble des établissements publics créés par ces diverses institutions pour exercer, sous leur contrôle, des missions spécialisées. Pour autant que valent ces chiffres et pour donner une idée, en 2022, la France compte 5,6 millions d'agents publics, soit près d'un emploi sur cinq. Donc l'administration, a minima, c'est cette masse conséquence de femmes et d'hommes qui oeuvrent pour des missions assignées aux différentes collectivités publiques.

D'un point de vue institutionnel, l'état est composé de multiples structures. Soit des administrations centrales, on a plus de 450 sous-directions, plus de 2 000 bureaux, soit des administrations déconcentrées. On a 101 préfectures, dont 96 se situent en métropole, et 232 sous-préfectures d'arrondissement.

Les collectivités territoriales sont très nombreuses, on en compte autour de 35 000. 101 départements, 18 régions, dont certaines se situent en outre-mer. Les collectivités à statut particulier et les collectivités d'outre-mer. Il faut aussi citer un très grand nombre d'établissements publics nationaux ou locaux. Ces administrations, au sens organique, peuvent être évaluées budgétairement. Concernant l'état, elle représente pour 2023 un budget de plus de 577 milliards d'euros.

L'approche fonctionnelle

L'approche fonctionnelle renvoie aux finalités de l'action administrative. Pour en dire un mot, l'administration se définit ici non pas par référence à un organe, mais par rapport à une activité. L'activité administrative est celle qui se rapporte à l'intérêt général.

Mais attention, toute activité d'intérêt général n'est pas nécessairement une activité administrative. Sont seulement administratives les activités d'intérêt général assurées sous le contrôle plus ou moins direct d'une personne publique.

Cette vision fonctionnelle de l'activité administrative laisse ainsi une importante place aux personnes privées qui peuvent se voir associées à des missions de services publics dès lors que celles-ci sont réalisées sous le contrôle d'une personne publique. Dès lors, le champ de l'administration varie selon l'approche restrictive ou extensive de l'intérêt général.

L'approche idéologique

L'approche idéologique valorise la question de la légitimité de l'action publique. Il s'agit de s'interroger sur la place de l'espace public par rapport à la société civile ou sur les limites et la nature de l'intervention publique.

De nombreux qualificatifs de l'État sont mis en avant pour décrire cette intervention et celle de son administration.

Historiquement, un premier clivage a opposé les tenants de l'État-gendarme à ceux de l'État-providence. Dans la première expression, l'État-gendarme, à la fin du XIXe siècle, l'État ne doit avoir pour fonction que d'assumer des tâches essentiellement régaliennes. Les doctrines de l'État-providence étendent le champ de l'activité de l'État aux activités de production, ce dernier s'aventurant notamment dans le champ de l'activité des entreprises pour fournir directement des prestations qui lui apparaissent d'intérêt général.

Autre notion développée aujourd'hui, celle de l'État-régulateur qui aurait pour fonction de favoriser la concurrence afin d'organiser le marché, pour permettre l'exercice d'une concurrence saine et profitable à tous.

L'État-stratège est une conception plus récente et un peu fourre-tout du rôle de l'État et qui fait la synthèse de l'État-gendarme et de l'État-providence, en conservant les aspects régaliens de la mission de l'État, mais en concevant son action plus largement pour l'autoriser à intervenir dans des secteurs stratégiques de la vie économique.

Ces approches idéologiques sont importantes car elles drainent les politiques publiques et façonnent à plus ou moins long terme la structure de l'administration.

Les missions de l'administration

On définit les missions de l'administration, c'est-à-dire celle de l'État et de ses composantes, en s'intéressant aux finalités de l'action administrative et à ses moyens.

La finalité de l'action administrative

En réalité, trois grandes fonctions principales sont assurées par l'administration.

Il s'agit des activités d'intérêt général qu'une collectivité publique décide d'assurer soit en la prenant directement à sa charge, soit en la confiant à un tiers qui peut être une personne privée. Et dans ces cas-là, le tiers à qui est confiée la mission, voit son activité contrôlée par la personne publique principale.

La nature du service public est très variable et les buts qu'il remplit diffèrent selon qu'il s'agit de missions à caractère économique, éducatif, social et culturel, avec des régimes juridiques différents.

L'administration assure la police, c'est-à-dire le maintien de l'ordre public. À cet égard, on distingue la police judiciaire qui relève du droit de la procédure pénale et qui consiste à poursuivre les auteurs d'infractions.

Mais l'activité qui consiste à maintenir l'ordre en prévenant toute atteinte à celui-ci, c'est la police administrative. En matière de police, tout est question de périmètre et de proportionnalité.

Que recouvre exactement la notion d'ordre public ? Et dans quelle mesure l'action de l'administration est-elle proportionnée au risque d'atteinte à ce dernier ?

C'est le contrôle de la mise en balance de la police.

La régulation est l'activité de l'administration menée dans l'économie pour créer des conditions d'une saine concurrence. L'activité de la régulation, c'est celle qui a pour objet la concurrence.

Bilan : L'administration gère tout ce qui est service public. Service public est une notion variable et maléable qui connaît différentes exceptions juridiques et d'ailleurs différentes catégories avec différentes règles applicables.

Pour simplifier, quand on a du service public, on a une part minimale de droit administratif qui va s'appliquer, mais cette part de droit administratif n'est pas exclusive. Le droit privé peut également avoir vocation à s'appliquer pour certains services publics. Plus on va vers des activités régaliennes, plus on va avoir une part de droit administratif importante.

À côté du service public, on a la police. La police est fondée sur la notion d'ordre public puisqu'elle a pour objet de le protéger, donc tout l'enjeu est de savoir comment on conçoit cet ordre public de façon plus ou moins stricte ou plus ou moins large. En fonction de la façon dont on conçoit l'ordre public, les missions de l'administration seront plus ou moins étendues.

Puis on a la régulation beaucoup plus moderne qui consiste à réguler l'activité économique en matière de concurrence.

Les moyens de l'administration

Ce qui nous intéresse ici ce sont les moyens juridiques. On a déjà évoqué certains moyens matériels en mentionnant à grands traits les chiffres de l'emploi public et du budget.

Du point de vue juridique, l'administration met en œuvre ses missions par un ensemble de décisions qui s'imposent directement. C'est ce qu'on appelle l'exercice de prérogative de puissance publique.

L'administration dispose de la compétence pour prendre des décisions qui vont s'imposer au tiers sans avoir à recourir à leur consentement, ce qu'on appelle le caractère exécutoire des décisions administratives et qui les distingue des décisions privées.

L'administration dispose ainsi d'un pouvoir normatif très important, pouvoir normatif qui lui permet notamment d'édicter des actes réglementaires.

Les actes réglementaires, à ne pas confondre avec les actes individuels, ont une nature générale et impersonnelle. Ce sont des sortes de lois administratives. Matériellement, presque rien ne distingue la loi du règlement. Mais la distinction principale est organique, c'est-à-dire qu'elle est d'auteur.

A l'échelle nationale, le Premier ministre est compétent par décret pour prendre des règlements valables sur l'ensemble du territoire. Il se réserve des compétences exercées par le Président de la République.

Par exemple, le code de la route, pour l'essentiel, c'est le fruit de différents actes réglementaires du Premier ministre.

Evidemment, toute la mise en oeuvre de ce pouvoir normatif s'appuie sur les fameuses prérogatives de puissance publique dont l'administration bénéficie, qui font que ces règlements vont s'imposer directement, être directement exécutoires.

Section 2 – Panorama des institutions administratives

L'idée est de donner à voir un panorama général des institutions administratives au sens organique, c'est-à-dire au sens des principaux organismes de droit public français, en distinguant d'un point de vue un peu plus théorique l'Etat et les collectivités territoriales.

L'État

Ce concept est évidemment essentiel au droit, mais il donne lieu à de nombreuses variations et il convient de le définir et d'évoquer brièvement ces différentes formes d'Etat afin de mieux comprendre l'originalité française.

Définition

L'État se définit communément comme "l'autorité souveraine qui exerce son pouvoir sur la population habitant un territoire déterminé et qui à cette fin est dotée d'une organisation permanente" (Que sais-je sur l'Etat de Renaud-Denoy de Saint-Martin, ancien vice-président du conseil d'Etat).

Une définition de l'Etat met en avant les éléments consécutifs de ce dernier : un peuple, un territoire et un pouvoir ou une puissance qu'on appelle la fameuse souveraineté qui en assure le gouvernement. Mais cette définition n'est pas juridique mais doctrinale, c'est-à-dire théorique.

Elle se fonde sur l'histoire des Etats et de leur apparition. En droit, paradoxalement, la définition de l'Etat est une question plutôt secondaire. Ce qui compte, c'est l'attribution de la qualité Etat à une entité donnée plutôt que l'essence même de cette entité. Ce n'est pas la définition juridique de l'Etat qui compte en droit mais le fait d'attribuer à une entité particulière, une entité collective, le label Etat.

Il faut bien comprendre que l'Etat, même dans un pays comme la France, où il est profondément ancré dans la culture, n'est pas une entité naturelle. C'est une construction intellectuelle destinée à rendre compte de l'organisation du pouvoir.

Aussi, du point de vue strictement juridique et non pas doctrinal, l'Etat est, sans avoir besoin de véritablement le définir.

Les conséquences juridiques de cette caractérisation de l'Etat est qu'il s'agit, en droit, d'une personne morale, c'est-à-dire une fiction juridique qui sert à produire une existence juridique. Bien sûr, l'Etat n'a pas d'existence réelle au sens matériel, tangible, mais pourtant, pour faire fonctionner cet Etat, celui-ci va devoir se reposer sur des organes qui vont lui permettre d'agir, l'Etat va devoir s'incarner. C'est du reste la même chose en droit privé.

Les associations, les sociétés constituent autant de personnes morales que de droits privés. Toutes ces entités, qu'elles soient privées ou publiques, pour agir doivent pouvoir énoncer une volonté, volonté qu'elles énoncent à travers leurs organes.

Mais il y a quelque chose de différent avec l'Etat, par rapport aux autres personnes publiques ou privées, c'est que la volonté de l'Etat est à l'origine de la règle de droit. Une norme, c'est avant tout l'expression d'une volonté arrêtée qui reçoit une sanction. Donc l'Etat est composé d'organes chargés de vouloir pour lui, chargés d'exprimer sa volonté, c'est-à-dire le droit.

Parmi ces organes, on trouve évidemment le Parlement, le gouvernement. Mais l'Etat ne doit pas seulement vouloir, il doit agir matériellement. Il existe un ensemble d'organes qui ont pour rôle de mettre en œuvre la volonté de l'Etat, le cas échéant, en agissant matériellement. Et ça, c'est le rôle de tous les agents publics. Un fonctionnaire fait partie, à cet égard, des organes de l'Etat.

Le fait d'avoir pour l'Etat une personnalité morale a, entre autres conséquences juridiques, de générer un certain nombre de droits et obligations. Le paradoxe est que, dans le cas de l'Etat, c'est l'Etat lui-même, en tant que producteur de droits, qui a la charge de faire assurer, par lui-même, le respect du droit. Ce qui fait qu'on a une forme d'auto-limitation de l'Etat par lui-même, c'est-à-dire de l'Etat par le droit, par la volonté de l'Etat.

La volonté de l'Etat, c'est en même temps ce qui guide les actions de l'Etat, mais en même temps ce qui les limite.

Les différentes formes de l'État

Les représentations de l'Etat en droit constitutionnel ne sont pas univoques. Il existe autant de formes d'État que d'États.

Pour en rendre compte, la doctrine procède à des classifications. Ces classifications ont évidemment un caractère théorique et pédagogique, on ne les retrouve pas dans la réalité, dans la nature. Ce sont des constructions théoriques destinées à rendre compte d'un certain trait de la réalité.

Elles ont une vocation essentiellement pédagogique, c'est le propre des classifications et notamment des classifications en matière d'Etat.

Il existe deux grands modèles théoriques d'Etat, l'Etat fédéral et l'Etat unitaire. Entre les deux, il existe de nombreuses nuances, comme l'Etat régional et l'Etat décentralisé. Ces différents types d'Etat ont tout de même un point commun, en droit international public. Du point de vue du droit international public, la souveraineté appartient toujours à l'Etat central.

Les collectivités infraétatiques, quel que soit leur degré d'autonomie ou d'indépendance par rapport à l'Etat central, n'ont pas d'existence propre, n'ont pas de capacité à agir internationalement, puisqu'elles sont dépourvues de souveraineté. Au niveau du droit international public, on ne reconnaît qu'une seule forme qui est l'Etat central.

Mais en dehors du droit international public, là, on connaît des formes variées. La forme d'organisation de l'Etat correspond à la forme de l'organisation juridique de l'Etat. La forme de l'organisation juridique de l'Etat, c'est ce qui correspond à la forme d'Etat. À partir de quoi on va définir cette forme d'Etat ?

Ce qui compte pour déterminer la forme de l'Etat, c'est de s'intéresser aux questions relatives à la détermination de l'espace de validité territoriale des normes.

Est-ce que les normes en question, qu'on va étudier, sont applicables sur tout le territoire ou seulement sur une portion de ce territoire ? Et est-ce que ces normes nationales ou ces normes locales, on va s'intéresser à leur nature et on va s'intéresser à la façon dont elles sont posées ?

Ce qui fait que la forme de l'Etat tient avant tout à la répartition des matières entre celles qui sont régies par des normes nationales et celles qui sont régies par des normes locales et, au-delà de la répartition des matières, à la façon dont cette répartition des matières entre le local ou le national est opérée.

Prenons le cas de l'État unitaire dont on dit qu'il correspond à la France. Dans l'État unitaire, les normes locales ne peuvent être créées qu'en application de normes nationales préalables. Et dans un État unitaire, les compétences de principe reviennent à l'État central.

Des collectivités étatiques peuvent recevoir certaines compétences, mais ces compétences leur sont précisément et spécialement attribuées par un texte de nature constitutionnelle ou législative. Pour simplifier, la compétence de principe revue,t à l'État central et les organes infraétatiques, les collectivités territoriales, ne disposent que de compétences d'attribution.

Dans l'État fédéral, l'État central est beaucoup plus limité. La répartition des compétences entre l'État fédéral et les États fédérés est assurée par la Constitution, pas par la loi. Dans ce cadre, la compétence de l'État fédéral est limitée et la compétence de principe revient aux États fédérés. Cela signifie que toutes les matières qui ne sont pas attribuées à l'État fédéral sont de la compétence des États fédérés.

Point très intéressant, c'est la section 8 de l'article 1er de la constitution américaine de 1787. Cet article 1 de la section 8 fixe limitativement les pouvoirs du Congrès en matière législative et en fixant limitativement les pouvoirs du Congrès en matière législative, la Constitution établit le champ d'action de l'État fédéral. Cette fameuse section 8 article 1er est sujet à d'âpres débats entre les tenants de l'interventionnisme fédéral, qui sont plutôt démocrates, et les tenants d'un libéralisme plus affirmé et donc d'une limitation des interventions de l'État fédéral, plutôt les républicains.

Notamment, une clause de cette Constitution qui génère une grande discussion, c'est ce qu'on appelle la clause de commerce. La clause de commerce confie au Congrès le pouvoir "de réglementer le commerce avec les nations étrangères, entre les divers États et avec les tribus indiennes". La question de l'interprétation de ces termes, de cette réglementation du commerce, est essentielle pour définir le périmètre de l'intervention de l'État dans l'économie.

Plus on va l'interpréter largement, plus les interventions de l'État, notamment en matière économique, vont être étendues, plus on l'interprète restrictivement et plus l'État fédéral, l'État central, ne pourra intervenir que de façon restrictive.

En France, l'article 1er de la Constitution dispose que la "France est une république indivisible [avec] une organisation décentralisée". Cette première phrase du premier alinéa de l'article 1 de la constitution a été ajoutée à la suite d'une révision constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République. La France correspond donc à un État unitaire décentralisé, ce qui est un peu oxymorique comme expression.

Il en résulte une double aspiration politique, sinon contradictoire, en tout cas paradoxale, avec d'un côté une tendance au centralisme en vue d'assurer l'égalité et de l'autre une tendance à la décentralisation et au développement de l'autonomie locale.

L'État et les collectivités territoriales constituent ce qu'on appelle des personnes publiques-mères qui peuvent être à l'origine d'autres groupements dotés d'une personnalité morale de droit public, voire même parfois de droit privé, c'est ce qu'on appelle les démembrements de l'État et des collectivités territoriales.

Pour information, il existe ainsi d'autres personnes morales de droit public qui exercent une compétence beaucoup plus spécialisée à côté de l'État et des collectivités territoriales, c'est ce qu'on appelle les établissements publics et qui relèvent de la tutelle de l'un ou de l'autre.

Less collectivités territoriales

Après la rationalisation de la carte administrative au début de la Révolution Française, la création des départements date de la fin de l'année 1789, et après la réforme de toutes les structures administratives françaises, notamment sous le Consulat (1799-1804), l'administration française, au moins l'organisation de l'administration française, est devenue relativement simple.

Initialement, la France dispose de deux étages : un niveau national qui correspond à l'administration de l'État, et un autre étage qui est l'étage local, étage local qui se décompose lui-même en deux niveaux, pour simplifier, le département et la commune. On avait des structures simples et assez lisibles, l'État, et à côté de l'administration de l'État, le département et la commune.

Ce niveau local s'est enrichi et complexifié.

Il y a même eu un moment, en 2013-2012, velléité de suppression d'un de ces échelons, à savoir le département, qui aurait été fait au profit de la région, mais finalement, le département a fait de la résistance, et celui-ci continue au contraire de développer de nouvelles compétences. Ce qui fait qu'aujourd'hui, la France compte au niveau local, trois niveaux d'administration, la région, le département et la commune.

Evidemment, ces trois niveaux, région, département, commune, doivent tenir compte de l'État, mais aussi de l'application du droit de l'Union Européenne. Si ce cadre reste immuable, le nouveau triptyque région, département, commune, en revanche, le contenu de chaque catégorie connaît des évolutions de diverses natures.

Éléments d'histoire

Les rapports entre l'État et les collectivités territoriales sont marqués par une tension, tension qui s'exprime par l'opposition de grands principes constitutionnels opposés de prime abord. D'un côté l'unité de l'État et l'indivisibilité de la République, de l'autre côté la libre administration des collectivités territoriales et le respect des libertés locales.

De cette tension, entre l'État et les collectivités territoriales, l'aspiration à l'unité, à l'égalité, au centralisme d'un côté et à l'autonomie et au développement de l'autre, de cette tension naît une instabilité des rapports entre l'État et les collectivités territoriales.

Instabilité qui, si elle s'oriente vers davantage de décentralisation, c'est-à-dire pour simplifier, de pouvoir confier à ces organes décentralisés, décentralisation qui néanmoins demeure dans les mains de l'État puisque finalement c'est l'État, l'État central qui en exprimant sa volonté définit le niveau de décentralisation jusqu'où il est prêt à aller.

L'histoire de la décentralisation est jalonnée par différentes étapes qui tentent à se rapprocher dans le temps, et il faut souligner que la critique tendant à déplorer l'instabilité normative, cette instabilité normative a désormais aussi atteint le droit de la décentralisation qui apparemment était plutôt stable.

Grande réforme de la décentralisation, on l'appelle l'acte 1 de la décentralisation, corresponde aux lois Defferre de 1982-83 et aussi de 1986. Les lois Defferre marquent l'acte 1 de la décentralisation et renforcent celle-ci.

Tout d'abord en posant le principe de l'élection de l'exécutif des collectivités territoriales. L'exécutif des collectivités territoriales, auparavant était désigné par l'État, est désormais élu par un suffrage indirect, directement par les populations locales.

Deuxième apport de la loi Defferre, ces lois élargissent les compétences attribuées aux collectivités territoriales et posent notamment un principe important, celui de la compensation. C'est l'idée que le transfert de compétences de l'État vers les collectivités territoriales doit s'accompagner du transfert des moyens humains, matériels et financiers nécessaires à l'accomplissement de ces nouvelles missions.

Et le troisième apport de l'acte 1 de la décentralisation des lois Defferre porte sur la fin de la tutelle du préfet sur les actes des collectivités territoriales. Le préfet pouvait directement annuler auparavant ou refuser l'entrée en vigueur d'un acte d'une collectivité territoriale; désormais cette tutelle a été remplacée par un simple contrôle de légalité avec création du déféré préfectoral : le préfet se voit communiquer l'ensemble des actes des collectivités territoriales et s'il estime qu'un acte est illégal, il peut saisir le tribunal administratif pour en contester sa légalité. C'est un "super justiciable" le préfet pour simplifier.

L'acte 2 de la décentralisation correspond à la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 qui constitutionnalise la décentralisation et renforce les compétences et les ressources dont disposent les collectivités territoriales et renforce surtout le niveau de garantie constitutionnelle de ces compétences et de ces ressources.

On peut éventuellement s'interroger sur l'existence d'un acte 3 de la décentralisation qui correspondrait aux réformes entreprises sous le quinquennat de François Hollande.

Deux grands objectifs ont été mis en avant : d'une part, l'idée de simplification des structures existantes et de clarification des modalités d'exercice des compétences au moyen de trois grandes lois, une loi Maptam du 27 janvier 2014, loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, une loi du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions et une loi du 7 août 2015 portant Nouvelle organisation de la république.

Ces lois partagent les mêmes objectifs, à défaut d'y arriver, à savoir l'idée de rationaliser la carte des territoires en diminuant par exemple le nombre des régions et l'architecture institutionnelle, en renforçant le rôle des métropoles et des intercommunalités qui sont une espèce de collectivité intermédiaire.

Alors y a-t-il eu un acte 4 de la décentralisation sous Emmanuel Macron ?

Non, pas vraiment, le gouvernement a plutôt souhaité approfondir les réformes précédentes, les corriger, les améliorer, mais pas revenir sur les grands principes. Cela a engendré une certaine instabilité normative, avec par exemple la loi du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et la proximité de l'action publique, loi qui porte principalement sur les communes et sur les plus petites communes, en renforçant les pouvoirs du maire et en leur confiant de meilleures indemnités.

On a aussi eu une loi du 21 février 2002, c'est la loi 3DS, pour loi relative à la Différenciation, la Décentralisation, la Déconcentration et portant diverses mesures de Simplification. C'est un texte fourre-tout et technique qui développe notamment un principe de différenciation, afin de permettre aux collectivités territoriales de chercher à pouvoir adapter leurs droits à leurs circonstances locales, mais dans des conditions qui sont extrêmement précises et encadrées.

Physionomie Générale

Pour évoquer la physionomie générale à grands traits des collectivités territoriales, on a aujourd'hui plusieurs ensembles qui ont un peu évolué : le découpage des communes repose initialement sur le découpage des paroisses d'anciens régimes, ce qui fait que la France est un pays qui compte le plus de communes à l'heure actuelle. On a eu un mouvement de rationalisation de ces communes mais qui a permis une diminution relative.

Il faut savoir qu'en 2015, plus de la moitié des communes comptaient moins de 500 habitants, et aujourd'hui la population moyenne par commune est de 1800 habitants.

Au-dessus de la commune, on a l'intercommunalité, qui est une forme de regroupement de communes afin d'exercer en commun leurs compétences, prendre en charge des missions particulières. On a différentes catégories d'intercommunalité comme la communauté de communes, la communauté d'agglomération par exemple, ou la communauté urbaine en fonction de la taille des compétences exercées.

Et au-dessus de la commune, on a le département, aujourd'hui on a 101 départements, le dernier département français c'est la collectivité de Mayotte à la suite d'un référendum local qui s'est prononcé pour un statut départemental.

Et encore au niveau au-dessus, on a les régions dont le nombre a été diminué sous François Hollande, ce qui donne lieu à des très très gros ensembles, on doit avoir 13 régions.

Section 3 – Les principes de base de répartition du pouvoir entre institutions

Il résulte de l'article 1er de la Constitution que la France est une république indivisible, dont l'organisation est décentralisée.

À l'indivisibilité de la République s'ajoute le respect des principes d'égalité rappelés directement par la Constitution, notamment avec l'article 1er et l'article 2 qui fixent l'égalité parmi la devise de la France.

Et surtout on a l'article 6 très important de la DDHC, la Déclaration des droits de l'homme et de la citoyenne de 789 :

La loi est l'expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents.
article 6 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 

Il s'agit de concilier ces principes d'indivisibilité et d'égalité avec les justes aspirations locales. A cet égard, il y a lieu de citer une très intéressante décision du Conseil constitutionnel, c'est la décision du 9 mai 1991, loi portant statut de la collectivité territoriale de Corse.

Cette décision pose les limites de la décentralisation et ouvre des perspectives. Du point de vue des limites, et c'est là le sujet conflictuel, il s'agit de ne pas permettre ou d'autoriser une forme de séparatisme ou de régionalisme trop excessif qui mettrait en péril l'unité du peuple français. Et ainsi, pour le Conseil constitutionnel, celui-ci rappelle les principes d'indivisibilité et d'égalité prévus et garantis par la Constitution.

Dans cette loi de 1991, sur le statut de la Corse, il avait notamment à examiner la mention prévue par le législateur de l'existence d'un peuple corse composant du peuple français. Pour le Conseil constitutionnel, cette mention du peuple corse comme composante du peuple français est contraire à la Constitution laquelle ne connaît que le peuple français composé de tous les citoyens français sans distinction d'origine, de race ou de religion.

Mais le Conseil constitutionnel admet cependant une forme de différenciation et d'adaptation des catégories juridiques à un territoire donné. Au sujet en l'espèce de la Corse, le Conseil constitutionnel reconnaît la possibilité pour le législateur, agissant sur le fondement notamment des articles 34 et 72 de la Constitution, de créer une nouvelle catégorie de collectivité territoriale même si cette nouvelle catégorie ne comprend qu'une seule unité dotée d'un statut spécifique.

Donc le Conseil constitutionnel admet quand même des éléments de diversité en admettant l'existence de catégories uniques faites pour un territoire déterminé, ici la Corse. Juridiquement, cette tension entre l'état central et les collectivités territoriales est articulée autour de deux grands concepts qu'il convient de comprendre et de maîtriser parfaitement : la déconcentration et la décentralisation.

La déconcentration

Définition

La centralisation comprend plusieurs ingrédients pour pouvoir bien fonctionner, avec notamment l'idée d'unité et de concentration du pouvoir de décision, de structure hiérarchique et de principes d'obéissance à un niveau central. La décision du centre doit s'appliquer de manière uniforme sur un ensemble territorial.

Dans un système centralisé, toutes les impulsions et toutes les décisions proviennent du centre. L'état central est reconnu comme le seul apte à prendre les décisions fondamentales.

Lorsque des fonctionnaires sont répartis sur le territoire pour y exercer une autorité administrative, ils restent soumis hiérarchiquement au pouvoir central et reçoivent des directives qu'ils sont chargés d'appliquer. La capacité d'initiative du fonctionnaire local, dans un cadre centralisé, est très limitée. Les décisions importantes se prennent à l'échelon central.

L'histoire administrative de la France a permis la construction d'un état centralisé. La centralisation administrative a été longtemps considérée comme le complément indispensable du fait que la politique elle-même, les institutions politiques, sont centralisées. L'emploi de ce système a donc profondément marqué notre pays au-delà de la seule organisation administrative.

La centralisation est évidemment une des clés de compréhension de la société française. On peut facilement le constater au travers du poids de la capitale et de la région parisienne dans notre pays par rapport à la province. Paris est le siège non seulement politique du gouvernement, du parlement, mais aussi des grandes administrations centrales, des grandes entreprises, des grands sections syndicales, des principales chaînes de télévision, de radio, etc.

Tout cela est le résultat d'une organisation administrative qui a été très fortement centralisée. Cela explique aussi la nécessité de procéder en France plus qu'ailleurs à une forme de politique d'aménagement du territoire en vue de rechercher à équilibrer le reste du territoire français par rapport à la région,

La notion de déconcentration

Un système trop strictement centralisé est quasiment impraticable dans un état moderne car il entraîne nécessairement un engorgement du centre par embouteillage de problèmes plus ou moins anodins puisque toute décision sur le territoire supposerait alors l'intervention des autorités centrales. Et il appelle des corrections.

La déconcentration fait partie des corrections face à un système trop centralisé.

La déconcentration est un système d'administration consistant à confier des pouvoirs de décision à des autorités administratives réparties sur le territoire et placées à la tête de circonscriptions administratives. Ces autorités administratives, placées sur le territoire, restent soumises au pouvoir hiérarchique des autorités centrales.

La déconcentration correspond ainsi à un transfert de compétences internes à une même personne publique d'une autorité centrale à une autorité territorialisée ou périphérique.

Deux formules gouvernent la notion de déconcentration.

Le pouvoir de décision détenu par les autorités supérieures, par exemple par le ministre, est avec la déconcentration transféré à des autorités subordonnées comme les préfets, les recteurs, afin d'assurer la transmission intégrale des instructions et veiller à leur application concrète.

On a une transmission uniforme des instructions qui est faite au niveau national vers le local. Mais en tout état de cause, c'est toujours la même institution qui décide. Dans le cas de la déconcentration, que soit le ministre ou le préfet qui décide, on est toujours dans le cadre de l'état.

La déconcentration opère une simple redistribution du pouvoir de décision au sein d'une même personne publique, c'est-à-dire au sein de l'état, dont l'autorité est intégralement préservée.

On le voit, la déconcentration n'affecte en rien le caractère centralisé de l'état. Elle n'est pas autre chose qu'une modalité de la centralisation.

Parmi les textes importants qu'il y a en cas de la déconcentration, on a un décret du 7 mai 2015 portant charte de la déconcentration qui reprend et adapte cette définition de la déconcentration.

Il existe 4 grands niveaux de déconcentration : la commune, l'arrondissement, le département et la région.

La commune est à la fois une collectivité territoriale disposant d'une personnalité juridique propre, mais tout en disposant d'une personnalité juridique propre, c'est aussi une circonscription administrative de l'état. Si bien, c'est un point un peu complexe, que le maire dispose d'une double casquette. En effet, le maire n'est pas seulement un élu local, c'est aussi le représentant de l'état dans sa circonscription.

Au niveau intermédiaire, il existe une autre circonscription administrative qu'on appelle l'arrondissement. L'arrondissement c'est une circonscription interne au département et elle est dirigée par un sous-préfet.

L'échelon vraiment de base et le plus important de la déconcentration, c'est le département, département qui est dirigé par un préfet.

Il existe aussi un préfet de région qui est également le préfet du département du chef lieu où est implanté le conseil régional. En gros, le préfet de région exerce les compétences du préfet de département plus des compétences supplémentaires en sécurité de préfet de région.

Il faut savoir aussi que les préfectures ne sont pas les seuls organes de déconcentration sur le territoire. On a aussi par exemple les rectorats qui sont des émanations déconcentrées du ministère de l'éducation nationale ou encore les ARS en matière de santé.

Le pouvoir hiérarchique

Au cœur de la déconcentration, il y a une notion qui est très importante et qui mérite qu'on s'y arrête, c'est celle du pouvoir hiérarchique. C'est particulièrement le cas, ce pouvoir hiérarchique, dans le cadre de l'État que son exercice est le plus remarquable.

Les rapports entre les membres du gouvernement et les préfets ou encore entre le préfet et le maire, agent de l'État, sont vraiment structurés par cette idée de pouvoir hiérarchique.

Le représentant de l'État dans le département peut exercer son pouvoir hiérarchique sur les actes du maire lorsque celui-ci agit comme agent de l'État dans la commune, ce que prévoit explicitement le Code Général des Collectivités Territoriales.

Le pouvoir hiérarchique se déploie effectivement au sein d'une même personne au droit public. C'est un point important, le pouvoir hiérarchique s'exerce au sein de la même personne au droit public. Il équivaut alors à l'ensemble des pouvoirs appartenant à une autorité administrative supérieure vis-à-vis des compétences et attributions des autorités ou agents qui lui sont subordonnés.

Les composantes du pouvoir hiérarchique

Les composantes du pouvoir hiérarchique sont à distinguer de ces modalités d'exercice. Les composantes du pouvoir hiérarchique relèvent de l'idée que l'institution hiérarchique est indispensable à toute forme d'organisation administrative. Elle est nécessaire pour que l'autorité supérieure puisse adresser des instructions à ses subordonnés, annuler leurs décisions ou, au besoin, les réformer.

Le pouvoir d'instruction permet aux chefs de service de prendre à destination des autorités et des agents subordonnés des notes et des circulaires. Les circulaires désignent l'ensemble des instructions qui sont adressées par les chefs de service, les ministres, etc. aux agents de l'administration et aux subordonnés et qui viennent expliquer finalement la façon dont il convient de conduire et de mettre en oeuvre l'action publique. Cette question des circulaires est très débattue en droit administratif.

Point intéressant aussi, le pouvoir hiérarchique s'accompagne du pouvoir d'annulation, qui permet au supérieur hiérarchique de faire disparaître de l'ensemble juridique les décisions de ses subordonnés. L'annulation a un effet rétroactif et dans ces cas-là, ces décisions sont réputées n'être jamais intervenues.

Troisième pouvoir dont dispose l'autorité hiérarchique supérieure, c'est le pouvoir de réformation. Le supérieur hiérarchique a la possibilité de remplacer les décisions prises par son subordonné par tout simplement une autre décision qui revient sur la décision initiale, qui réforme la décision initialement prise, qui la remplace pour l'avenir.

Les modalités d'exercice du pouvoir hiérarchique

Ces modalités sont en nombre de trois.

Tout d'abord, le pouvoir hiérarchique s'exerce de plein droit. L'autorité supérieure en investit même sans texte, il n'y a pas besoin d'un texte qui va prévoir l'existence d'un pouvoir hiérarchique pour telle autorité supérieure.

En second lieu, le pouvoir hiérarchique peut s'exercer sans cause déterminée. Ça veut dire que l'autorité hiérarchique supérieure peut aussi bien agir pour des raisons de pure opportunité, en estimant que du point de vue de la politique administrative, telle décision est préférable à telle autre, mais l'autorité hiérarchique peut aussi agir pour des raisons de légalité, en estimant que des décisions illégales ont été prises.

En dernier lieu, le pouvoir hiérarchique peut aussi être exercé par le supérieur, soit de façon spontanée, soit par recours d'administrés. C'est un principe important, qui est prévu d'ailleurs par le Code des relations entre le public et l'administration, c'est l'article LK110 de ce Code. Les administrés ont la possibilité de s'adresser à l'autorité supérieure, à celle qui a pris une décision, lui demandant de bien vouloir la réformer. C'est ce qu'on appelle le recours hiérarchique.

Un recours hiérarchique qui permet de faire valoir des éléments de droit, mais aussi parfois des éléments d'opportunité. Ce recours est ouvert, même sans texte, et proroge le délai de recours contentieux. C'est un outil notamment pour les administrés extrêmement intéressant, qui ont toujours la possibilité de contester les décisions prises par une autorité administrative, de les contester devant l'autorité administrative supérieure, à condition qu'il existe évidemment une autorité administrative supérieure.

La décentralisation

C'est l'autre grand concept à côté de la déconcentration qu'il faut bien maîtriser. La France n'est pas une république seulement centralisée, c'est aussi une république décentralisée, qui compte à côté de l'Etat de nombreux autres organismes publics.

La notion de décentralisation

La décentralisation désigne le transfert de compétences et de pouvoirs de l'Etat à une autre personne publique distincte de l'Etat.

Il existe deux formes de décentralisation, soit fonctionnelle ou horizontale, c'est-à-dire un transfert de compétences de l'Etat vers un organisme public destiné à exercer un service public ou une activité publique donnée mais au niveau national, soit territorial ou vertical, et dans ces cas-là, la décentralisation, c'est la version la plus importante, désigne un transfert de compétences de l'Etat vers une collectivité territoriale infraétatique.

Avec la décentralisation, la décision n'est plus prise au nom et pour le compte de l'Etat par un de ses agents, mais au nom et pour le compte d'une institution publique représentant une communauté d'intérêt, c'est-à-dire une collectivité territoriale ou un établissement public.

Et c'est là évidemment une différence essentielle avec la technique de la déconcentration. En cela, la décentralisation est une modalité d'exercice de l'autorité à l'intérieur du système administratif français beaucoup plus radical et politique que la déconcentration, parce que la décentralisation donne dans une certaine mesure plus de liberté politique aux citoyens.

L'acte 2 de la décentralisation déjà évoqué, qui constitutionnalise la décentralisation et renforce le pouvoir des collectivités territoriales, témoigne de cet aspect politique de la décentralisation et de la place accordée aux citoyens, notamment avec le fait de garantir l'existence de conseils élus.

La décentralisation, si on veut approfondir sa définition, est composée de trois éléments constitutifs.

Elle est donc l'institution décentralisée, sujet de droit et d'obligation et bénéficie d'une autonomie financière. De plus, elle doit pouvoir gérer ses affaires propres, distinctes des affaires qui sont prises en charge par l'Etat.

De ce point de vue, le fait que la décentralisation entraîne une forme d'autonomie dans la gestion des affaires, la décentralisation est louée pour sa vertu civique en tant qu'instrument d'éducation politique des citoyens, puisqu'elle permettrait de rapprocher le citoyen de la prise de décision. Évidemment, les collectivités territoriales ne disposent comme affaire propre que celle que veut bien leur attribuer l'Etat. Dans le cadre qui demeure unitaire, c'est toujours l'Etat qui détermine les compétences qu'il alloue aux collectivités territoriales. C'est toujours l'Etat qui conserve la maîtrise du processus de transfert de ses compétences.

Dans le cadre de la décentralisation, la maîtrise du processus de transfert des compétences et donc des affaires qui vont être traitées par les autorités décentralisées, c'est entre les mains de l'Etat.

A ce titre, l'idée d'élection n'est pas nécessairement indispensable à la décentralisation, mais elle permet d'assurer et d'éviter toute subordination. Ce principe de l'élection est mis en oeuvre de manière très large au niveau des collectivités territoriales dans le cadre de la décentralisation territoriale ou verticale. Moins, voire pas du tout dans le cadre de la décentralisation fonctionnelle où il y a d'autres garanties d'indépendance.

Mais dans le cadre de la décentralisation territoriale, l'élection des organes est vraiment un gage d'indépendance, et c'est ce qui permet de bien distinguer de l'Etat. Dans le cadre de la décentralisation fonctionnelle, on a des garanties d'indépendance autres qui permettent d'assurer l'autonomie de la personne en question.

En pratique, malgré tout, l'autonomie financière des collectivités territoriales, qui est pourtant reconnue par la Constitution, est souvent relative. Collectivités territoriales et établissements publics devront faire appel à des concours financiers de l'Etat, souvent pour pouvoir mettre en oeuvre leurs missions. Mais sur le principe, la décentralisation doit s'accompagner du transfert de ressources suffisantes.

La question de la tutelle et du contrôle administratif

La décentralisation n'implique pas l'absence de tout contrôle de l'Etat sur les collectivités décentralisées. A cet égard, il existe plusieurs niveaux de contrôle.

La tutelle est souvent vue comme un type de contrôle exercé par le pouvoir central, au nom du pouvoir central, sur les personnes morales autres que l'Etat, et notamment sur les collectivités territoriales. Contrôle exercé, notamment, pour faire respecter la légalité et préserver les intérêts nationaux au-dessus des intérêts locaux.

Le terme tutelle est un terme extrêmement lourd au sens et très chargé. Aussi, désormais, on ne parle plus de tutelle, mais on parle de contrôle administratif, parce que le mot tutelle a été supprimé, sans pour autant que le législateur ait complètement renié sur cette idée.

Le pouvoir de tutelle, traditionnellement, c'est celui qui était confié au préfet pour veiller à ce que les autorités décentralisées, notamment dans le département, exercent correctement leurs compétences. Dans l'histoire de la tutelle, le préfet pouvait directement annuler des actes pris par les collectivités territoriales de lui-même.

Avec l'acte 1, notamment dans le cadre de l'acte 1 de la décentralisation, cette tutelle a été suppriméee, qui fait que le préfet ne peut aujourd'hui plus directement annuler un acte d'une collectivité territoriale.

Mais cette tutelle a été remplacée par un contrôle administratif.

D'ailleurs, le législateur ne pouvait pas complètement la supprimer, parce que ce contrôle administratif est directement prévu par l'article 72 de la Constitution, qui dispose que le représentant de l'État, dans le département, a la charge des intérêts nationaux et du contrôle administratif.

L'idée d'un contrôle administratif assuré par le préfet est directement prévue par la Constitution. Et ce contrôle administratif marque plus de liberté et de responsabilité à l'égard des collectivités territoriales puisque l'ensemble des actes des collectivités territoriales doivent être envoyés au préfet à la préfecture pour pouvoir entrer en vigueur. Mais le seul envoi de ces actes pour information à la préfecture suffit à ce qu'ils entrent en vigueur.

Le préfet qui reçoit ces actes exerce ce qu'on appelle un contrôle de légalité et peut déférer devant le tribunal administratif un acte qu'il estime illégal. Le seul pouvoir du préfet aujourd'hui, en tout cas s'agissant des actes des collectivités, c'est d'aller devant le juge administratif pour contester éventuellement les actes pris. Mais le préfet n'a plus le pouvoir de réformation directe ou d'annulation des actes pris par les collectivités territoriales.

Donc décentralisation et déconcentration sont des grandes notions des institutions administratives.

Chapitre II. Les administrations nationales

Nous évoquons les administrations nationales et pas simplement les administrations étatiques. Ce choix de vocabulaire n'est pas anodin.

L'ensemble des administrations nationales ne relève pas nécessairement de la personnalité juridique de l'État, mais peuvent, le cas échéant, être titulaires de leur propre personnalité morale.

À côté de l'État, d'autres institutions publiques sont donc chargées de mettre en œuvre tel ou tel politique, tel ou tel service public. C'est ce qu'on appelle la décentralisation fonctionnelle.

Section 1 – Les administrations de l’État

Les administrations de l'État assurent des missions variées, qui relèvent plus spécifiquement de cours de droit administratif. Elles ont pour rôle la définition et la mise en œuvre des différents services publics nationaux, comme l'éducation nationale, les aides sociales, la politique de l'intérieur, la défense.

À l'échelon national, la définition des mesures de police administrative destinées à protéger l'ordre public revient par principe au Premier ministre. La police fait partie de ces activités administratives qui ont pour objet de protéger l'ordre public.

Au sein de la police, on a deux types de police. On a la police judiciaire, qui veille à la poursuite des auteurs d'une infraction et la police administrative qui vise à prévenir les atteintes à l'ordre public, aussi une des missions de l'État exercée au niveau national.

Autre mission qu'on peut qualifier d'administrative mais qu'on ne va pas étudier ici, c'est la question de la défense nationale, qui est dotée par des institutions particulières et propres mais qu'on n'étudiera pas dans ce cadre.

Au niveau national, on comprend bien que la mise en œuvre des missions administratives est étroitement liée à la définition des politiques publiques. Or, les plus hautes autorités administratives du pays sont également les plus hautes autorités politiques.

Elles assument donc cette double casquette un peu particulière. Par principe, l'administration et ses agents publics sont soumis à une obligation de neutralité et de loyauté dans l'exercice des fonctions. L'administration, théoriquement, est politiquement neutre.

Il faut toutefois concilier cette neutralité politique avec un grand principe du système représentatif dans lequel nous vivons, qui consiste à ce qu'un pont soit tout de même établi entre l'administration et la représentation nationale.

Comment établir un pont entre l'administration qui est politiquement neutre et la représentation nationale ? Via ceux qui la dirigent, c'est-à-dire le gouvernement et ses ministres. En effet, les ministres sont politiquement responsables devant le Parlement et plus spécifiquement devant l'Assemblée Nationale des actions de leur administration. Donc, du point de vue de la théorie de la souveraineté représentative, l'administration peut être politiquement neutre si, à sa tête, on a des organes qui sont à la fois administratifs et politiques et qui assument la responsabilité politique des erreurs commises par l'administration.

Ici, on va s'intéresser aux administrations de l'État d'un point de vue essentiellement organique, c'est-à-dire aux autorités administratives de l'État. À cet égard, il est possible de distinguer ce qu'on peut appeler par un souci de pédagogie des autorités mixtes, c'est-à-dire des autorités à la fois politiques et administratives, et des autorités simplement administratives.

Autorités mixtes

Il existe trois grandes autorités mixtes au niveau étatique national, c'est-à-dire des autorités qui sont à la fois politiques et administratives, étant entendu que l'expression politique et administrative est une expression très vague qui désigne simplement l'organe compétent pour prendre des actes administratifs. Ces trois autorités sont le Président de la République, du Premier ministre et des ministres.

Le Président de la République.

Le statut du Président de la République est bien évidemment fixé par la Constitution. L'article 6 prévoit qu'il est élu pour 5 ans en suffrage universel direct. En application de l'article 67 de la Constitution, celui-ci n'est pas responsable des actes accomplis en cette qualité. Il peut toutefois être destitué, ce qui est une sanction politique et non pénale, par le Parlement constitué en haute cour.

La destitution est subordonnée à la qualification de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat. C'est l'article 68 de la Constitution.

Évidemment, qu'est-ce qu'un manquement manifestement incompatible à ses devoirs et avec l'exercice de son mandat ? C'est toute chose que le Parlement réuni en haute cour décidera comme telle. Tout motif, notamment politique, peut donner lieu en soi à une action de destitution sous réserve de réunir les voix suffisantes.

On qualifie souvent à raison le Président de la République de « géant politique » et de « nain administratif ». En effet, s'il est l'organe d'impulsion de la politique de la Nation et des principaux arbitrages, le Président de la République ne dispose pas de la haute main sur l'administration car cette fonction revient au Premier ministre.

Attribution

Les pouvoirs administratifs du Président de la République sont de deux types. Il dispose d'un grand pouvoir de décision, mais au sein de ce pouvoir de décision, il est intéressant d'isoler le pouvoir de nomination. Au-delà des prérogatives qui lui sont expressément attribuées et reconnues par la Constitution, le positionnement politique du Président de la République lui permet d'exercer une véritable influence sur tous les aspects de la vie politique française et notamment d'exercer une influence aussi sur l'administration.

Le pouvoir de nomination du Président de la République est d'abord un pouvoir de nature politique. En effet, il s'agit de la nomination et de la révocation du Premier ministre et du gouvernement qui est prévue à l'article 8 de la Constitution. Le texte dispose que le Président de la République nomme le Premier ministre et il met fin à ses fonctions sur présentation par celui-ci de la démission du gouvernement. Et sur proposition du Premier ministre, le Président de la République nomme les autres membres du gouvernement et met fin à leurs fonctions.

C'est un pouvoir essentiellement politique, c'est la nomination du Premier ministre et du gouvernement. D'abord Premier ministre, ensuite gouvernement, et en deux temps.

En matière plus spécifiquement administrative, le pouvoir de nomination du Président de la République est encadré par l'article 13 de la Constitution. En effet, cet article dispose que le Président de la République "nomme aux emplois civils et militaires de l'État". En vertu du même article, certaines nominations doivent être faites en conseil des ministres, conseil des ministres que le Président de la République préside en vertu de l'article 9. Il s'agit notamment des préfets, des ambassadeurs, des conseils d'État, des directeurs d'administration centrale.

Pour le reste, le Président de la République nomme directement toute une série de fonctionnaires de rang important, les membres du conseil d'État, les professeurs d'université, les magistrats, les membres du corps préfectoral. En réalité, souvent cette nomination a un caractère assez formel.

L'article 13 de la Constitution a été complété d'un nouvel alinéa à l'occasion de la réforme du 23 juillet 2008. Cette réforme instaure une procédure de contrôle du Parlement pour certaines nominations sensibles, nominations qui sont définies par une loi organique à la tête, notamment d'autorités, d'agences administratives ou d'entreprises publiques. Pour certaines nominations administratives assez sensibles, le Parlement dispose d'une forme de droit de regard. Il s'agit de permettre au Parlement d'empêcher une nomination qui est juste contestable.

Une loi organique détermine les emplois ou fonctions, autres que ceux mentionnés au troisième alinéa, pour lesquels, en raison de leur importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation, le pouvoir de nomination du Président de la République s'exerce après avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée. Le Président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque l'addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions. La loi détermine les commissions permanentes compétentes selon les emplois ou fonctions concernés.
Article 13, alinéa 5 de la Constitution de 1958

Une commission permanente est instaurée à cette fin au sein de l'Assemblée Nationale et au sein du Sénat pour l'examen de ces nominations, et qui sont bloquées lorsque l'addition, dit la Constitution, des votes négatifs dans chaque commission représentent au moins 3 cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions. Il faut quand même convaincre beaucoup de personnes qu'on est vraiment très mauvais pour cette fonction pour ne pas être nommé, ce qui n'arrive pas fréquemment, mais qui n'est pas un exercice forcément très agréable.

Donc, au-delà de la question du pouvoir de nomination, le Président de la République dispose d'un pouvoir de décision assez large. Il préside le Conseil des ministres, et c'est une présidence réelle, il n'est pas juste là pour faire décoration, puisque l'ordre du jour est établi en concertation entre le Président de la République et le Premier ministre.

Parmi les prorogatives, une distinction importante est faite entre les actes dispensés de contre-seing et les actes que le Président peut prendre directement, c'est-à-dire soumis à contre-seing, qui correspond au fait d'imposer une nouvelle signature sur un acte qui a déjà été signé pour qu'il soit validé. La plupart des actes du Président de la République doivent être contre-signés par le Premier ministre et les ministres responsables pour être valides.

Les actes qui n'ont pas besoin d'être contre-signés, on dit que ces actes relèvent des pouvoirs propres du Président de la République, parce qu'il peut les prendre directement.

En revanche, les actes qui ont besoin d'être contre-signés, qui sont soumis à contre-seing, relèvent de ce qu'on appelle les pouvoirs partagés du Président de la République, parce que ce sont des pouvoirs qu'il ne peut pas mettre en oeuvre directement de lui seul. Il a besoin de reculer à l'accord préalable du Premier ministre.

En période de cohabitation, où la majorité présidentielle et la majorité gouvernementale ne concordent pas, des conflits peuvent exister sur la mise en oeuvre de ces fameux pouvoirs partagés du Président de la République, parce qu'il doit y avoir un accord entre le Premier ministre et le Président de la République sur la mise en oeuvre des prorogatives respectives.

En période de concordance des majorités, c'est-à-dire quand la majorité gouvernementale, ou du moins la majorité législative, soutient le Président de la République et que le gouvernement soutient l'action du Président de la République, la distinction pouvoirs propres et pouvoirs partagés est relative, puisque le Président de la République a les moyens de s'imposer, moyens politiques, qu'il y est obligation ou non de contre-seing.

Pour donner quelques exemples de pouvoirs propres, parmi les pouvoirs propres, on a la nomination du Premier ministre, la décision de soumettre un projet de loi au référendum, ou encore, ça c'est un pouvoir important, la dissolution de l'Assemblée Nationale.

À côté des pouvoirs propres du Président de la République, on a finalement des pouvoirs partagés qui sont soumis à l'obligation de contre-seing. En réalité, nous dit la Constitution, tout ce qui n'est pas expressément prévu par l'article 19 de la Constitution comme relevant des pouvoirs propres du Président, requiert le contre-seing du Premier ministre. Donc le principe, c'est qu'on a une compétence limitée, que la liste des pouvoirs propres du Président de la République est limitativement énumérée par la Constitution, et tout ce qui n'enlève pas ces pouvoirs propres, c'est du pouvoir partagé, donc soumis à contre-seing.

Par exemple, la nomination des ministres, tous les actes qui interviennent dans le cadre de la procédure législative ordinaire, ou encore l'exercice du pouvoir réglementaire, la signature des ordonnances et des décrets des libérants conseils des ministres, le droit de grâce, tout un ensemble de mesures qui doivent être contresignées et donc qui nécessitent une forme de coopération entre le Président de la République et les ministres.

Le Président, pour souligner, exerce d'autres fonctions, et préside notamment un certain nombre de comités, notamment en matière de défense nationale, où il exerce des prorogatives très importantes.

L'influence générale du Président de la République dans la vie politique et administrative ne correspond pas seulement aux prorogatives que lui accorde la Constitution. Le cours de droit constitutionnel montrent que la place du Président de la République dans les institutions françaises dépend du jeu des rapports de force politique, du jeu des rapports de force politique. En effet, plus le Président finalement dispose d'une majorité solide à l'Assemblée nationale, et plus il va avoir une influence qui va pouvoir être mise en oeuvre de façon large au sein des institutions politiques. En revanche, plus la majorité du Président est faible, et plus le Président va à ce moment-là devoir composer avec son gouvernement qui ne sera pas forcément de la même majorité que la sienne.

Les services du Président

A côté des prorogatives du Président de la République, on a un certain nombre de services qui entourent finalement le Président de la République. Le Président de la République n'est pas isolé, il n'est pas tout seul, il est entouré de services, mais dont le nombre est réduit par rapport à son importance politique. Le Président de la République est essentiellement un organe politique plus qu'administratif. Les services de la Présidence de la République demeurent finalement relativement restreints, plus ceux d'une administration d'état-major que d'une administration de gestion. On peut estimer à environ 1 000 personnes, civiles et militaires, les effectifs de la Présidence de la République, ce qui n'est pas si énorme que ça, environ 1 000 personnes, dont une soixantaine de collaborateurs directs du Président de la République.

Les services de la Présidence comportent tout ce qui est nécessaire à l'intendance, la sécurité, etc. Mais du point de vue un peu plus politique, on a différentes structures qui sont importantes.

Une des structures les plus importantes, c'est le Secrétariat général de l'Elysée. Aujourd'hui, cette fonction est assurée par Alexis Kohler, qui est secrétaire général de l'Elysée. Les secrétaires généraux de l'Elysée, et ça c'est un point intéressant à noter, n'ont pas de statut prévu par un texte, prévu par la loi ou le règlement, ils n'ont pas de statut. C'est un statut coutumier. C'est vraiment une pratique coutumière que cette fonction, qui est absolument essentielle dans le cadre de la gouvernance du pays.

En effet, le secrétaire général de l'Elysée joue un rôle fondamental d'organisation et d'agenda des fonctions exercées par le Président de la République. Il va notamment discuter de tout, il va vraiment être le relais administratif des décisions prises et arrêtées par le Président de la République.

A côté du Président de la République, on a évidemment le Premier ministre.

Le Premier ministre

Il n'existe pas de conditions particulières à remplir pour être Premier ministre. Pas besoin d'avoir le bac, pas besoin d'être élu, il suffit juste d'être nommé comme tel par le Président de la République. Donc, fonction assez facile à prendre, pas de qualification pré-requise.

En théorie, le Premier ministre ne peut être révoqué par le Président de la République. En effet, soit il remet la démission de son gouvernement au Président de la République, soit alors sa responsabilité est mise en cause dans les conditions de l'article 49 de la Constitution et alors il doit démissionner. Ça, c'est la théorie.

Dans la pratique, quand le Premier ministre finalement est issu de la même majorité que le Président de la République, alors le vrai chef, c'est le Président de la République et qu'il dispose du Premier ministre comme d'un véritable fusible.

Attributions

Les attributions du Premier ministre sont très importantes, surtout au terme d'une lecture combinée des articles 20 et 21 de la Constitution. En effet, l'article 20 dispose que le gouvernement détermine et conduit la politique de la nation. Il dispose de l'administration et de la force armée.

L'article 21, pour sa part, prévoit que le Premier ministre dirige l'action du gouvernement. Il est responsable de la défense nationale et il assure l'exécution des lois.

Sous réserve des dispositions de l'article 13, il exerce le pouvoir réglementaire et nomme aux emplois civils et militaires.

Quand on rapproche ces deux articles 20 et 21 et par syllogisme, on pourrait en conclure que, en tant que chef du gouvernement, le Premier ministre détermine et conduit la politique de la nation, ce qui s'oppose un peu à l'article 5 sur le rôle du Président de la République.

Les attributions du Premier ministre sont particulièrement importantes pour assurer la bonne marge des relations entre organes constitutionnels et notamment entre le Parlement et le gouvernement. Le Premier ministre assume politiquement les conséquences des choix menés, même si ces choix sont davantage ceux du Président de la République que les siens. Le Premier ministre assure un rôle de fusible extrêmement utile pour le Président de la République puisqu'il va porter la responsabilité du gouvernement devant le Parlement et le Premier ministre va porter devant le Parlement les erreurs commises par le Président de la République.

La présence de ce Premier ministre témoigne du caractère parlementaire de notre Régime dans la mesure où ce dernier engage sa responsabilité devant l'Assemblée Nationale. L'Assemblée Nationale peut révoquer à tout moment le Premier ministre et il a un rôle essentiel dans la fabrique de la loi.

Du point de vue plus administratif, le Premier ministre a la haute main sur l'administration et il dispose d'importantes prérogatives à cet effet. En principe, l'autorité de principe pour exercer le pouvoir réglementaire, c'est le Premier ministre, sous réserve des compétences attribuées au Président de la République. Le Premier ministre nomme aussi aux emplois civils et militaires. Donc il a un pouvoir de nomination très important et il est aussi responsable de la défense nationale. Ce qui lui confie un rôle important pour préparer le territoire à tout danger imminent.

Les services du Premier ministre

En sa qualité de chef de l'administration, le Premier ministre est entouré de nombreux services qu'il dirige et qui l'assiste dans ses différentes tâches. Le Premier ministre c'est le chef de la fonction publique, et il est donc assisté par une direction générale de l'administration et de la fonction publique.

Dans la pratique, souvent vous allez avoir un ministre ou un secrétaire d'état qui va être spécifiquement dévolu à ses tâches pour assister le Premier ministre et qui va être en charge de la fonction publique.

Parmi les nombreux services qui sont affectés au Premier ministre, il y en a un qu'il faut citer et retenir, c'est le SGG, le Secrétariat général du gouvernement. Là encore, statut coutumier du SGG mais qui est absolument essentiel. La mission de ce secrétariat consiste à assister le Premier ministre dans l'organisation et la coordination du travail gouvernemental ainsi que dans le déroulement des procédures législatives et réglementaires.

Le secrétariat général du gouvernement comprend un ensemble de chargés de missions qui assurent des missions qui sont très techniques, préparent les réunions, les dossiers interministériels, l'organisation juridique, contrôle de la régularité des projets de loi, des décrets suivi des programmes.

Il y a un rôle juridique extrêmement important du SGG pour assurer la cohérence, la fluidité mais aussi la légalité du travail gouvernemental. A sa tête on retrouve un secrétaire général qui a un rôle vraiment moteur dans l'administration française. C'est vraiment quelqu'un qui va mettre de l'huile dans tous les rouages administratifs du pays. Il va préparer par exemple en concertation avec le secrétariat général de l'Elysée l'ordre du jour du conseil des ministres, transmettre les instructions du Premier ministre au gouvernement et il va être consulté sur tout un tas de projets.

Actuellement, le secrétaire général du gouvernement c'est Claire Landais, c'est la première fois que c'est une femme et c'est une fonction assez stable qui survit en général aux alternances politiques. On a eu à peine une dizaine de SGG depuis la Vème République.

A noter l'existence du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, le SGDSN, qui est le volet militaire, des services administratifs qui sont placés sous la direction du Premier ministre.

À côté du Président de la République et du Premier ministre, on retrouve les ministres.

Les ministres

Quelques mots rapides sur les ministres : ils sont nommés conjointement par le Premier ministre et le Président de la République, qui peuvent mettre fin à tout moment à leur fonction en vertu de l'article 8 de la constitution. Là non plus il n'existe pas de conditions à pré-remplir pour être ministre, qu'il s'agisse d'être ministre d'ailleurs ou Premier ministre.

En revanche il existe d'importantes obligations en termes de prévention des conflits de l'intérêt. Il y a des obligations déclaratives à adresser à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, la HATVP, qui sont extrêmement lourdes et qui peuvent être sérieusement sanctionnées en cas de manquement, et qui renforcent l'obligation de transparence.

Mais en soi il n'y a pas de critères particuliers à respecter pour être ministre, simplement pour information il y a une distinction qui est faite entre différents types de ministres, les ministres d'Etat, les ministres classiques ou le plein exercice si vous voulez, les ministres délégués, les secrétaires d'Etat.

L'appellation ministre d'Etat est purement honorifique, purement protocolaire, pour marquer l'importance politique de la personne ou des fonctions qu'elle va exercer.

La fonction ministre c'est la fonction de base, le fait d'être ministre en tant que tel. Un ministre est celui qui va diriger des services administratifs importants. Un ministre important c'est celui qui va assurer la direction de différentes administrations. Si vous êtes ministre mais que vous n'avez aucune direction administrative qui est placée sous votre direction, en réalité vous n'êtes pas un très grand ministre.

En dessous on a les ministres délégués et le secrétaire d'Etat qui se voient confier une tâche d'exécution, une direction d'un point plus particulier de telle politique publique, qui se voient confier une politique publique donnée et qui sont placés soit sous la direction du Premier ministre, soit sous la direction d'un ministre et qui n'assistent pas systématiquement au conseil des ministres, comme les ministres d'Etat et les ministres de plein exercice, mais seulement lorsque le sujet les intéresse.

Les autorités seulement administratives.

Les autorités politico-administratives qu'on vient de voir sont finalement peu nombreuses, le Président de la république et le gouvernement, c'est-à-dire le premier ministre et les ministres. Ce sont des organes d'impulsion qui définissent avec le législateur la politique que les administrations doivent mettre en oeuvre. Ces administrations n'ont pas de personnalité juridique, distinctes de celles de l'état à laquelle elles appartiennent.

Doivent ainsi être distinguées les administrations de gestion, des administrations consultatives et des administrations de contrôle.

Les administrations de gestion

Il existe deux catégories d'administrations de gestion, c'est-à-dire les administrations qui mettent en oeuvre la politique gouvernementale, qui finalement exerce les fonctions quotidiennes d'administration.

Donc ces deux administrations de gestion sont d'une part les administrations centrales des ministères et d'autre part les services à compétence nationale. Ils ont pour point commun d'être placés sous l'autorité d'un ministre et leurs compétences s'appliquent à l'ensemble du territoire, ce qui distingue ces deux grandes administrations de gestion, SCN et administrations nationales, des administrations déconcentrées.

A ce titre, l'article 2 du décret du 7 mai 2015 portant charte de la déconcentration prévoit que sont confiées aux administrations centrales et aux services à compétence nationale les seules missions qui présentent un caractère national ou dont l'exécution en vertu de la loi ne peut être déléguée à un échelon territorial.

En général, ces administrations sont situées à Paris, mais il arrive parfois, sous l'effet des politiques d'aménagement du territoire, qu'elles soient citées dans d'autres villes, par exemple à Nantes est situé le service central de l'état civil du ministère de l'Europe et des affaires étrangères.

Les administrations centrales

Le rôle des administrations centrales est défini par l'article 3 du décret portant charte de la déconcentration.

I. - Les administrations centrales assurent, au niveau national, un rôle de conception, d'animation, d'appui des services déconcentrés, d'orientation, d'évaluation et de contrôle.

A cette fin, elles participent à l'élaboration des projets de loi et de décret et préparent et mettent en œuvre les décisions du Gouvernement et de chacun des ministres
Article 3, alinéa 1 et 2 du décret n° 2015-510 du 7 mai 2015 portant charte de la déconcentration

Voilà le rôle principal de ces administrations centrales qui est donc un rôle qui est établi au niveau national et qui est placé quand même à côté du gouvernement pour assister à la définition des politiques publiques. Evidemment ce rôle est ensuite plus détaillé par le texte.

Leurs relations entre les administrations centrales et les services déconcentrés de l'État sont également fixées par les textes. "Les administrations centrales maîtrisent, hiérarchisent, coordonnent et formalisent leurs directives et instructions aux administrations déconcentrées". C'est l'article 10 du décret 2015 portant charte de la déconcentration.

Et il faut savoir qu'au sein des ministères, ces directives sont adressées aux administrations déconcentrées par un canal unique; par le secrétaire général du ministère, qui va veiller à la cohérence de celle-ci par rapport aux directives nationales. Donc on va avoir à la volonté d'une véritable mise en cohérence des politiques publiques sur l'ensemble du territoire national.

Les administrations centrales traitent aussi des dossiers qui relèvent de l'exercice du pouvoir hiérarchique. Notamment lorsqu'une affaire normalement traitée par une administration déconcentrée est traitée par le ministère.

Concernant l'organisation des administrations centrales, celle-ci est fixée par un autre décret, un décret du 15 juin 1987 relatif à l'organisation des services des administrations centrales. Là c'est vraiment une organisation bureaucratique. Les services sont organisés en directions, directions qui sont elles-mêmes découpées en sous-direction, en services et en bureaux.

On a donc un cadre général qui est fixé par décret et qui fait l'objet de l'adaptation en fonction de chacune des administrations concernées.

Les services à compétences nationales ou SCN.

Le décret de 2015, portant charte de déconcentration, prévoit que les SCN peuvent se voir confier des fonctions de gestion, d'études techniques ou de formation des activités de production des biens ou de prestations de services, ainsi que toute autre mission opérationnelle qui présente un caractère national et correspond aux attributions du ministre sous l'autorité duquel ils sont placés.

Il ressort de cette définition que les attributions des SCN ont un caractère national et c'est ce qui va les différencier des services déconcentrés. C'est ce qui les distingue aussi des administrations centrales. Le SCN va prendre en charge une tâche opérationnelle.

En général, les tâches opérationnelles sont assurées à l'échelon déconcentré, sauf dans le cadre des SCN. C'est finalement la prise en charge d'une charge opérationnelle, mais à un échelon national. Voilà ce qui distingue les SCN à la fois des autorités centrales, ce caractère opérationnel, et ce caractère national, c'est ce qui va les distinguer des autorisations déconcentrées.

Les SCN vont être placés soit sous l'autorité d'un ministre ou du premier ministre, soit d'un directeur d'administration centrale, soit plus modestement d'un chef de service.

Pour donner différents exemples de SCN, vous avez un SCN interministériel, placé sous l'autorité de plusieurs ministres, par exemple l'agence française anti-corruption, qui est placée sous la compétence du ministre de la justice et du ministre du budget.

Pour un exemple de SCN rattaché à un directeur d'administration centrale, l'école nationale des finances publiques, qui est rattaché auprès du directeur général des finances publiques, qui a une mission opérationnelle générale.

On trouve une liste importante des différents SCN, et c'est vraiment des services qui sont en charge de mettre en œuvre très concrètement une mission.

À côté des administrations de gestion, administrations centrales et SCN, on a les administrations consultatives.

Les administrations consultatives

Les organes consultatifs placés auprès des administrations centrales sont aujourd'hui vraiment très nombreux, et diverses tentatives de rationalisation ont eu lieu pour en diminuer le nombre et accroître leur efficacité. Par ailleurs, au-delà de la consultation d'organismes ad hoc, qui vont être spécialisés pour tel ou tel type de consultation, on a des organismes à caractère plus général.

A côté des formes traditionnelles de consultation, on peut avoir des formes générales de consultation du public, qui sont notamment prévues en matière environnementale. On a l'article 7 de la charte de l'environnement, qui a une valeur constitutionnelle, parce que cette charte de l'environnement est adossée à la Constitution française via la mention qui en est faite par le préambule de la constitution de 1958, c'est une révision constitutionnelle de 2005. Et cet article 7 de la charte de l'environnement prévoit le droit de toute personne de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement. Et ce droit est décliné notamment par les dispositions du code de l'environnement.

On va se concentrer sur deux administrations particulièrement importantes en matière de consultation : le Conseil d'état d'un côté et le conseil économique, social et environnemental, c'est-à-dire le CSE de l'autre.

Le conseil d'état

On reviendra plus longuement peut-être sur cette institution dans le cadre du dernier chapitre, relatif au juge de l'administration.

Le principe de la création du Conseil d'état remonte à l'article 52 de la constitution du 22 frimaire an VIII, c'est-à-dire une loi du 13 décembre 1799. C'est une création de consulat, c'est même une création de Bonaparte.

Cet article 52 de la constitution du 22 frimaire an VIII disposait que sous la direction des consuls, "un conseil d'état est chargé de rédiger les projets de loi et les règlements d'administration publique et de résoudre les difficultés qui s'élèvent en matière administrative".

Cette phrase est vraiment essentielle pour comprendre l'histoire administrative du pays et pour voir ce que les missions du Conseil d'état ont de plus singulier. D'emblée, le Conseil d'état s'est vu confier deux grandes missions.

D'un côté, rédiger les projets de loi et les règlements d'administration publique et de l'autre côté, résoudre les difficultés qui s'élèvent en matière administrative. La première mission correspond à ce qu'on appelle la fonction consultative du Conseil d'état.

Mais la seconde mission, résoudre les difficultés en matière administrative, c'est ce qui correspond à sa fonction juridictionnelle qu'on étudiera plus tard.

Cette double casquette du Conseil d'état, à la fois juge et conseiller de l'administration, est désignée par une expression qui est importante à retenir et qui a été assez simple à comprendre, c'est celle de la dualité fonctionnelle du Conseil d'état, parce qu'il exerce deux fonctions.

Le Conseil d'état est en effet d'abord le conseiller du gouvernement et la Constitution prévoit qu'il est obligatoirement saisi des textes les plus importants devant être délibérés en conseil des ministres comme par exemple les projets de loi et les projets d'ordonnances, les articles 39 et 38 de la constitution. Le gouvernement est libre de rendre ou non publique l'avis du Conseil d'état donné sur de tels textes. Pendant longtemps, ces derniers sont demeurés confidentiels et ils étaient protégés par le secret des délibérations du gouvernement. Mais la pratique plus récente depuis François Hollande est d'en assurer la publication, ce qui a changé un peu la nature de ces avis qui de secret sont devenus publics.

La loi peut également prévoir que certains décrets, c'est à dire certaines décisions du premier ministre ou éventuellement du président de la république, doivent être reprises après l'avis du Conseil d'état.

Mais la saisie du conseil d'état peut aussi être facultative. Le gouvernement qui souhaite être éclairé à propos d'un projet de texte ou qui peut demander au conseil d'état plus largement une étude sur quelques points techniques assez délicats.

En théorie, l'intervention du Conseil d'état, ce n'est pas un conseiller politique mais c'est un conseiller juridique et administratif. Le Conseil d'état raisonne en droit et en bonne administration et veille à la cohérence des politiques publiques.

Le Conseil d'état est ainsi composé d'une section du contentieux, divisé en plusieurs champs et de cinq sections consultatives, les sections administratives, intérieures, finances, travaux publics, la section sociale et la section d'administration, plus une section du rapport et des études.

Donc ce sont les cinq sections administratives qui vont élaborer les avis sur les principaux projets de texte. Depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, une innovation importante a eu lieu pour permettre à un parlementaire auteur d'une proposition de loi, via le président de la chambre concernée, de saisir pour un avis le Conseil d'état. Cela a diversifié le rôle de l'institution qui devient aussi le conseiller du parlement.

A côté, on a un autre organe, le conseil économique, social et environnemental.

Le conseil économique, social et environnemental, CESE

Le CESE n'a pas l'importance du Conseil d'état. Cette instance de consultation est prévue par le titre 11 de la Constitution et vise à permettre la consultation de la société civile.

Actuellement, le CESE est composé de 175 membres dont les fonctions sont incompatibles avec l'exercice d'un mandat parlementaire. Il comprend autant de représentants des salariés que des entreprises et des professions libérales, que des représentants de la cohésion sociale et de territoire et de la vie associative, et des représentants d'associations de protection de l'environnement. C'est vraiment l'idée de représenter la société civile dans sa diversité.

Son rôle traditionnel, prévu par la Constitution, est de donner justement son avis sur les projets de loi ou d'ordonnances ou même de décrets qui lui sont soumis. Sa consultation s'effectue à la discrétion du gouvernement. Et l'avis du CESE n'est pas un avis juridique mais exprime davantage la sensibilité de ses membres, de la société civile, sur les sujets ouverts à discussion.

Avec la révision de 2008, le CESE organise aussi l'exercice d'un droit de pétition qui permet d'attirer l'attention du gouvernement sur certains sujets de société mais qui ne fonctionnent pas très bien.

La grande évolution du CESE correspond à une loi organique du 15 janvier 2021, qui change la nature de cette institution pour renforcer son rôle, notamment dans le rôle des consultations en faisant en sorte que lorsque plusieurs consultations sont organisées par les textes, la consultation du CESE réunisse l'ensemble des consultations.

Surtout, un élément qui est assez original dans cette réforme est relatif à l'organisation des conventions citoyennes. L'organisation de conventions citoyennes, qui est gérée par le CESE, correspond à une nouvelle forme de participation du public, c'est-à-dire une réunion de citoyens éclairée par des travaux d'experts qui sont chargés de débats de grandes politiques publiques. On a eu deux exemples de conventions citoyennes sur le climat et plus récemment sur la fin de vie. Après avoir débattu, ce groupe de citoyens est chargé d'élaborer des propositions au gouvernement.

Quelques éléments marquants dans l'organisation, d'abord la composition de cette instance de consultation, de ces conventions citoyennes, elle s'effectue par un vrai-faux tirage au sort de 150 citoyens, parce que d'abord il faut avoir accepté de participer au tirage au sort, ce qui s'effectue par démarchage téléphonique, mais on a de nombreux critères de désignation qui ont été faits pour rendre cette assemblée la plus représentative.

Il faut une certaine portion d'hommes et de femmes, une parité âge, niveau diplôme, de catégorie socioprofessionnelle, de handicap ou pas, c'est un tirage au sort mais en fait il faut vraiment cocher toutes les cases de la représentativité de la société française. Donc c'est pas un demi, c'est pas vraiment un tirage au sort, plus un tirage au sort tempéré.

On a une assemblée de citoyens qui est chapeautée par un comité de gouvernance qui est chargé de jeter un regard extérieur sur l'organisation du tirage au sort, sur les travaux, et puis un certain nombre d'intervenants éclairent les débats par leur expertise.

Ces conventions citoyennes rendent donc un rapport qui comprend de nombreuses propositions qui sont souvent formulées avec la majorité exprimée. Donc la majorité s'est plutôt exprimé pour à 75%, à 40%, ce n'est pas binaire comme rapport.

Et ce rapport comprend plusieurs propositions qui ont vocation à chaque fois à être reprises par le gouvernement, à la discrétion du gouvernement qui évidemment est libre de reprendre ou non, mais il est difficile d'organiser une convention citoyenne et de ne rien en retenir.

Après les administrations de gestion, les administrations consultatives, il y a les administrations de contrôle.

Les administrations de contrôle

Dans une administration de droit, le contrôle de l'action administrative s'impose notamment évidemment en ce qui concerne la régularité juridique de ces décisions. C'est le principe notamment de l'égalité qui impose que l'administration soit soumise au droit. Et on a des organes juridictionnels, notamment les tribunaux administratifs, les cours administratifs d'appel avec à leur tête le Conseil d'état, qui veillent à la légalité de l'action administrative.

Mais à côté de ce contrôle purement juridictionnel de l'activité administrative, la tradition administrative française accorde une large place au contrôle non juridictionnel de l'administration. Et des corps d'inspection ont été créés à cet effet, dont les missions ont été enrichies au fil du temps.

Inspection générale des finances (IGF), inspection générale de la police nationale (IGPN), inspection générale des affaires sociales (IGAS). Toutes ces grandes inspections sont assez connues, dans les médias on entend souvent parler du rapport de telle grande inspection, de contrôle mené par telle grande inspection.

En France il existe une grande variété de services d'inspection générale, au moins une vingtaine, il y a différentes façons de procéder au calcul mais au moins d'une vingtaine.

Traditionnellement, chacune de ces inspections constituait un grand corps où l'on pouvait y effectuer toute sa carrière, carrière souvent assez prestigieuse et par exemple le recrutement de l'inspection générale des finances s'effectuait à la sortie de l'ENA, c'est les premiers qui sortaient de l'école nationale d'administration, ceux qui étaient classés dans les premiers, ce qu'on appelle la botte à la fin du concours de sortie, qui pouvaient avoir vocation à intégrer l'IGF et y faire toute leur carrière.

Alors aujourd'hui les choses ont été substantiellement révisées.

D'abord l'ENA a été supprimée et remplacée par l'Institut National du Service Public, l'INSP, et on a eu une réforme générale de l'encadrement supérieur de l'État, qui a conduit à la suppression des corps d'inspection, ce qui fait que ce n'est plus au sein de l'administration un corps autonome où l'on pourrait y effectuer toute sa carrière, ce sont désormais de simples emplois auxquels on est affecté après avoir eu une expérience de terrain.

Donc on ne peut plus faire toute une carrière dans les corps d'inspection, maintenant il y a plus d'allers-retours et on n'est pas recruté directement à la sortie de l'INSP, donc le successeur de l'ENA, mais après une expérience sur le terrain.

Ces administrations d'inspection, ces grandes inspections, mènent des missions variées, missions qui se sont progressivement enrichies au fil des ans. Aujourd'hui on pourrait dire que les corps d'inspection, même si ce ne sont plus des corps, les grandes inspections exercent une quadruple mission, une mission de contrôle, une mission d'audit, de conseil et d'évaluation.

La fonction de contrôle des inspections générales est le fondement initial de leur mission, elle repose sur des investigations approfondies, le contrôle mené à posteriori. L'objectif d'un contrôle, c'est de déceler les erreurs de gestion et de confondre les fonctionnaires indélicats. C'est vraiment un contrôle au sens strict du terme, voir si les agents de l'administration ont suivi les procédures.

A côté de ces missions de contrôle, les inspecteurs effectuent aussi un travail d'audit et de conseil, qui est déjà plus valorisé, afin de vérifier que les résultats obtenus correspondent à l'objectif fixé. Donc là, ce n'est pas juste de suivre la régularité des décisions prises par les agents, mais de voir si dans la mise en œuvre des politiques publiques, les résultats recherchés ont été obtenus et conformes à l'objectif fixé, ce qui est déjà une mission un peu plus intéressante.

Et au-delà, on a effectivement la question de l'évaluation, qui est très intéressante, qui s'agit de voir dans quelle mesure telle politique publique a été mise en œuvre, est-ce qu'elle est performante, quels sont les moyens d'améliorer la politique publique en cause.

D'un contrôle vraiment axé sur la régularité d'un certain nombre d'opérations, on passe à l'audit et à l'évaluation des politiques publiques, qui font qu'en réalité, c'est une forme de remise à plat de l'action administrative, pour voir si celle-ci est pertinente, et ce qui permet de diversifier les missions de ces inspections générales.

Section 2 – La décentralisation fonctionnelle (ou horizontale) et la régulation

La décentralisation fonctionnelle se caractérise comme un procédé consistant à octroyer à certains services publics la qualité de personnes publiques, en associant parfois agents et usagers à la gestion de ceux-ci.

Elle répond d'abord à un souci d'efficacité. Il s'agit d'assurer une répartition aussi satisfaisante que possible des fonctions de l'administration. Le caractère décentralisateur de cette forme de décentralisation fonctionnelle est parfois discuté. Certains y voient une forme de déconcentration déguisée, avec une autonomie de gestion de façade, mais une tutelle suffisamment étroite pour permettre au pouvoir central d'imposer ses choix.

La catégorie juridique de base de la décentralisation fonctionnelle correspond à l'établissement public.

La définition traditionnelle de l'établissement public est celle d'un service public doté d'une personnalité juridique.

Les établissements publics sont nationaux quand la collectivité publique à laquelle ils sont rattachés est l'État, et les établissements publics sont locaux lorsque la collectivité publique de tutelle à laquelle ils sont rattachés est une collectivité territoriale.

On peut également se demander si la façon dont les activités de régulation sont organisées et prises en charge par des organismes spécifiques dédiés à cette tâche, et qu'on appelle les autorités administratives ou les autorités publiques indépendantes, ne correspond pas à la forme la plus poussée de décentralisation fonctionnelle.

En science politique, la notion de régulation sert à désigner les nouveaux visages de l'État. Il ne s'agit pas pour l'État de prendre directement en charge certaines fonctions, mais de jouer le rôle d'un arbitre extérieur chargé de maintenir l'équilibre dans l'exercice de certaines activités, en créant un cadre, qui permette l'exercice, par des personnes privées, de l'activité régulée, et de résoudre les tensions qui sont susceptibles de survenir au sein de ce cadre.

Il existe de nombreux acteurs de la régulation. Toute autorité administrative qui intervient sur un marché peut être considérée comme une autorité de régulation. Mais du point de vue des institutions administratives, l'originalité de cette mission tient au fait qu'elle est exercée par une catégorie organique bien particulière, celle des autorités administratives indépendantes, les A.A.I. ou celle des autorités publiques indépendantes, les A.P.I.

Les A.A.I. de façon générale désignent une catégorie propre d'institution administrative créée par le législateur et placée en dehors du cadre des structures administratives traditionnelles et notamment du pouvoir hiérarchique du gouvernement. En cela, elles peuvent être considérées comme de véritables acteurs de la décentralisation puisque des compétences leur sont confiées sans que l'État ne puisse contrôler leur mise en œuvre.

Après les avoir caractérisées davantage, il faudra s'intéresser à leur pouvoir.

Caractérisation

Pour parler avec pudeur, les autorités administratives indépendantes ont connu un développement marqué par l'empirisme. Mais il est malgré tout possible d'en dégager quelques traits.

Pour schématiser, deux grandes phases peuvent être observées. D'une part avant la réforme du 20 janvier 2007, d'autre part après la réforme du 20 janvier 2007.

Identification

Les A.A.I. ont dans le paysage français une origine qui est assez ancienne et peu glorieuse, puisque la doctrine estime que la première autorité administrative indépendante correspondrait à la commission de contrôle des banques qui avait été créée en 1941 sous le gouvernement de Vichy et qui était un instrument, un organe qui promouvait le corporatisme, c'est à dire le mode de relation au travail du gouvernement de Vichy.

Jusqu'aux années 70, ce mouvement est resté en sommeil. Ses structures n'ont pas connu de développement particulier.

L'expression A.A.I. donc autorité administrative indépendante est employée pour la première fois par le législateur avec la très importante loi informatique et liberté du 6 janvier 1979. Et le législateur qualifie comme telle la CNIL, la commission nationale informatique et liberté qui existe encore et qu'elle instituait. Donc la première véritable A.A.I. n'est pas en matière de régulation économique mais bien de protection des droits et des libertés.

Par la suite, on a assisté à un développement qu'on peut qualifier de foisonnant et en même temps de non rigoureux des A.A.I. Le législateur a également employé l'expression autorité publique indépendante.

À la différence des autorités administratives classiques qui relèvent de la personnalité morale de l'état, les A.P.I. sont dotées de leur propre personnalité morale et donc elles engagent en théorie leur propre responsabilité et disposent d'un patrimoine. Exemple d'A.P.I. : l'AMF, l'autorité des marchés financiers, l'agence française de lutte contre le dopage.

Finalement, les enjeux de droit entre A.A.I. et A.P.I. sont souvent à relativiser. L'autonomie et l'indépendance des autorités administratives indépendantes est telle qu'on peut les inclure dans la décentralisation même si les A.A.I. au sens strict sont dépourvus de personnalité morale.

À l'occasion d'un rapport fait en 2001 sur ce sujet, le Conseil d'état a distingué trois critères d'identification des A.A.I.

La caractérisation

Il est possible quand même de dresser une forme de portrait général de ces A.A.I. On peut distinguer, mais c'est schématique évidemment et raccourci, deux grandes catégories d'A.A.I. : celles qui interviennent en matière de régulation économique et celles qui interviennent pour assurer la sauvegarde des droits et libertés du citoyen. Encore une fois, il s'agit de distinctions schématiques.

D'abord, les A.A.I. de régulation économique. Là encore, on peut à nouveau distinguer deux sous-catégories de tels A.A.I. à savoir celles qui ont un objet transversal général et celles qui ont un objet plus sectoriel.

On a effectivement une catégorie d'A.A.I. à objet transversal de régulation de l'économie. On en a trois grands exemples : l'autorité de la concurrence, l'autorité des marchés financiers et bien qu'elle ne soit plus qualifiée aujourd'hui d'A.A.I. mais initialement elle était comme telle, l'autorité de contrôle prudentiel et de résolution. Là, c'est l'idée de confier des pans sensibles de régulation de toute l'économie à une autorité indépendante.

On rencontre de façon plus fréquente, en tout cas elles sont plus nombreuses, des autorités administratives indépendantes à objet sectoriel. Ces A.A.I. ont accompagné l'ouverture à la concurrence d'anciens services publics qui auparavant étaient gérés sous forme monopolistique. Par exemple, la commission de régulation de l'énergie ou l'ARCEP, l'autorité de régulation des communications électroniques et des postes.

Il peut y avoir aussi des A.A.I. sectoriels mais qui ne sont pas forcément liés avec l'idée d'ouverture de la concurrence mais qui sont liés à la spécificité technique de l'objet surveillé et l'exemple typique c'est l'ASN, l'autorité de surveillance du nucléaire.

La pertinence du modèle des autorités administratives indépendantes a séduit dans ces domaines qui sont marqués par un double besoin qui est celui de la technicité du secteur en cause et de l'indépendance à l'égard de l'Etat pour garantir la mise en oeuvre de la concurrence et l'application parfois des règles de sécurité dans le cas du nucléaire.

Des A.A.I. ont aussi été développés en matière de droits et libertés, notamment pour contrôler l'activité tant de l'Etat que des personnes privées. Encore une fois, l'idée de passer par une A.A.I. est justifiée par des motifs d'indépendance et de technicité des missions exercées.

Le premier exemple d'A.A.I. en matière de droits et libertés c'est la CNIL, la Commission Nationale Informatique et Liberté qui avait été créée par la loi du même nom, Informatique et Liberté, en 1979. Autre exemple, l'ancien CSA, désormais devenu ARCOM, donc auparavant Conseil Supérieur de l'Audiovisuel, maintenant Autorité de Régulation de la Communication, dont l'objet est mixte, puisqu'il s'agit à la fois d'assurer la régulation économique du secteur audiovisuel et en même temps de garantir le pluralisme des courants de pensée et d'opinion. On peut également ranger dans cette catégorie, par exemple, le défenseur des droits, qui est une forme d'autorité administrative indépendante constitutionnellement reconnue depuis la révision du 23 juillet 2008 à son propre titre dans la constitution.

La réforme du 20 janvier 2017 et le statut des A.A.I.

On a une grande réforme du statut des autorités administratives indépendantes qui, malgré une tentative de redéfinition, n'a finalement pas changé grand chose à cette notion.

La redéfinition législative des autorités administratives indépendantes.

Cette multiplication, parfois pas très ordonnée des A.A.I., a donné lieu à d'importantes critiques et notamment des critiques qui ont émané de la part de certains parlementaires, qui avaient l'impression d'être dépossédés de leur prérogative en voyant des organismes de nature administrative pas véritablement contrôlés.

Cette critique lancinante contre les autorités administratives a abouti à une réforme du 20 janvier 2017, une loi organique et une loi ordinaire, qui engendre la création d'un statut des AAI et des API. Le législateur a d'ailleurs voulu dissiper le trouble qui existait auparavant sur la qualification d'AAI et qui relevait finalement de qualification jurisprudentielle lorsque le législateur n'était pas très précis.

Désormais, toute autorité administrative indépendante ou autorité publique indépendante est instituée par la loi, donc il ne peut y avoir d'AAI qu'instituée par le législateur. La loi fixe les règles relatives à la composition et aux attributions ainsi que les principes fondamentaux relatifs à l'organisation et au fonctionnement des AAI et des API. Elle fixe également les principaux éléments du statut des AAI en adressant une liste.

D'ailleurs, la Constitution de la liste prévue dans le cadre de cette réforme des AAI a donné lieu d'âpres discussions. Le secrétaire général du gouvernement avait par exemple recensé l'existence de 42 AAI, mais au final il n'y en a que 26 qui ont été retenus.

La notion d'AAI

Si l'existence d'un statut général et d'une énumération limitative des AAI et API constituent une innovation notable, la portée du changement ne doit pas être surestimée, le législateur ayant opté pour une démarche d'harmonisation autour du plus petit dénominateur commun, ce qui fait que d'une AAI à l'autre en termes de statut et d'organisation, il y a une grande diversité qui subsiste.

Tout d'abord, si on veut essayer de qualifier de façon générale les AAI, ce sont bien des autorités administratives, parce que leurs fonctions ne les rattachent ni à l'activité législative, ni à l'activité judiciaire. Elles procèdent bien de l'administration de l'État.

Ce ne sont donc pas des juridictions au regard du droit interne, même si le Conseil d'État, sous l'influence de la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l'Homme, estime qu'elles doivent, lorsqu'elles statuent en matière de sanctions, respecter des garanties minimales du droit à un procès équitable, on peut voir cela dans un arrêt Didier de 1999.

En outre, les AAI sont indépendantes. Mais cette indépendance s'apprécie par rapport au gouvernement, puisque, au contraire de ce qui se fait en matière de déconcentration par exemple, il n'existe pas de pouvoir hiérarchique du gouvernement à l'égard des AAI, bien que ce soit des administrations de l'État.

Et l'indépendance est notamment mise en oeuvre de façon plus concrète par la composition des AAI. Les règles de composition varient d'une AAI à l'autre. En général, elles sont composées de personnalités qualifiées du secteur en cause, ainsi que de magistrats et de membres du Conseil d'État, ou de la Cour des Comptes, et parfois des élus. Le mandat est d'une durée comprise généralement entre 3 à 6 ans, qui éventuellement peut être renouvelable une fois. En revanche, les personnes nommées au sein du collège d'une AAI sont irrévocables.

Généralement, les membres d'une AAI sont nommés par décision du Président de la République, ou du Président du Sénat et de l'Assemblée Nationale, après audition devant l'une des commissions prévues par l'article 13 de la Constitution.

Pouvoirs

Les AAI constituent le symbole de la modernité administrative. Il y a cette idée que la régulation est en dehors de la contrainte, que l'acte de régulation, c'est celui qui n'aurait pas d'effet impératif, dont la force de conviction, en raison du prestige de l'institution, serait suffisante à elle seule pour provoquer les effets voulus. Cela est évidemment trop exagéré.

Certainement, les AAI disposent d'un important pouvoir d'incitation, de suggestion. Mais il n'en demeure pas moins qu'elles procèdent également par la contrainte, et que c'est la possibilité d'employer leur prérogative de puissance publique qui fait d'elles de véritables autorités administratives.

Les AAI sont compétentes pour prendre de nombreux actes administratifs, et notamment des mesures individuelles traditionnelles, comme l'autorisation préalable par exemple. L'ARCOM, une de ses compétences les plus importantes, c'est l'autorisation pour une chaîne de télé d'émettre sur tel type de fréquence et donc de diffuser une émission.

On a deux catégories d'actes des AAI qui ont suscité des discussions plus particulières : le pouvoir réglementaire et le pouvoir de sanction.

Le pouvoir réglementaire des AAI

L'attribution d'un pouvoir réglementaire aux autorités administratives indépendantes, c'est-à-dire la faculté d'émettre des normes impersonnelles et générales, a soulevé des problèmes juridiques de légitimité notamment.

Comment admettre qu'un tel pouvoir normatif puisse être exercé par une autorité administrative, une autorité publique, échappant à tout contrôle public ou hiérarchique, sachant qu'au terme de la Constitution, normalement, si on prend les articles 21 et 20, le pouvoir réglementaire, l'exercice du pouvoir réglementaire, revient au seul Premier ministre sous réserve éventuellement des compétences du Président de la République ? Cette question délicate a notamment été réglée par la jurisprudence du Conseil Constitutionnel.

On peut citer par exemple la décision du 18 septembre 1986 ou la décision du 17 janvier 1989, qui admettent le principe d'une telle délégation de compétences que si celle-ci est de portée limitée, tant en termes de champ d'application que par son contenu, pour permettre à l'autorité de strictement mettre en œuvre les missions dont cette autorité est investie.

Le pouvoir de sanction des AAI

Les difficultés soulevées par l'attribution d'un pouvoir de sanction aux Aïe relèvent un petit peu du même angle que celle relative à l'attribution du pouvoir réglementaire, notamment s'agissant de leur légitimité.

La première difficulté juridique est la conformité de la répression, ce qu'on appelle la répression administrative, c'est-à-dire le fait que les sanctions soient infligées par une autorité administrative, donc c'est la conformité de la répression administrative au principe de séparation des pouvoirs. Dans la logique institutionnelle classique, il revient en effet au juge seul et singulièrement au juge pénal de sanctionner les atteintes aux droits.

Donc comment admettre que l'administration et singulièrement les autorités administratives puissent faire ça ? La réponse a encore été donnée par les deux jurisprudences du Conseil Constitutionnel, et notamment la décision du 17 janvier 1989, qui modifiait la loi relative à la liberté de communication.

Pour le Conseil Constitutionnel, une autorité administrative, même indépendante, peut tout à fait être dotée d'un pouvoir de sanction sans que cela ne porte atteinte à la séparation des pouvoirs, mais dans la limite nécessaire à l'accomplissement de ses missions :

Donc le Conseil Constitutionnel ne s'oppose pas à ce que les autorités administratives indépendantes exercent un pouvoir de sanction, mais à condition de respecter un certain nombre de standards en matière de droits et libertés.

Les pouvoirs d'incitation

La marque de fabrique des autorités administratives indépendantes est l'utilisation qu'elles font du droit souple, c'est-à-dire l'utilisation d'actes incitatifs sans porter strictement impératif qui en tant que tel ne modifie pas l'ordonnancement juridique.

Et le droit souple s'est beaucoup développé chez les AAI, ça fonctionne bien puisqu'on sait qu'elles sont très compétentes dans leur domaine et qu'en plus elles peuvent prendre des sanctions. Donc les acteurs sont prêts à se plier globalement aux actes ou aux conseils ou aux recommandations annoncées par ces autorités.

Pendant très longtemps, le Conseil d'État estimait qu'il n'avait pas à connaître de tels actes, mais par un arrêt notamment du 21 mars 2016, un arrêt Fairvesta, le Conseil d'État a estimé qu'il ne pouvait pas rester à côté de ce phénomène et a accepté, sous certaines conditions, de contrôler les actes de droit souple au regard de l'importance de leurs effets.

Chapitre III. Les administrations locales

L'expression « administrations locales » est particulièrement vague, parce qu'elle ne dit rien sur la nature de l'administration en question, si ce n'est qu'il ne s'agit pas d'une administration centrale ou nationale.

Le local, par définition, c'est tout ce qui n'est pas national, c'est-à-dire les territoires dont les limites géographiques sont strictement bornées au sein du territoire national. Pour le reste, les administrations locales ne sont pas synonymes de collectivités territoriales, il faut bien faire attention à ça.

L'État est bien évidemment présent partout sur le territoire. Et s'agissant des collectivités territoriales, le particularisme de l'Outre-mer suppose de les distinguer des collectivités métropolitaines.

Section 1 – L’État dans les territoires

"On n'administre bien que de près", la déconcentration répond à cette maxime, l'État ne peut pas tout diriger depuis Paris, il doit être présent évidemment sur l'ensemble du territoire. Et les autorités déconcentrées, qui pour mémoire n'ont pas de personnalité morale distincte de l'État, la préfecture n'a pas de personnalité morale, c'est l'État, demeurent hiérarchiquement subordonnées à une autorité supérieure.

Différents niveaux d'action de l'État sont constitués à travers le territoire au centre desquels apparaît la figure du préfet.

Les échelons de l'action locale.

Les cadres de l'action déconcentrée de l'État sont notamment énoncés par le décret du 7 mai 2015 portant charte de la déconcentration. Quatre principaux échelons sont à distinguer, la région, le département, l'arrondissement et la commune.

La circonscription régionale

Le cadre régional constitue un pivot de coordination de l'administration déconcentrée de l'État dans les territoires. Leur tracé a varié, et si les régions naissent dans les années 1960, elles ne deviennent des collectivités territoriales qu'avec l'acte 1 de la décentralisation en 1992.

Avec la loi du 16 janvier 2015, elles sont de façon assez drastique, assez brutale, passées de 22 à 13, ce qui a évidemment conduit à une réorganisation des préfectures de régions puisqu'il y a une préfecture de région par région : si on modifie la carte de région, on modifie la carte des préfectures.

La circonscription départementale

Le département constitue l'échelon de base de la déconcentration. Le décret du 7 mai 2015, c'est le fameux décret portant en charge de la déconcentration, le désigne plus précisément comme "l'échelon territorial de mise en œuvre des politiques nationales et de l'Union Européenne".

Le découpage de la France en département a été décidé à la fin de l'année 1789, au tout début de la révolution, et réalisé par un décret du 26 février 1790. Il n'a pas connu de grands bouleversements ce découpage en tant que tel, mais plutôt des adaptations.

Le chef lieu du département correspond aussi au siège de la préfecture et à celui du conseil départemental.

L'arrondissement

L'arrondissement, est une façon un peu désuète à nos oreilles, mais la subdivision des départements en arrondissement est en fait assez ancienne puisqu'elle remonte à une loi du 28 pluviôse an VIII, loi très importante du reste, qui correspond au 17 février 1800.

Cette circonscription a servi d'emblée à l'implantation des sous-préfectures, avec à leur tête un sous-préfet qui, initialement, était entouré d'un conseil, d'abord nommé puis ensuite élu. Malgré cela, cet échelon d'administration ne pourra pas s'imposer comme un véritable cadre de la décentralisation et donc il n'y aura pas de développement d'une personnalité morale autonome de l'arrondissement, et l'idée des conseils d'arrondissement ne va pas survivre à la seconde guerre mondiale.

Donc aujourd'hui l'arrondissement n'est plus qu'un simple échelon déconcentré, sans coïncidence avec le tracé d'une autre collectivité territoriale, comme c'est le cas pour la région, le département ou même la commune. Et les arrondissements correspondent au réseau des sous-préfectures, qui est d'ailleurs un réseau très ancien et qui pourrait parfois mériter d'être redessiné pour tenir compte de l'évolution des territoires.

La commune

La commune est un cas un peu particulier, puisqu'elle constitue la cellule de l'administration déconcentrée la plus proche du citoyen. Mais, bien que ce soit quand même une cellule de l'administration déconcentrée, l'État n'y dispose cependant pas d'un agent propre nommé par lui.

Il emprunte à la commune l'un de ses organes les plus importants, le maire, puisque le maire va cumuler deux casquettes, en cumulant finalement les fonctions de représentant de la commune, personne morale décentralisée, et pour lesquelles il a été élu, mais à côté de cette fonction de représentation de la commune personne morale décentralisée, le maire est aussi un agent de l'État, d'un échelon déconcentré.

Comme agent de l'État, le maire dispose d'attributions importantes en matière par exemple de types, de certifications, de polices, pour lesquelles il relève de l'autorité hiérarchique du préfet ou parfois du procureur de la République en matière de polices judiciaires.

L'autorité préfectorale

La figure de l'État dans l'ensemble des territoires, c'est bien le préfet. Attention, le préfet est une autorité administrative, pas une personne publique, une personne physique publique ça n'existe pas. Cette fonction est assurée au service de l'État.

Cette institution, le préfet, a été créée en même temps que le département par la loi du 28 pluviôse an VIII. Si initialement le préfet fut conçu comme l'instrument essentiel de l'administration de l'État dans le département, son rôle s'étendit au niveau régional avec l'instauration des préfets de région en 1964.

Les préfets de département et les préfets de région sont régi en grande partie par des dispositions communes, auxquelles s'ajoutent quelques dispositions spécifiques,

Dispositions communes ou générales

Les préfets de région, c'est important à souligner, sont eux-mêmes les préfets des départements où sont implantés les chefs-lieux de région.

Prenons la région Pays de la Loire, chef-lieu Nantes, à Nantes vous allez avoir le conseil régional des Pays de la Loire, mais aussi puisque Nantes est en Loire-Atlantique le conseil départemental de Loire-Atlantique et vous allez avoir une préfecture. Et le préfet de Nantes sera préfet du département Loire-Atlantique, mais également préfet de la région Pays de la Loire.

Le statut préfectoral

Pendant longtemps, on peut considérer que le préfet n'a pas eu de véritable statut, compte-tenu de sa dépendance étroite avec les autorités politiques.

Et il faut commencer à attendre les années 50 et surtout un décret de 1964 qui a souvent été modifié pour qu'un statut des préfets soit posé. Ce décret de 1964 a été partiellement abrogé par un décret plus récent du 6 avril 2022 relatif aux emplois de préfets et de sous-préfets.

Et ce décret fait suite à une réforme très importante portant sur l'encadrement supérieur de l'Etat, réforme portée par l'ordonnance du 2 juin 2021 et qui supprime la plupart des grands corps de l'Etat pour les fusionner dans une catégorie générale, celle d'administrateur de l'Etat. Donc le corps des préfets, c'est-à-dire un groupement de métiers dans lequel on exerce toute sa carrière, a été supprimé en tant que tel, mais la fonction, en revanche, l'emploi demeure.

Bien qu'ils aient une fonction interministériale, le préfet reposant sur tous les membres du gouvernement, les préfets restent régi par les services du ministère de l'Intérieur et pas paradoxalement par ceux du Premier ministre : c'est le ministre de l'Intérieur qui a un peu la main sur les préfets.

L'emploi de préfet demeure à la discrétion du gouvernement. Pour simplifier, on parle maintenant de postes à la décision du gouvernement dans le cadre des réformes de simplification administrative, ce qui est complètement idiot parce que tout acte pris par le gouvernement est à la décision du gouvernement, tandis que quand on fait référence à la discrétion du gouvernement, ça exprime bien le caractère discrétionnaire, c'est-à-dire le libre choix mené par le gouvernement.

Qu'est-ce que ça veut dire que les préfets sont à la discrétion ou à la décision du gouvernement ? Celaa signifie qu'ils sont librement nommables et révocables par le gouvernement. Un préfet qui fait des vagues, on peut le renvoyer du jour au lendemain.

Plus précisément, les préfets sont nommés en conseil des ministres, c'est-à-dire par le Président de la République, sur proposition du Premier ministre et du ministre de l'Intérieur. La durée maximale d'exercice continu des fonctions de préfet est fixée à neuf ans, quel que soit le nombre d'emplois occupés par cette période. On ne peut pas occuper pendant plus de neuf ans des fonctions de préfet même si ça tourne. Désormais, c'est assez récent, un comité consultatif est chargé de formuler un avis sur l'aptitude professionnelle des personnes susceptibles d'être nommées pour la première fois dans un emploi de préfet, alors qu'en France, c'est totalement à la discrétion du gouvernement.

Nouveauté instaurée par le décret du 6 avril 2022, au moins deux tiers des emplois de préfet doivent être occupés par des personnes justifiant de plus de cinq années de service dans des postes territoriaux d'encadrement supérieur au sein des services des concentrés d'État. Maintenant, on va nommer pour la première fois dans des postes de préfet des personnes qui ont connu une expérience d'administrateur territorial importante.

Les préfets ont une obligation de loyauté, si ce n'est de loyalisme, à l'égard du gouvernement servi. Et les garanties dont ils disposent sont d'ailleurs bien plus faibles que celles prévues pour tous les autres fonctionnaires.

Ils ont certes la garantie d'occuper un emploi dans la fonction publique et donc de percevoir une rémunération, mais pas forcément celle d'occuper un emploi de préfet et encore moins celle d'occuper un emploi en poste territorial. Point particulier, c'est que le dossier administratif des préfets peut comporter leur opinion politique, ce que ne permet évidemment pas le statut général de la fonction publique, mais garde cette obligation de loyauté particulière à l'égard du gouvernement, considère cela comme justifié.

Les fonctions préfectorales

Le préfet est le visage de l'État dans la circonscription administrative qu'il occupe et il a un rôle protocolaire, honorifique, très important. Le préfet assure une double représentation de l'État et du gouvernement ainsi qu'exprime l'article 72 de la constitution.

La constitution dispose que "le préfet est le représentant de chacun des membres du gouvernement" : c'est bien la fonction de représentation du gouvernement et il a la charge des intérêts nationaux. Ce qui prouve bien le côté représentation de l'État.

Au titre de sa fonction de représentant de l'État, les fonctions du préfet se décomposent parmi les trois sous-fonctions suivantes.

Au titre de sa fonction de représentation du gouvernement, le préfet décide au nom de l'État en lieu et place du gouvernement, justement pour le compte du gouvernement. Donc il y a vraiment une fonction très importante à cet égard.

Juridiquement, cette fonction de représentation repose sur la notion de délégation, confiée par le gouvernement à son délégué, le préfet, et cette représentation correspond à la mise en œuvre des politiques voulues par la nation. Cette délégation confiée au préfet est de nature interministérielle, il s'agit de conduire toutes les politiques nationales et dirige l'action des services de l'État dans sa circonscription.

Dispositions particulières

L'échelon par excellence en matière de déconcentration, c'est le département. Il faut savoir que le préfet de région étant aussi un préfet de département, les dispositions spécifiques au préfet de département s'appliquent aussi au préfet de région en tant que préfet de région est également un préfet de département.

Les dispositions spécifiques au préfet de région

Les attributions des préfets de département sont très étendues, car depuis sa création cette circonscription est le cadre normalement utilisé pour les interventions des services de l'État. La charte de la déconcentration n'a pas remis en cause cette vocation.

Il s'ensuit que le préfet apparaît comme le dépositaire privilégié de l'autorité de l'État. Il est cependant placé sous l'autorité du préfet de région qui peut décider d'évoquer lui-même certains dossiers.

Dans ce cadre, le préfet de département met en œuvre les politiques nationales et communautaires. Le préfet de département assure le contrôle administratif du département, des communes, des établissements publics locaux et des établissements publics interdépartementaux qui ont leur siège dans le département.

Il veille à l'exercice régulier de leurs compétences par les autorités du département et des communes : c'est du contrôle de légalité qui est très important.

Le préfet de département a la charge de l'ordre public et de la sécurité des personnes et des populations. Il dispose à cette fin d'un pouvoir de police administrative générale dans sa circonscription qui est très important.

Les dispositions spécifiques au préfet

La région a été consacrée comme un niveau de pilotage des politiques publiques nationales et communautaires. Un niveau de pilotage, donc pas un niveau d'exécution, un niveau de conception plutôt, alors que le département, lui, c'est la mise en œuvre de ses politiques publiques.

Une relation nouvelle entre le préfet de région et le préfet de département en a découlé. Le préfet de région est responsable de l'exécution des politiques de l'État dans la région. Il assure le contrôle administratif de la région en tant que collectivité territoriale.

Le préfet de département assure le contrôle administratif du département en tant que collectivité territoriale. C'est la même chose pour le préfet de région, il va contrôler l'égalité des actes, exercer le contrôle de légalité, c'est-à-dire faire l'usage de son déferré s'il estime qu'un acte produit par la région est illégal, de la région, de ses établissements publics et de tous les établissements publics qui ont siège dans la région et qui ont une vocation régionale.

Le préfet de région s'efforce de concilier la politique nationale de développement économique et sociale avec celle de la région en négociant des actes qui sont très importants du point de vue symbolique, ce qu'on appelle les contrats de plan État-Région qui ont pour objet de fixer la répartition des financements entre l'État, la région et d'autres collectivités en matière de développement économique.

Enfin, le préfet de région peut se saisir de dossiers relevant normalement des préfectures de départements dès lors qu'il estime nécessaire pour garantir la coordination à l'échelle régionale. Donc il peut évoquer des dossiers qui normalement devraient relever d'un département.

Le préfet de département conserve toutefois une compétence générale et exclusive dans certains domaines pour lesquels le préfet de région ne peut intervenir, notamment en matière d'ordre public, de sécurité et de droit des étrangers.

À l'échelle déconcentrée, il existe des administrations de la déconcentration qui ne sont pas soumises à l'autorité hiérarchique du préfet mais à d'autres autorités, notamment en matière d'éducation nationale. On a les académies et les rectorats, avec à leur tête un rectorat, donc on a un découpage par académie avec à leur tête un rectorat.

En matière de santé, on a les ARS, qui sont les agences régionales de santé sur lesquelles les préfets ont un rôle limité. La plupart des administrations déconcentrées sont sous la conduite d'un préfet, mais il existe certaines administrations déconcentrées qui ne relèvent pas du préfet.

Section 2 – La décentralisation territoriale (ou verticale)

Pour mémoire, la décentralisation territoriale désigne le transfert de compétences de l'État vers une collectivité territoriale laquelle est dotée de sa propre personnalité morale.

Les collectivités territoriales font l'objet du titre XII de la Constitution auquel s'ajoute la Nouvelle-Calédonie qui fait l'objet d'un titre XIII. Les rapports entre l'État et les collectivités territoriales sont marqués par une vive tension qui s'exprime par l'opposition entre grands principes constitutionnels opposés de prime abord.

D'un côté l'unité de l'État avec l'indivisibilité de la République et de l'autre côté la libre administration des collectivités territoriales et la promotion des libertés locales. Cette tension a progressivement façonné l'organisation des collectivités territoriales métropolitaines.

Les rapports des collectivités territoriales de l'État sont régis par le principe de libre administration des collectivités territoriales qui est énoncé aux articles 34 et 72 de la Constitution. Ce principe de LACT dispose de deux composantes à la fois matérielles et formelles.

D'un point de vue matériel, il résulte de cette liberté que les collectivités territoriales impliquent l'existence d'un Conseil élu doté d'attributions effectives.

D'un point de vue formel, la Constitution fixe une règle de répartition des compétences entre la loi et le règlement. En effet, il appartient aux législateurs de déterminer les principes fondamentaux de la LACT, de leurs compétences et de leurs ressources, notamment l'article 34 aligné à 13 de la Constitution.

Ce principe de libre administration des collectivités territoriales conduit à l'instauration d'une véritable démocratie locale et à la constitution d'un pouvoir local doté de compétences élargies.

Les collectivités territoriales métropolitaines

L'instauration d'une démocratie locale

La Constitution reconnaît l'importance de la démocratie locale en précisant que les collectivités territoriales s'administrent librement par des conseils élus, au-delà de l'élection, les citoyens locaux peuvent être consultés sur divers sujets.

La désignation des organes

Qu'il s'agisse de la commune, du département ou de la région, la physionomie des collectivités territoriales est toujours la même, avec l'élection directe d'une assemblée délibérante et l'élection indirecte d'un organe exécutif, le maire, le président, le conseil départemental.

Toute personne française de 18 ans révolu est éligible à un mandat local à condition d'être inscrit au rôle des contributions directes, c'est-à-dire à condition de payer des impôts dans l'échelon territorial concerné. Les ressortissants européens peuvent parfois être éligibles aux assemblées locales.

Il y a toutefois certaines incompatibilités qui empêchent de se présenter à des élections locales et qui visent toutes, pour simplifier, des fonctions sensibles à l'échelle locale comme le préfet, les magistrats, les policiers ou aussi les agents supérieurs des collectivités territoriales en question.

Un préfet ne peut pas se porter candidat à une élection dans le cadre de la circonscription qu'il administre, le directeur général des services d'une commune ne peut pas convoiter la place du maire. Il y a une incompatibilité.

Elections

Tant pour la commune, le département ou la région, les mandats sont de 6 ans et le renouvellement de l'organe délibérant est intégral.

Au sein de la commune, l'assemblée délibérante est le conseil municipal. Le nombre de conseillers municipaux varie en fonction de la taille de la commune. Il y a un minimum de 7 conseillers pour les communes de 100 habitants, un maximum de 69 pour les communes de plus de 300 000 habitants. 7 conseillers municipaux à trouver dans les petites communes de moins de 100 habitants qui sont quand même importantes, ce n'est pas si évident que ça. C'est à l'origine de véritables difficultés.

Le mode de scrutin pour les élections communales varie selon que la commune a plus ou moins 1000 habitants. Pour les communes de moins de 1000 habitants, il s'agit d'un scrutin majoritaire à deux tours pour simplifier. On élit donc directement les personnes qui vont devoir siéger au conseil municipal. On peut choisir telle ou telle personne, on peut choisir tout un groupe ou telle candidature individuelle.

En revanche, pour les communes de moins de 1000 habitants, c'est un scrutin de liste. On ne vote plus pour certains individus, mais on vote pour une liste particulière comportant autant de candidats que de sièges à pouvoir. Peuvent accéder au second tour les listes ayant obtenu au moins 10% du suffrage des votes exprimés.

Le scrutin des municipales est un scrutin mixte parce que la répartition des sièges mêle aspect proportionnel et majoritaire. La liste obtenant le plus de voix dispose d'un nombre de sièges égal à la moitié du nombre de sièges à pouvoir. D'emblée, c'est le côté majoritaire de l'élection municipale, la liste qui obtient le plus de voix est assurée d'avoir la majorité des sièges au conseil municipal. Les autres sièges restant à répartir le sont dans le cadre de la représentation proportionnelle, réparties à la proportionnelle entre les différentes listes qui ont proposé des candidats.

Pour le département, il s'agit de l'élection au conseil départemental, avant on appelait ça au conseil général. Le département est divisé géographiquement en cantons et les électeurs de chaque canton élisent au conseil départemental deux membres de sexe différents, on élit un binôme homme-femme en fonction de sa circonscription interne au département. C'est ce qu'on appelle un scrutin majoritaire binominal puisqu'il y a deux personnes à deux tours, chaque binôme doit obtenir au moins 12,5% des voix pour se présenter au second tour. Au second tour, l'élection a lieu à la majorité relative quel que soit le nombre de binômes encore en liste.

Les conseillers régionaux pour leur part sont élus par un scrutin mixte de listes à deux tours, donc un peu comme pour les municipales, la liste qui obtient le plus de voix obtient cette fois-ci un quart du nombre de sièges, ça c'est différent des municipales, un quart, le seuil est un peu plus bas, et les autres sièges sont répartis entre toutes les listes ayant obtenu plus de 5% à la représentation professionnelle.

Désignation des exécutifs locaux

Les organes dirigeants d'une collectivité territoriale, les exécutifs locaux, ne sont pas, contrairement d'ailleurs à ce qu'on peut croire parfois, directement élus par les populations locales mais choisis en leur sein par les assemblées locales au scrutin majoritaire.

Dans le cas des municipales, on voit untel qui se présente pour être maire, ou dans les élections locales untel qui veut être président du département ou de la région, mais en réalité ce ne sont pas les citoyens qui élisent directement le maire, le président du conseil départemental ou régional, mais bien l'assemblée délibérante qui, elle, a été désignée par les citoyens.

Le maire et ses adjoints sont élus pour six ans par le conseil municipal. Le président du conseil départemental est élu lui aussi pour six ans par l'assemblée départementale. Il est élu par l'assemblée départementale lors de la réunion qui suit de droit chaque renouvellement général de cette assemblée et il est élu à la majorité absolue des membres de l'assemblée.

Il est assisté donc par des membres d'une commission permanente composée de vice-présidents qui reçoivent un certain nombre de délégations.

Comme dans le cas du département, les instances de direction au niveau régional comprennent le président du conseil régional et une commission permanente qui est composée, outre le président, de plusieurs vice-présidents et éventuellement d'autres membres qui ont une autre qualité. Le président est élu à la majorité absolue des membres du conseil régional pour une durée de six ans.

Depuis une loi du 14 février 2014, une incompatibilité a été créée entre le cumul de fonctions parlementaires avec l'exercice de fonctions exécutives locales, ce qu'on appelle la prohibition du cumul des mandats, loi qui avait été faite pour forcer les députés et les sénateurs à choisir, à choisir soit entre leur mandat local ou leur mandat national et à se consacrer pleinement à l'un ou à l'autre de leur mandat.

Les critiques de cette réforme estiment qu'elle accentue la supposée déconnexion des membres du parlement, sans qu'on sache exactement à quoi correspond cette déconnexion.

En tout cas, ce qui est sûr, c'est que la prohibition du cumul des mandats, qui fait qu'on ne peut pas combiner les fonctions parlementaires avec celles de chef d'un exécutif local, tend à affaiblir le poids politique des parlementaires, puisque avant certains parlementaires qui cumulaient différentes fonctions de maires, de présidents de conseil d'agglomération ou départemental au général, plus de députés ou de sénateurs, ils avaient un poids politique beaucoup plus important, puisqu'au-delà de leur mandat national, ils avaient des mandats locaux très importants, et c'est ce qu'on appelait des baronnies, c'est-à-dire un allié local très implanté et qui dispose également d'un mandat national.

La participation et la consultation du public

Il faut être quand même assez réaliste, en dehors des périodes électorales, la participation des citoyens aux affaires locales est assez souvent très médiocre. Il y a bien des dispositifs de participation des citoyens à la vie locale qui ont été instaurés, mais ils connaissent un succès relatif.

D'abord, paradoxalement, certains instruments de consultation des populations locales sont à l'initiative des autorités nationales. On en trouve la trace, notamment, aux articles 53 ou 72-1 de la Constitution. L'article 53 de la Constitution évoque les traités qui modifient le territoire national. Et dans ces cas-là, de tels traités ne peuvent être conclus sans l'accord des populations intéressées.

Et c'est une disposition, celle de l'article 53 de la Constitution, qui a notamment servi dans le cas des décolonisations, pour purger un peu les restes de colonisation. Lorsqu'il est envisagé de créer une collectivité territoriale dotée d'un statut particulier ou de modifier son organisation, l'article 72-1 de la Constitution prévoit d'organiser une consultation des électeurs dans les collectivités intéressées.

La modification des limites des collectivités territoriales peut également, mais ce n'est pas obligatoire, donner lieu à une consultation des électeurs dans les conditions prévues par l'article 72-1 de la Constitution.

À remarquer, et ça a été quand même beaucoup souligné, que la loi, c'était sous François Hollande, du 16 janvier 2005, relative à la délimitation des régions, n'a fait l'objet d'aucune consultation. Ça a été vraiment une espèce de gribouille entre classiques régionaux, les grands barons justement, qui avaient leurs attaches politiques du moment, avec le président de la République, et ceux qui n'étaient pas du même bord politique, qui ont été un peu victimes de ces redécoupages, et donc les populations intéressées n'ont pas du tout été consultées dans le cadre de ces découpages.

On peut avoir aussi des consultations des populations d'outre-mer, concernant l'évolution de leur statut, fixées, ces consultations, par l'article 72-4 de la Constitution.

A côté des instruments à l'initiative des autorités nationales, on a des instruments à l'initiative des autorités locales, on a deux instruments, notamment, qui sont intéressants à souligner.

D'abord, la question du référendum local, qui est permise par l'article 72-1 de la Constitution. Ce référendum d'initiative locale est assez complexe et structuré à mettre en oeuvre, il ne peut porter que sur des questions limitées en lien avec les compétences de la collectivité qui initiait ce référendum. Et en principe, le résultat du référendum a une valeur décisionnelle.

Et puis, on a une autre technique de consultation qui est organisée directement par le CGCT, le Code Général des Collectivités Territoriales, et l'idée, c'est d'instaurer au profit des citoyens locaux, une forme de droit de pétition, pour permettre aux électeurs locaux de faire des consultations et de faire des découpements, de faire des consultations pour permettre aux électeurs locaux d'une commune de demander à son assemblée délibérante d'organiser une consultation sur toute affaire relevant de cette assemblée.

Si la demande émane d'au moins un cinquième des électeurs inscrits, ce qui est énorme comme seuil, l'assemblée a l'obligation d'en discuter, mais elle est libre d'accepter ou de refuser la proposition d'organiser la consultation, consultation qui n'est pas décisive. Donc ça c'est un peu une usine à gaz, particulièrement, étroitement limitée.

L'organisation du pouvoir local

Les collectivités territoriales exercent différentes attributions qui ont progressivement été étendues par les lois de la décentralisation. Sans dénier l'importance des assemblées locales, il faut quand même reconnaître que ces compétences sont quand même surtout exercées ou dirigées par les exécutifs locaux.

Les compétences des collectivités territoriales

La collectivité territoriale exerce deux types de compétences. Des compétences générales pour les affaires d'intérêt local et des compétences d'attribution spécifiquement édictées par les textes.

Pour la commune, c'est prévu directement par le Code général des collectivités territoriales, celle-ci exerce une forme de compétence générale sur toutes les affaires d'intérêt strictement local comme l'exprime l'article L21-29 du CGCT, le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune, toutes les affaires de la commune, le conseil municipal a vocation à les régler.

Ce principe a une vocation double, en interne il permet de distinguer la compétence de principe de l'organe délibérant, c'est bien le conseil municipal, et les compétences d'attribution de l'organe exécutif. Et il permet aussi de protéger les communes contre d'éventuels autres empiétements de la part de l'Etat ou d'autres collectivités territoriales.

Évidemment tout l'enjeu dans le cadre de la mise en oeuvre de ces dispositions porte sur la définition des contours de la notion d'affaires locales, si vous interprétez strictement la notion d'affaires locales, les compétences de la commune vont être réduites, tandis que si vous l'interprétez largement, les compétences vont être plus grandes, et sur cette question la jurisprudence du conseil d'Etat a évolué.

On a aussi toute une liste de compétences d'attribution qui doivent être exercées par la commune, par exemple en matière de petite enfance, de ramassage des ordures ménagères, etc, bref, d'urbanisme évidemment, c'est une compétence importante, la rédaction des plans d'urbanisme, ou le fait d'autoriser les familles de construire, des compétences qui sont spécifiquement attribuées par les textes à côté de la compétence générale aux communes et qui peuvent être parfois très importantes.

Pour le département, et d'ailleurs comme pour la région, il n'est d'ailleurs plus possible de parler de clauses de compétences générales, il n'y a pas de dispositif semblable à l'article L21-29 du CGCT qui vaut que pour les communes, donc on n'a pas d'équivalent de cette clause de compétences générales, ce qui signifie que le département comme la région vocation à être des organes davantage spécialisés, et leurs compétences sont fixées par les textes, par le CGCT, s'agissant du département, donc il ne dispose que d'une compétence d'attribution, mais cette compétence d'attribution est quand même très large.

Les textes, les prérogatives fixées par le département sont quand même importantes. Pour donner quelques exemples, il est compétent notamment en matière d'action sociale, de santé, d'aide sociale à l'enfance, ce qu'on appelle l'ASE, il est compétent en matière d'enseignement, il prend en charge les collèges, tandis que les communes prennent en charge les écoles et les régions, les lycées, et puis il a une importante compétence en matière d'aide au développement économique.

Pour la région, là encore, on est sur des compétences d'attribution, pour autant la région est plutôt considérée comme une instance de réflexion, une instance d'impulsion, en complément des interventions de l'Etat ou des collectivités territoriales. Souvent, quand on voit un ouvrage public, on voit les financements, cet ouvrage a été financé à hauteur de 20% par la commune, 40% par la région et 40% par l'Etat par exemple. La région intervient en support.

En matière d'enseignement, elle a la responsabilité, de la construction de l'équipement et de l'entretien des lycées, et ça c'est un point qui est très important de la formation professionnelle et de l'apprentissage.

La répartition interne des compétences

Cette répartition interne des compétences aux collectivités territoriales, entre l'organe exécutif et l'organe délibérant, est beaucoup plus proche du modèle présidentiel que du modèle parlementaire, parce que, de façon générale, l'organe exécutif, typiquement le maire, n'est pas responsable devant l'Assemblée délibérante, devant l'organe "législatif".

Ce qui fait que le conseil municipal ne peut pas renverser de lui-même le maire. On est plutôt dans le cadre d'un système de présidentialisme fondé sur une séparation des pouvoirs assez stricte, mais avec une prééminence de l'exécutif.

Et ce qui pose problème, si on prend un exemple d'actualité un peu scabreux récent, le maire de Saint-Etienne, qui est poursuivi dans une affaire de chantage et d'extorsion, de chantage à la sextape à l'encontre d'un de ses adjoints, le conseil municipal s'est très largement prononcé pour sa démission, mais il refuse de démissionner.

Les collectivités ultramarines

A côté des collectivités territoriales métropolitaines, les collectivités territoriales d'outre-mer présentent d'importantes spécificités qui sont plus ou moins développées.

Trois catégories de collectivités sont à distinguer : les DROMs, les départements et régions d'outre-mer, régis par l'article 73 de la Constitution, les collectivités à statut propre, régis par l'article 74 de la Constitution et la Nouvelle-Calédonie, qui dispose de son propre titre, le titre 13, dans la Constitution, auxquels des développements plus importants doivent être consacrés.

Les DROMs, donc l'article 73 de la Constitution, correspondent à la Guadeloupe, la Guyane, la Réunion et Mayotte. Ces collectivités relèvent du droit commun des collectivités territoriales sous quelques réserves.

D'une part, elles constituent à la fois, pour certaines d'entre elles, un département et une région. Mais pour certaines d'entre elles, notamment la Guyane, Martinique et Mayotte, les compétences du département et de la région ont été fusionnées au sein des mêmes organes. Pour les autres, notamment pour la Guadeloupe, on a toujours un conseil départemental et un conseil régional qui forment des entités distinctes.

D'autre part, les lois et les règlements nationaux peuvent faire l'objet d'adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités. Depuis la révision du 28 mars 2003, une forme de pouvoir normatif autonome leur est reconnue. Ces collectivités peuvent, selon le cas, être habilitées par la loi ou par le règlement à fixer elles-mêmes les règles applicables sur le territoire dans un nombre limité de matières pouvant relever du domaine de la loi.

Les collectivités à statut particulier relèvent de l'article 74 de la Constitution. On y trouve la Polynésie française, qui est la plus importante et la plus développée en termes de particularisme, Wallis et Futuna, Saint-Pierre et Miquelon, Saint-Martin et Saint-Barthélémy. Ces collectivités disposent chacune d'un statut propre fixé par une loi organique qui tient compte de leurs intérêts propres au sein de la République.

Ce statut peut ainsi être à la fois très différent de celui des collectivités territoriales métropolitaines, mais en même temps différent d'une collectivité à l'autre. L'exemple le plus original est celui du statut de la Polynésie française, qui est fixé par une loi organique du 27 février 2004, qui dispose que les autorités de la Polynésie française sont compétentes dans toutes les matières qui ne sont pas dévolues à l'État. Donc la compétence de principe revient à la Polynésie française, et l'État ne reste compétent que dans les domaines suivants : nationalité, droit civique, droit électoral, État, capacité des personnes, justice et garantie des libertés publiques, politique étrangère, défense, sécurité et ordre public.

On a la création dans le cadre de la Polynésie française d'un véritable organe législatif, à savoir l'Assemblée de la Polynésie française. Toutes les matières qui sont de la compétence de la Polynésie française relèvent de l'Assemblée de la Polynésie française. Et les actes pris par l'Assemblée de la Polynésie française, c'est ce qu'on appelle les lois du pays, sur lesquelles le Conseil d'État exerce un contrôle juridictionnel spécifique.

Du point de vue institutionnel et politique, le cas le plus intéressant, mais aussi le plus délicat, est celui de la Nouvelle-Calédonie qui fait l'objet de dispositions constitutionnelles spécifiques dans le cadre du titre XIII de la Constitution. Les rapports de la Nouvelle-Calédonie à la République sont marqués par une tension consubstantielle entre aspiration à l'émancipation et appartenance adaptée à la France. Ils sont à apprécier dans le cadre du long processus qui vise à l'autodétermination de cette île.

Il faut bien comprendre que dans le cas de la Nouvelle-Calédonie, on a deux questions de légitimité qui se font face. D'un côté, une légitimation historique, celle des peuples premiers qui peuplaient la Nouvelle-Calédonie, et de l'autre, une légitimité plutôt démocratique qui est la loi du plus grand nombre, avec un conflit entre ces deux légitimités qui évidemment ne coïncident pas.

La question est d'un point plus aigu que ce sont déroulées trois consultations relatives à l'autodétermination de la Nouvelle-Calédonie, consultations prévues dans le cadre de l'accord de Nouméa qui a été conclu le 5 mai 1998. Ces trois consultations ont donné lieu à chaque fois à des résultats négatifs.

Comment expliquer ce non à 96% ? En raison du boycott des élections par les indépendantistes Kanak qui étaient opposés au gouvernement sur la question de la date. Ils auraient préféré que cette date soit postérieure aux élections présidentielles et non pas antérieure aux élections présidentielles, ce qui, du coup, n'a pas amélioré les rapports entre les indépendantistes Kanak et l'État.

Quelle est la situation de la Nouvelle Calédonie ? Elle est complexe puisqu'on est face à un régime transitoire pensé pour mener à une autodétermination qui a avorté. Donc la Nouvelle Calédonie constitue une collectivité à émanciper mais dont le statut n'est toujours pas déterminé.

Une collectivité à émanciper

Et pour comprendre finalement cette émancipation, il faut bien revenir sur l'exercice d'un processus de décolonisation.

L’exercice d’un processus de décolonisation

Au cours des années 1980, de très vives tensions opposent les partisans de l'indépendance de la Nouvelle Calédonie, pour l'essentiel des Kanaks, c'est-à-dire le peuple antérieur à la colonisation, aux partisans loyalistes qu'on appelle parfois les caldoches et qui soutiennent le maintien de la Nouvelle Calédonie au sein de la France.

Il faut savoir que les Kanaks étaient pendant très longtemps majoritaires au sein de leur île. Mais ils sont devenus minoritaires du fait de vagues d'immigration successives liées notamment au boom économique qu'a connu l'île à partir des années 60, boom économique qui était lié à la production de nickel. Donc les Kanaks majoritaires sont devenus minoritaires suite de cette immigration économique.

Le paroxysme des violences a été atteint avec le triste épisode de la grotte d'Ouvea en 1988, dans lequel 26 gendarmes ont été pris en otage par les Kanaks et qui s'est soldé par un bilan extrêmement lourd. Donc pour atténuer ces violences, il y a eu la nécessité de prévoir l'organisation de scrutins sur l'accession à la pleine souveraineté.

Pour dénouer la tension à cause de l'épisode de la grotte d'Ouvea, il y a eu un accord entre les différents partis qui a donné lieu aux accords de Matignon. Les accords de Matignon concluent le 26 juin 1988 et approuvés par une loi référendaire prise au titre de l'article 11 de la constitution, prévoient un scrutin d'autodétermination entre le 1er mars et le 31 décembre 1998 qui n'a jamais eu lieu, parce que dans le cas des négociations qui ont eu lieu, les Kanaks ne s'estimaient pas prêts à participer à de telles opérations qu'ils étaient sûrs de perdre.

Donc un nouveau processus a pris le relais. C'est un processus qui est marqué par les accords de Nouméa qui ont été conclus en 1998. Ces accords de Nouméa prolongent finalement le processus transitoire mis en place et prévoient au bout d'un certain nombre d'années une suite de consultations en vue de l'autodétermination.

On va organiser une première consultation vers l'autodétermination, si le résultat est contre cette autodétermination il y aura ensuite à la demande du congrès de Nouvelle-Calédonie une seconde consultation et si le résultat est encore négatif il pourra y avoir à la suite de cette deuxième consultation et toujours à la demande du congrès de Nouvelle-Calédonie une troisième consultation. La base de cet accord repose sur la reconnaissance de deux types de légitimité.

L'accord de Nouméa a été conclu entre les deux légitimités de la Nouvelle-Calédonie, c'est à dire la légitimité historique kanak qui sont dans le cadre d'un processus de décolonisation et la légitimité démocratique, c'est à dire pour simplifier la loi de la majorité.

Or la difficulté de conduire un tel processus qui oppose finalement un peuple interne à la Nouvelle-Calédonie à un peuple majoritaire du point de vue démocratique explique la difficulté d'inscrire cet accord dans le contexte français de l'état unitaire dont la conception juridique est complètement étrangère à la reconnaissance de communautés ethno-culturelles et étranger à l'idée d'accorder des droits spécifiques à des peuples déterminés.

Au contraire, notre droit est fondé sur le principe d'égalité d'où la nécessité de passer par un processus constitutionnel pour créer un processus tout à fait adapté à la Nouvelle-Calédonie : c'est la constitutionnalisation du processus de décolonisation.

La constitutionnalisation du processus de décolonisation

Ce que prévoit l'accord de Nouméa, et qui a été repris dans le cadre de la révision constitutionnelle qui a permis de valider dans la constitution l'accord de Nouméa, c'est que ne peuvent participer d'une part à certaines élections locales et d'autre part aux consultations sur l'indépendance de la Nouvelle-Calédonie que les électeurs membres d'une liste spéciale qui se distingue de la liste électorale générale pour les élections nationales. Pour figurer sur cette liste spéciale il y a toute une série de conditions qui sont prévues et qui favorisent pour simplifier les personnes qui peuvent témoigner d'une présence ancienne en Nouvelle-Calédonie. Ce qui fait que le champ de la liste spéciale est beaucoup plus réduit que le champ de la liste générale et cette liste spéciale elle a été faite pour favoriser les populations Kanaks.

Donc tout ce processus issu des accords de Nouméa a été validé dans le cadre de la loi constitutionnelle du 20 juillet 1998 relative à la Nouvelle-Calédonie et à l'origine de notre titre XIII. Le Conseil constitutionnel a d'ailleurs rendu une décision sur la loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie et le Conseil d'état a pu se prononcer aussi sur ce processus constitutionnel par son célèbre arrêt que les administrativistes connaissent bien, l'arrêt du 30 octobre 1998 Sarran et Levacher.

Sarran et Levacher est un arrêt porté sur un recours en annulation contre le décret organisant les élections qui étaient prévues par la constitution dans le cadre de la mise en oeuvre des accords de Nouméa. Les requérants se prévalaient évidemment de l'atteinte au principe d'égalité telle qu'elle était reconnue notamment au delà de la Constitution par un certain nombre de traités et accords internationaux, puisque la Constitution de ces listes spéciales excluait d'un certain nombre d'élections toute une partie de la population.

Et à cette occasion le Conseil d'état estime qu'est inopérant les moyens tirés de la violation d'accords ou de conventions internationaux puisque, finalement, l'accord de Nouméa et sa mise en oeuvre concrète résultent de la loi constitutionnelle de 1998 et le Conseil d'état nous dit que la suprématie conférée aux engagements internationaux par l'article 55 de la Constitution ne s'applique pas dans l'ordre interne aux dispositions de nature constitutionnelle.

Donc primauté de la Constitution qui implique cette dérogation au caractère unitaire de l'état en reconnaissant finalement une légitimité particulière propre qui est celle de la légitimité des Kanaks qui est distincte de la légitimité démocratique traditionnelle.

Une collectivité à déterminer

Une collectivité actuellement indéterminée

Il faut savoir que le statut de la Nouvelle-Calédonie est tout à fait hybride et il reste à lui trouver encore un nouveau statut. Il faut se rendre compte que la Nouvelle-Calédonie dispose de compétences, l'entité, la collectivité de Nouvelle-Calédonie dispose de compétences extrêmement fortes.

L'état n'y dispose plus que du régalien : ce qui n'est pas explicitement attribué comme terme de compétences revient à la Nouvelle-Calédonie. Et d'autre part, le processus de Nouméa acte le caractère irréversible des compétences transférées.

Et ça c'est ce qui distingue par exemple le cas de la Nouvelle-Calédonie de la Polynésie française ou des autres collectivités à statut particulier. Cette irréversibilité des compétences confiées à la Nouvelle-Calédonie est en effet assez singulière puisqu'en général l'état a la maîtrise de la décentralisation, c'est-à-dire que l'état peut toujours revenir sur les compétences qu'il attribue aux collectivités.

Ce n'est pas possible dans le cadre de la Nouvelle-Calédonie; et par ailleurs, dans le cadre de la Nouvelle-Calédonie et de son statut, existe la mise en oeuvre d'une nouvelle notion, celle de citoyenneté, de citoyen de la Nouvelle-Calédonie, ce qui évidemment s'oppose à la tradition unitaire du droit public français.

Autre cas particulier, les actes pris par l'Assemblée, par le Congrès de la Nouvelle-Calédonie sont qualifiés de lois du pays qui symbolisent l'exercice du pouvoir législatif délégué et mis en oeuvre par la Nouvelle-Calédonie et sont contrôlés directement par le Conseil constitutionnel et non pas par le Conseil d'État. Donc, des compétences très larges mais absence de définition positive de ce que c'est la Nouvelle-Calédonie.

Par une décision assez remarquable, une décision du 13 décembre 2006, une décision Genelle, le Conseil d'État, observant que le statut de la Nouvelle-Calédonie était régi par le titre XIII et que le titre XII de la Constitution était relatif aux collectivités territoriales, et bien la Nouvelle-Calédonie n'était pas une collectivité territoriale. Donc, en droit, on ne sait pas, on n'a pas précisément qualifié la nature de cette Nouvelle-Calédonie.

Pour des auteurs, notamment pour Léo Hamon et Michel Troper, en réalité quand on observe la nature des compétences exercées par la Nouvelle-Calédonie et les rapports entre l'État et la Nouvelle-Calédonie, on est dans le cadre d'un État fédéral, où finalement l'État central exerce des compétences très restrictives et n'a pas la main sur les compétences qui sont confiées à l'entité fédérée. Et c'est sans doute ça qui rend le plus compte des rapports entre la France et la Nouvelle-Calédonie, ce sont les rapports d'un État fédéré à un État fédéral.

Un futur à décider

La Nouvelle-Calédonie ayant un statut provisoire, puisque l'accord de Nouméa avait été pensé de façon provisoire, le sort institutionnel de la Nouvelle-Calédonie reste à décider. La question de l'indépendance pleine et entière de la Nouvelle-Calédonie n'est pas encore exclue complètement.

Même si les résultats du 3e référendum semblent l'écarter pour l'instant, il n'est pas exclu qu'il y ait encore une ultime consultation sur l'indépendance de la Nouvelle-Calédonie.

Généralement, quand une collectivité accède à la pleine indépendance, c'est qu'elle veut se détacher de son ancienne colonie, il y en va sans doute de même pour la Nouvelle-Calédonie. Par ailleurs, si la Nouvelle-Calédonie venait à accéder à l'indépendance, il est sans doute probable qu'elle s'écarterait brutalement de la France.

L'autre possibilité serait de formaliser le caractère fédéral des relations entre la France et la Nouvelle-Calédonie. Ce serait vraiment reconnaître la Nouvelle-Calédonie dans le cadre d'un état fédéré qui disposerait de compétences élargies. Mais là encore, il faudrait une révision de la Constitution et il faudrait parvenir à un accord entre toutes les populations intéressées.

Or, pour l'instant, entre les Kanaks d'un côté, les indépendantistes et l'État, les relations sont complexes. Malgré de nouvelles discussions engagées sur le futur constitutionnel de la Nouvelle-Calédonie, rien ne se dessine à l'horizon. Ce qui fait que le statu quo actuel risque de perdurer un moment.

L'accord de Nouméa et le cadre constitutionnel qui en est résulté prévoyait une vocation provisoire et transitoire du statut qui avait été façonné pour la Nouvelle-Calédonie, tant que celle-ci n'accédait pas à la pleine souveraineté. Mais l'accord de Nouméa prévoyait de façon assez fine que si la réponse à l'issue du troisième référendum était encore négative, les partenaires politiques se réuniront pour examiner la situation créée. Tant que les consultations n'auront pas abouti à une nouvelle organisation politique, l'organisation politique mise en place par l'accord de 1998 restera en vigueur, sans possibilité de retour en arrière.

Pour l'instant, ce que prévoient les accords de Nouméa, c'est que tant qu'il n'y a pas de nouveaux accords sur un futur constitutionnel de cette île, le système tel qu'il est prévu à la fois par la Constitution, la loi organique et les accords de Nouméa, demeure en vigueur. Ce système correspond finalement à celui d'un État, des relations entre État fédéral et État fédéré, qui ne dit pas son nom.


Chapitre IV. Les juges de l’administration

L'administration fait face à plusieurs juges issus d'ordres juridiques distincts. C'est ce que l'on appelle le pluralisme juridique. L'ordre interne est composé de trois grands ordres juridiques distincts, au sein desquels des juges spécifiques sont institués pour résoudre des différends.

L'ordre juridique civil et pénal sont institués pour résoudre les différends en matière privée et les infractions aux lois et règlements et relèvent de la hiérarchie de la Cour de cassation.

L'ordre juridique administratif, avec les juges administratifs, est placé sur la hiérarchie du Conseil d'Etat.

Et si tant est que l'on puisse parler d'ordre juridique, l'ordre juridique constitutionnel constitué du seul Conseil constitutionnel.

Il serait erroné de croire que l'administration et ses agents ne sont soumis qu'aux juges administratifs. Certes, le juge administratif peut apparaître compétent par principe pour résoudre les différends en matière administrative, mais ce n'est pas le cas de tous les actes qui constituent la vie de l'administration.

Certains actes peuvent avoir une nature privée, comme la vente d'un immeuble du domaine privé, et certaines institutions peuvent même voir parfois leur responsabilité pénale engagée ainsi qu'on dispose de l'article 121-2 du code pénal.

On va se concentrer sur la question du dualisme juridictionnel avant de présenter les principaux traits de la justice administrative.

Section 1 – Le dualisme juridictionnel

La séparation des autorités administratives et judiciaires est un héritage de la Révolution française. Elle est liée à la conception française de la séparation des pouvoirs. L'origine du dualisme est attribuée à la loi des 16 et 24 août 1790, avec l'article 13 :

Les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions administratives. Les juges ne pourront, à peine de forfaiture, troubler, de quelque manière que ce soit, les opérations des corps administratifs, ni citer devant eux les administrateurs pour raison de leurs fonctions.
Article 13 de la loi des 16 et 24 août 1790

Ce principe a été réaffirmé avec force, et poésie d'une certaine façon, par le décret du 16 Fructidor An III, ce qui correspond au 2 septembre 1795 :

Défenses itératives sont faites aux tribunaux de connaître des actes d’administration, de quelque espèce qu’ils soient, aux peines de droit.
Décret du 16 Fructidor An III

Après l'affirmation négative de l'incompétence du juge judiciaire pour connaître des actes d'administration, une véritable « justice administrative » s'est progressivement développée à partir de Napoléon.

Dans un premier temps, on a ainsi la constitution du 22 frimaire an VIII, ce qui correspond au 13 décembre 1799, et dont l'article 52 est à l'origine du Conseil d'état, et lui fixe d'emblée sa double casquette, qu'on appelle la « dualité fonctionnelle du conseil d'état », à savoir participer et assister le consul dans la rédaction des textes les plus importants, fonction consultative, et en même temps, résoudre les litiges de l'administration, ce qui donnera lieu à l'exercice de sa fonction juridictionnelle.

De même, la loi du 28 pluviôse an VIII, correspond au 17 février 1800, est très importante s'agissant de l'organisation territoriale de la république, et est à l'origine, aux côtés du préfet, d'un conseil de préfecture pour résoudre certains litiges en matière administrative.

Cependant, à cette époque, la justice ne s'exerce pas, du moins pas formellement, de manière indépendante. On est dans un système de justice qu'on qualifie de « justice retenue ». Les décisions sont rendues au nom du chef de l'état, retenue entre les mains du chef de l'état, dont elle bénéficie de l'autorité.

Il faut attendre la loi du 24 mai 1872 pour que la justice administrative acquiert davantage d'indépendance avec un système de justice déléguée. La justice, à partir de cette date, 24 mai 1872, est désormais rendue au nom du peuple français.

Aussi, le Conseil d'État cesse-t-il d'être compétent en appel des décisions rendues par les ministres pour devenir directement compétent en premier et dernier ressort ? Ce n'est plus l'administration qui se fait elle-même justice.

La reconnaissance de la dualité de juridiction rend nécessaire l'existence d'instruments permettant de résoudre les difficultés de compétence.

I. L’affirmation du dualisme

La répartition des compétences est initialement une affaire législative, avec par exemple la loi du 28 pluviôse An VIII , qui attribue au Conseil de préfecture le contentieux lié à la réparation des dommages de travaux publics.

Mais bien vite, notamment avec le développement de l'administration, les lois sont insuffisantes pour procéder à cette répartition.

Il y a un important mouvement jurisprudentiel à partir de l'arrêt Blanco du tribunal des conflits du 8 février 1973 pour préciser les critères de répartition des compétences.

Si on se place d'un point de vue général, il est possible d'identifier un cœur d'activité administrative qui relève de la compétence constitutionnellement reconnue au juge administratif qui connaît quelques exceptions au profit du juge judiciaire.

A. Les compétences constitutionnelles du juge administratif

La jurisprudence, législateur, attribue au juge administratif et au judiciaire un ensemble de compétences spécifiques.

Mais au-delà de ce qui est attribué spécifiquement par le législateur et le pouvoir réglementaire ou la jurisprudence au juge administratif, on a un socle minimal de base de compétences constitutionnelles que le juge administratif doit mettre en œuvre.

Ce socle minimal de base de compétences constitutionnelles résulte d'une décision importante du Conseil Constitutionnel du 23 janvier 1987, décision Conseil de la concurrence qui établit ce cœur.

D'abord, le Conseil Constitutionnel constate que les lois des 16 et 24 août 1790 où le décret du 16 rupture de rentrement, qui ont posé dans la généralité le principe de séparation des autorités administratives judiciaires, ces lois n'ont en tant que telles pas de valeur constitutionnelle.

Néanmoins, nous est-il dit, et ce point est important à retenir, "conformément à la conception française de la séparation des pouvoirs, figure au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, celui selon lequel, à l'exception des matières réservées par nature à l'autorité judiciaire, relève en dernier ressort de la compétence de la juridiction administrative l'annulation ou la réformation des décisions prises dans l'exercice de prorogatives de puissance publique par les autorités exerçant le pouvoir exécutif".

Le Conseil Constitutionnel ajoute cependant une nouvelle dérogation dans la mise en œuvre de ce principe.

Lorsque l'application d'une législation ou d'une réglementation spécifique pourrait engendrer des contestations contentieuses diverses qui se répartiraient entre les deux ordres de juridiction, "il est loisible aux législateurs, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, d'unifier les règles de compétence juridictionnelle au sein de l'ordre juridictionnel principalement intéressé".

La jurisprudence constitutionnelle ne fait pas obstacle à l'attribution à l'un ou à l'autre ordre de juridiction d'un bloc de compétence, confié soit au juge administratif, soit au judiciaire qui pourrait être justifié par des motifs de bonne administration de la justice.

Par exemple, il y a une loi de 1957 sur les accidents de la route qui confie tout le contentieux des accidents de la route au juge judiciaire. Pas de partage de compétence entre juge administratif et judiciaire dans cette matière. Et cela pour des motifs de simplification et de bonne administration.

Ce point est important parce qu'il existe quand même des blocs de compétence qui finalement, historiquement, pouvaient faire débat entre le juge administratif et le juge judiciaire. Le cœur de compétence du juge administratif porte, et c'est le point à souligner, sur l'annulation ou la réformation des décisions prises dans l'exercice de prérogative de puissance publique.

C'est le cœur de compétence du juge administratif. Donc les recours en annulation ou en réformation pour obtenir finalement un nouvel acte, contre des actes pris dans le cadre de l'accomplissement de prérogatif de puissance publique. Voilà le critère qui est érigé par le Conseil constitutionnel pour réserver la compétence du juge administratif : l'annulation ou la réformation des décisions prises dans l'exercice des prérogatives de puissance publique.

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision, reconnaît tout de même des compétences naturelles aux judiciaires qui peuvent concerner la matière administrative.

B. Les compétences « naturelles » du juge judiciaire en matière administrative

Il existe une procédure qu'on appelle la voie de fait qui permet de saisir le juge judiciaire pour faire constater certaines atteintes particulièrement graves à la propriété ou à la liberté individuelle. Si cette procédure est en déclin, le juge judiciaire demeure pour autant compétent en matière d'atteinte à la liberté individuelle.

1. Le déclin de la voie de fait

En matière de voie de fait, il y a un arrêt à connaitre, c'est un arrêt du Tribunal des conflits du 17 juin 2013, Bergoend, et qui vient réduire cette forme de dérogation à la répartition habituelle des compétences et qui pouvait permettre, cette voie de fait, de saisir le juge judiciaire en cas d'atteinte à la propriété ou d'atteinte aux libertés que, traditionnellement, on estimait que la juridiction administrative était incapable d'assurer la protection.

Elle était notamment incapable d'assurer la protection de ses libertés ou des atteintes à la propriété parce qu'elle ne disposait pas de procédures d'urgence. Donc il y a une grande réforme des procédures d'urgence qui a conduit à une loi du 13 juin 2020 qui fait que le juge judiciaire n'est plus le seul juge à pouvoir être saisi en urgence de certaines procédures.

Le juge administratif peut lui aussi être saisi en urgence, peut être saisi en référé et statut d'urgence. Et d'ailleurs, par exemple, l'organisation des manifestations pro-palestiniennes. Elles ont fait l'objet d'un contentieux en urgence devant le juge des référés. Aujourd'hui, il y a une grande question d'actualité qui est tranchée par le gouvernement, la gestion de la crise sanitaire, etc.

On a un contentieux d'urgence qui va se nouer directement devant le juge administratif. Le développement de ces procédures d'urgence a conduit à une restriction et à une moindre utilisation de la procédure de la voie de fait, procédure de la voie de fait qui ne peut être mise en œuvre que dans la mesure où l'administration a procédé à l'exécution forcée dans des conditions irrégulières d'une décision portant atteinte à la liberté individuelle ou aboutissant à l'extinction d'un droit de propriété, soit après une décision qui a les mêmes effets d'atteinte à la liberté individuelle ou d'extinction à un droit de propriété et qui est manifestement insusceptible d'être rattachée à un pouvoir appartenant à l'autorité administrative.

Donc, l'autorité administrative ou l'agent d'administration, finalement, a pris une mesure qui ne relève pas des pouvoirs normaux de l'administration. C'est la voie de fait et c'est une exception à la protection aux privilèges des élections dont l'administration bénéficie devant le juge administratif.

2. Le maintien de la protection de la liberté individuelle

Il y a une hypothèse de compétences plus intéressante du juge judiciaire et qui peut concerner l'activité administrative, c'est l'article 66 de la Constitution. L'article 66 de la Constitution instaure une sorte d'Habeas corpus à la française, c'est-à-dire de droit à la sûreté, l'idée qu'on puisse être emprisonné sans qu'un juge ait statut sur notre emprisonnement.

Nul ne peut être arbitrairement détenu.
L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi.
Article 66 de la Constitution

Et selon qu'on interprète la notion de liberté individuelle de façon restrictive ou de façon élargie, le bloc de compétences au profit du juge judiciaire sera interprété de façon plus ou moins large. Par une décision du 16 juin 1999, le Conseil constitutionnel est revenu à une exception stricte de la liberté individuelle qui correspond au droit à la sûreté, au fait d'être enfermé.

Et il faut savoir qu'au-delà de la sanction pénale, il y a des hypothèses où un enfermement peut être d'origine administrative. L'internement sans consentement, la rétention des étrangers en situation irrégulière peuvent donner lieu à des enfermements administratifs. Ces enfermements administratifs doivent être contrôlés et validés par le juge judiciaire.

II. La régulation du dualisme

L'expression « conflit de compétences » désigne l'indétermination de l'ordre juridique compétent pour statuer sur un litige ou sur une question liée à ce litige.

Il existe alors une juridiction ad hoc chargée de résoudre ces fameux conflits de compétences entre l'ordre juridictionnel administratif et l'ordre judiciaire, ce qu'on appelle le Tribunal des conflits.

A. Le Tribunal des conflits

Le tribunal des conflits Le tribunal des conflits est un ordre de juridiction à lui tout seul, créé pour résoudre les conflits de compétences par la loi du 24 mai 1872. Son organisation a été substantiellement réformée par une loi du 16 février 2015, complétée par un décret du 27 février 2015.

1. Composition

Sa composition est 100% paritaire, en ce sens qu'il comprend quatre membres de la Cour de cassation et quatre membres du Conseil d'État, augmentés de rapporteurs publics qui sont issus dans les mêmes proportions du Conseil d'État et de la Cour de cassation.

La présidence du Tribunal des conflits est alternée entre membres du Conseil d'État et de la Cour de cassation, et en cas de partage des voix, on a recours à une nouvelle délibération et ensuite à une composition élargie du tribunal des conflits avec deux autres membres du Conseil d'État et de la Cour de cassation qui doivent parvenir à une décision commune.

Avant la réforme de 2015, le Tribunal des conflits était composé suivant un nombre également paire, et en cas de partage des voix, on demandait au ministre de la justice d'intervenir pour trancher le débat. Cette intervention du ministère de la justice est extrêmement insatisfaisante en termes d'impartialité, d'où l'idée de procéder à une nouvelle délibération et, le cas échéant, en cas de blocage persistant, une formation élargie.

2. Attributions

Les attributions du tribunal des conflits sont fixées par la loi de 1872 et par le décret de 2015.

a) Le règlement des conflits positifs

Première hypothèse de compétence du tribunal des conflits, c'est ce qu'on appelle le règlement des conflits positifs. Le règlement des conflits positifs correspond à l'hypothèse dans laquelle la juridiction judiciaire s'estime compétente dans un litige qui met en cause l'administration, et l'administration, via le préfet, estime au contraire que c'est le juge administratif qui est compétent.

Dans ces cas-là, le préfet doit adresser ce qu'on appelle un déclinatoire de compétence au juge judiciaire, et si le juge judiciaire s'estime toujours compétent, c'est-à-dire rejette le déclinatoire de compétence, alors il appartient au préfet, c'est-à-dire à l'administration, d'élever elle-même le conflit devant le Tribunal des conflits qui tranchera la question de la compétence.

b) La prévention des conflits négatifs

L'autre procédure, c'est celle des conflits négatifs et leur prévention, beaucoup plus importante. Le conflit négatif correspond à l'hypothèse dans laquelle chacun des deux ordres de juridiction s'est irrévocablement estimé incompétent pour statuer sur la requête dont elle est saisie, en estimant que c'est l'autre ordre de juridiction qui est compétent.

Donc là, dans une telle hypothèse, confine au déni de justice, puisque aucun des deux ordres de juridiction ne veut trancher, et chacun des ordres se renvoie la balle. Dans ces cas-là, les parties ont la possibilité de saisir elles-mêmes le Tribunal des conflits, mais c'est une solution qui est évidemment longue et très insatisfaisante pour le justiciable.

Donc, pour éviter l'existence de tels conflits négatifs, des procédures de prévention des conflits, destinées à éviter l'hypothèse d'un conflit négatif, ont été instaurées. Il en existe deux hypothèses différentes.

La première hypothèse, c'est que lorsqu'une juridiction s'est déjà déclarée incompétente, et que la seconde juridiction saisie est sujette à une part de doute importante et aurait plutôt tendance à estimer que c'était bien le premier juge sujet qui était compétent, contrairement à ce qu'il a jugé, dans ces cas-là, en réalité, la juridiction ne peut pas se déclarer incompétente. Elle doit, en théorie, par une décision motivée, adresser elle-même la question de la compétence au Tribunal des conflits. Donc, plutôt que de s'estimer incompétente et de créer un vide, la juridiction doit anticiper en saisissant directement le tribunal des conflits.

Et l'autre hypothèse de prévention des conflits, qui a été étendue notamment par le décret de 2015, est de permettre à une juridiction qui est saisie d'un litige qui présente une difficulté sérieuse de compétence d'interroger directement le Tribunal des conflits. Donc là, n'importe quelle juridiction peut d'emblée saisir le tribunal des conflits. Initialement, cette faculté était réservée au cours suprême, Cour de cassation et Conseil d'Etat, mais elle a été élargie dans le cadre de la réforme de 2015.

c) Le règlement au fond

Enfin, dernière hypothèse d'attribution du tribunal des conflits, mais qui est assez rare, c'est ce qu'on appelle le règlement au fond. Le règlement au fond correspondrait à l'hypothèse dans laquelle, finalement, les décisions définitives rendues par les juridictions administratives judiciaires auraient une véritable contrariété sur le fond.

Dans un cas, le judiciaire estimerait que la responsabilité de tel tort reviendrait à l'administration et qu'il faudrait à ce moment-là aller devant le juge administratif, et que, par exemple, le juge judiciaire dit non, la personne responsable, c'est une personne privée, et donc là, c'est l'engagement de la responsabilité civile. Dans ces hypothèses qui, encore une fois, relèvent du déni de justice, le tribunal des conflits est compétent pour juger directement au fond.

B. Les questions préjudicielles

À côté de la saisie du tribunal des conflits, le respect du dualisme peut être mis en œuvre à travers des mécanismes de coopération entre les juridictions judiciaires et les juridictions administratives au moyen de ce qu'on appelle les questions préjudicielles.

Il peut arriver que dans un litige d'ordre privé, une question de droit administratif se pose et, réciproquement, dans un litige administratif, parfois, une question de droit privé est susceptible de se poser. En principe, le juge de l'action est le juge de l'exception, mais ce principe connaît des tempéraments lorsqu'est en cause une question relevant du cœur de compétence de l'un ou des autres ordres de juridiction.

Dans ces cas-là, notamment en matière de propriété et d'état des personnes, par exemple, s'agissant de juges judiciaires, ou de validité des actes administratifs ou de détermination du domaine public s'agissant de juges administratifs, l'ordre saisi doit adresser une question préjudicielle à l'autre ordre pour qu'il statue sur le litige accessoire, si vous voulez, soulevé à l'occasion du litige principal.

Il existe des exceptions, notamment au profit du juge judiciaire, qui n'a pas à soulever de questions préjudicielles aux juges administratifs : d'une part, en matière pénale, si on met en cause la validité d'actes administratifs, le juge pénal doit statuer directement dessus; et en matière civile, il y a un arrêt important du Tribunal des conflits du 17 octobre 2011, SCEA du Chéneau, qui ménage deux exceptions. Lorsqu'en réalité, les questions soulevées dans le litige accessoire peuvent être tranchées au vu d'une jurisprudence établie, lorsqu'il n'y a pas de question de droits nouvelles, lorsque la jurisprudence est très claire, le juge de l'action principale peut directement statuer.

Et une deuxième exception qui n'est pas évidente à saisir, c'est lorsque devant le juge civil, un des justiciables met en cause la validité d'un acte administratif, met en cause la validité d'un acte administratif, ce qu'on appelle l'exception d'illégalité, au regard du droit de l'Union Européenne, le principe d'effectivité du droit de l'Union Européenne suppose que cette question soit tranchée le plus rapidement possible, si possible en interrogeant la Cour de justice, et donc dans ces cas-là, le juge civil doit répondre directement à la question.

Section 2 – Les juridictions administratives

Le Conseil d'État incarne à lui seul la principale spécificité des juridictions administratives. Tout d'abord, en raison de l'ambivalence de sa fonction. Le Conseil d'État n'est pas seulement une juridiction, il est également le conseiller juridique du gouvernement et, à ce titre, il participe également à la confection de la loi et des ordonnances.

Une autre caractéristique tient à la diversité des fonctions juridictionnelles assurées par le Conseil d'État. Le Conseil d'État n'est pas vraiment comparable à la Cour de Cassation et il n'est pas seulement juge de cassation comme l'est la Cour de Cassation.

En effet, il est également juge d'appel et même juge de premier et dernier ressort. De ce point de vue, le système juridictionnel administratif se distingue radicalement du système judiciaire. Cette différence s'explique par l'histoire.

Dans le système judiciaire, la Cour de Cassation a été instituée et placée au sommet de l'édifice pour tenir en respect les juges du fond et s'assurer de leur soumission à la loi. L'ordre juridictionnel administratif s'est, lui, construit dans un ordre inverse. Le Conseil d'État n'a pas été posé au sommet des juridictions administratives, parce que longtemps, le Conseil d'État est resté le seul juge de droit commun en matière administrative, compétent pour statuer directement sur les litiges administratives.

Si, au fil du temps, d'autres compétences à juridictions générales ou spécialisées ont été instituées, leur création résulte d'une considération d'ordre pratique, l'encombrement du prétoire du Conseil d'État, qui matériellement rendait impossible l'exercice de sa mission et le maintien de son monopole en matière contentieuse.

Le Conseil d'État a donc été contraint de se délester d'une partie de ses activités tout en prenant soin de conserver directement la maîtrise des litiges mettant en cause les plus hautes autorités de l'État.

L'ordre juridictionnel administratif se compose ainsi de juridictions générales et de juridictions spécialisées. Les premières détiennent une compétence de droit commun, tandis que les secondes ont une compétence d'attribution. C'est donc devant les juridictions générales que les litiges administratifs sont en principe portés, à moins qu'un texte ne désigne expressément une juridiction spécialisée. Les juridictions générales sont toutes soumises au code de justice administrative et les juridictions spécialisées y échappent pour l'essentiel et sont régies par des textes spécifiques.

Générales comme spécialisées, toutes les juridictions administratives relèvent en tout dernier ressort, en cassation ou en appel, du contrôle du Conseil d'État.

I. Les juridictions administratives générales

Les juridictions administratives générales comprennent le Conseil d'État, les cours administratifs d'appel (9) et les tribunaux administratifs (42). Les tribunaux et les cours, dont les membres forment un corps autonome, ont été institués progressivement pour faire face à l'afflux du contentieux, notamment dans le Conseil d'État.

A. Apparition

Jusqu'en 1953, le Conseil d'État est compétent pour connaître en premier ressort de tous les litiges administratifs, dès lors qu'il ne relève évidemment pas de la compétence d'une juridiction spécialisée.

Ce n'est peut-être pas la seule juridiction administrative à compétence générale; on avait auparavant des conseils de préfecture qui avaient été instaurés par la loi du 28 pluviôse An VIII. Mais ces conseils de préfecture ne détiennent qu'une compétence d'attribution, c'est-à-dire qu'ils ne connaissent que de certains litiges que la loi leur attribue expressément. A défaut, jusqu'en 1953, le Conseil d'État a statué la juridiction administrative générale de droit commun.

La situation est devenue intenable. Accablé par la masse d'affaires à traiter, le Conseil d'État a dû statuer dans un délai de plus en plus long. Et lorsqu'un juge met énormément de temps à statuer, c'est l'effectivité du droit au recours qui est en cause.

Des tribunaux administratifs ont été créés par un décret-loi du 30 septembre 1953 pour décharger le Conseil d'État. Prenant la place des conseils de préfecture, ces tribunaux administratifs deviennent les juges de droit commun en premier ressort des litiges administratifs.

La compétence de droit commun qui auparavant était exercée par le Conseil d'État a été transférée en 1953 aux tribunaux administratifs. Le Conseil d'État se mue alors en juge d'appel des jugements rendus par les tribunaux, tandis qu'il reste compétent en premier ressort de certains litiges importants dont il a conservé la connaissance, par exemple les actes réglementaires des autorités nationales.

L'engorgement dont il a été victime à la veille de la réforme de 1953 a frappé à nouveau le Conseil d'État à la fin des années 1980 en tant que juge d'appel, de sorte qu'une nouvelle réforme a été rendue nécessaire.

Et la loi du 31 décembre 1987 crée ainsi les cours administratifs d'appel qui deviennent juges d'appel des jugements rendus en premier ressort par les tribunaux administratifs.

Tout en conservant des compétences résiduelles d'appel à l'égard des jugements rendus par les tribunaux administratifs, le Conseil d'État devient, à partir de 1990 en réalité, c'est-à-dire de l'année d'entrée en vigueur de la réforme, juge de cassation des arrêts rendus par les cours administratifs d'appel. C'est une mutation profonde du Conseil d'État puisque à partir de l'entrée en vigueur de la réforme sur les cours administratifs d'appel, le Conseil d'État, son activité principale va être celle d'un rôle de juge de cassation. Ce qui veut dire que son office, la manière dont il juge, en droit et pas en fait, va considérablement évoluer.

B. Membres

Le statut des membres des juridictions administratives vise à garantir leur indépendance, même si leur recrutement et leur carrière varient.

1. Le statut

Les membres du Conseil d'État et des tribunaux administratifs et cours administratifs d'appel (abréviation TACA) forment deux corps de fonctionnaires, même si le code les appelle magistrats, notamment s'agissant des membres des tribunaux administratifs et des cours, expression qui n'est pas employée au sujet des membres du Conseil d'État.

L'expression magistrat n'est pas employée pour les membres du Conseil d'État et que ce soit les membres des tribunaux administratifs et des cours administratifs d'appel ou du Conseil d'État, ceux-ci ne relèvent pas de l'ordonnance du 22 décembre 1958 concernant la magistrature. Ils relèvent du statut général de la fonction publique.

Ils n'en bénéficient pas moins de garanties d'indépendance propre à la fonction de juger, à travers notamment le principe d'inamovibilité, qui est expressément énoncé par le code en faveur des membres des tribunaux et des cours et dont les membres du Conseil d'État jouissent en pratique. C'est une pratique coutumière.

Le code soumet explicitement les jugés administratifs à un devoir de réserve, d'impartialité et d'intégrité, de probité et à des obligations plus récentes tendant à prévenir et à faire cesser les conflits d'intérêt.

Les principes déontologiques et les bonnes pratiques qui s'imposent à eux sont énoncés depuis 2011 par une charte de la déontologie qui est établie notamment par le vice-président du Conseil d'État — le vice-président du Conseil d'État, c'est en réalité le président effectif du Conseil d'État, c'est une appellation ancienne puisqu'initialement le Conseil d'État était présidé par le Premier ministre, ce n'est désormais plus le cas, le Conseil d'État étant présidé par son vice-président.

Un collège de déontologie a été instauré et il est chargé de répondre sous forme d'un lien aux questions déontologiques que se pose tel ou tel juge.

Les membres du Conseil d'État appartiennent à un corps de fonctionnaires spécifiques, à savoir les membres du Conseil d'État, tandis que les membres des tribunaux et des cours administratifs d'appel forment un autre corps distinct, le corps des conseillers de TACA, Tribunaux Administratifs et Cours Administratifs d'Appel.

2. Le recrutement

La plupart des membres du Conseil d'État doivent désormais passer par le nouvel institut national du service public, l'INSP, qui a succédé à l'ENA, l'École Nationale de l'Administration.

Initialement, les membres du Conseil d'État étaient recrutés à l'issue du concours de sortie de l'ENA, parmi les meilleurs, ceux qui étaient classés dans la botte. Ils étaient recrutés comme auditeurs à leur sortie de l'ENA, puis devenaient maîtres de requêtes et enfin conseillers d'État.

Désormais, avec la réforme de l'encadrement supérieur de l'État, une réforme du 2 juin 2021, les membres du Conseil d'État sont nommés par arrêté du vice-président du Conseil d'État pour une durée de trois ans de renouvelable, parmi les membres du corps des administrateurs de l'État, justifiant d'au moins deux ans de services publics effectifs en cette qualité.

Désormais, avec la réforme de 2021, on ne peut plus accéder au Conseil d'État directement à la sortie de l'INSP qui a succédé à l'ENA. Il faut d'abord avoir exercé des fonctions de haut niveau dans ce qu'on appelle l'administration active dans le corps des administrateurs de l'État.

Les membres du Conseil d'État peuvent également être recrutés par la voie du tour extérieur, c'est-à-dire de façon quasi-discrétionnaire par le gouvernement, et c'est quand même une portion assez importante puisque un quart des emplois vacants de maîtres de requêtes et un tiers des emplois vacants de conseillers d'État sont pourvus par cette voie. Donc, de nombreux conseils d'État sont issus de ce tour extérieur.

Les membres des tribunaux et des cours administratifs étaient, quant à eux, en principe recrutés par la voie de l'ENA. La progression du contentieux a cependant rendu nécessaire la mise en place d'un concours complémentaire qui a été institué initialement de façon temporaire et qui a été pérennisé. Donc, il existe un concours spécifique, le concours TACAA, pour devenir juge administratif.

Mais, à côté de ce recrutement spécifique, le concours à l'issue de l'ENA avait été maintenu, et aujourd'hui, dans le cadre de la réforme de l'encadrement supérieur de l'État, une voie une normale d'accès à l'issue de cette école, à l'issue de l'INSP. Les membres du corps des administrateurs de l'État, ayant exercé que ce soit à la sortie de l'INSP, et justifiant au moins deux ans de service effectif en cette qualité, sont nommés magistrats des TACA.

Il y a une petite différence par rapport à la nomination au conseil d'État : nomination au conseil d'État, on présente sa candidature au bout d'au moins deux ans de travail en tant qu'administrateur de l'État; pour être juge administratif, il faut là encore avoir exercé au moins deux ans de service en qualité de membre du corps des administrateurs de l'État, mais on a dû afficher ce choix dès la sortie de l'école.

3. La carrière

Au Conseil d'État, l'avancement statutaire de grade à grade, auditeurs, maîtres de requêtes, conseil d'État, s'effectue selon le seul critère de l'ancienneté. Et ce critère de l'ancienneté permet de garantir l'indépendance des magistrats. C'est un gage d'indépendance.

Parallèlement, il existe une carrière non statutaire, relative aux fonctions exercées. Là, ce n'est pas la même chose que l'avancement en grade, et dont l'évolution, elle, répond à des critères de mérite qui sont appréciés exclusivement à l'interne, notamment par le vice-président, qui suit l'avis de ses collègues, notamment qui sont les présidents de chambre, et s'agissant de la section du contentieux, la section du contentieux est présidée par un président de la section du contentieux, assistée par plusieurs présidents adjoints, et se décompose elle-même en dix chambres du contentieux.

Donc toutes ces personnes qui exercent des fonctions supérieures au sein du Conseil d'État ont leur mot à dire sur les promotions individuelles. La promotion statutaire des membres des tribunaux et cours administratifs d'appel, de grade à grade, est quant à elle, entre les mains du conseil supérieur des tribunaux et des cours administratifs d'appel, qui est présidé par le vice-président du Conseil d'État, après avis du président de la juridiction concernée.

Donc là, en revanche, ce n'est pas seulement l'ancienneté, c'est l'avis du conseil supérieur des tribunaux et des cours administratifs d'appel qui est pris en compte, et il en vient de même de ce qu'on appelle la carrière non statutaire, c'est-à-dire des fonctions exercées au sein de la juridiction administrative, comme rapporteur public, président de chambre, président de TA, etc., qui est faite sur nomination du vice-président du conseil d'État, sur avis du conseil supérieur des tribunaux et des cours administratifs d'appel.

Il faut savoir également que l'accès au Conseil d'État par des membres des juridictions administratives subordonnées, donc tribunaux administratifs et cours administratifs d'appel, est directement prévu par le code de justice administrative, il y a un certain quota qui l'aurait expressément réservé pour assurer un pont entre les deux corps, mais il n'est pas très élevé.

II. Les juridictions administratives spécialisées

Il existe une cinquantaine environ de juridictions administratives spécialisées, dont le caractère juridictionnel n'apparaît pas toujours avec netteté. Ces juridictions administratives sont toutes placées sous le contrôle de cassation du Conseil d'État.

Les juridictions spécialisées ne traitent que d'un certain type de litige, c'est une compétence d'attribution.

Par exemple, il existe des juridictions administratives dans le contentieux de l'aide sociale, en matière de RSA, avec la commission centrale d'aide sociale et la cour nationale de tarification sanitaire et sociale.

Vous avez des juridictions administratives spécialisées en matière financière, avec la cour des comptes, en matière de demande d'asile, avec la CNDA, la cour nationale du droit d'asile. Au passage, la CNDA, la cour nationale du droit d'asile, est la plus grosse juridiction administrative de France, c'est elle qui traite le plus grand nombre de litiges : l'asile est octroyé par un établissement public administratif qui s'appelle l'OFPRA, l'Office français de la protection des réfugiés et de l'asile, et les contestations des décisions prises par l'OFPRA sont adressées devant la CNDA.

Un gros contentieux aussi en matière de juridictions spécialisées correspond au contentieux des juridictions disciplinaires. Au sein des juridictions disciplinaires, on trouve notamment les juridictions disciplinaires des ordres professionnels.

Certaines professions réglementées sont constituées au sein d'un ordre, et au sein de cet ordre, il y a une forme de dédoublement fonctionnel avec une partie de l'ordre qui va être composée en chambres disciplinaires, et cette chambre disciplinaire va juger des litiges qui sont portés devant elle, mettant en cause l'activité professionnelle d'un membre d'une profession réglementée, d'un médecin, d'une infirmière, d'un notaire, d'un architecte, et il va y avoir une première instance locale, généralement départementale ou inter-régionale. Ensuite, en général, vous avez une chambre nationale de discipline adossée au conseil national de l'ordre, qui est juge d'appel, et recours en cassation devant le conseil d'État.

Ces juridictions administratives spécialisées résolvent beaucoup de litiges. Elles sont fréquemment échevinées, ça veut dire qu'elles sont composées de représentants des intérêts en présence, donc souvent des membres des professions réglementées si on est en cas de juridiction disciplinaire, par exemple, auxquels sont adjoints des magistrats administratifs ou judiciaires, des magistrats professionnels.

Les règles applicables devant ces juridictions suivent les principes généraux du contenu administratif. Un certain nombre de règles est fixée par les textes institutifs.

Par ailleurs, un point qui a beaucoup fait couler d'encre au sujet des juridictions spécialisées et notamment des juridictions disciplinaires correspond au respect des garanties prévues par l'article 6, paragraphe 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et de liberté fondamentale, c'est-à-dire le droit à un procès équitable.

Et sous l'influence de la Cour européenne des droits de l'homme et de cet article 6, différentes réformes du procès disciplinaire devant ces juridictions administratives spécialisées ont dû être mises en œuvre afin de les rendre compatibles avec les exigences d'un procès équitable. On pense par exemple au caractère public de l'audience.