Titre I. Les juridictions françaises

Avant de commencer, un petit rappel. Nous avons déjà abordé la dualité des ordres juridictionnels en France, principe issu de la Révolution française. En raison de la séparation des pouvoirs, le juge judiciaire n’est pas compétent pour juger l’administration. Par conséquent, il existe en France un ordre judiciaire et un ordre administratif, chacun ayant ses propres juridictions.

Dans ce titre sur les juridictions françaises, nous nous concentrerons sur les juridictions de l’ordre judiciaire. Les juridictions administratives seront abordées dans le cadre des institutions administratives.

Certaines juridictions échappent à cette dualité, c'est-à-dire qu'elles n’appartiennent ni à l’ordre judiciaire ni à l’ordre administratif. Il y en a principalement deux : le tribunal des conflits, qui tranche les litiges entre l’ordre judiciaire et l’ordre administratif, et le Conseil constitutionnel.

Ce titre premier sera donc divisé en deux sous-titres :

Chapitre I. Les juridictions du premier degré

Les juridictions de premier degré sont nombreuses, deux sections : les juridictions civiles, commerciales et sociales, et les juridictions pénales.

Cette distinction est due aux différences de procédure : procédure civile pour les premières et procédure pénale pour les secondes.

Les juridictions civiles, commerciales et sociales

Dans ce groupe de juridictions, on en distingue quatre principales :

Les tribunaux judiciaires

Pour comprendre ce qu'est un tribunal judiciaire, nous devons déterminer trois éléments essentiels : la matière civilel’organisation du tribunal et la répartition géographique des tribunaux judiciaires en France.

La présentation de la matière civile

Les tribunaux judiciaires traitent des litiges relevant de la matière civile. La notion de matière civile peut encore sembler floue. Voici donc quelques exemples pour illustrer ce domaine :

La compétence du tribunal judiciaire se définit par défaut. Elle couvre tous les litiges qui ne relèvent pas d’autres juridictions spécialisées, comme les tribunaux de commerce, les conseils de prud’hommes, ou encore les juridictions administratives, des baux ruraux et pénales. On dit donc que le tribunal judiciaire a une compétence de droit commun : il intervient quand aucune juridiction spécialisée n’est compétente.

Cette compétence de droit commun est encadrée par le Code de l’organisation judiciaire, aux articles L211-1 et R211-1.

Le tribunal judiciaire statue en première instance en matière civile et pénale. Lorsqu'il statue en matière pénale, il est dénommé tribunal correctionnel ou tribunal de police.
Article L211-1 du Code de l'organisation judicaire 

En plus des attributions qui lui sont dévolues par les lois et règlements et sauf disposition expresse contraire, la cour d'appel statue sur les appels interjetés contre les décisions rendues par :
Les tribunaux de grande instance ;
Les tribunaux d'instance ;
Les tribunaux de commerce ;
Les conseils de prud'hommes ;
Les tribunaux paritaires des baux ruraux.
Elle connaît en outre de l'appel interjeté contre les décisions d'autres juridictions dans les cas prévus par les lois et règlements.
Article R211-1 du Code de l'organisation judiciaire (abrogé)

L’organisation du tribunal judiciaire

L’organisation d'un tribunal judiciaire repose sur trois points : les chambres du tribunal, le président du tribunal et le personnel du tribunal

Outre les juges, il y a un représentant du parquet (procureur ou magistrat du parquet) et un service de greffe qui gère la rédaction des jugements et d’autres actes de procédure.

La répartition géographique des tribunaux judiciaires

Les tribunaux judiciaires, avec leur compétence de droit commun, doivent être accessibles à tous les citoyens. Leur répartition géographique est donc fonction de la densité démographique : on place davantage de tribunaux dans les zones fortement peuplées. Actuellement, il existe 164 tribunaux judiciaires pour 101 départements. Chaque département a au moins un tribunal, certains en ayant plusieurs.

Les tribunaux de commerce

Pour l'étude des différentes juridictions, nous suivrons un plan similaire : quelques mots sur la compétence de la juridiction (ici, le tribunal de commerce), puis un aperçu de son organisation et enfin la répartition géographique des tribunaux de commerce en France.

La compétence du tribunal de commerce

Comme son nom l'indique, les tribunaux de commerce sont compétents pour toutes les affaires commerciales. Cette compétence couvre les litiges liés à la vie des affaires : achats de marchandises pour la revente, opérations bancaires, engagements commerciaux, litiges entre sociétés commerciales, incidents de paiement et insolvabilité des commerçants ou sociétés commerciales. Depuis le 1er janvier 2002, les litiges entre artisans sont également du ressort des tribunaux de commerce.

Exception : Les litiges entre commerçants et particuliers, qui sont des litiges de consommation, relèvent en principe des tribunaux judiciaires, et non des tribunaux de commerce.

Pour retrouver la liste complète des compétences du tribunal de commerce, il faut consulter l’article L721-3 du Code de commerce.

L’organisation du tribunal de commerce

L’organisation du tribunal de commerce est originale, car il n’est pas composé de magistrats de carrière, mais de magistrats élus par les commerçants. Ainsi, les commerçants sont jugés par leurs pairs, conférant à cette juridiction un aspect corporatiste.

Origine de la justice commerciale élue

Les tribunaux de commerce sont parmi les plus anciennes juridictions françaises. Inspirés des républiques marchandes de Gênes et de Venise, où des "juges consuls" étaient élus pour résoudre les litiges commerciaux, ces juges sont appelés en France "juges consulaires". Ce système a perduré depuis le Moyen Âge, en raison de la vision positive qu'avait la Révolution sur l'élection des juges, perçue comme un gage qualité de la justice.

Il y a plusieurs critiques. Tout d'abord, on peut critiquer une forme de partialité des juges consulaires. Ce sont des commerçants qui jugent d'autres commerçants, peut-être des sociétés qui connaissent, peut-être des concurrents. Il faut donc être très vigilant sur les possibles conflits d'intérêts qui peuvent se produire devant les tribunaux de commerce.

Mais en même temps il y a un revers de la médaille à cet inconvénient. C'est un avantage, puisqu'ils sont commerçants, ils connaissent aussi la vie des affaires, ils connaissent les difficultés que les plaideurs qui sont devant eux rencontrent. Mais à cela il y a encore un inconvénient, c'est que souvent on dit que les juges consulaires connaissent bien la vie des affaires mais connaissent mal le droit.

Et c'était là l'une des difficultés principales des tribunaux de commerce, c'est que les commerçants qui sont élus juges consulaire, n'avaient aucune formation. Or dans certaines affaires, il est tout à fait nécessaire d'avoir des compétences juridiques pointues. Par exemple, lorsqu'une société fait faillite, il y a évidemment des compétences juridiques solides qui sont nécessaires.

Face à ces critiques, il y a eu plusieurs réformes, et notamment, il y a une formation des magistrats, des juges consulaires qui est prévue pour leur donner quand même des bases juridiques pour exercer leur fonction le mieux possible.

Et pour les contentieux les plus compliqués, il y a ce qu'on appelle une concentration des litiges : pour les litige de droits de la concurrence, de propriété littéraire artistique, propriété industrielle et commerciale, au lieu que ce soit le tribunal de commerce d'une toute petite ville qui n'est pas habituée à traiter ce genre de litige et qui n'est pas armé pour traiter ce genre de litige, on décide d'une concentration du contentieux et on va décider que ce sont les tribunaux de commerce des grandes villes, parce qu'il y a plus de juges, et parce qu'ils ont plus l'habitude de traiter ce type d'affaires.

Il y a une solution qui est souvent proposée mais qui jusqu'à maintenant n'a jamais été acceptée : l'échevinage. Il s'agit d'une juridiction dans laquelle il y a à la fois des magistrats de carrière et à la fois des magistrats élus de la spécialité de la matière du tribunal. L'idée serait de garder des juges élus spécialisés en commerce mais auxquels on adjoint des magistrats de carrière, des juges donc qui ont fait l'école nationale de la magistrature et qui apporteraient leur expérience juridique.

Plusieurs obstacles : d'abord il y a une opposition très très forte des commerçants de manière générale à ce qu'un magistrat de carrière siège au tribunal de commerce. Il y a aussi une question de moyens : on n'a déjà pas assez de magistrats dans les juridictions qui sont composés de magistrats de carrière, donc ajouter dans des juridictions qui jusqu'à maintenant échappent à l'état des magistrats serait compliqué.

Les modalités de l'élection

L'élection des juges consulaires est indirecte : les personnes inscrites au registre du commerce élisent un collège électoral, qui, à son tour, élit les juges consulaires. Pour être éligible, un candidat doit justifier de cinq ans d’activité commerciale et avoir au moins 30 ans. Les juges consulaires effectuent un premier mandat de deux ans, puis des mandats de quatre ans, avec un maximum de quatre mandats consécutifs, soit un total de 14 ans. Fait notable, les juges consulaires ne sont pas rémunérés.

Le fonctionnement du tribunal de commerce

En grande partie, le tribunal de commerce fonctionne comme un tribunal judiciaire, avec un président qui remplit également une fonction de juge des référés. Le greffier du tribunal de commerce y joue un rôle essentiel, notamment pour la tenue des actes et des archives: le greffier du tribunal de commerce a une charge, comme les notaires.

Si le tribunal est assez gros, lui aussi va être divisé en plusieurs chambres qui auront chacune leur domaine de spécialité.

La répartition géographique des tribunaux de commerce

Actuellement, on compte 134 tribunaux de commerce répartis sur le territoire français, institués par décret. Ces tribunaux ne sont implantés que dans les régions avec une forte activité commerciale. En cas d’évolution de l’activité, le décret peut décider de leur création, suppression ou déplacement. Par exemple, il n'existe pas de tribunaux de commerce en Lozère ou en Haute-Savoie, où l’activité commerciale est trop faible.

Les conseils de prud’homme

Le conseil de prud’hommes est la juridiction compétente pour tous les litiges de droit du travail.

Prenons un exemple : un employé s’absente de son poste sans explication pendant plusieurs jours. Son employeur souhaite le licencier, mais l'employé n’est pas d’accord. Ce litige sera porté devant le conseil de prud’hommes.

Pour mieux comprendre le conseil de prud’hommes, on suit le plan habituel : compétenceorganisation, et répartition géographique.

Compétence de droit commun (présentation de la matière civile)

Le conseil de prud’hommes (ou CPH, pour simplifier) est compétent pour tous les litiges découlant du contrat de travail, y compris le contrat d'apprentissage. Lorsque les litiges entre employeurs et employés ne peuvent être résolus de manière amiable, ils sont portés devant le conseil de prud’hommes, qui a une double mission :

Organisation

L’organisation du conseil de prud’hommes présente une originalité : c’est une juridiction paritaire.

Principe de parité

Les juges du conseil de prud’hommes, appelés conseillers, sont des représentants des employeurs et des employés, en nombre égal. Par exemple, si la formation comprend deux conseillers salariés, elle aura également deux conseillers employeurs.

Conséquences de la parité

Cette organisation paritaire entraîne deux conséquences :

Répartition géographique

Il y a un conseil de prud’hommes dans chaque lieu où se trouve un tribunal judiciaire, en application du principe d'accès à la justice. Contrairement aux tribunaux de commerce, la répartition des conseils de prud’hommes ne dépend pas de la densité de l’activité économique locale. Un employé en zone à faible emploi a autant droit à son conseil de prud’hommes qu’un salarié d’une zone à forte activité.

Actuellement, il existe 210 conseils de prud’hommes sur le territoire français, soit plus que le nombre de tribunaux judiciaires.

Critique

Le conseil de prud’hommes est composé de représentants des employés et des employeurs, mais sans magistrats de carrière. Cette organisation, bien qu’ayant ses avantages, pose des problèmes de qualité dans les décisions rendues. En effet, les décisions du conseil de prud’hommes connaissent un taux de réformation en appel élevé, ce qui témoigne d'une difficulté à garantir des décisions satisfaisantes.

Les tribunaux paritaires des baux ruraux

Qu’est-ce qu’un bail rural ?

Avant de comprendre le rôle des tribunaux paritaires des baux ruraux, il est important de définir ce qu’est un bail rural.

Vous connaissez sans doute le concept de bail, notamment pour des locations d'appartements ou de chambres. Dans le cadre d’un bail rural, cependant, il ne s’agit pas de louer un logement, mais une terre. Cette terre est louée pour permettre au locataire d'y exercer une activité, comme l’agriculture ou l’élevage.

Il existe deux types principaux de baux ruraux :

  1. Le contrat de fermage : le locataire est appelé fermier.
  2. Le contrat de métayage : le locataire est appelé métayer.

Les propriétaires de ces terres, appelés bailleurs, louent donc leurs terres aux fermiers ou métayers.

Comme pour tout contrat de location, des litiges peuvent survenir. Par exemple, le propriétaire de la terre (bailleur) pourrait décider de reprendre sa terre pour construire un bâtiment, alors que le fermier a déjà planté ses cultures en vue de les vendre. Ces conflits sont courants dans les baux ruraux et nécessitent un tribunal spécialisé.

En raison de la nature très spécifique de ces litiges, les contrats de fermage et contrats de métayage sont encadrés par un code spécifique : le Code rural. Pour traiter ces affaires spécialisées, un tribunal dédié a été créé : le tribunal paritaire des baux ruraux.

Ce tribunal est dit paritaire, car il est composé de manière équilibrée :

Une particularité des tribunaux paritaires des baux ruraux est qu’ils ne siègent pas en permanence. Contrairement aux juridictions qui siègent toute l'année, cette juridiction fonctionne par sessions en raison du faible volume de contentieux dans ce domaine.

Ainsi, les tribunaux paritaires des baux ruraux n’ouvrent des sessions que lorsqu’un nombre suffisant de litiges a été rassemblé. Une fois ces litiges traités, la session est clôturée, et une nouvelle session sera ouverte uniquement lorsque de nouveaux litiges surgiront.

Les juridictions pénales

Les juridictions pénales, ce sont l'ensemble des tribunaux ou des cours qui jugent les infractions. L'infraction au sens large c'est la violation d'une règle de droit pénale qui donc peut donner lieu à un procès pénal.

Souvent, lorsque l'infraction est constatée, lorsque le tribunal ou la cour juge que l'infraction existe, elle va prononcer une sanction, ce qui fait que vous trouverez peut-être dans les manuels l'expression de juridiction répressive pour désigner les juridictions pénales, parce que le plus souvent elle prononce une sanction, elle prononce une peine.

La particularité des juridictions pénales c'est qu'en leur sein on peut distinguer les juridictions pénales de droit commun qui s'appliquent à n'importe lequel des citoyens qui commettraient une infraction, un vol, une agression sexuelle,...puis certaines juridictions pénales sont spécialisées, en ce sens qu'elles ne concernent que certaines personnes en particulier. Il en va ainsi de la justice militaire, de la justice martiale. Il peut en aller aussi ainsi en matière politique.

Les juridictions pénales de droit commun

En réalité, ces juridictions pénales de droit commun, c'est la Cour d'assises qui juge des crimes, le tribunal correctionnel qui juge des délits et le tribunal de police qui lui traite des contraventions. Toutes ces juridictions sont les juridictions qui interviennent au stade de la phase de jugement en matière pénale.

Mais ce qui est intéressant c'est qu'en matière pénale, la phase préalable au jugement, qu'on appelle la phase d'instruction, est une phase qui est absolument déterminante.

Alors attention, dans le procès civil il existe une phase d'instruction. Mais cette phase d'instruction, dans le procès civil, qui sert à rassembler les éléments de preuves nécessaires au procès, c'est-à-dire à la prise de décision, elle est faite par le juge qui va trancher ensuite l'affaire.

La particularité de la matière pénale, c'est que pour des raisons d'impartialité, on a décidé de dissocier la phase d'instruction et la phase de jugement. Ce ne sont pas les mêmes juges qui sont chargés de la phase d'instruction et qui sont chargés de la phase de jugement.

L’instruction préparatoire

En matière pénale, cette phase d'instruction est tout à fait primordiale. C'est une phase très importante de ce qu'on appelle la procédure pénale et la procédure pénale instaure une séparation très nette entre cette phase d'instruction et la phase de jugement par ailleurs.

Et surtout, elle distingue, dans ces deux phases, les juges. Ce ne sont donc pas les mêmes juges qui instruisent l'affaire et ceux qui jugent l'affaire.

Pendant longtemps, la phase d'instruction était entre les mains d'un seul juge qu'on appelait le juge d'instruction, qui avait trois missions principales : la mission d'information, certains pouvoirs juridictionnels et enfin, la maitrise de la question de la détention provisoire des prévenus.

Puis, il y a eu une évolution. On a estimé que le juge qui décidait du renvoi ou non de l'affaire ne pouvait pas décider de la mise en détention provisoire. Aujourd'hui, on a dans la phase d'instruction deux juges, le juge d'instruction et le juge de la détention et des libertés.

Le juge d’instruction

Le juge d'instruction a hérité donc de deux missions, vu qu'il s'est vu privé de sa troisième mission qui est la détention provisoire : une mission d'information et une mission de juridiction.

La mission d'information

Cela signifie que le juge d'instruction est chargé de rassembler tous les éléments de preuve qui permettent la manifestation de la vérité. On dit que le juge d'instruction instruit, à charge et à décharge.

Cette expression est tout à fait fondamentale parce qu'elle signifie que le juge d'instruction est chargé aussi bien de rassembler les éléments de preuve de culpabilité du prévenu, mais aussi les éléments de preuve de non culpabilité du prévenu.

Pour réaliser cette mission, pour rassembler ces preuves, le juge d'instruction va faire de multiples opérations qu'on appelle tout simplement des actes d'instruction. Par exemple, il va demander des avis d'experts, il va auditionner des témoins, il va se transporter sur les lieux de l'infraction, il va demander des perquisitions ou des saisies de documents. Il peut agir en concours avec la police ou seul selon les cas.

Le juge d'instruction a aussi des pouvoirs de contrainte, notamment en termes de personnes. Il peut obliger une personne à comparaître devant lui, c'est ce qu'on appelle le mandat de comparution, mais il peut contraindre une personne à comparer devant lui avec l'aide de la police, c'est-à-dire que la personne sera présentée au juge d'instruction par les policiers, ça c'est s'il forme un mandat d'amenée. Et enfin, le juge d'instruction peut éventuellement émettre un mandat d'arrêt pour des prévenus qui seraient en fuite.

La mission de juridiction

Le juge d'instruction dans sa mission a des pouvoirs juridictionnels, c'est-à-dire qu'il a le pouvoir de dire le droit, de trancher certaines contestations. Ces actes juridictionnels du juge d'instruction sont appelés des ordonnances et les deux principales ordonnances que va rendre le juge d'instruction sont relatives au fait de choisir de renvoyer ou pas le prévenu dans la phase de jugement, c'est-à-dire devant un juge.

Ces deux ordonnances sont pour la première l'ordonnance qu'on appelle l'ordonnance de non lieu. L'ordonnance de non lieu, c'est l'acte par lequel le juge d'instruction considère qu'il n'a pas rassemblé suffisamment d'éléments de preuve pour poursuivre le prévenu. Et donc le prévenu n'ira pas devant un juge, il n'y aura pas dans cette affaire de phase de jugement.

Au contraire, si le juge d'instruction estime que les preuves rassemblées sont suffisantes, à ce moment-là il va rendre une ordonnance de renvoi, c'est-à-dire qu'il considère que son dossier contient suffisamment d'éléments de preuve pour permettre à ceux qui le jugeront sur le fond de se faire une opinion éclairée. Et donc ce renvoi, c'est le renvoi du prévenu dans la phase de jugement, donc devant un juge.

Mais il existe désormais dans la phase d'instruction un autre juge qui a une fonction importante, c'est celui qu'on appelle le JLD, en abréviation, le juge des libertés et de la détention.

Le juge des libertés et de la détention

Dans certaines hypothèses, dans certains cas graves, donc dans les cas, les infractions les plus graves, on craint que le prévenu, s'il reste en liberté, puisse soit fuir, soit exercer des pressions sur les protagonistes, les témoins de l'affaire, de manière à éviter qu'il témoigne ou qu'il modifie la version de leur témoignage, etc.

Dans ces cas-là, on estime donc qu'il faut placer le prévenu en détention provisoire. C'est évidemment une décision extrêmement grave, vu qu'il s'agit de mettre une personne en prison, alors même, et c'est ça qui est grave dans la détention provisoire, qu'elle n'a pas encore été jugée. Cette mission est désormais confiée au juge des libertés et de la détention.

Il va donc se fonder sur le dossier d'instruction, qui a été monté par le juge d'instruction, et c'est lui qui doit examiner s'il est opportun, ou pas, de placer le prévenu en détention provisoire.

C'est la première phase du procès pénal, la phase d'instruction. Lorsque le juge d'instruction adopte, rend une ordonnance de renvoi, le prévenu va passer devant un juge, s'ouvre alors la phase de jugement.

La phase de jugement

Cette phase de jugement se déroule devant certaines juridictions, mais on peut se demander pourquoi il existe plusieurs juridictions pénales.

Il existe plusieurs juridictions pénales de droit commun tout simplement parce qu'il existe plusieurs types d'infractions. En droit pénal français, il existe trois types d'infractions qui sont graduées en fonction de leur gravité.

Les infractions les moins graves, comme brûler un feu rouge par exemple, s'appellent les contraventions et relèvent du tribunal de police. Les infractions moyennement graves s'appellent les délits et ces délits relèvent, eux, du tribunal correctionnel. Et puis enfin, les infractions les plus graves sont les crimes et ces crimes relèvent, en principe, de la cour d'assises.

Le tribunal de police

La compétence du tribunal de police relève du domaine des contraventions.

Les contraventions sont les infractions les moins graves du code pénal et, étant les infractions les moins graves du code pénal, il s'agit aussi des infractions à laquelle la loi réserve évidemment une peine assez légère. Les contraventions sont punies uniquement d'amende sans peine de prison et d'un montant qui est relativement faible.

Pour rappel, l'amende est payée au Trésor Public français et les personnes qui sont coupables d'une infraction, donc d'une contravention, sont appelées les contrevenants.

Étant donné que le tribunal de police n'a à gérer que des infractions les plus minimes, on a estimé que la collégialité n'était pas nécessaire dans ce cas-là et donc le tribunal de police est une juridiction à juge unique. C'est un juge du tribunal judiciaire qui va statuer dans la formation de tribunal de police. Il statue seul donc sur les infractions.

Dès lors, cela nous donne aussi une information sur le ressort géographique des tribunaux de police : partout où se trouve un tribunal judiciaire, il y a un tribunal de police.

Le tribunal correctionnel

Le tribunal correctionnel est compétent pour la matière délictuelle, c'est-à-dire pour traiter des délits.

Les délits sont les infractions de degrés intermédiaires entre les contraventions et les crimes et ceux qui commettent un délit sont appelés les délinquants.

S'agissant des peines qui sont encourues en matière délictuelle, elles sont beaucoup plus importantes que les peines encourues en matière contraventionnelle vu qu'il peut être prononcé des amendes mais qui sont d'un montant beaucoup plus lourd que celles qui peuvent être prononcées en matière contraventionnelle, et surtout les délits peuvent être éventuellement punis d'une peine d'emprisonnement, donc d'une peine privative de liberté.

Cette information est importante parce qu'elle a une conséquence sur la composition du tribunal correctionnel. Le tribunal correctionnel ayant la possibilité de prononcer des peines très lourdes, et notamment des peines privatives de liberté, la possibilité de statuer à juge unique est totalement exclue dans ce cas.

C'est pourquoi le tribunal correctionnel est toujours un tribunal collégial, un tribunal composé de trois magistrats de carrière, un président et deux assesseurs.

Comme pour le tribunal de police, le tribunal correctionnel est rattaché au tribunal judiciaire, donc partout où il y a un tribunal judiciaire il y a un tribunal correctionnel.

La cour d’assises

S'agissant de la troisième catégorie d'infractions, les crimes, celle-ci est du ressort d'une troisième juridiction qu'on appelle la Cour d'assises.

La répartition géographique des cours d'assises est exactement la même que celle des tribunaux judiciaires, donc dans le ressort du tribunal judiciaire, il y a aussi une cour d'assises.

Mais la cour d'assises nécessite des précisions très importantes sur plusieurs points, d'abord sur sa composition qui est extrêmement originale, ensuite sur la compétence de la cour d'assises; et enfin, il y a quelques exceptions à la cour d'assises, c'est-à-dire des crimes qui ne sont pas soumis à la cour d'assises mais à d'autres formes de juridiction

Composition

La cour d'assises est composée de manière mixte, c'est-à-dire à la fois de magistrats de carrière mais surtout d'un jury populaire.

Dans la cour d'assises il y a donc la cour proprement dite, formée par les trois magistrats de carrière, un président et deux assesseurs.

A la Cour est accolé, pour la prise de décision, un jury populaire, qui est composé de six jurés, donc six personnes qui sont tirés au sort sur les listes électorales.

On va tirer au sort un panel de jurés possibles, le plus souvent on tire au sort pour une année. Si on est désignés comme juré pour la cour d'assises de Paris en 2023, cela ne veut pas dire qu'on va siéger à tous les procès de la cour d'assises. Il est possible qu'on nous appelle pour certains d'entre eux, parfois même il est possible qu'on ne vous convoque pas si finalement on n'a pas besoin d'autant de jurés qui ont été tirés au sort.

Ce jury populaire il est très important, parce qu'il faut rappeler que la justice est rendue au nom du peuple français.

Toutes les décisions de justice commencent par "au nom du peuple français" et on estime que dans la matière criminelle, qui est la matière la plus grave, vu que c'est là où les peines encourues sont les plus graves, des peines privatives de liberté qui peuvent être très longues, voire la perpétuité, on estime qu'il faut s'en remettre à l'expression de la souveraineté nationale pour prendre une telle décision. On a donc décidé d'instaurer un jury populaire.

Dans cette Cour d'assises, il y a bien sûr aussi un avocat général qui représente le ministère public.

Un point très important sur le délibéré de la cour d'assises : lors du délibéré, les six jurés se retirent mais ils se retirent avec les trois magistrats de carrière. Et donc ces magistrats sont présents et ils votent. Il y a donc neuf personnes qui votent à la fois sur la culpabilité du prévenu et ensuite il y a un vote sur la peine qu'on veut faire supporter au prévenu.

Et ce vote se fait à la majorité absolue de sept voix sur neuf. Donc les magistrats de carrière ont quand même une place qui reste très importante non seulement dans la conduite de la phase du procès pénal mais aussi au moment du délibéré.

L'autre particularité de la cour d'assises, c'est qu'elle a un fonctionnement intermittent, par sessions.

Compétences

La cour d'assises est compétente en matière criminelle. Ce sont donc les infractions les plus graves qui encourt les sanctions les plus lourdes, à la fois les amendes les plus lourdes, mais surtout les peines de prison les plus importantes.

Alors des exemples de crimes : l'assassinat, bien sûr, le trafic de stupéfiants, la séquestration, la torture, le viol, l'association de malfaiteurs.

Un phénomène particulier : certains crimes ne sont pas jugés devant la cour d'assises, mais sont jugés devant le tribunal correctionnel. On s'est rendu compte que le jury populaire, donc dans les Cours d'assises, avait tendance à hésiter à prononcer des peines lourdes ou avait tendance à hésiter à retenir des décisions de culpabilité, les affaires qui sont concernées par ce phénomène sont notamment les affaires de viol.

Le viol est un crime et devrait donc être traité par la cour d'assises. Sauf qu'il y a eu ce phénomène où le jury populaire prononçait des peines assez faibles, voire ne reconnaissait pas la culpabilité du prévenu.

C'est l'expression de la souveraineté populaire, on devrait la respecter, mais dans certains cas, il s'est avéré que les magistrats ont décidé de correctionnaliser le viol, c'est-à-dire de ne retenir qu'une infraction de niveau délit, pour faire traiter de l'infraction par un tribunal correctionnel.

En effet, le tribunal correctionnel est composé uniquement de magistrats de carrière et les magistrats de carrière rendent des décisions qui sont souvent plus sévères que les décisions des jurys populaires. Voilà pourquoi certaines infractions qui sont à l'origine des crimes, le viol par exemple, mais ça peut arriver pour d'autres infractions, sont finalement traitées par le tribunal correctionnel.

Il y a des cas où ce n'est pas la cour d'assises classique, telle qu'on vient de voir, qui va siéger en matière de crime. Ces exceptions de crimes qui sont retirées à la cour d'assises, elles sont au nombre de deux.

Il a été décidé de créer des cours d'assises spéciales, qui sont des cours d'assises sans jury populaire, dans les matières de crimes de terrorisme ou de trafic de stupéfiants en bande organisée.

L'idée ici, c'est de protéger les citoyens. Les affaires de terrorisme ou les affaires de trafic de stupéfiants en bande organisée signifient le plus souvent qu'il y a un réseau, un réseau terroriste ou un réseau de bande organisée. Et ces gens-là peuvent faire des pressions, peuvent essayer d'intimider les jurés. Pour éviter cela - ils peuvent attenter même à la vie des jurés -, on a décidé que ces deux catégories d'infractions particulièrement graves et qui mettent en danger les jurés relèvent d'une Cour d'assises spéciale dans laquelle siègent uniquement des magistrats de carrière.

Et puis, depuis la loi du 23 mars 2019, ont été créées une juridiction supplémentaire qui s'appelle les cours criminelles départementales. À l'origine, c'était expérimental, c'est-à-dire qu'elles n'existaient que dans certaines villes (7 départements), et depuis le 1er janvier 2023, l'expérience a été généralisée, c'est-à-dire qu'il y a une cour criminelle départementale dans chaque département.

Aujourd'hui, dans tous les départements, il y a une cour criminelle départementale. L'idée, là encore, c'est que pour juger des crimes les plus graves, et ces crimes les plus graves sont définis par les textes comme les crimes qui sont commis par des personnes majeures accusées d'un crime puni de 15 ou 20 ans de réclusion criminelle, ce sont les peines de prison les plus lourdes.

Pour ces crimes-là, désormais, au lieu de passer devant la cour d'assises, on va les passer devant les cours criminelles départementales qui, là encore, sont des juridictions dans lesquelles il n'y a pas de jury populaire. Il y a seulement des magistrats de carrière qui siègent.

L'idée est d'éviter le phénomène de correctionnalisation. Pour les crimes les plus graves, on trouvait que les jurys populaires n'adoptaient pas des décisions satisfaisantes, et donc on a préféré que pour les crimes les plus graves, pour lesquels un jury populaire ne se sentait pas de prononcer des sanctions fortes, on préfère faire peser cette responsabilité sur des magistrats de carrière qui siègent au sein de la cour criminelle départementale.

Les juridictions pénales spécialisées

On peut avoir une certaine méfiance à propos des juridictions pénales spécialisées, parce que, souvent, on a connu ce genre de juridictions qui étaient créées à l'occasion d'une circonstance particulière, aux heures les plus sombres des régimes, des différents régimes politiques français. On a eu des juridictions spéciales sous l'Ancien Régime, au moment de la Terreur, ou encore sous l'Occupation.

Donc ce sont des juridictions qui peuvent attirer un petit peu de méfiance. Néanmoins, dans certains cas, ces juridictions pénales spéciales sont tout à fait justifiées. Alors pendant longtemps on pouvait citer trois cas de juridictions pénales spéciales.

D'abord la justice pénale des mineurs, qui existe toujours, puis, certaines juridictions pénales de nature politique, et enfin, des juridictions pénales de nature militaire.

Les juridictions pénales de nature militaire ont longtemps existé, mais elles sont aussi depuis fort longtemps supprimées. Il existait une Cour de Sûreté de l'État qui jugeait des militaires français, mais cette Cour a été supprimée en 1982.

Les juridictions pénales des mineurs

Il y a, à l'origine du comportement infractionnel de l'enfant, sans doute, une défaillance en termes d'éducation, de suivi de l'enfant. Et donc, de manière générale, on essaye de privilégier, pour un enfant, les mesures éducatives plutôt que des mesures répressives. Et pour cela, on a estimé qu'il fallait le soumettre à des juridictions particulières.

Néanmoins, il n'y a pas un seul juge pénal des mineurs, mais il y en a trois, et on choisit le juge devant lequel on attrait le mineur en fonction à la fois de l'âge du mineur, mais aussi de la gravité de l'infraction qu'il a commise. Donc, il y a une combinaison entre son âge et la gravité pour déterminer le tribunal, la juridiction compétente.

Les trois juridictions sont le juge des enfants, le tribunal pour enfants et la cour d'assises des mineurs.

Le juge des enfants

Le juge des enfants, c'est un juge unique, donc un juge qui appartient au tribunal judiciaire. C'est un magistrat de carrière et il est compétent dans deux cas.

Évidemment, le juge des enfants, étant un juge unique, il ne peut prononcer aucune peine privative de liberté et son action se limite à des mesures éducatives.

Le tribunal pour enfants

Le tribunal pour enfants est une formation de jugement, cette fois-ci, qui est collégiale. Elle est formée de trois personnes, un président qui est un magistrat de carrière et deux assesseurs qui sont des particuliers.

Ces particuliers ne sont pas choisis n'importe comment, ce sont des majeurs d'au moins 30 ans qui sont connus pour leurs compétences ou leur expérience quant au problème de l'enfance, par exemple, des psychologues, des éducateurs spécialisés, des assistants sociaux, etc.

Le tribunal pour enfants est compétent dans deux cas.

Le tribunal pour enfants peut, lui, prononcer des peines privatives de liberté, même si le plus souvent, on va privilégier des mesures éducatives.

La cour d’assises des mineurs

Elle est compétente pour les crimes commis par un mineur d'au moins 16 ans. En réalité, cette cour d'assises des mineurs a un fonctionnement très proche de la cour d'assises.

Elle est composée de la même manière, à savoir un président assisté de deux assesseurs et un jury populaire.

La seule différence, c'est que les deux assesseurs sont choisis parmi les juges pour enfants et que l'excuse de minorité, donc qui est un moyen de défense en matière pénale, est mise en avant autant que possible.

Les juridictions pénales de nature politique

On va insister deux juridictions, la juridiction destinée à juger le chef de l'État d'abord et la juridiction destinée à juger les membres du gouvernement ensuite.

Juger le chef de l’État : la Haute cour

La Haute cour est la juridiction qui est destinée à juger le chef de l'État.

Alors, attention, le chef de l'État, le président de la République française, bénéficie d'une immunité de juridiction pendant toute la durée de son mandat. Cela signifie que si, avant son mandat ou même pendant ce mandat, il était amené à commettre une infraction de droit commun, imaginons un vol, il ne pourrait pas être poursuivi pendant la période de son mandat.

En revanche, une fois le mandat terminé, il sera poursuivi. Le seul effet de l'élection est de suspendre la prescription. Donc, c'est une interruption de la prescription et une fois que le mandat est terminé, on peut le poursuivre devant un tribunal de droit commun.

Certains présidents de la République ont été jugés devant des cours d'assises de droit commun.

Mais on parle ici de manquements à ses devoirs en tant que président de la République, des manquements tels qu'ils sont manifestement incompatibles avec sa fonction de président de la République. Dans ces cas-là, une juridiction peut prononcer une destitution du président de la République et cette juridiction, c'est la Haute cour.

La Haute cour est en réalité constituée du Parlement, c'est-à-dire de la réunion de l'Assemblée nationale et du Sénat, et peut décider de cette mesure extrême, mais qui est évidemment assez rare en pratique.

Le Président de la République n'est pas responsable des actes accomplis en cette qualité, sous réserve des dispositions des articles 53-2 et 68.

Il ne peut, durant son mandat et devant aucune juridiction ou autorité administrative française, être requis de témoigner non plus que faire l'objet d'une action, d'un acte d'information, d'instruction ou de poursuite. Tout délai de prescription ou de forclusion est suspendu.

Les instances et procédures auxquelles il est ainsi fait obstacle peuvent être reprises ou engagées contre lui à l'expiration d'un délai d'un mois suivant la cessation des fonctions.
Article 67 de la Constitution de 1958 
Le Président de la République ne peut être destitué qu'en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat. La destitution est prononcée par le Parlement constitué en Haute Cour.

La proposition de réunion de la Haute Cour adoptée par une des assemblées du Parlement est aussitôt transmise à l'autre qui se prononce dans les quinze jours.

La Haute Cour est présidée par le président de l'Assemblée nationale. Elle statue dans un délai d'un mois, à bulletins secrets, sur la destitution. Sa décision est d'effet immédiat.

Les décisions prises en application du présent article le sont à la majorité des deux tiers des membres composant l'assemblée concernée ou la Haute Cour. Toute délégation de vote est interdite. Seuls sont recensés les votes favorables à la proposition de réunion de la Haute Cour ou à la destitution.

Une loi organique fixe les conditions d'application du présent article.
Article 68 de la Constitution de 1958 
Juger les membres du gouvernement : la Cour de justice de la République

La Cour de justice de la République est celle qui peut être amenée à juger des membres du gouvernement, donc des ministres.

Alors là encore, attention à bien distinguer deux cas. Un ministre, comme tout citoyen et comme le président de la République, peut commettre une infraction, une infraction dans sa vie de tous les jours. Dans ces cas-là, les ministres ne bénéficient pas, contrairement au Président de la République, d'immunité. S'il est avéré qu'un ministre a commis une infraction, il peut être poursuivi alors qu'il est ministre devant une juridiction. L'actualité donne des exemples de ministres qui sont poursuivis en justice alors qu'ils sont ministres.

Mais ces poursuites n'ont aucun lien avec leur fonction de ministre. Or, pour la Cour de justice de la République, il s'agit de poursuivre les ministres pour une infraction, un manquement qu'ils ont commis dans l'exercice de leur fonction.

Un exemple : l'affaire du sang contaminé. On s'est rendu compte que les poches de sang du Centre français du sang étaient contaminées par le VIH. On s'est demandé s'il fallait détruire les poches de sang ou les conserver et les administrer. Ces poches de sang ont été conservées, elles ont été administrées et des personnes ont été infectées par le virus du VIH. Or il s'est avéré que la décision de ne pas détruire ces poches avait été prise par le ministre de la Santé de l'époque, en accord avec le premier ministre de l'époque. Un tel manquement a lieu à l'occasion de l'exercice des fonctions de ministre et relèverait de la Cour de justice de la République.

Il y a des modalités pour saisir la Cour de justice de la République, tout simplement parce qu'on pourrait imaginer que tout justiciable, mécontent de l'action d'un ministre, cherche à saisir cette Cour. Or évidemment, cette Cour est amenée à se prononcer uniquement dans les cas de manquement grave à la fonction ministérielle.

Donc il y a une commission spécialisée qui est appelée à se prononcer pour savoir si le dossier est transmis à la Cour. Cette commission spéciale des requêtes, elle est composée par trois conseillers de la Cour de cassation, deux conseillers d'État et deux conseillers maîtres à la Cour des comptes. Cette commission se réunit et décide ou pas de transmettre le dossier à la Cour de justice de la République.

Quant à la Cour de justice de la République, elle est composée de 15 juges, il y a 12 parlementaires, donc sénateurs et députés, et trois magistrats du siège, donc trois magistrats de carrière.

Chapitre II. Les juridictions du second degré

Que se passe-t-il si la personne, une des protagonistes du procès, que ce soit civile ou pénale, n'est pas satisfaite de la décision qu'elle a obtenue devant la juridiction du premier degré ? Dans ces cas-là, cette personne, mécontente de la décision qu'elle a obtenue, a la possibilité de faire appel. C'est pourquoi il faut envisager désormais les juridictions d'appel ou les juridictions du second degré.

On dit bien second degré et pas deuxième degré tout simplement parce qu'il n'y a pas en France de troisième degré de juridiction.

Les juridictions du second degré, c'est communément ce qu'on appelle la cour d'appel, devant laquelle on va pouvoir faire appel de la décision dont on est mécontent au niveau de la décision, donc de la juridiction du premier degré.

On n'est pas satisfait, on estime que les faits ont mal été interprétés, on estime que le droit a mal été appliqué, on n'est pas content, on veut donc faire réétudier son affaire. Et ce réexamen de l'affaire s'appelle l'appel.

On peut trouver que l'appel est une formalité qui s'impose et qui est normale. En réalité quand on y réfléchit cela peut être discuté. Finalement vous avez une affaire, elle a été examinée par des magistrats qui ont étudié votre cas, qui ont appliqué des règles. Pourquoi avoir besoin d'un appel ?

Aujourd'hui, la question posée ainsi peut sembler étonnante mais il faut savoir que l'appel n'est pas forcément un droit fondamental.

Bien sûr, il y a l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme selon laquelle on a droit à un procès équitable. Et on peut trouver que ce droit à un procès équitable comprend le droit à un appel.

Mais en réalité, pour connaître la position de la Convention européenne des droits de l'homme sur l'appel, il faut se référer au protocole additionnel numéro 7 et plus précisément à son article 2 :

1/ Toute personne déclarée coupable d'une infraction pénale par un tribunal a le droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité ou la condamnation. L'exercice de ce droit, y compris les motifs pour lesquels il peut être exercé, sont régis par la loi.

2/ Ce droit peut faire l'objet d'exceptions pour des infractions mineures telles qu'elles sont définies par la loi ou lorsque l'intéressé a été jugé en première instance par la plus haute juridiction ou a été déclaré coupable et condamné à la suite d'un recours contre son acquittement
Article 2, protocole 7 de la Convention européenne des droits de l'homme 

Ce droit à l'appel n'est finalement fondamental qu'en matière pénale, ce qui signifie que si on décidait demain de supprimer l'appel en matière civile, cela ne porterait pas aux droits fondamentaux et ne porterait pas atteinte à la Convention européenne des droits de l'homme.

Ceci étant dit, ce n'est pas le système que connaît l'organisation judiciaire française qui organise un appel à la fois en matière civile au sens large donc en réalité la matière civile, commerciale, sociale, rurale; mais aussi (et donc nécessairement) en matière pénale.

En matière civile, commerciale, sociale et rurale

L'organisation et le fonctionnement des cours d'appel en ces matières sont réglementés par le code de l'organisation judiciaire aux articles L311-1 et suivant.

Généralités sur les cours d’appel

D'abord, il faut savoir que toutes les affaires ne sont pas susceptibles d'appel.

Toutes les affaires ne sont pas susceptibles d'appel, ce qui, en matière civile, n'est pas contraire aux droits fondamentaux et notamment pas contraire à la convention européenne des droits de l'homme.

Cette situation peut peut-être paraître choquante, mais il arrive que le tribunal du premier degré qui statut, on dit qu'il juge en premier et dernier ressort. Quand le juge du tribunal du premier degré statut et juge en premier et dernier ressort, cela signifie que l'affaire n'est pas susceptible d'appel. En réalité, ce sont les affaires peu importantes financièrement qui ne sont pas susceptibles d'appel.

Aujourd'hui la somme qui est fixée réglementairement c'est la somme de 5 000 euros dans toutes les matières civiles sauf en matière sociale où c'est fixé à 4 000 euros.

En d'autres termes dans toutes les matières si l'affaire est inférieure à 5 000 euros et en droit social si elle est inférieure à 4 000 euros, si le litige est inférieur à 5 000 ou à 4 000, l'appel n'est pas possible, parce que l'appel est une procédure longue et coûteuse et qu'en réalité il serait plus coûteux de faire appel que le montant du litige.

Néanmoins, retenez que si le tribunal de premier degré statut en premier et dernier ressort, certes l'appel n'est pas possible, en revanche est toujours ouvert un pourvoi en cassation, c'est à dire un recours devant la Cour de cassation qui est la juridiction la plus haute de l'organisation judiciaire.

Si on écarte ces affaires donc qui sont exclus et qui n'arriveront jamais devant la cour d'appel, toutes les autres décisions rendues par une juridiction de premier degré est susceptible d'appel et pourra donc arriver devant une cour d'appel. Sachant qu'il existe 36 cours d'appel en France, il faut bien se rendre compte que c'est assez peu : en se souvenant qu'il y a 164 tribunaux judiciaires, tout ce contentieux des tribunaux judiciaires va s'étrangler ensuite s'il y a appel dans seulement 36 cours.

Le fonctionnement de l’appel

La cour d'appel est une unique cour, mais qui souvent est organisée en chambres spécialisées.

On peut faire appel des décisions du tribunal judiciaire donc de la matière civile de droit commun, on peut faire appel devant la cour d'appel des décisions du tribunal de commerce, on peut faire appel des décisions du conseil de prud'homme, on peut faire appel des décisions du tribunal paritaire des baux ruraux. La compétence de la cour d'appel est extrêmement large.

Le plus souvent la cour va être divisée en chambres. La chambre sociale est chargée de l'appel contre les jugements du conseil de prud'homme, mais aussi contre les jugements du tribunal paritaire des baux ruraux et par ailleurs on trouve souvent aussi une chambre commerciale pour les appels contre les décisions du tribunal de commerce et la matière civile peut selon la taille de la cour d'appel elle aussi être divisée en plusieurs chambres.

En matière pénale

En matière pénale, on retrouve en réalité l'originalité de la procédure pénale.

L'appel est possible lors de la phase d'instruction contre les décisions que prend le juge d'instruction ou le JLD notamment, et par ailleurs l'appel est possible à l'issue de la phase de jugement contre la décision rendue par la juridiction pénale du premier degré.

Et donc s'agissant de l'appel en matière pénale, il faut distinguer encore une fois la phase d'instruction et la phase de jugement.

Pendant la phase d’instruction : la chambre de l’instruction

Cet appel a lieu devant ce qu'on appelle la chambre d'instruction.

Pendant la phase d'instruction, le juge d'instruction peut prendre des actes d'instruction et a aussi des pouvoirs juridictionnels et surtout des pouvoirs juridictionnels lui permettant d'adopter des ordonnances, ordonnances de renvoi, le prévenu est renvoyé devant un juge pour être jugé, ou ordonnances de non-lieu, on estime qu'il n'y a pas assez de preuves et donc l'affaire s'arrête ici, le prévenu n'ira jamais devant un juge.

Ces actes juridictionnels sont évidemment susceptibles d'appel, ils sont susceptibles d'appel devant la chambre de l'instruction. Cette chambre de l'instruction est une chambre spéciale de la cour d'appel, qui est composée comme presque toujours de trois magistrats, de trois conseillers de la cour d'appel et le président de la chambre de l'instruction est le plus souvent un président de chambre.

L'appel interjeté contre les décisions du juge d'instruction ont lieu devant la chambre d'instruction. La chambre d'instruction a aussi des prérogatives très particulières que la loi lui attribue, comme par exemple l'étude des demandes d'extradition, ou les actions disciplinaires contre les officiers de police judiciaire, mais ce sont vraiment des attributions très particulières.

À l’issue de la phase de jugement

S'il y a eu cette phase lors du procès pénal, la phase de jugement, le prévenu est condamné, il n'est pas content, il veut faire appel, ou au contraire la victime n'est pas contente parce que le prévenu n'a pas été condamné et donc on cherche à faire appel.

D'abord, première particularité, l'appel n'est pas possible contre les jugements du tribunal de police. Cela peut peut-être étonner vu que l'appel est un droit fondamental en matière pénale. Mais le tribunal de police a une compétence limitée aux contraventions, c'est-à-dire aux infractions les moins graves. Et ici, on estime qu'on a "perdu" suffisamment de temps à mobiliser un juge pour trancher sur une infraction finalement mineure et que l'on ne va pas remobiliser une juridiction pour statuer à nouveau sur ce sujet.

Finalement, c'est le caractère mineur de l'infraction qui justifie que ce ne soit pas une atteinte au droit fondamental que de ne pas bénéficier d'un appel en matière contraventionnelle. Donc on ne peut jamais faire appel d'une décision du tribunal de police.

Cela signifie en d'autres termes que l'appel n'est possible en matière pénale que des décisions du tribunal correctionnel et des décisions de la cour d'assises.

La chambre des appels correctionnels

Au sein de cette unique cour d'appel, il y a une chambre spécialisée qui est la chambre des appels correctionnels et qui est dédiée à l'étude des appels qui sont formés contre les jugements du tribunal correctionnel. On trouve une chambre des appels correctionnels dans toutes les cours d'appel.

Là encore, elle est formée de trois magistrats, un magistrat qui est un président de chambre et qui a le rôle de président de la chambre, et deux assesseurs, deux conseillers.

La cour d’assises d’appel

Jusqu'en 2000, il n'était pas possible en France de faire appel contre les arrêts de la cour d'assises.

Tout simplement, parce que la cour d'assises est formée par un jury populaire qui rend la justice au nom du peuple français. C'est l'expression de la souveraineté nationale. Dès lors, on imaginait que le peuple français ne pouvait pas se tromper et s'il ne peut pas se tromper, on ne peut pas faire appel de sa décision.

Le raisonnement valait ce qu'il valait, mais il était intenable face à la Convention européenne des droits de l'homme qui instaure un droit fondamental à l'appel en matière pénale. Et évidemment, il était impossible de maintenir la position française et de dire que dans la matière la plus grave, c'est-à-dire la matière criminelle, il n'était pas possible d'obtenir un appel.

Dès lors, une loi du 15 juin 2000 a instauré les cours d'assises d'appel et donc a mis en oeuvre l'appel, possiblement contre les arrêts de la cour d'assises. Les articles relatifs aux cours d'assises d'appel sont les articles 380-1 à 380-15 du code de procédure pénale.

Néanmoins, il faut bien comprendre contre quoi il est possible de faire appel, et là encore, c'est tout à fait particulier.

La cour d'assises prend une décision sur la culpabilité et une décision sur la peine, sur le quantum de la peine. Est-ce qu'on punit à 2000, 3000, 5000 euros d'amende ? Est-ce qu'on punit de 2 ans, 5 ans, 10 ans d'emprisonnement ?

Il y a donc deux décisions de la cour d'assises sur la culpabilité et sur le quantum de la peine.

La loi de 2000 a décidé que l'appel contre les décisions de la cour d'assises ne pouvait concerner que le quantum de la peine. En d'autres termes, la cour d'assises d'appel qui se réunit ne peut jamais revenir sur la question de la culpabilité. Tout ce qu'elle peut faire, c'est revenir sur le quantum de la peine.

Alors, soit pour le diminuer, soit pour l'aggraver, selon qui fait appel et ce qui est demandé, mais elle ne peut se prononcer, elle ne peut réformer l'arrêt de la cour d'assises que sur la question du quantum de la peine et pas sur la question de la culpabilité, ce qui est particulièrement important.

Une dernière précision sur la cour d'assises d'appel : elle est formée comme une cour d'assises classique, c'est-à-dire de magistrats de carrière et d'un jury populaire, sauf qu'il y a plus de jurés dans le jury populaire : il y a neuf au lieu de six. Il y a neuf jurés populaires plus les trois magistrats, donc ça fait une juridiction à douze personnes.

Et évidemment, cette cour d'assises doit être constituée différemment que la cour d'assises qui a statué initialement : si on a droit à un appel, ce n'est pas pour être jugé par les mêmes personnes.

Il y a donc une nouvelle formation de la cour d'assises, nouvellement formée, qui va statuer en formation de cour d'assises d'appel.

Chapitre III. La cour de cassation

Cette juridiction est la juridiction qui est tout en haut de l'ordre juridictionnel judiciaire et elle rend des décisions particulièrement importantes, des décisions qui sont souvent suivies par les juridictions inférieures. Les décisions de la Cour de cassation sont des décisions centrales que vous allez étudier, que l'on commente dans le fameux exercice du commentaire d'arrêt.

La Cour de cassation est une juridiction particulièrement importante et les arrêts, les décisions qui sont rendues par la Cour de cassation sont aussi particulièrement importantes.

D'abord nous allons envisager le rôle de la Cour de cassation, à quoi sert-elle et nous verrons que peut-être ce rôle n'est pas celui que vous croyez car la position de la Cour de cassation, tout en haut de l'ordre judiciaire français, ne vaut pas cour suprême comme il existe dans d'autres états. Puis nous verrons l'organisation de la Cour de cassation, ses différentes chambres, ses magistrats, et enfin la procédure qui est suivie devant la Cour de cassation et qui déroge assez largement à la procédure qui est suivie devant les autres juridictions que ce soit civile, commerciale, sociale ou même pénale.

Le rôle de la Cour de cassation

L'article L411-1 du code de l'organisation judiciaire prévoit qu'"il y a pour toute la République une Cour de cassation".

Alors qu'il y a de nombreux tribunaux judiciaires, de nombreuses cours d'appel, de nombreux tribunaux de commerce, conseils de prud'homme, il y a une seule Cour de cassation.

Il y a une seule Cour de cassation pour toute la République et ce point est très important, parce que c'est ce qui permet à la Cour de cassation de remplir sa fonction, son rôle originaire qui est d'être le gardien de la loi et de veiller à une application uniforme de la loi sur l'ensemble du territoire de la république.

Il est vrai que ce rôle originaire a beaucoup évolué, ou du moins des rôles complémentaires se sont ajoutés, avec de nouvelles missions confiées au fur et à mesure de son existence.

Rôle originaire de la Cour de cassation

En réalité, la Cour de cassation ne s'est pas appelée Cour de cassation dès l'origine. Les lois des 27 novembre et 1er décembre 1790 ont instauré en premier lieu ce qu'on a appelé le tribunal de cassation.

Le tribunal de cassation avait pour mission une mission assez simple, on voulait, parce que on était en période post révolutionnaire et surtout post Ancien Régime où les juges s'étaient amusés par voie des arrêts de règlement à devenir législateur, voulait lutter contre ça.

Pour lutter contre ça, on a créé le tribunal de cassation dont la mission était de veiller à l'application de la loi, de veiller à ce que les juges ne fassent pas n'importe quoi avec la loi et qu'elle soit appliquée de manière uniforme sur l'ensemble du territoire français.

On disait que le tribunal de cassation était la sentinelle de la loi, un soldat armé chargé d'assurer la garde du poste, et le poste qu'on devait garder c'était le respect de la loi. Donc finalement le premier rôle de la Cour de cassation c'est de veiller au respect de la règle de droit par les juridictions inférieures et de vérifier que les lois sont appliquées de manière uniforme sur le territoire.

Cela a une première conséquence très importante, c'est que la Cour de cassation n'est pas un juge du fait. La Cour de cassation ne juge pas, contrairement aux juridictions inférieures, en fait et en droit, la Cour de cassation juge uniquement en droit, parce que, pour elle, ce qui compte c'est l'application de la loi, c'est veiller à ce que la loi soit bien appliquée.

Donc peu importe les faits, ça c'est une question d'appréciation souveraine des juges du fond, pour la Cour de cassation ce qui compte c'est le droit, la bonne application du droit. Donc la Cour de cassation ne fait pas de nouvelles appréciations des faits, elle les prend telles que la cour d'appel les a appréciées.

C'est ce qui fait, et c'est la conséquence logique de cette mission, que la Cour de cassation n'est pas considérée comme un troisième degré de juridiction, parce que pour être un troisième degré de juridiction, et pour donc être considérée comme une Cour suprême, il faudrait que la Cour de cassation juge en fait et en droit, ce qui n'est pas le cas : la Cour de cassation juge uniquement en droit et de fait elle n'est donc pas un troisième degré de juridiction.

C'est la mission première, originaire qui existe toujours, c'est toujours la mission principale de la Cour de cassation.

Mais le rôle de la Cour de cassation a évolué et la Cour de cassation s'est vue confier de nouvelles missions.

Rôle actuel de la Cour de cassation

Le rôle originaire existe toujours, la Cour de cassation est toujours aujourd'hui chargée de veiller à l'application de la loi. Mais de nouvelles missions se sont ajoutées.

La première mission qui s'est développée et qui a résulté de son activité, c'est que la Cour de cassation est devenue par la voie de ses arrêts et de sa jurisprudence une source de droit. Alors évidemment qu'elle n'est pas source de droit comme l'est le législateur, mais la Cour de cassation, en rendant des décisions qui ont une certaine autorité, étant donné qu'elles émanent de la juridiction la plus importante de l'ordre judiciaire, émet des règles jurisprudentielles qui ont une certaine valeur normative. Et par conséquent, elle peut être considérée comme une source de droit.

Deuxième mission qui s'est beaucoup développée, c'est le contrôle de conventionnalité. Le contrôle de conventionnalité, c'est vérifier qu'une loi française est conforme aux traités internationaux. La France est parti à de nombreux traités internationaux, donc des traités qui l'allient à d'autres états, et notamment la France fait partie de trois organisations très importantes, l'Organisation des Nations Unies, mais surtout l'Union Européenne et la Convention de l'Europe avec notamment la Convention Européenne de sauvegarde des libertés fondamentales.

La Cour de cassation s'est arrogée le droit de vérifier la conformité des lois aux conventions internationales. En d'autres termes, si la loi n'est pas conforme à un engagement international de la France, le juge va pouvoir l'écarter.

Cette mission détonne un peu par rapport à la mission initiale, qui était que la Cour de cassation devait veiller au respect de la loi. Là, elle va écarter la loi parce qu'elle est contraire à une convention internationale.

Troisième nouvelle mission de la Cour de cassation qui date du début des années 1990, c'est le fait que le législateur a créé la saisine pour avis de la Cour de cassation. L'idée, c'est que si les juges du fond sont confrontés à une question de droit nouvelle qui présente une difficulté sérieuse et qui a vocation à se poser dans de nombreux litiges, alors les juges peuvent sursoir à statuer, c'est-à-dire "attendez, je ne vais pas trancher le litige, je vais demander son avis à la Cour de cassation".

Le but, ici, c'est de favoriser et surtout d'accélérer l'application uniforme de la loi. On est face à une question qui soulève des difficultés, qui est susceptible de nombreuses applications. Et donc, si on attend que le juge de Lille, le juge de Nice, le juge de Lyon, le juge de Clermont, le juge de Bordeaux disent chacun ce qu'ils en pensent, et le temps que toutes ces décisions arrivent devant la Cour de cassation pour qu'enfin elles, elles disent non, ce texte, on l'applique comme ça, on perd du temps, d'où l'idée de sursoir à statuer et de demander son avis à la Cour de cassation.

La portée de ces avis est dans les textes limités, c'est-à-dire que la Cour de cassation donne son avis, mais l'avis ne lie pas le juge qui a posé la question. En pratique, en réalité, la portée de ces avis est très importante, parce que si un juge a eu assez de recul pour se dire, face à cette question, il vaut mieux demander son avis à la Cour de cassation, c'est rarement pour dire revenir dessus. En pratique, cela arrive très rarement et la plupart du temps, les avis de la Cour de cassation sont suivis.

Autre mission nouvelle de la Cour de cassation, c'est de jouer le rôle de filtre en matière de questions prioritaires de constitutionnalité. Il s'agit, là encore, de questions que les juges du fond ou la Cour de cassation décident d'opposer au Conseil constitutionnel lorsqu'ils ont une hésitation sur le caractère constitutionnel d'une loi. Les juges judiciaires, en France, n'ont pas la possibilité de déclarer une loi contraire à la Constitution, seul le Conseil constitutionnel peut le faire.

Et donc, lorsqu'on a créé cette possibilité de poser une question au Conseil constitutionnel sur n'importe quelle loi pour savoir si elle était conforme à la Constitution, on a craint une explosion du contentieux et que le Conseil constitutionnel croule sous les questions prioritaires de constitutionnalité. Pour trier les questions et pour ne retenir que celles qui étaient véritablement sérieuses et pertinentes, on a instauré un filtre, qui se joue au niveau des deux juridictions les plus importantes, celle de l'ordre judiciaire, la Cour de cassation, et celle de l'ordre administratif, le Conseil d'État.

Et donc, la Cour de cassation doit décider, lorsqu'une question prioritaire de constitutionnalité est posée dans un litige, si elle transmet la question au Conseil constitutionnel, si cette question est suffisamment nouvelle, sérieuse.

Enfin, toujours dans ce contexte du rôle actuel de la Cour de cassation, il faut savoir que depuis une dizaine d'années, la Cour de cassation réfléchit. Les magistrats de la Cour de cassation réfléchissent à sa propre évolution et à sa place finalement au sein du dialogue des juges.

Du dialogue avec les juges du fond, mais du dialogue aussi avec les autres juridictions les plus élevées en France, notamment son dialogue avec le Conseil constitutionnel ou avec le Conseil d'État, et puis son dialogue avec les cours internationales, notamment avec la Cour de Justice de l'Union européenne et la Cour européenne des droits de l'homme.

En quelque sorte, la Cour de cassation réfléchit à sa réforme aussi pour asseoir son pouvoir, pour asseoir son autorité parmi toutes ces juridictions qui, elles aussi, se développent énormément, et donc pour que la Cour de cassation ne perde pas de terrain et conserve toute son autorité.

Ces réflexions, ces réformes ont conduit à plusieurs changements, notamment le filtrage des pourvois, la motivation des arrêts ou encore le changement de mode de rédaction des arrêts.

L’organisation de la Cour de cassation

Pendant très longtemps, l'organisation de la Cour de cassation était somme toute assez simple, il y avait une chambre criminelle qui statuait en matière pénale et une chambre civile qui statuait en matière civile et en matière civile entendu très largement qui comprenait en réalité les matières sociales, rurales, commerciales.

Désormais, les choses sont beaucoup moins simples parce que l'activité de la Cour de cassation s'est intensifiée : elle a eu de plus en plus d'affaires à traiter et donc il a fallu réorganiser la Cour de cassation pour qu'elle soit plus efficace dans le traitement des affaires.

Composition de la Cour de cassation

La Cour de cassation évidemment fonctionne grâce à des magistrats. Ces magistrats sont réunis en formation, des formations de jugement qui ne sont pas toutes identiques.

Les magistrats de la Cour de cassation

Attention, la Cour de cassation n'est pas composée uniquement de magistrats, évidemment en son sein exerce aussi de nombreux greffiers comme dans toute juridiction et les greffiers sont un rouage essentiel de la juridiction.

Parmi les magistrats à la Cour de cassation, on fait la distinction qu'on fait dans les autres juridictions entre les magistrats du siège et les magistrats du parquet.

Les magistrats du siège

À la tête de la Cour de cassation, d'abord se trouve ce qu'on appelle le premier président de la Cour de cassation. Son rôle est important, il préside les formations les plus solennelles de la Cour. C'est lui qui surveille l'activité de la Cour, qui va la représenter lors de rencontres nationales ou internationales et il est le premier magistrat de l'ordre judiciaire dans son ensemble.

Il a aussi un rôle important parce qu'il siège au Conseil Supérieur de la Magistrature.

Ensuite, on trouve les présidents de chambre, les chambres sont les différentes formations de la Cour de cassation. Il existe sept chambres, donc sept présidents de chambre.

Ensuite, sous ces présidents de chambre, on trouve des conseillers à la Cour de cassation. Les conseillers sont les magistrats qui composent les différentes chambres, qui participent aux délibérés et aux jugements. Ils exercent une fonction qui est évidemment très prestigieuse.

On arrive souvent à la fonction de conseiller à la Cour de cassation plutôt en fin de carrière.

Le conseiller qui est le plus ancien de la chambre a la qualité de doyen de la chambre et notamment cette qualité de doyen permet de présider la chambre lorsque le président de chambre a un empêchement.

Au sein de ces conseillers, on trouve aussi des conseillers qu'on appelle en service extraordinaire. Ce sont des conseillers dans le sens où ce ne sont pas des magistrats professionnels, mais des personnes qui sont nommées conseillers, mais en service extraordinaire à la Cour de cassation. Donc ce sont des personnalités qui ont une certaine expérience évidemment du droit, très souvent cette mission peut être confiée notamment à des professeurs de droit. Actuellement, il y a deux ou trois professeurs de droit qui siègent comme conseillers en service extraordinaire à la Cour de cassation.

Les magistrats du Parquet

À la tête du parquet de la Cour de cassation se trouve le procureur général près la Cour de cassation.

C'est le plus haut magistrat du parquet en France et il préside aussi le Conseil Supérieur de la Magistrature dans sa formation spécifique aux magistrats du parquet. Les magistrats du parquet sont moins nombreux que les magistrats du siège : en plus du procureur général, on trouve sept premiers avocats généraux puis des avocats généraux.

Les chambres de la Cour de cassation

La Cour de cassation est composée de six chambres.

Attention : il y a bien sept présidents de chambre, car il y a un président de chambre qui n'a pas de chambre, qui en fait est le président qui est à la tête du service de la documentation des études et du rapport. C'est un service très important qui s'occupe de fournir les sources aux magistrats pour une aide à la décision, qui établit le rapport de la Cour de cassation ainsi que toutes les études qu'elle peut faire. Donc c'est un service très important au sein de la Cour de cassation, mais ce n'est pas une chambre à proprement parler.

Les six chambres sont apparues progressivement. À l'origine, il n'y avait qu'une chambre criminelle et une chambre civile, auxquelles s'ajoutait une chambre des requêtes. La chambre des requêtes, c'était la chambre devant laquelle allaient les affaires les plus compliquées.

Finalement, en 1938, on a ajouté une chambre sociale qui a, comme son nom l'indique, vocation à connaître de tout le contentieux concernant la législation sociale, la législation en droit du travail.

Ensuite, on a ajouté, en 1947, la chambre commerciale de la Cour de cassation. En réalité, la chambre commerciale s'appelle la chambre commerciale financière et économique, mais comme le titre est un peu long, on la désigne le plus souvent comme la chambre commerciale. Et cette chambre est spécialisée dans tout le contentieux de droit des affaires.

Cela n'a pas suffi parce que le contentieux a continué de grossir et la chambre civile s'est trouvée submergée par le contentieux. Et donc, à la chambre civile qui existait déjà, a été ajouté deux autres chambres civiles.

La deuxième chambre civile a été créée en 1952. C'est elle qui règle les questions de procédure civile, de responsabilité délictuelle, de droit des assurances ou de sécurité sociale.

Et la troisième chambre civile a été ajoutée, elle, en 1967, elle connaît essentiellement des questions d'immeubles, donc de beaux, de propriétés, d'urbanisme.

La première chambre civile, elle, connaît du droit des personnes, du droit des obligations et du droit international privé.

Mais il faut dire maintenant quelques mots des formations de la Cour de cassation parce qu'on ne trouve pas à la Cour de cassation que des formations de jugement. Il y a aussi des formations pour avis ou des formations administratives.

Les formations de la Cour de cassation

Encore une fois, traditionnellement, on distingue les formations de jugement, donc les formations juridictionnelles, des formations pour avis et des formations administratives.

Les formations juridictionnelles

Il y a quatre formations juridictionnelles au sein de la Cour de cassation.

La formation restreinte

La formation restreinte, qui peut exister au sein de chaque chambre, est la formation qui est composée uniquement de trois magistrats. En matière civile, cette formation restreinte examine les pourvois et déclare s'ils sont recevables ou pas.

De plus, si l'affaire n'est pas compliquée et si la solution s'impose et prête peu à discussion, c'est aussi la formation restreinte qui va statuer au fond. Donc certains pourvois, s'ils ne suscitent pas de difficultés particulières, seront examinés par la formation restreinte, à savoir trois magistrats seulement de la Cour de cassation.

La formation ordinaire

La formation ordinaire de la Cour de cassation, c'est une formation qui est un petit peu plus importante et qui comprend cinq magistrats. Là encore, la formation ordinaire, c'est au sein de chaque chambre et elle peut réunir des magistrats différents à chaque fois, mais c'est pour un dossier, la formation ordinaire, on réunit cinq magistrats.

Là, ce sont pour les affaires, on va dire, d'une difficulté classique, le tout venant des pourvois qu'il faut étudier, sont confiés aux formations ordinaires.

Et puis, il existe des questions, des pourvois qui suscitent plus de difficultés ou qui vont concerner des matières qui appartiennent à plusieurs chambres. Par exemple, on va avoir un contentieux qui relève à la fois de la chambre commerciale et à la fois d'une des chambres civiles.

Les questions qui sont posées sont plus difficiles et alors, on va confier l'étude de ce pourvoi, non pas à une formation restreinte ou à une formation ordinaire, mais à une formation plus solennelle.

La chambre mixte

Une chambre mixte est composée de magistrats qui appartiennent à au moins trois chambres.

Attention, les chambres mixtes sont différentes selon l'affaire en cause. On peut avoir une chambre mixte avec des magistrats de la chambre commerciale, de la chambre sociale et de la chambre pénale parce que le contentieux concerne de la chambre criminelle, parce que ce contentieux concerne ces trois séries de blocs de matière.

On peut avoir une chambre mixte qui soit composée de magistrats des trois chambres civiles parce que le contentieux concerne toutes ces matières civiles. Donc, il n'y a pas une seule chambre mixte pour toute la Cour de cassation. Les chambres mixtes sont composées en fonction du dossier. La seule chose, c'est que pour être composée, il faut prendre des magistrats dans trois chambres différentes.

Le plus souvent, on réunit une chambre mixte parce que l'affaire relève de l'attribution de plusieurs chambres et donc on a besoin de l'avis et de l'expertise des différents magistrats sur ces matières.

La chambre mixte peut être aussi réunie dans une autre circonstance, c'est en cas de divergence de jurisprudence. Il s'agit au sein de la Cour de cassation d'une divergence, d'une différence de solution sur un même sujet entre les différentes chambres.

C'est une difficulté énorme que suscitent les divergences de jurisprudence : le rôle originaire de la Cour de cassation, c'est l'application uniforme de la loi. Or là, au sein de la Cour de cassation elle-même, on applique la loi de deux manières différentes. Et donc, en cas de divergence de jurisprudence entre les chambres, on réunit les chambres mixtes, comme ça les magistrats qui ont une divergence parlent entre eux et ils essayent d'arriver à une solution.

L’Assemblée plénière

L'Assemblée plénière de la Cour de cassation est composée du premier président de la Cour de cassation, des présidents, des doyens de chambre ainsi que d'un conseiller de chaque chambre.

Une affaire est portée devant l'Assemblée plénière lorsqu'elle pose une question de principe.

Une question de principe, soit parce que là encore il existe une divergence de jurisprudence et on n'a pas réussi à passer outre avec une chambre mixte, soit parce qu'il existe aussi une divergence de jurisprudence entre la Cour de cassation et les juges du fond, et donc la Cour réunit son assemblée la plus solennelle pour dire aux juges du fond, maintenant c'est comme ça et pas autrement, il faut suivre cette position.

Les formations pour avis

Lorsque les juges du fond se posent une question qui est nouvelle, sérieuse, qui est susceptible de s'appliquer dans de nombreux litiges et qui sursoit à statuer pour demander son avis à la Cour de cassation, la Cour de cassation va réunir une formation qui va se prononcer sur l'avis. C'est une formation donc qui est créée pour l'avis.

Cette formation n'existe pas en continu, étant donné qu'il n'y a pas des avis qui tombent tous les jours à la Cour de cassation, mais lorsqu'une telle demande est formée, on va choisir les magistrats et faire une formation pour avis.

Les formations administratives

Le service de la documentation des études et du rapport est dirigé par un président de chambre, et ce service est très important.

Il est très important d'un point de vue administratif, parce que c'est d'abord le service qui va orienter les pourvois dans les différentes chambres. Il va dire si ça relève de la chambre commerciale ou de la chambre criminelle.

Ce service a aussi un rôle d'aide à la décision, parce que lorsqu'un magistrat de la formation de jugement va se poser une question, va être à la recherche de sources, il va s'adresser au service de la documentation qui va faire les recherches de décisions qui ont déjà été rendues, de sources, de doctrines, etc.

Troisième rôle du service de la documentation, c'est éventuellement d'identifier les divergences de jurisprudence pour décider d'avoir recours à une formation solennelle de la Cour de cassation, c'est-à-dire soit une chambre mixte, soit l'assemblée plénière.

Et enfin, le service de la documentation a une quatrième mission très importante qui est la diffusion à propos du travail de la cour. Il publie des lettres, il diffuse les décisions aux juges du fond.

Certains juges du fond peuvent poser des questions au service qui doit y répondre. Et c'est aussi au sein du service que se prépare le rapport annuel de la Cour de cassation.

C'est une mission administrative qui est de gestion de la Cour, de l'organisation de la Cour qui est très importante.

La procédure devant la Cour de cassation

Connaître les rudiments de la procédure de cassation permet de donner parfois certaines clés de lecture des arrêts.

Le pourvoi en cassation, c'est le recours qui est exercé contre une décision, alors le plus souvent contre une décision d'appel, le recours qui est formé et qui est porté devant la Cour de cassation.

On distingue le demandeur au pourvoi, donc celui qui forme le pourvoi en cassation, du défendeur au pourvoi, donc qui sont les adversaires du demandeur.

Pour étayer son pourvoi, c'est-à-dire pour argumenter, pour dire pourquoi il fait un pourvoi en cassation et pourquoi il pense que la décision de la Cour d'appel n'est pas une décision juridiquement correcte, le demandeur au pourvoi va étayer son pourvoi avec ce qu'on appelle des moyens de cassation.

La Cour de cassation a grosso modo deux solutions possibles.

Le déroulement du procès devant la Cour de cassation

Alors on va commencer d'abord par le pourvoi, la vie du pourvoi, puis ensuite la décision qui est rendue.

Le pourvoi

La déclaration de pourvoi, c'est donc le fait de faire un pourvoi en cassation, de se pourvoir en cassation. L'une des parties est mécontente de la décision du fond et dans les deux mois de la signification de cette décision, peut être déposé un pourvoi devant la Cour de cassation.

La particularité, c'est que ce pourvoi ne peut pas être déposé par n'importe quel avocat, mais par un avocat qui a le droit d'exercer devant la Cour de cassation et le Conseil d'État. On les appelle les avocats au Conseil, qui désignent donc avocats à la Cour de cassation et au Conseil d'État. C'est un barreau d'avocats spécialisé devant les deux plus hautes juridictions de l'ordre judiciaire et administratif.

Dans la déclaration de pourvoi, il n'y a pas encore tous les arguments qui viennent étayer le raisonnement et la justification du pourvoi, c'est juste dire qu'on forme un pourvoi en cassation.

Une fois qu'on a fait la déclaration de pourvoi, il faut l'étayer avec des arguments. Ce qui va étayer, ce qui va contenir ce raisonnement de pourquoi on fait un pourvoi, c'est ce qu'on appelle le mémoire ampliatif.

C'est un document écrit dans lequel le demandeur au pourvoi va formuler toutes les critiques qu'il adresse contre la décision et c'est cela que l'on appelle les différents moyens de cassation.

Alors, le mémoire ampliatif respecte un certain nombre de règles qui sont issues de la pratique. Il va décrire la partie de la décision attaquée, il va décrire les motifs qui sont critiqués de cette décision et enfin, il va conclure sur pourquoi, selon lui, cette décision doit être cassée.

Le défendeur au pourvoi, lui aussi, bien sûr, il a le droit de se défendre et de dire pourquoi. Au contraire, il considère que la décision est tout à fait justifiée et donc le défendeur, lui, va rédiger un mémoire en défense.

Donc, il contient précisément une défense de la décision attaquée, il considère que la décision est tout à fait conforme à la loi et de la même manière que le mémoire ampliatif, il va développer un certain nombre d'arguments pour expliquer pourquoi la décision lui semble, selon lui, justifiée.

Une fois qu'on en est là, donc il y a eu la déclaration de pourvoi, il y a eu l'échange des mémoires ampliatif et des mémoires en défense, il faut distribuer le pourvoi à une chambre. L'affaire est attribuée à une chambre par le service de la documentation, et on va décider si l'affaire est compliquée ou pas, si on la donne à une formation restreinte, une formation ordinaire, une chambre mixte ou l'assemblée plénière, selon le cas.

Une fois que la formation reçoit le pourvoi, les magistrats doivent suivre une procédure d'admission. Ils doivent déclarer si le pourvoi est admis ou pas.

Cette procédure a été rajoutée en 2001 pour essayer de désengorger la Cour de cassation qui croulait un peu sous les affaires. L'idée ici, c'est de dire que si les pourvois ne sont pas fondés sur des moyens sérieux, s'il n'y a aucun argument qui se tient dans le pourvoi, à ce moment-là, les magistrats ont le droit de déclarer le pourvoi non admis, et on refuse de statuer sur le pourvoi.

C'est une espèce de procédure de filtrage du pourvoi qui permet d'éliminer un certain nombre d'affaires en amont avant même de commencer tout travail. Depuis que cette procédure est mise en place, il y a environ un tiers des pourvois qui sont déclarés non admis.

Lorsque le pourvoi est admis, on continue.

L'instruction du pourvoi, cela consiste à confier à un des magistrats qui est sur l'affaire, on l'appelle le conseiller rapporteur, d'examiner le dossier, de déposer un rapport dans lequel il va orienter l'affaire, donc selon lui, vers une décision de rejet ou une décision de cassation.

Le parquet, l'avocat général, lui aussi consulte le dossier, lui aussi instruit, lui aussi rend un avis dans lequel il dit dans quel sens, selon lui, il faut trancher l'affaire.

Et puis, l'affaire est alors portée en audience devant tous les magistrats de la formation, soit la formation de trois magistrats, soit la formation de cinq, soit la chambre mixte, soit l'assemblée plénière, selon le cas. Finalement, les magistrats, donc dans leur formation, vont rendre leur jugement.

La décision

S'agissant de cette décision, deux points importants : la substance, le contenu de la décision, et ensuite, la publicité de la décision.

La substance de la décision

Les formations juridictionnelles ont la possibilité de rendre trois décisions différentes.

La première décision, c'est la décision de non-admission.

La décision de non-admission, les moyens du pourvoi ne sont pas crédibles, ne sont pas pertinents, ne sont pas sérieux, et donc, les magistrats décident de rendre une décision de non-admission, ce qui signifie que cela met un terme au litige et la décision critiquée, la décision du fonds critiquée, va s'appliquer.

Deuxième décision possible, c'est ce qu'on appelle le rejet du pourvoi.

Le pourvoi était sérieux, donc les magistrats l'ont étudié, l'ont instruit le dossier, mais finalement, ils ne sont pas convaincus par les arguments et ils estiment que le droit a été bien appliqué dans l'espèce. Et donc, ils vont rejeter la décision.

Il y a un cas de rejet du pouvoir un petit peu plus subtil, c'est-à-dire que la Cour de cassation, les magistrats qui instruisent le dossier, vont être d'accord avec la solution à laquelle est arrivée la cour d'appel en l'espèce, mais en revanche, elle n'est pas d'accord sur le raisonnement qui a mené la cour d'appel à cette solution. Ici, elle est gênée parce qu'elle ne peut pas casser la solution parce que c'est la bonne, mais en revanche, elle n'est pas d'accord avec le raisonnement.

Dans ces cas-là, elle rend une décision de rejet, mais avec ce qu'on appelle une substitution de motif. Substitution de motif, cela signifie qu'elle enlève la partie du raisonnement de la cour d'appel avec laquelle elle n'est pas d'accord, et elle dit la cour d'appel a eu raison de statuer dans ce sens, mais parce que pour ce motif-là, cette solution est la bonne. Donc elle substitue son raisonnement à celui de la cour d'appel.

De la même manière, elle peut rendre une décision de rejet en considérant que dans la décision de la cour d'appel, il y a ce qu'on appelle des motifs surabondants, c'est-à-dire des motifs que la cour d'appel a énoncé alors qu'ils n'étaient pas nécessaires au raisonnement. Et donc là, de la même manière, elle précise que la solution est fondée pour cette raison sans qu'on ait besoin de se préoccuper de ces motifs surabondants.

Troisième décision, la décision de cassation.

Lorsque la Cour de cassation rend une décision de cassation, cela signifie donc qu'elle a été convaincue par le pourvoi et qu'elle remet en cause la décision du fond. Le plus souvent, la Cour de cassation doit faire une décision de cassation avec renvoi, ce qui signifie que lorsque la Cour de cassation a rendu sa décision, ce n'est pas elle qui peut trancher au fond, puisque le rôle de la Cour de cassation est de juger en droit.

Mais elle ne peut pas se saisir des faits, elle ne peut pas juger des faits, donc elle ne peut pas dire en principe, "ici il aurait fallu faire comme ça". Et donc, on renvoie devant une nouvelle cour d'appel qui, elle, est chargée d'appliquer le droit de la bonne manière. Donc, quand il y a une décision de cassation, l'affaire n'est pas terminée, encore faut-il que l'affaire soit réexaminée devant une nouvelle cour d'appel.

Mais alors, si on est mécontent encore de ce qui s'est passé devant la nouvelle cour d'appel, à ce moment-là, il peut y avoir un nouveau pourvoi contre la décision, et si tel est le cas, c'est-à-dire s'il y a un deuxième pourvoi en cassation dans la même affaire, ce pourvoi est confié à l'Assemblée Plénière pour mettre un terme définitif à l'affaire.

Certaines fois, le renvoi devant la cour d'appel n'est pas utile et la Cour de cassation peut casser l'arrêt sans renvoi, notamment lorsque les faits qui sont souverainement appréciés par les juges du fond et qui lui ont été présentés lui permettent d'appliquer la règle de droit pertinente. En d'autres termes, la Cour de cassation ne fait toujours pas de faits, mais elle détient les faits suffisants pour faire juste une application du droit. Et à ce moment-là, c'est de bonne alloi, de bonne justice et que c'est plus rapide que ce soit la Cour de cassation qui dise directement quelle est la règle qui s'applique et comment le litige va être tranché, plutôt que de renvoyer devant une cour d'appel.

Cette procédure de cassation sans renvoi était à l'origine exceptionnelle, mais elle tend de plus en plus à se développer justement dans une visée d'accélération de la justice et de traitement des affaires plus rapide.

Diffusion de la décision

Les décisions de la Cour de cassation font l'objet d'une certaine publicité. Alors évidemment, avec les moyens modernes et le développement d'internet, ces moyens de publicité sont encore accrus, donc les décisions sont anonymisées et sont disponibles sur le site de la Cour de cassation.

C'est une étape qui est fondamentale pour favoriser l'accès au droit.

En principe c'est le président de chambre qui a cette mission de diffusion de l'arrêt et les arrêts peuvent faire l'objet d'une publicité plus ou moins importante selon justement la nature de l'affaire et selon qu'elle est d'importance ou pas.

Il y a des arrêts inédits qui sont finalement des arrêts pas très importants sur des affaires pas très importantes et qui reprennent des solutions éculées. Parfois on a des arrêts qui, au contraire, soit rendent une solution nouvelle, soit viennent trancher une divergence de jurisprudence, et donc qui font l'objet d'une publicité beaucoup plus importante.

Évidemment dans ce rôle de publicité, de publication, de diffusion des décisions, le service de la documentation de la Cour de cassation va favoriser aussi cette diffusion.

Lorsqu'on va sur le site de la Cour de cassation, et qu'on a les arrêts, on a les abstracts, c'est-à-dire les mots-clés de l'arrêt et ces mots-clés sont très importants pour retrouver la décision. Parce que si on a connaissance d'une décision et de sa date, on la retrouve facilement; mais si on cherche une décision sur un sujet particulier, grâce à ces mots-clés qui sont déterminés par le service de la documentation, on peut retrouver les arrêts pertinents.

Les cas d’ouverture à cassation

Pour pouvoir obtenir la cassation, il faut se prévaloir d'un cas d'ouverture. Ces cas d'ouverture sont nombreux et il y a les cas usuels, c'est-à-dire ceux auxquels on recourt le plus souvent, et puis il y a des cas qu'on appelle disciplinaires.

Les cas d’ouverture usuels

Dans ces cas d'ouverture à cassation, on peut en distinguer deux : la violation de la loi et le manque de base légale, ou défaut de base légale.

La violation de la loi

C'est le cas d'ouverture à cassation le plus fréquent. Il faut comprendre par violation de la loi, la méconnaissance d'une règle quelle qu'en soit la source. Donc que ce soit la loi, la violation de la loi au sens strict du terme cette fois-ci, la violation d'un traité international ou même la violation d'un principe général du droit non écrit.

Lorsque un tel cas d'ouverture à cassation est invoqué, deux possibilités.

En revanche, si la Cour de cassation considère que le pourvoi doit être rejeté, dans ces cas-là vous trouverez dans les arrêts la formule "la Cour d'appel a retenu à bon droit que", "la Cour d'appel a fait exacte application de la loi", ça veut dire que la Cour de cassation ne pense pas ici qu'il y a violation de la loi.

Le manque de base légale

Le manque de base légale, c'est lorsque les motifs de la décision ne permettent pas de vérifier si les éléments nécessaires pour justifier l'application qui a été faite de la loi se rencontraient bien dans la cause. Donc ce défaut appelle une réponse spécifique qui différencie la violation de la loi du manque de base légale.

On trouve souvent, lorsque la Cour de cassation rejette ce cas d'ouverture à cassation, la formule "en retenant que [...] la Cour d'appel a procédé à la recherche prétendument omise", au contraire lorsque la Cour de cassation retient le défaut, le manque de base légale, elle va affirmer que "en se déterminant ainsi la Cour d'appel n'a pas donné base légale à sa décision".

Les cas d’ouverture disciplinaires

Au delà de ces deux cas qui sont donc les deux cas les plus répandus, il y a aussi ce qu'on appelle des cas d'ouverture à cassation disciplinaire. L'idée ici est de faire censurer la décision mais uniquement pour la façon dont elle a été rédigée.

En réalité, la décision ne comporte pas de défaut quant au raisonnement, quant à l'application de la loi, quant au fond finalement, mais plutôt on peut invoquer un vice de motivation, par exemple parce qu'il n'y a pas de réponse à une conclusion qui était dans les conclusions de l'avocat. On peut rattacher à ces cas d'ouverture disciplinaire toutes les critiques qui sont purement formelles et qui dérivent de la procédure civile : on n'a pas respecté les droits de la défense, on n'a pas respecté la publicité de l'audience, on n'a pas respecté la bonne composition de la juridiction.

Dans tous ces cas, le pourvoi se borne à soutenir que la décision n'a pas été rendue dans les conditions attendues et on ne la discute pas au fond. Si la Cour de cassation accueille ce type de pourvoi, encore une fois elle ne va pas censurer les juges du fond sur le fond de l'affaire, elle les censure pour s'être prononcés en dehors des formes légales.

Cela ne veut pas dire que c'est moins grave, si vous ne respectez pas la publicité de l'audience ou si vous ne respectez pas les droits de la défense, cela peut être extrêmement préjudiciable pour l'une des parties; mais ici, et c'est pour cela qu'on appelle ça disciplinaire, parce qu'en fait on vient taper sur les doigts des juges du fond qui n'ont pas respecté les procédures, les formes qui sont imposées, mais en revanche le fond de l'affaire lui n'est pas remis en cause.

Le mode de rédaction des arrêts de la Cour de cassation

Si on lit des décisions récentes, des décisions qui datent depuis la fin de l'année 2019, on verra donc que les arrêts ont une structure, respectent un certain mode de rédaction qui est assez accessible, c'est un style direct, etc, alors que, quand on lit des arrêts antérieurs, ils n'avaient pas du tout cette structure.

La motivation des arrêts

La motivation traditionnelle des décisions de la Cour de cassation était une motivation qui était assez laconique : les arrêts de la Cour de cassation sont pour la plupart sont assez courts, parce que la Cour de cassation se contente vraiment, ou se contentait la plupart du temps, du minimum pour justifier sa décision. Et c'est là un style qui était très différent d'autres décisions, alors de décisions notamment étrangères ou de décisions de la Cour de justice de l'Union européenne ou de la Cour européenne des droits de l'homme.

Donc la motivation traditionnelle de la Cour de cassation, c'est plutôt une motivation laconique, très courte, on se contente de l'argument juridique sans expliquer.

Pendant le processus qu'on vit toujours de réforme de la Cour de cassation, est arrivée l'idée que ce défaut de motivation ne permettait pas aux justiciables et aux destinataires de la décision de toujours bien comprendre les décisions de la Cour de cassation.

Et donc la Cour de cassation a décidé, dans certains cas seulement, d'avoir recours à ce qu'elle appelle la motivation enrichie.

La motivation enrichie, c'est rédiger l'arrêt de manière à ce que la motivation soit plus conséquente. Cela a une vertu, une dimension explicative, donc on va mieux expliquer son raisonnement, pédagogique, et aussi, le but de cette motivation est de persuader les destinataires de la règle du bien fondé de la solution. L'idée d'une motivation plus importante est d'assurer une meilleure sécurité juridique et aussi d'assurer peut-être une meilleure diffusion du droit français au niveau international.

Cette motivation enrichie elle peut prendre la forme des formes différentes.

La Cour de cassation peut faire un maillage des arrêts, c'est-à-dire qu'elle va reprendre ses solutions antérieures, expliquer pourquoi elle a statué dans ce sens antérieurement et expliquer pourquoi désormais elle statue dans un nouveau sens. C'est un exemple de motivation enrichie d'un revirement de jurisprudence par exemple. Elle peut faire état d'études, elle peut même mentionner éventuellement de la doctrine.

Évidemment, elle ne peut pas faire de motivation enrichie dans toutes les affaires, et notamment pas dans les affaires de moindre importance où les solutions sont déjà admises et où elles ne sont pas controversées, mais elle va le faire pour chaque décision importante, à savoir les revirements de jurisprudence, les questions de principe, l'interprétation d'un texte nouveau, la garantie d'un droit fondamental ou lorsqu'il s'agit soit de renvoyer l'affaire devant la Cour de justice de l'Union européenne, soit lorsqu'elle demande un avis à la Cour européenne des droits de l'homme.

Le style de rédaction et la structure des arrêts

L'idée ici est de distinguer depuis l'existence de la Cour de cassation jusqu'à 2019 et depuis 2019.

Avant la fin de l'année 2019, les arrêts de la Cour de cassation étaient rédigés en style indirect avec des phrases qui commençaient par « attendu que » et qui respectaient une certaine structure.

Depuis 2019, dans un souci dit-on de simplification et d'accessibilité de la décision, la Cour de cassation a renoncé au style indirect, donc elle a renoncé aux « attendus ». Elle écrit les arrêts au style direct et elle va rendre la structure de l'arrêt plus apparente, c'est-à-dire qu'il y a des paragraphes apparents et cette structure repose en général sur trois parties bien identifiées.

Cela a été véritablement une révolution pour ceux qui avaient lu les arrêts de la cour, les anciens arrêts de la cour et qui étaient habitués à l'ancienne structure.

On peut voir cela comme une simplification, mais en réalité pour tout juriste qui fait des études de droit, le droit ne s'arrête pas à 2019.

Évidemment qu'on rencontre des jurisprudences plus anciennes et qu'il faut s'accoutumer à la forme ancienne des arrêts qui peut être parfois plus difficile d'accès.