Institutions judiciaires, institutions administratives

Cours d'institutions judiciaires, institutions administratives - semestre 1

INSTITUTIONS JUDICIAIRES

Objet du cours : le droit est l'ensemble des règles qui régissent les rapports entre les personnes, que ce soit des personnes privées ou des personnes publiques, dans une société donnée.

Or si on retient cette définition basique du droit, une difficulté apparaît assez rapidement, c'est celle de l'application du droit. Le droit doit être, pour être efficace, appliqué. Le plus souvent le droit va s'appliquer de manière non contentieuse, les rapports vont se nouer entre personnes de manière harmonieuse, et les règles de droit vont être appliquées normalement.

Mais évidemment il est des cas où les choses ne sont pas si simples et où finalement un conflit s'élève. Un conflit s'élève parce qu'on n'est pas d'accord sur la manière dont il faut appliquer la règle de droit, on peut être même en désaccord sur la règle de droit qu'il convient d'appliquer au conflit. À ce moment-là, quand un tel conflit naît, il faut tâcher de le résoudre.

Or évidemment, dans une société civilisée, dans une société démocratique, on va appliquer un célèbre adage selon lequel "nul ne peut se rendre justice à soi-même". L'idée c'est qu'on ne peut pas donc trancher le litige auquel on est partie, litige qu'il va falloir confier à un tiers.

Ce tiers aura la fonction de juger, la fonction de régler le conflit, de trancher le différent : il s'agit de l'organe judiciaire, des institutions judiciaires.

Cet organe judiciaire recouvre d'abord et principalement les juridictions, qui sont elles-mêmes composées de plusieurs juges. Des juridictions qui sont variées, peut-être pas comme on peut l'imaginer. Parfois on a un biais quand on pense aux tribunaux, on pense à la justice pénale.

Or la justice pénale n'est qu'une infime partie de la justice judiciaire. Il y a d'autres parties qui sont tout aussi importantes, quoique moins visibles, telles que la justice civile, pour les conflits, troubles de voisinage ou les affaires de divorce par exemple, la justice commerciale quand il y a un litige entre deux sociétés, les juridictions de droits du travail quand il y a des litiges entre employeurs et employés.

Ces juridictions fonctionnent grâce aux magistrats, aux juges qui siègent au sein de ces juridictions et qui sont accompagnés de ce qu'on appelle des auxiliaires de justice. L'avocat bien sûr, l'avocat des parties, mais également l'huissier, le greffier du tribunal ou encore le notaire, les experts.

Le cours ici, sur les institutions judiciaires, répond à un certain nombre de questions pratiques très importantes.

Les questions pratiques sont nombreuses et l'objectif de ce cours est de répondre si possible à toutes ces questions.

Historique

Le système judiciaire qui est le nôtre aujourd'hui est le résultat d'une évolution, d'une histoire qu'il faut connaître pour bien comprendre notre système juridique, judiciaire, surtout actuel.

Sous l'Ancien Régime, il faut bien savoir, donc sous l'Ancien Droit, que l'organisation judiciaire, l'organisation des tribunaux était extrêmement complexe. Elle était extrêmement complexe en raison d'un nombre très important de juridictions : il y avait les juridictions royales, auxquelles s'ajoutaient des juridictions sénioriales, les juridictions ecclésiastiques, donc celles qui étaient pour le clergé, donc des juridictions canoniques. On trouvait aussi des juridictions spécialisées pour telle ou telle matière.

Donc il y avait une multiplicité de juridictions, de telle sorte que lorsqu'on avait un litige, il était très difficile de déterminer à quelle juridiction il fallait s'adresser pour pouvoir trancher notre litige.

La seconde difficulté, sous l'ancien régime, c'était la longueur des procès en raison du nombre très important de recours possibles contre les décisions, c'est-à-dire lorsqu'on était mécontent finalement de la décision qu'on avait obtenue. Il y avait toutes sortes de recours possibles, mais qui dit recours, dit forcément allongement de la procédure, ce qui rendait le temps du procès extrêmement long.

D'autre part, il y avait des juridictions spécialisées pour les seigneurs, pour le clergé, de sorte qu'on pouvait douter de l'impartialité des juges qui siégeaient dans ces juridictions. C'était des seigneurs qui jugeaient les seigneurs, des ecclésiastiques qui jugeaient des ecclésiastiques, de telle sorte que, au moins en apparence, l'impartialité n'était pas préservée.

Et puis, dernière difficulté, et non des moindres, des juridictions sous l'Ancien Régime, c'est qu'il fallait payer le juge. La partie qui remportait le procès était tenue de payer le juge. C'était ainsi que fonctionnait la justice, parce que les magistrats devaient, pour devenir magistrat, acquérir une charge, comme aujourd'hui, par exemple, un notaire acquiert sa charge de notaire, ce qui était extrêmement coûteux.

Et donc, pour compenser cet investissement que faisaient les magistrats en achetant leur charge, ils étaient rémunérés par la partie qui gagnait le procès. Là aussi, il y avait évidemment une difficulté tenant à au moins une question d'impartialité : le magistrat pouvait être tenté de privilégier la partie la plus à même de la rétribuer, la plus à même de la rémunérer; vu que c'est la partie qui gagne qui paye, autant choisir la partie qui est le plus à même à le payer.

Donc il y avait un certain nombre de difficultés dans l'organisation juridictionnelle de l'ancien régime. Résultat, au moment des états généraux et des fameux cahiers de doléance, dans la période pré-révolutionnaire, sont remontées toutes ces difficultés, toutes ces difficultés liées à l'organisation juridictionnelle française.

Dans la nuit du 4 août 1789, un certain nombre de ces difficultés ont été supprimées, notamment les juridictions sénioriales ont été abolies, certains privilèges de juridiction aussi, la vénalité des charges, c'est-à-dire le fait que les magistrats payent pour devenir magistrats a été aussi aboli.

En faisant ces réformes, en imposant ces changements au moment de la Révolution, on a posé les bases d'un nouveau système juridictionnel, d'une nouvelle organisation juridictionnelle et c'est cette nouvelle organisation juridictionnelle qui est celle qu'on connaît aujourd'hui, avec des évolutions évidemment mais, dans ces principes, c'est vraiment ces principes de la Révolution qu'on connaît jusqu'à aujourd'hui.

Alors les fondements de notre justice moderne ont été posés plus précisément après la loi du 4 août 1789 par la loi des 16 et 24 août 1790. Ce texte a posé plusieurs principes fondamentaux de la justice française.

Cette loi des 16 et 24 août 1790 a été véritablement fondamentale et tous ces principes sont toujours d'actualité aujourd'hui.

Mais si cette loi avait de nombreux mérites, elle était néanmoins incomplète et notamment n'avait pas été prévue de juridictions suprêmes qui viennent chapeauter un petit peu l'organigramme, l'organisation juridictionnelle judiciaire française. Et ce manque a été comblé par la loi des 27 novembre et 1er décembre 1790 qui crée le Tribunal de Cassation.

Tribunal de cassation, c'est l'ancêtre de notre Cour de cassation qui était donc la juridiction suprême et unique et qui avait pour mission, comme la Cour de Cassation aujourd'hui, de sanctionner la violation, par les juridictions inférieures de premier et de second degré, des règles de droit par ces juridictions. Cette fonction est très importante parce qu'elle permet d'harmoniser l'application des règles de droit sur tout le territoire.

Dans l'ancien droit, sous l'Ancien Régime, la France était divisée en deux : les pays de coutume au Nord, donc de droits non écrits, et les pays de droits écrits au Sud, en gros au dessus et en dessous de la Loire. Le droit n'était pas donc uniforme sur le territoire français de l'Ancien Régime. Désormais à la Révolution, il y a un droit pour toute la France et donc il y a un tribunal, le tribunal de cassation, qui est chargé d'uniformiser, d'harmoniser et que la décision rendue par le tribunal de Nice soit la même que celle qui est rendue par le tribunal de Lille.

Après cette période révolutionnaire, on peut dire qu'il y a eu une grande période de stabilité entre 1810, donc avec Napoléon 1er, et la Vème République, donc 1958, une grande stabilité des institutions avec seulement deux changements, deux évolutions.

A partir de 1958 et donc de la Ve République, il y a eu une réforme profonde de la justice, parce que la justice rentre dans la Constitution. Dans la Constitution de 1958, il est prévu à l'article 64 que le Président de la République est garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire. Donc la justice entre et est constitutionnalisée, ce qui est un marqueur très fort et très important.

Aujourd'hui la justice est face à de nouveaux défis. En effet, le nombre d'affaires ne cesse d'augmenter ces 20-30 dernières années. Or pour des raisons de moyens, pour des raisons de personnel, la justice n'arrive plus à faire face aux affaires qui se trouvent devant elle, amenant de grands délais pour obtenir une décision de justice. La crise de Covid qui est passée par là n'a pas arrangé les choses de ce point de vue là et les délais se sont considérablement allongés. Ce qui fait que aujourd'hui il y a ce qu'on appelle un mouvement de déjudiciarisation. C'est à dire qu'on essaye d'enlever certains conflits, de ne plus les porter devant le juge; on va le faire en cherchant à multiplier les accords, en cherchant à multiplier les procédures de conciliation, de médiation pour éviter que ces affaires n'arrivent devant un juge qui n'aura pas le temps ni les moyens de les traiter.

La déjudiciarisation, n'est pas parfaite parce que malheureusement parfois on se concilie, on arrive à une solution et puis finalement on n'est pas d'accord et on finit quand même devant le juge, mais c'est un vrai mouvement. Un exemple type étant le divorce sans juge. C'est vraiment cette logique qui est à l'oeuvre, enlever du contentieux parce que les juges n'ont plus les moyens de les traiter.

L'autre défi c'est aussi faire face à la révolution numérique. Tout d'abord, il y a la justice prédictive, mais aussi la dématérialisation des actes de procédure. On ne va plus envoyer les pièces en papier mais on va les envoyer par mail, le dossier n'est plus papier mais le dossier numérisé... On peut faire un certain nombre d'actes par voie électronique qui peut être plus ou moins authentifiée, protégée. La justice doit aussi s'armer face à la révolution numérique et s'adapter à cette évolution.

Plan

Ce plan est assez classique. La première partie sera consacrée à la justice. Les institutions judiciaires rendent la justice et il faut un petit peu s'interroger sur ce mot et ce qui est derrière ce mot. Nous verrons qu'il y a plusieurs sens possibles donc la justice sera l'objet de notre partie 1.

Et puis ensuite il faudra s'intéresser à ceux qui rendent la justice donc les organes de la justice et principalement les juridictions. Ce sera l'objet de notre deuxième partie.

Et enfin nous finirons par le fonctionnement de la justice. Comment la justice fonctionne, comment on introduit une action en justice, comment se déroule l'instance, quelles sont les voies de recours, etc.

Partie 1. La Justice

Le terme justice peut avoir plusieurs sens. La justice, c'est à la fois une vertu, c'est aussi un pouvoir et c'est encore un service public.

La justice est d'abord l'une des vertus dans la philosophie classique. Elle fait partie des quatre vertus cardinales avec la force, la tempérance et la prudence. La notion de juste dans cette acception philosophique est à prendre dans un sens objectif et non pas du tout subjectif du sentiment personnel de ce qui est juste ou pas. Le juste objectif, c'est l'équilibre entre finalement ce qui est dû à chacun.

Et ce n'est pas dans ce sens-là que nous allons nous parler de la justice, mais dans le sens de pouvoir et de service public.

Il y a trois pouvoir : le pouvoir législatif, celui de faire la loi; le pouvoir exécutif, celui de gouverner; et le pouvoir de juger.

Le pouvoir de juger, c'est le pouvoir donc de rendre la justice et plus précisément, c'est le pouvoir de régler des différents, de trancher des différents. Celui qui a le pouvoir de juger a un pouvoir très important sur la vie des gens qui sont en conflit et qui attendent qu'on règle leur conflit.

La justice, c'est encore, en tout cas à l'heure actuelle dans notre pays, un service public, parce que la justice, c'est une des fonctions régaliennes de l'État, une des chasses gardées, un monopole étatique, et c'est donc l'État qui est chargé de rendre la justice.

Et pour rendre la justice, il a organisé un service public de la justice avec des organes chargés de rendre la justice dans différentes matières avec une répartition des compétences et pour tous les justiciables.

Titre I. Le pouvoir de juger

Titre I. Le pouvoir de juger

Introduction

Il existe trois pouvoirs, la fameuse triade pouvoir judiciaire, pouvoir législatif et pouvoir exécutif. Pendant très longtemps, et alors auparavant sous l'Ancien Régime par exemple, mais aujourd'hui ça peut exister encore dans des régimes dictatoriaux, il y avait une concentration des pouvoirs, c'est à dire que la même personne, le roi par exemple, ou le président dans un régime dictatorial, ou l'organe en tout cas qui détient les trois pouvoirs, a ces trois pouvoirs et donc peut exercer toutes les forces.

La concentration des trois pouvoirs en une seule et même personne peut être éminemment dangereuse pour ceux qui ont à subir ce pouvoir, ces pouvoirs.

Dans les régimes démocratiques, s'est peu à peu imposée l'idée qu'il fallait procéder à une séparation des pouvoirs. Cette séparation des pouvoirs a été théorisée par des auteurs très connus, importants, notamment à John Locke dans son Essai sur le gouvernement civil (1690) et puis évidemment Montesquieu dans son Esprit des lois (1789).

Nous allons voir comment cette séparation des pouvoirs est mise en oeuvre en France, pas tant constitutionnellement et de tous les points de vue, mais uniquement du point de vue : le pouvoir de juger, le pouvoir judiciaire.

Rappelons que dans la constitution de 1958, on ne parle pas du pouvoir judiciaire mais de l'autorité judiciaire. Le général de Gaulle avait tenu à limiter le pouvoir des juges dans la Constitution même si le Président de la république est garant de l'autorité judiciaire, parce que contrairement au pouvoir législatif et au pouvoir exécutif, le pouvoir judiciaire n'a pas la légitimité de l'élection.

Les magistrats ne sont pas élus en France. Ils sont recrutés, à la suite de concours. Mais en tout cas, ils n'ont pas la légitimité de l'élection et donc dans la Constitution de 1958, ça a pour effet d'être rétrogradé de pouvoir en autorité.

Ceci étant dit, il est quand même organisé une séparation entre l'autorité judiciaire et le pouvoir législatif et entre l'autorité judiciaire et le pouvoir exécutif.


Titre I. Le pouvoir de juger

Chapitre I. La séparation du juge et du législateur

Si le juge est séparé du législateur, cela signifie d'abord que le juge n'est pas législateur; inversement le législateur n'est pas juge.

Section 1. Le juge n’est pas législateur

Le juge n'est pas le législateur, et cela emporte trois conséquences extrêmement importantes sur le pouvoir de juger.

Première conséquence, c'est la soumission du juge à la loi.

La soumission du juge à la loi, cela signifie que le juge, dans sa mission de juger, doit appliquer la loi, doit se conformer à la loi. Et d'ailleurs, pendant longtemps, lorsque le juge ne respectait pas la loi, cela relevait d'une infraction pénale qui a certes disparu aujourd'hui, mais cela ne signifie pas pour autant que le juge doit respecter la loi, il doit faire application de la loi lorsqu'un litige lui est soumis.

Deuxième conséquence, c'est ce qu'on appelle la prohibition des arrêts de règlement.

Cette prohibition des arrêts de règlement figure à l'article 5 du code civil :

Il est défendu aux juges de prononcer par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises
Article 5 du Code Civil

Le juge est appelé à juger, cela signifie qu'il va rendre une décision qui est particulière au conflit qu'il tranche et qui est personnelle aux parties qu'il a en face de lui. Cette mission de décision particulière et personnelle est une mission qui est tout à fait différente de la mission du législateur qui lui va édicter une norme impersonnelle, parce qu'elle est destinée en principe à s'appliquer à tous et qu'elle est générale.

Dans la loi, on ne fait pas grand cas des cas particuliers. Ainsi, la prohibition des arrêts de règlement, cela signifie que le juge ne doit pas profiter d'un cas d'espèce, d'un cas particulier, pour élaborer une norme générale.

Un exemple : contentieux de divorce entre deux époux. Il faut que le juge établisse le montant de la prestation compensatoire : un des époux va devoir payer une somme à l'autre époux suite à la dégradation de ses conditions de vie après le divorce. À cette occasion, un juge ne peut pas dire "je décide que désormais je calculerai les prestations compensatoires ainsi et que cela va s'appliquer pour tous les futurs divorces sur lesquels je serai appelé à me prononcer". Ça, c'est une norme générale et impersonnelle et ce n'est pas la mission du juge. Le juge doit uniquement prendre des décisions personnelles et particulières, d'où l'interdiction des arrêts de règlement.

Troisième conséquence, c'est que le juge doit interpréter la loi.

Ce n'est pas contraire à la première conséquence selon laquelle le juge est soumis à la loi. Si la loi est claire, si la loi n'est pas lacunaire, il doit l'appliquer tel quel. Sauf que, puisque la loi est générale et impersonnelle, il se peut qu'elle soit lacunaire, il se peut que la loi n'ait pas prévue un cas, il se peut qu'elle ne corresponde pas exactement à la situation de fait qui est soumise au juge.

Le juge pourrait dire « la loi ne dit rien, moi je peux rien faire et donc je ne rends pas de justice ». Mais ce n'est pas possible, parce que ça s'appelle un déni de justice et le déni de justice est banni à l'article 4 du code civil :


Le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de l'obscurité ou de l'insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice
Article 4 du Code Civil

Le juge est toujours tenu de se prononcer, de trancher le litige, il est toujours tenu d'observer sa mission. Dès lors si la loi est lacunaire ou si la loi n'est pas claire, ce sera au juge de l'interpréter, ce sera au juge de la compléter afin de pouvoir trancher le litige.

Section 2. Le législateur n’est pas juge

Le législateur ne doit pas s'immiscer dans le jugement des affaires qui sont portées devant les tribunaux. Ce principe n'est en réalité écrit nulle part mais il est globalement respecté.

Dans les médias, on peut voir qu'il arrive que le Ministre de la Justice intervienne parfois sur des procès en cours ou sur des procès qui le concernent. Mais en principe, le législateur ne peut pas s'immiscer dans les affaires du juge, ce qui est plutôt bien respecté.

Il arrive néanmoins qu'il y ait des exceptions à ce principe. Un exemple, c'est les bris de jurisprudence, les lois qui brisent la jurisprudence.

La jurisprudence c'est le résultat des décisions des juges. Donc les juges décident dans des affaires qu'elles se résolvent ainsi. Et il peut s'avérer que les décisions rendues par les juges aient des conséquences néfastes ou ne correspondent pas à ce qui est pensé par l'opinion politique ou l'opinion publique et donc que le législateur veuille intervenir pour briser une jurisprudence alors.

Un exemple : la jurisprudence Perruche. Il s'agissait d'un enfant qui est né alors que sa mère avait été malade pendant sa grossesse. Il est né fortement handicapé mais sa mère avait été mal diagnostiqué, et elle avait renoncé à procéder à une IVG mais elle était vraiment malade. L'enfant est né avec un lourd handicap. Ses parents agissent en justice et obtienne réparation pour le dommage vécu par l'enfant, qui est le fait d'être né handicapé. Cette décision a suscité beaucoup d'émois parce qu'on a eu l'impression que les magistrats venaient indemniser le fait de naître ce qui sur un plan éthique pouvait susciter des réticences. Le législateur est intervenu après cette jurisprudence pour énoncer un article dans lequel il est dit que "nul ne peut se prévaloir du préjudice d'être né" et donc c'est la protection de la valeur vie; la loi prévoit ensuite que le dommage subit par ses enfants pourront être pris en charge par la solidarité nationale donc par la sécurité sociale.

Titre I. Le pouvoir de juger

Chapitre II. La séparation du juge et de l'administration

On entend par administration le pouvoir exécutif. Cette administration, c'est l'administration qui vise le gouvernement d'abord et toutes les autorités administratives qui en découlent, les maires, les préfets, les établissements publics comme les hôpitaux publics, les écoles publiques, etc.

Il y a une séparation entre le juge et le législateur, et il s'opère également une séparation entre le juge et le pouvoir exécutif, entre le juge et l'administration.

Il y a deux points à étudier dans cette séparation : le premier point c'est que, par définition, s'il y a une séparation entre le juge et l'administration, c'est que le juge ne doit pas s'immiscer dans l'activité administrative. Et puis inversement, s'il y a une séparation entre le juge et l'administration, cela veut dire qu'il faut garantir l'indépendance du pouvoir de juger, l'indépendance du pouvoir judiciaire face aux immixtions de l'administration.

Section 1. La non-immixtion du juge dans l’activité administrative

Le droit français a une conception très stricte de la séparation des pouvoirs, une conception très stricte qui d'ailleurs n'est partagée par quasiment aucun autre pays du monde. C'est l'idée que, si le juge ne peut pas s'immiscer dans l'activité administrative, la conséquence c'est que le juge ne peut pas juger non plus de l'action, de l'activité du pouvoir exécutif, de l'activité administrative.

Si le juge judiciaire ne peut pas juger de l'activité administrative, cela pose évidemment une difficulté : cela voudrait dire que l'activité, l'action administrative pourrait rester impunie, ou que si elle est à l'origine de conflits, ces conflits ne peuvent pas être tranchés.

La situation ne pouvait pas rester telle qu'elle, et c'est ce qui explique, et c'est un point fondamental - qui explique l'intitulé du cours et la séparation entre les institutions judiciaires et les institutions administratives de l'autre côté - qu'il a fallu créer des juridictions spécialisées pour juger l'administration. Il a fallu donc créer un ordre juridictionnel propre à l'administration.

Cette notion de dualisme juridictionnel est absolument fondamentale.

En France, l'administration est jugée par les juridictions administratives qui sont différentes des juridictions judiciaires qui sont appelées à trancher les litiges civils, commerciaux, en matière pénale, etc. Et c'est fondamental parce que ça crée deux ordres de juridiction, et c'est une spécificité française.

Dans de très nombreux États, l'administration est jugée par le même juge qui tranche des questions de divorce ou de troubles de voisinage. Il va aussi dire si l'administration a bien ou mal fait son travail. En France, ce n'est pas possible. Il y a un ordre judiciaire, et il y a l'ordre administratif.

Une conséquence qui découle directement de ce dualisme juridictionnel, c'est que nécessairement cette situation peut créer ce qu'on appelle des conflits de compétences.

Prenons un exemple : une personne rencontre une difficulté, elle va devant le juge judiciaire qui lui dit « Ah non, ce n'est pas moi qui suis compétent », alors elle va voir le juge administratif qui répond « Ah non, ce n'est pas moi qui suis compétent ». De la même manière, dans un autre conflit, on pourrait imaginer qu'à la fois le juge judiciaire et à la fois le juge administratif s'estiment compétents, or en principe un seul devrait l'être.

Dans ces cas-là, il peut y avoir des conflits de compétences entre l'ordre judiciaire et l'ordre administratif, et c'est pourquoi il existe une juridiction qui a été créée pour trancher ces conflits de compétences : elle s'appelle le Tribunal des conflits. Elle est donc chargée de trancher les conflits de compétences entre l'ordre judiciaire et l'ordre administratif.

Section 2. L’indépendance de la justice

Pour devenir magistrats, ceux qui ont la vocation de juger, qui veulent devenir juge, il faut passer un concours et intégrer l'École Nationale de la Magistrature à la fin des études de droit.

Mais pour devenir magistrat, il faut faire carrière. Les magistrats sont donc pour l'essentiel, bien qu'il y ait des exceptions, dans l'ordre juridictionnel et judiciaire, des magistrats professionnels, des magistrats de carrière.

Or le problème, c'est que lorsqu'on fait carrière, on va chercher à être promu, on va chercher à recevoir des avancements. Parfois aussi, on peut être exposé à des sanctions parce qu'on a mal fait son travail.

Le magistrat de carrière, alors que la justice est un service public, est donc un fonctionnaire, un fonctionnaire de l'État, et il répond donc en principe du Ministre de la Justice. Il est donc soumis à l'autorité du pouvoir exécutif. Cela signifie qu'il y a bien un pouvoir du pouvoir exécutif sur les magistrats. Or, il faut qu'il y ait une séparation.

Pour comprendre cette séparation, il faut avoir à l'esprit une distinction fondamentale. Dans les magistrats, chez les magistrats professionnels, donc dans les magistrats de carrière, c'est la distinction entre les magistrats du parquet et les magistrats du siège.

Et cette distinction permet de comprendre comment s'organise l'indépendance de la justice en droit français. Il y a un organe qui est chargé de protéger cette distinction et de s'assurer de l'indépendance de la justice, c'est le Conseil supérieur de la magistrature.

La distinction entre les magistrats du siège et les magistrats du parquet

Une description d'une salle d'audience française : au fond de la salle se trouvent le juge ou les juges selon la collégialité du tribunal, les juges qui sont assis. Ceux-là ce sont donc les magistrats qu'on appelle les magistrats du siège ou la magistrature assise.

À côté, sur un côté de ces magistrats assis, on trouve un magistrat qui lui, lorsqu'il prend la parole, s'exprime debout. C'est la magistrature debout ou le parquet, parce qu'il se trouve dans un espace qui est un petit parc. Ces magistrats ont des fonctions très différentes.

Les magistrats assis, les magistrats du siège, ce sont eux qui sont appelés à trancher le différent. C'est eux qui disent à la fin comment le droit s'applique et quelle est la partie qui en porte dans un procès civil ou si elles condamnent ou pas le prévenu dans un procès pénal.

En revanche, les magistrats du parquet ont une mission très différente qui est notamment importante en matière pénale parce que c'est eux qui requièrent la peine, c'est eux qui demandent au tribunal, pour tel fait, et requièrent les peines de prison ou d'amende. Mais eux ne vont pas décider, ils ne vont pas trancher.

Dans cette distinction, il n'y a rien de choquant à ce que les magistrats du parquet se trouvent dans une étroite dépendance du pouvoir exécutif et notamment du ministre de la Justice, du Garde des Sceaux, parce que finalement ces magistrats du parquet ne font qu'appliquer une politique et notamment une politique pénale qui est décidée par le gouvernement. Dès lors il n'est pas nécessaire de s'assurer de l'indépendance de ces magistrats et leur promotion, leur avancement, etc., peut dépendre du pouvoir exécutif.

En revanche, la situation est extrêmement différente pour les magistrats assis, parce que c'est eux qui tranchent le litige, c'est eux qui disent comment s'appliquer le droit et il faut absolument empêcher que toute pression soit faite sur ces magistrats pour qu'ils décident dans un sens ou dans un autre.

Et pour éviter toute pression, on va faire en sorte que ces magistrats assis soient indépendants et donc qu'aucune pression ne soit exercée sur ces magistrats, ce qui fait d'ailleurs que ces magistrats assis, les magistrats du siège, sont notamment inamovibles.

C'est-à-dire que si vous prenez votre premier siège à Nice et que vous décidez de faire toute votre carrière à Nice dans le même tribunal, au même poste, on ne peut pas vous déplacer parce que vous êtes indépendant.

Le Conseil supérieur de la magistrature

Pour faire respecter, et protéger cette distinction entre les magistrats du siège et les magistrats du parquet, a été créé donc le Conseil Supérieur de la Magistrature qui va décider de l'avancement de carrière des magistrats, d'éventuelles sanctions contre les magistrats (elles sont rares mais elles sont possibles). C'est donc l'organe qui est compétent pour sanctionner les magistrats et aussi pour arbitrer leur avancement de carrière.

Son organisation est constitutionnellement prévue à l'article 65 de la Constitution.

Cet organe va être appelé à éventuellement sanctionner les magistrats et à se prononcer sur les décisions d'avancement.

Avec cette différence fondamentale, c'est que pour les magistrats du siège, les questions d'avancement sont entièrement remises entre les mains du Conseil Supérieur de la Magistrature. Donc c'est lui qui va décider des avancements.

En revanche pour les magistrats du parquet, leur indépendance n'est pas nécessaire et donc le Conseil Supérieur de la Magistrature ne se prononce pour les magistrats du parquet uniquement sur proposition et donne un avis, mais ce n'est pas le Conseil Supérieur de la Magistrature qui va finalement trancher les questions d'avancement des magistrats du parquet, de même que les sanctions.

Un procureur peut être limogé, c'est-à-dire qu'on peut décider de le déplacer et notamment le Ministre de la Justice peut décider de déplacer un procureur pour le changer de juridiction parce qu'il n'est pas d'accord avec la politique qu'il a appliquée ou qu'il ne s'est pas comporté comme il fallait, etc.

Il y a un traitement différent des questions selon qu'on est magistrat du siège ou magistrat du parquet.

Titre II. Le service public de la justice

On entend par service public le fait que rendre la justice est une fonction régalienne, c'est-à-dire une fonction qui n'appartient en principe qu'à l'État. Il y a un monopole étatique sur la justice.

C'est le principe, mais comme souvent en droit, nous verrons que ce principe connaît un certain nombre d'exceptions.

La justice est en principe un monopole d'État et ce sera l'objet du premier chapitre. Dans un second chapitre, nous envisagerons les caractères de ce service public : l'égalité devant la justice, une justice gratuite, une justice impartiale, une justice collégiale, indépendante.

Titre II. Le service public de la justice

Chapitre I. Le monopole étatique

Nul ne peut se rendre justice à soi-même : la justice privée n'est pas la logique du système judiciaire français. Et cela paraît difficilement conciliable avec l'idée d'un service public qu'il puisse y avoir une justice privée, et donc, en principe, il y a un monopole étatique sur la justice. Mais il y aura des exceptions à ce principe.

Section 1. Le principe du monopole

Pour comprendre cette question du monopole étatique sur la justice, il faut comprendre deux notions complémentaires, très importantes, dans la fonction de juger.

La justice a toujours été considérée comme un attribut de la souveraineté, auparavant qui appartenait au roi, qui aujourd'hui, donc, appartient à l'État - pensez à Saint Louis qui rend la justice sous le chêne, etc. Rendre la justice, c'est une fonction régalienne qui n'appartient qu'à l'État.

Il faut bien distinguer, cependant, dans l'idée de rendre la justice, deux notions : la juridictio, en latin, et l'imperium, deux prérogatives.

Quand on possède la juridictio et quand on possède l'imperium, cela signifie que l'État a le monopole de la violence.

On dit que l'État a le monopole sur la justice car l'État est le seul organe qui dispose de ces deux pouvoirs, à la fois la juridictio, il peut dire le droit, et à la fois l'imperium, les décisions qu'il rend. Alors, ce n'est pas l'État qui rend les décisions comme ça, ce sont bien sûr les divers organes judiciaires, donc les juridictions, mais qui représentent l'État. L'État est le seul à pouvoir dire le droit, juridictio, et c'est le seul dont les décisions sont dotées de l'imperium, c'est-à-dire de la force exécutoire.

Quand on a une décision de justice, c'est un titre exécutoire, on peut demander à ce qu'elle soit appliquée. L'État a le monopole étatique sur la justice, il peut dire le droit et il peut faire exécuter ses décisions de justice.

Les conséquences de ce monopole étatique, c'est qu'en principe, aucune autre autorité n'a le pouvoir de rendre la justice. Et c'est très important parce qu'il y a des juridictions qui semblent rendre la justice.

Par exemple, il existe des juridictions religieuses. Il y a des tribunaux ecclésiastiques qui sont présidés par les évêques de France ou des juridictions qu'on appelle le Beth Din, des juridictions judaïques. Ce sont, selon les différentes religions, des juridictions, mais elles ne rendent pas la justice au sens du monopole étatique parce que ces décisions, évidemment, sont considérées comme du pur fait et pas comme du droit, en tout cas par les tribunaux français.

La seconde conséquence du monopole étatique, c'est que si seul l'État peut rendre la justice, cela a pour conséquence que l'État est tenu de rendre la justice. Il est tenu de rendre la justice, c'est-à-dire qu'il ne peut pas dire « ah ben non, moi je ne décide rien en cette affaire », c'est-à-dire faire un déni de justice. L'État (i.e. les juridictions étatiques) est obligé de se prononcer, les juridictions étatiques sont tenues de trancher les conflits qu'on leur soumet. C'est le fameux article 4 du Code civil.

Section 2. Les modes alternatifs de règlement des différends

Ce monopole peut présenter des exceptions; ces exceptions sont mises sous une bannière commune, une appellation qu'on appelle les modes alternatifs de règlement des différents (mardes).

Les mardes, ce sont donc des façons de régler un différent, mais en dehors de la justice étatique. Certains de ces modes sont juridictionnels, cela veut dire qu'ils ont la juridiction, dont l'exemple le plus connu est l'arbitrage. Mais il existe des modes non juridictionnels de règlement des conflits. Ce sont tous les procédés par lesquels on cherche à échapper au juge en essayant de régler le problème en amont avant d'arriver devant le juge par différentes manières de concilier les parties entre elles, soit qu'elles se concilient toutes seules, soit avec l'aide d'un tiers.

L’arbitrage (mode juridictionnel)

C'est un mode juridictionnel parce que l'arbitre dispose de la juridiction, c'est-à-dire qu'il peut dire le droit. En revanche, il ne dispose pas de l'imperium. Ses décisions n'ont pas la force exécutoire, contrairement aux décisions rendues par la justice étatique.

L'arbitrage est une forme, finalement, de justice privée. L'arbitre, c'est un juge privé qui est choisi par les parties et qui va trancher le conflit entre les parties à la suite d'un contrat qu'on appelle le compromis d'arbitrage ou d'une clause qui figure dans le contrat, une clause compromissoire, qui va instaurer la procédure d'arbitrage et qui va trancher le litige à la place de la justice étatique.

L'arbitrage peut présenter certains avantages. La justice judiciaire se fait sur un temps longs, les tribunaux sont encombrés, donc l'arbitrage peut aller plus vite. L'arbitrage aussi peut être plus discret parce que c'est une procédure plus secrète alors que la justice étatique est une justice publique.

L'arbitrage présente aussi des inconvénients, notamment parce que c'est une procédure qui est extrêmement coûteuse pour les parties. Il faut payer l'arbitre et, en principe, c'est assez coûteux.

Il y a aussi un certain nombre de conditions pour recourir à un arbitrage. D'abord, il faut que les parties soient d'accord, d'accord pour renoncer à la justice étatique et pour choisir de soumettre leur litige à un arbitre. La deuxième condition, c'est que l'arbitrage n'est possible que dans certaines matières, des matières qu'on dit arbitrables, c'est-à-dire dans lesquelles un arbitrage peut intervenir.

Et ce sont des matières, en principe, dont les parties ont la libre disposition, et notamment les matières commerciales. Dans les matières de commerce international, par exemple, l'arbitrage est extrêmement développé.

Mais il y a des matières, comme les matières extra-patrimoniales, comme les questions de filiation ou de divorce, qui ne sont pas arbitrales : on ne peut pas divorcer devant un arbitre, il faut en passer par la justice étatique.

Dernière condition, c'est que, bien cette justice soit privée, on a instauré un certain nombre de garanties, et notamment, l'arbitre doit respecter, comme devant la justice étatique, les droits de la défense, c'est-à-dire préserver les droits de chacune des parties qui se présentent devant lui, afin de garantir que la sentence arbitrale, c'est le nom de la décision que l'arbitre rend, soit impartiale.

Cette sentence arbitrale, c'est la juridiction de l'arbitre, il peut dire le droit, mais cette décision, en revanche, n'est pas dotée de la force exécutoire. Pour qu'elle soit dotée de la force exécutoire, il faudra faire revêtir la sentence arbitrale de ce qu'on appelle l'exequatur.

L'exequatur, c'est donner la force exécutoire à la sentence arbitrale, mais seul un juge étatique peut le faire.

C'est la limite de la justice privée qui, finalement, à la fin du cheminement, a besoin d'un juge, mais seulement si la décision n'est pas exécutée volontairement par la partie qui doit l'exécuter.

C'est donc une exception au monopole étatique, mais c'est une exception partielle, parce que dans l'arbitrage, l'arbitre a la juridictio, mais pas l'imperium. L'imperium est toujours confié, même dans l'arbitrage, au juge étatique.

Les modes non juridictionnels

Ce n'est pas vraiment une exception, mais plutôt un tempérament au monopole étatique, parce que ce sont les modes non juridictionnels de règlement des conflits.

Par hypothèse, ces modes non juridictionnels ne disposent ni de la juridiction, donc ni du pouvoir de dire le droit, ni de l'imperium, c'est-à-dire ni de la force exécutoire.

On peut se demander à quoi cela sert, finalement, si on tranche un litige, et qu'on ne peut pas dire le droit, et qu'il n'y a pas de force exécutoire à la décision. Il faut se replacer dans l'idée d'encombrement des tribunaux et de phénomène de déjudiciarisation. L'idée qu'il faut retirer du contentieux au magistrat, parce qu'on n'a pas les moyens personnels ni financiers d'assumer la masse de contentieux.

On va donc favoriser d'autres modes de règlement des litiges pour essayer que le contentieux ne parvienne jamais devant le juge, on va chercher à éteindre le litige, plutôt qu'à le trancher.

C'est une justice qui est considérée comme plus douce, plus contractuelle, plus transactionnelle, moins imposée, évidemment, que la justice étatique. Dans ces modes non juridictionnels de règlement des conflits, on trouve deux types.

Il y a donc une véritable faveur des dernières politiques en matière de procédure, des dernières lois en matière de procédure pour ces différents modes alternatifs de règlement des litiges qui tendent donc à rapprocher les parties et à trouver une solution à l'aide d'un tiers.

Titre II. Le service public de la justice

Chapitre II. Les caractères du service public de la justice

Ce service public doit présenter certains caractères qui sont fondés sur les principes fondamentaux posés par les lois des 14 et 26 août 1790. Pour rendre une justice de qualité, il faut respecter un certain nombre de principes, des principes qui sont issus de la Révolution Française.

Ces règles, ces principes fondamentaux constituent véritablement la colonne vertébrale d'un système judiciaire qui soit ambitieux et de qualité. Ces règles sont intangibles, elles ne sont pas négociables et elles sont vraiment au fondement de notre organisation. C'est pour ça qu'on peut les considérer véritablement comme des principes fondamentaux.

Il s'agit de l'égalité devant la justice, de la gratuité, de l'indépendance, de l'impartialité des magistrats, du caractère public de la justice ou encore de la continuité de la justice ou de sa collégialité.

Section 1. L’égalité

Sous l'Ancien Régime le juge variait selon le corps social auquel appartenait le justiciable : si l'on était noble, on était jugé par des juridictions nobles, sénioriales; si l'on était du clergé, on relevait des juridictions ecclésiastiques; si on provenait du tiers état, on relevait encore d'autres juridictions. Donc selon le statut social, on avait une juridiction qui nous correspondait.

Cette façon de faire créait une inégalité devant la justice, parce qu'on pouvait imaginer qu'un noble qui jugeait un autre noble avait un parti pris, sans doute, pour le noble contre l'autre personne. Ces privilèges de juridiction ont été abolis lors de la Révolution Française.

Et cette abolition, on la retrouve à la fois dans la Déclaration des Droits de l'homme et des citoyens de 1789, mais aussi dans la loi des 16 et 24 août 1790, et même dans un traité international, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques des Nations Unies du 16 décembre 1966, qui interdit aussi tout privilège de juridiction.

Ainsi, il y a une égalité pour tous devant la justice, égalité entre les justiciables devant la justice. Mais pour que cette égalité devant la justice soit respectée, en réalité, il faut s'arranger pour que trois principes soient respectés.

D'abord, il faut que tous les justiciables soient jugés par les mêmes juges, par des juges identiques. Il faut aussi qu'ils soient jugés selon des formes identiques. Ce sont les deux principes fondamentaux pour préserver finalement l'égalité de tous devant la justice. Néanmoins, il demeure, certains obstacles à cette égalité pour tous devant la justice.

Des juges identiques

Il ne faut qu'aucune discrimination fondée sur la qualité de la personne ne soit possible : qu'on soit chef d'entreprise, qu'on soit professeur d'université ou qu'on soit boulanger, si l'on divorce, on va tous devant le même juge.

Il n'y a pas de différence entre les personnes et entre les juges : c'est l'interdiction du privilège de juridiction.

Cela n'empêche pas d'instaurer au sein du système judiciaire et d'assurer quand même l'égalité pour tous devant la justice, d'instaurer des juridictions spécialisées, et d'ailleurs il existe en France, dans l'ordre juridictionnel judiciaire français, des juridictions spécialisées qui concernent certaines matières.

Mais il y a une différence fondamentale parce que la juridiction spécialisée ne dépend pas de la qualité de la personne, qu'elle soit noble ou ecclésiastique, mais elle dépense de la matière qui est à la base du conflit.

Il faut néanmoins ajouter une juridiction spécialisée, particulière, qui ne tient pas cette fois-ci à la matière, mais qui tient bien à la personne du justiciable, qui est une exception quant à la non discrimination selon la qualité de la personne : c'est la justice pour les mineurs.

Il y a une discrimination en France entre la justice pour les majeurs et la justice pour les mineurs, parce que les mineurs ont besoin d'une protection particulière, et donc il y a une justice, et notamment une justice pénale des mineurs, qui est propre à cette catégorie de personnes en raison de la protection qui les nécessaire d'accorder à ces mineurs.

Des formes identiques

L'égalité devant la justice passe par la forme même du procès. Cette idée est théorisée sous le nom de l'égalité des armes entre les parties au procès. Cela signifie que chaque partie au procès doit être placée dans une égalité procédurale.

Par exemple, si une partie est totalement privée de l'accès aux pièces du dossier, alors que l'autre partie, elle, a l'accès à toutes les pièces, la partie qui n'a pas accès aux pièces ne va pas pouvoir se défendre aussi bien que la partie qui a accès à toutes les pièces.

Cela permet de comprendre pourquoi l'égalité procédurale est absolument primordiale pour assurer l'égalité des justiciables devant la justice.

Au-delà de l'égalité des armes, qui permet une égalité procédurale entre les parties, c'est l'idée que le procès doit respecter le principe du contradictoire. Les parties doivent avoir une égale connaissance des arguments et des pièces de l'autre, et qu'elles doivent pouvoir y répondre chacune. On peut répondre aux observations de l'autre, on peut répondre aux documents de l'autre, etc. Et c'est cette égalité procédurale qui permet d'assurer l'égalité devant la justice.

Les obstacles à l’égalité

Le principe de l'égalité pour tous devant la justice rencontre toujours, toujours à l'heure actuelle peut-être, de façon même exacerbée sur certains points, des obstacles.

Si, dans les principes, en théorie, l'égalité devant la justice est préservée, parce qu'on accorde des juges identiques, parce qu'il y a une égalité procédurale, d'un point de vue effectif, en pratique cette égalité est parfois mise à mal.

En effet, il y a des obstacles sociologiques. Il peut y avoir une barrière sociale qui existe entre le juge et les justiciables, et notamment dans des milieux plus modestes, on peut hésiter pour tout un tas de raisons, que ce soit des raisons financières, des raisons de méconnaissance.

On peut ne pas refuser finalement de saisir le juge pour tout un tas de raisons. Et finalement, ça rend les grands principes d'égalité, certes toujours beaux, mais assez peu effectifs en pratique : pour une certaine frange de la population, la justice reste assez mystérieuse et assez lointaine.

C'est pour ça qu'un certain nombre de procédés, de mesures, ont été adoptés pour essayer de rapprocher le justiciable de la justice. Cela peut se faire par exemple par la mise en place de maisons de justice et du droit qui vont informer les justiciables sur leurs droits, des informations juridiques sur leurs droits, sur la façon dont on peut saisir un tribunal, etc.

Il y a également le développement de procédures orales. Le principe devant les tribunaux, c'est qu'il y a une procédure écrite. Mais la procédure écrite nécessite le plus souvent le recours à un avocat, ou en tout cas lorsque l'assistance d'un avocat n'est pas obligatoire, de pouvoir manier le verbe et l'écrit de manière suffisante pour défendre son dossier, ce qui n'est pas à la portée de tout le monde. Et donc dans certains cas, on privilégie une procédure orale qui facilite la procédure, qui l'allège et qui permet de défendre son dossier parfois plus facilement.

Parfois aussi, on facilite la procédure en renonçant à l'assistance obligatoire d'un avocat. Ce n'est pas toujours un service rendu aux parties, mais encore une fois, le coût que peut représenter un avocat peut être un obstacle à la saisie d'un tribunal; si on peut se présenter seul et défendre seul son dossier plutôt qu'en ayant recours à un avocat, cela peut faciliter et lever les obstacles, et permettre d'assurer d'une certaine manière l'égalité devant la justice.

Il y a un dernier obstacle, et non des moindres, à l'égalité devant la justice, c'est la question du coût, la question du coût du procès : la justice est gratuite, ça ne veut pas dire qu'elle est peu coûteuse.

Section 2. La gratuité

À l'origine, le problème de la gratuité de la justice concerne la question du salaire du juge. La justice est considérée gratuite si on ne paye pas le juge. En France, la justice est dite gratuite justement parce que les plaideurs n'ont pas à payer le juge.

Il faut savoir que ça n'a pas toujours été le cas et qu'avant l'abolition des privilèges et de certaines règles au moment de la Révolution Française, il y avait un principe qu'on appelait la vénalité des charges de la judicature : à l'époque pour être juge, il fallait payer une charge, comme les notaires actuellement doivent acheter leur charge, leur étude notariale. À l'époque, on achetait une charge de juge, c'était donc assez coûteux pour la personne qui voulait devenir juge; en contrepartie il fallait qu'il soit payé, par les plaideurs.

Pour la petite anecdote, la somme qu'on versait aux juges à l'époque, donc avant la Révolution Française, sous l'Ancien Régime, on appelait ça les épices, parce qu'il était de coutume que le juge ne soit pas toujours payé en monnaie sonnante et trébuchante, mais parfois il était payé avec des dragées, des confitures, des vrais épices, qui, à l'époque, étaient des denrées rares, ou précieuses.

Au moment de la Révolution Française et lors de la nuit du 4 août 1789, on abolit la vénalité des charges. Les magistrats n'achètent plus leurs charges et on va s'installer dans un système où le juge sera in fine fonctionnaire comme il est aujourd'hui, c'est-à-dire payé par l'État et où le plaideur n'a plus à payer son juge.

Ainsi, la justice est bien gratuite en France. Néanmoins, dire que la justice est gratuite ne résout pas toutes les difficultés : en réalité, à côté de la question qui est certes très importante du salaire du juge, il y a d'autres frais qui sont générés par une action en justice, par un procès.

Ces frais reposent essentiellement sur les plaideurs, ce qui fait que cela pose un problème, une difficulté en termes d'accès à la justice.

Un exemple : vous achetez un ordinateur, un nouveau téléphone et le vendeur a inséré des clauses abusives dans le contrat ou il y a une pratique commerciale trompeuse. Votre ordinateur a coûté quelques centaines d'euros, peut-être quelques milliers d'euros. Est-ce que vous avez envie véritablement d'engager une action justice ? Certes, vous n'aurez pas à payer le juge, mais il va falloir payer l'avocat, il y a des frais supplémentaires et la question de l'utilité de dépenser autant d'argent (avocat, frais divers) pour finalement un litige qui lui n'est pas d'une somme très élevée. Il y a en réalité une question d'accès à la justice, parce qu'on peut se priver d'un procès en tenant ce raisonnement.

Donc même si la justice est gratuite au sens où on ne paye pas le juge, la question des autres frais qui sont engagés lors d'un procès sont extrêmement importants. Certaines personnes ne sont pas capables d'engager ces frais, n'ont pas les revenus nécessaires pour engager ces frais. L'État français a mis en place ce qu'on appelle une aide juridictionnelle qui permet aux gens qui n'ont pas les revenus suffisants d'accéder quand même à la justice.

La notion de frais et dépens

Les honoraires d'avocat

Au moment de la rencontre de l'avocat, les frais sont négociés. Les honoraires sont variables d'un avocat à l'autre, mais aussi en fonction du temps qui est nécessaire à consacrer au dossier. Ces frais d'avocats sont à la charge du plaideur, c'est-à-dire de celui qui l'engage en principe.

Les frais autres : émoluments, débours, taxes

Il y en a trois principalement, les émoluments, les débours et les taxes.

Les émoluments désignent tous les prix des actes de procédure. Lors d'un procès, il y a un certain nombre d'actes de procédure à faire, donc par exemple des actes d'huissier pour l'assignation, par exemple; il y a aussi des actes de rédaction de conclusion d'avocat. Ce prix est fixe, il est fixé par voie réglementaire et cela s'ajoute aux frais, aux honoraires d'avocats.

Les débours sont tout simplement le tarif du déplacement de l'avocat, les frais de déplacement des avocats.

En effet, si vous habitez une petite ville qui n'a pas de tribunal, l'avocat va devoir se déplacer; ou alors en cas d'appel, si la cour d'appel ne se trouve pas dans la ville de résidence, l'avocat doit s'y rendre : ses frais sont aussi à la charge du plaideur et il s'appelle les débours.

Les taxes sont les frais qui sont les plus discutables parce que l'État, donc le Trésor Public, perçoit sur un certain nombre d'actes des taxes. Par exemple, quand on introduit appel, donc quand on fait appel, il y a une taxe. Ces taxes sont souvent critiquées, d'une part parce que ce sont des impôts, mais aussi parce que c'est finalement un moyen de rendre la justice payante, là où on nous dit que la justice est en principe un service public gratuit.

Les dépens

Ces frais, émoluments, débours, taxes sont à la charge du plaideur, certes, mais il existe une règle particulière, c'est finalement qui supporte les frais à la fin : c'est la notion de dépens.

Les dépens, c'est l'ensemble des frais donc qui sont supportés par la partie perdante du procès. Il est, en principe, prévu par le code de procédure civile, c'est son article 696, que "la partie perdante est condamnée au dépens", c'est donc le principe, "à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge de l'autre partie".

Ainsi, il y a un principe : la partie qui perd le procès va, en fait, assumer les dépens, c'est-à-dire l'ensemble des frais que, mais que le juge, et il a un pouvoir souverain en la matière, a le moyen de moduler cette règle et en fait de répartir les dépens entre les deux parties et même de les mettre à la charge de la partie gagnante, le cas échéant.

L’aide juridictionnelle

Ces frais de justice peuvent être importants et certaines personnes, en raison de revenus limités, n'ont pas les moyens d'agir en justice, ce qui est extrêmement grave du point de vue de l'accès à la justice et cela suscite de graves difficultés. Et donc a été mis en place ce qu'on appelle l'aide juridictionnelle.

L'aide juridictionnelle est une institution qui permet à des personnes qui sont démunies, avec des ressources insuffisantes, d'être dispensées d'avoir à payer les frais et les honoraires des auxiliaires de justice pour plaider devant les tribunaux.

Les conditions

La première condition est une condition de ressources. Il y a un seuil qui est révisé chaque année et en deçà duquel l'aide juridictionnelle donc peut être obtenue. Par exemple, en 2020, l'aide juridictionnelle totale était accordée aux personnes qui gagnaient mensuellement moins de 1700 euros. Cela permettait une aide juridictionnelle totale.

Ensuite, il y a des seuils différents et on peut obtenir, si on gagne un peu plus que la somme indiquée, une aide juridictionnelle qui est simplement partielle et pas totale.

Cette première condition est une condition objective.

La deuxième condition est plus subjective car le bureau d'aide juridictionnelle, donc le bureau qui est en réalité chargé d'apprécier si la personne peut obtenir l'aide juridictionnelle doit apprécier si le plaideur, la personne qui demande l'aide juridictionnelle, a une demande en justice qui soit sérieuse. C'est assez difficile à évaluer parce qu'évidemment le bureau d'aide juridictionnelle ne peut pas se substituer au juge. Il ne peut pas dire "le plaideur a raison, il va gagner donc je lui accorde l'aide juridictionnelle", ou "il a tort, il va perdre donc je ne lui accorde pas l'aide juridictionnelle".

L'idée ici est juste de vérifier que la demande ne soit pas farfelue, totalement hors des clous, mais à partir du moment où la demande est un tant soit peu sérieuse, qu'elle est motivée, l'aide juridictionnelle peut être accordée.

Les effets

Une fois que ces deux conditions, conditions de revenu et conditions de sérieux de la demande, sont remplies, l'aide juridictionnelle est accordée. Le principal effet est que, lorsque le plaideur bénéficie de l'aide juridictionnelle, il va être dispensé d'avancer tous les frais liés au procès; ce n'est pas qu'il va payer et qu'on va le rembourser, il est dispensé d'avancer les frais, ce qui est beaucoup plus avantageux pour le plaideur et en termes d'accès à la justice. Il est donc dispensé des honoraires d'avocat, des émoluments, des débours, des dépens, de tous les frais qu'il était susceptible d'avoir à supporter.

Dans le cas où le plaideur de l'aide juridictionnelle gagne, c'est l'adversaire qui devra payer les frais et les dépens, mais au lieu de les verser au plaideur, qui n'a rien payé vu qu'il a été dispensé d'avancer les frais, le perdant devra rembourser le Trésor Public car c'est lui qui a avancé les fonds nécessaires au procès. Si le demandeur, celui qui a obtenu l'aide juridictionnelle perd son procès, normalement, la partie perdante doit payer les frais et les dépens - mais ici, il n'en a pas les moyens. Dans ce cas, le plus souvent, le tribunal va en réalité alléger les frais qui lui incombe et le gagnant, très souvent, même s'il a gagné, devra lui assumer les frais ou les dépens, en tout cas une grande partie de ses frais et dépens.

Section 3. L’impartialité

Avant de commencer, il est important de bien distinguer entre l'indépendance de la justice et l'impartialité. L’indépendance se rapporte à l’absence de lien structurel entre le juge et une autre entité ou autorité qui pourrait exercer une pression sur lui.

Aujourd'hui, nous abordons une question différente : l'impartialité, qui implique l'absence de parti pris, de préjugé ou de préférence personnelle du juge sur l'affaire.

L’impartialité est une exigence de neutralité. Personne ne souhaite qu’un juge prenne parti pour l’une des parties sans analyse objective des règles de droit. Le travail du juge est d'appliquer ces règles pour trancher un litige de manière objective.

L’impartialité du juge est donc un caractère essentiel du service public de la justice. Elle est garantie par le Code de l'organisation judiciaire et internationalement protégée par des conventions telles que la Convention européenne des droits de l’homme (article 6, paragraphe 1).

Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bienfondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle.
Article 6, alinéa 1 (extrait) de la Convention européenne des droits de l’homme 

L’impartialité comporte deux aspects :

L’impartialité personnelle

Des éléments personnels peuvent rendre un juge partial, notamment :

Le Code de l'organisation judiciaire, article 11-6, détaille les situations dans lesquelles un juge doit se retirer, comme lorsqu'il a des liens familiaux ou conjugaux avec les parties.

L’impartialité fonctionnelle

Certaines fonctions précédentes peuvent compromettre l'impartialité d'un juge. Par exemple :

L’impartialité fonctionnelle garantit ainsi qu’un juge apporte un regard neuf sur chaque affaire.

Les solutions contre la partialité

Lorsque l’impartialité est compromise, plusieurs solutions existent :

Ces solutions visent à assurer l’impartialité du juge pour maintenir la confiance du public dans le système judiciaire.

Section 4. La publicité

La publicité de la justice signifie que les procès sont ouverts au public, qui peut assister aux audiences. Peut-être que certains d’entre vous, en tant qu’étudiants en droit, ont déjà observé un procès ou une audience dans une salle de tribunal.

La publicité de la justice garantit que le processus judiciaire est transparent, visible de tous, et sans rien à cacher. Cela permet de dénoncer d’éventuelles défaillances, renforçant la confiance dans le service public de la justice. Elle est inscrite dans la Déclaration universelle des droits de l’homme (article 10) et protégée par la Convention européenne des droits de l’homme (article 6, paragraphe 1).

Les fondements de la publicité

Historiquement, la justice a toujours été publique :

Aujourd’hui, cette tradition est maintenue pour garantir que la justice soit accessible et transparente.

Toute personne a droit, en pleine égalité, à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et impartial, qui décidera, soit de ses droits et obligations, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle.
Article 10 de la Déclaration universelle des droits de l'homme 

Les contours de la publicité

Bien que la publicité soit primordiale, elle ne s’applique pas à toutes les phases du procès.

La publicité respectée

La publicité est essentielle dans deux moments du procès :

Jusqu'à récemment, l’enregistrement vidéo de l'audience était strictement interdit, sauf pour des procès historiques (Klaus Barbie, l'affaire du sang contaminé, l'affaire Maurice Papon, le procès de l'explosion de l'usine AZF, le procès de la dictature chilienne...). Cependant, une loi du 22 décembre 2021 autorise l’enregistrement à des fins pédagogiques, informatives, culturelles, ou scientifiques. Par exemple, l’émission Justice en France, sur un partenariat entre le ministère de la justice et France Télévisions, diffuse des procès enregistrés pour éducation publique.

La publicité écartée

Dans certains cas, la publicité n’est ni utile ni appropriée :

Ainsi, ce quatrième caractère de la justice, la publicité, assure transparence et confiance dans le système judiciaire.

Section 5. La continuité

La justice est une mission régalienne, partie intégrante de la souveraineté de l'État, tout comme la police ou l'armée. Mais la question se pose : la justice doit-elle être exercée en continu ?

En France, contrairement aux systèmes nord-américains où les tribunaux fonctionnent par sessions, le service public de la justice est continu. Cela signifie que les tribunaux siègent toute l'année, du 1er janvier au 31 décembre, conformément au Code de l'organisation judiciaire.

La permanence et la continuité du service public de la justice demeurent toujours assurées.
Article L111-4 du Code de l'organisation judiciaire 

Bien que la justice soit continue, cela ne signifie pas que les juges siègent sans interruption. Le président du tribunal organise des permanences, notamment l'été et le week-end, pour qu'un juge soit disponible en cas de besoin urgent.

Toutefois, certaines juridictions, comme les cours d'assises et le tribunal paritaire des baux ruraux, siègent par session en raison de la nature de leurs affaires. Nous détaillerons les fonctions de ces juridictions dans la seconde partie du cours, consacrée aux organes de la justice.

Section 6. La collégialité

La collégialité signifie que la justice est rendue, en principe, par plusieurs juges (formation collégiale) et non par un juge unique. Cette approche permet une décision issue d'une réflexion commune, car des juges ayant des opinions et sensibilités différentes échangent et débattent. Ainsi, la collégialité renforce l’impartialité et l’indépendance des décisions judiciaires.

En France, la justice est donc majoritairement collégiale et comporte en général trois juges, ce nombre impair permettant de trancher le litige par majorité en cas de désaccord.

Les Inconvénients de la Collégialité

Malgré ses avantages, la collégialité présente aussi des inconvénients :

L’Utilisation du Juge Unique

Le juge unique, introduit pour simplifier le traitement des affaires plus simples, est aujourd’hui commun dans des domaines comme les affaires familiales ou les juges de l'exécution ou de la mise en état. Ce modèle permet d’augmenter l’efficacité du système judiciaire face à l’accroissement du nombre de dossiers.

Cependant, pour les affaires pénales graves (correctionnelles ou criminelles), la collégialité reste incontournable en raison des enjeux de privation de liberté, nécessitant une prise de décision collective.

Section 7. La responsabilité

La justice, pour remplir sa mission de service public, doit respecter des garanties et des principes fondamentaux. Cependant, la justice étant rendue par des hommes, des défaillances peuvent survenir. La question se pose alors : quelle est la responsabilité en cas de dysfonctionnement du service public de la justice ?

Dans de rares cas, il est possible de mettre en œuvre la responsabilité personnelle du juge, bien que cela soit extrêmement rare. En général, pour garantir que le juge puisse exercer sa mission sereinement, c'est l'État qui est tenu responsable en cas de dysfonctionnement.

La responsabilité de l'État pour défaut dans le fonctionnement du service public de la justice repose sur deux types de régimes : un régime général et des régimes spéciaux.

Le régime général de responsabilité

Depuis 1972, le Code de l’organisation judiciaire prévoit que l’État est responsable en cas de fonctionnement défectueux du service public de la justice. Ce régime général couvre l'activité du siège, du parquet, des greffiers, et plus généralement de tous les agents participant aux opérations d'enquête et de police judiciaire.

Deux cas de responsabilité de l'État :

Les régimes spéciaux de responsabilité

Les régimes spéciaux concernent principalement la justice pénale, où les conséquences d’un dysfonctionnement sont particulièrement graves. Ces régimes incluent :

Partie 2. Les organes de la justice

Les organes de la justice désignent les différentes juridictions appelées à se prononcer lors d'un litige dans une affaire. Ce qu’il faut savoir, c’est que lorsque l’on parle de juridiction, on pense d’abord à nos juridictions nationales.

L’État français est un État souverain. Comme mentionné, il possède donc ses propres juridictions. Mais la France fait également partie d'ensembles plus vastes, appelés organisations internationales. Parmi ces organisations, certaines sont bien connues, comme l'Union Européenne et l'Organisation des Nations Unies.

Dans ces organisations internationales, il existe aussi des juridictions, des juridictions internationales. Ainsi, nous étudierons les juridictions françaises et les juridictions internationales.

Titre I. Les juridictions françaises

Avant de commencer, un petit rappel. Nous avons déjà abordé la dualité des ordres juridictionnels en France, principe issu de la Révolution française. En raison de la séparation des pouvoirs, le juge judiciaire n’est pas compétent pour juger l’administration. Par conséquent, il existe en France un ordre judiciaire et un ordre administratif, chacun ayant ses propres juridictions.

Dans ce titre sur les juridictions françaises, nous nous concentrerons sur les juridictions de l’ordre judiciaire. Les juridictions administratives seront abordées dans le cadre des institutions administratives.

Certaines juridictions échappent à cette dualité, c'est-à-dire qu'elles n’appartiennent ni à l’ordre judiciaire ni à l’ordre administratif. Il y en a principalement deux : le tribunal des conflits, qui tranche les litiges entre l’ordre judiciaire et l’ordre administratif, et le Conseil constitutionnel.

Ce titre premier sera donc divisé en deux sous-titres :

Titre I. Les juridictions françaises

Chapitre I. Les juridictions du premier degré

Les juridictions de premier degré sont nombreuses, deux sections : les juridictions civiles, commerciales et sociales, et les juridictions pénales.

Cette distinction est due aux différences de procédure : procédure civile pour les premières et procédure pénale pour les secondes.

Les juridictions civiles, commerciales et sociales

Dans ce groupe de juridictions, on en distingue quatre principales :

Les tribunaux judiciaires

Pour comprendre ce qu'est un tribunal judiciaire, nous devons déterminer trois éléments essentiels : la matière civilel’organisation du tribunal et la répartition géographique des tribunaux judiciaires en France.

La présentation de la matière civile

Les tribunaux judiciaires traitent des litiges relevant de la matière civile. La notion de matière civile peut encore sembler floue. Voici donc quelques exemples pour illustrer ce domaine :

La compétence du tribunal judiciaire se définit par défaut. Elle couvre tous les litiges qui ne relèvent pas d’autres juridictions spécialisées, comme les tribunaux de commerce, les conseils de prud’hommes, ou encore les juridictions administratives, des baux ruraux et pénales. On dit donc que le tribunal judiciaire a une compétence de droit commun : il intervient quand aucune juridiction spécialisée n’est compétente.

Cette compétence de droit commun est encadrée par le Code de l’organisation judiciaire, aux articles L211-1 et R211-1.

Le tribunal judiciaire statue en première instance en matière civile et pénale. Lorsqu'il statue en matière pénale, il est dénommé tribunal correctionnel ou tribunal de police.
Article L211-1 du Code de l'organisation judicaire 

En plus des attributions qui lui sont dévolues par les lois et règlements et sauf disposition expresse contraire, la cour d'appel statue sur les appels interjetés contre les décisions rendues par :
Les tribunaux de grande instance ;
Les tribunaux d'instance ;
Les tribunaux de commerce ;
Les conseils de prud'hommes ;
Les tribunaux paritaires des baux ruraux.
Elle connaît en outre de l'appel interjeté contre les décisions d'autres juridictions dans les cas prévus par les lois et règlements.
Article R211-1 du Code de l'organisation judiciaire (abrogé)

L’organisation du tribunal judiciaire

L’organisation d'un tribunal judiciaire repose sur trois points : les chambres du tribunal, le président du tribunal et le personnel du tribunal

Outre les juges, il y a un représentant du parquet (procureur ou magistrat du parquet) et un service de greffe qui gère la rédaction des jugements et d’autres actes de procédure.

La répartition géographique des tribunaux judiciaires

Les tribunaux judiciaires, avec leur compétence de droit commun, doivent être accessibles à tous les citoyens. Leur répartition géographique est donc fonction de la densité démographique : on place davantage de tribunaux dans les zones fortement peuplées. Actuellement, il existe 164 tribunaux judiciaires pour 101 départements. Chaque département a au moins un tribunal, certains en ayant plusieurs.

Les tribunaux de commerce

Pour l'étude des différentes juridictions, nous suivrons un plan similaire : quelques mots sur la compétence de la juridiction (ici, le tribunal de commerce), puis un aperçu de son organisation et enfin la répartition géographique des tribunaux de commerce en France.

La compétence du tribunal de commerce

Comme son nom l'indique, les tribunaux de commerce sont compétents pour toutes les affaires commerciales. Cette compétence couvre les litiges liés à la vie des affaires : achats de marchandises pour la revente, opérations bancaires, engagements commerciaux, litiges entre sociétés commerciales, incidents de paiement et insolvabilité des commerçants ou sociétés commerciales. Depuis le 1er janvier 2002, les litiges entre artisans sont également du ressort des tribunaux de commerce.

Exception : Les litiges entre commerçants et particuliers, qui sont des litiges de consommation, relèvent en principe des tribunaux judiciaires, et non des tribunaux de commerce.

Pour retrouver la liste complète des compétences du tribunal de commerce, il faut consulter l’article L721-3 du Code de commerce.

L’organisation du tribunal de commerce

L’organisation du tribunal de commerce est originale, car il n’est pas composé de magistrats de carrière, mais de magistrats élus par les commerçants. Ainsi, les commerçants sont jugés par leurs pairs, conférant à cette juridiction un aspect corporatiste.

Origine de la justice commerciale élue

Les tribunaux de commerce sont parmi les plus anciennes juridictions françaises. Inspirés des républiques marchandes de Gênes et de Venise, où des "juges consuls" étaient élus pour résoudre les litiges commerciaux, ces juges sont appelés en France "juges consulaires". Ce système a perduré depuis le Moyen Âge, en raison de la vision positive qu'avait la Révolution sur l'élection des juges, perçue comme un gage qualité de la justice.

Il y a plusieurs critiques. Tout d'abord, on peut critiquer une forme de partialité des juges consulaires. Ce sont des commerçants qui jugent d'autres commerçants, peut-être des sociétés qui connaissent, peut-être des concurrents. Il faut donc être très vigilant sur les possibles conflits d'intérêts qui peuvent se produire devant les tribunaux de commerce.

Mais en même temps il y a un revers de la médaille à cet inconvénient. C'est un avantage, puisqu'ils sont commerçants, ils connaissent aussi la vie des affaires, ils connaissent les difficultés que les plaideurs qui sont devant eux rencontrent. Mais à cela il y a encore un inconvénient, c'est que souvent on dit que les juges consulaires connaissent bien la vie des affaires mais connaissent mal le droit.

Et c'était là l'une des difficultés principales des tribunaux de commerce, c'est que les commerçants qui sont élus juges consulaire, n'avaient aucune formation. Or dans certaines affaires, il est tout à fait nécessaire d'avoir des compétences juridiques pointues. Par exemple, lorsqu'une société fait faillite, il y a évidemment des compétences juridiques solides qui sont nécessaires.

Face à ces critiques, il y a eu plusieurs réformes, et notamment, il y a une formation des magistrats, des juges consulaires qui est prévue pour leur donner quand même des bases juridiques pour exercer leur fonction le mieux possible.

Et pour les contentieux les plus compliqués, il y a ce qu'on appelle une concentration des litiges : pour les litige de droits de la concurrence, de propriété littéraire artistique, propriété industrielle et commerciale, au lieu que ce soit le tribunal de commerce d'une toute petite ville qui n'est pas habituée à traiter ce genre de litige et qui n'est pas armé pour traiter ce genre de litige, on décide d'une concentration du contentieux et on va décider que ce sont les tribunaux de commerce des grandes villes, parce qu'il y a plus de juges, et parce qu'ils ont plus l'habitude de traiter ce type d'affaires.

Il y a une solution qui est souvent proposée mais qui jusqu'à maintenant n'a jamais été acceptée : l'échevinage. Il s'agit d'une juridiction dans laquelle il y a à la fois des magistrats de carrière et à la fois des magistrats élus de la spécialité de la matière du tribunal. L'idée serait de garder des juges élus spécialisés en commerce mais auxquels on adjoint des magistrats de carrière, des juges donc qui ont fait l'école nationale de la magistrature et qui apporteraient leur expérience juridique.

Plusieurs obstacles : d'abord il y a une opposition très très forte des commerçants de manière générale à ce qu'un magistrat de carrière siège au tribunal de commerce. Il y a aussi une question de moyens : on n'a déjà pas assez de magistrats dans les juridictions qui sont composés de magistrats de carrière, donc ajouter dans des juridictions qui jusqu'à maintenant échappent à l'état des magistrats serait compliqué.

Les modalités de l'élection

L'élection des juges consulaires est indirecte : les personnes inscrites au registre du commerce élisent un collège électoral, qui, à son tour, élit les juges consulaires. Pour être éligible, un candidat doit justifier de cinq ans d’activité commerciale et avoir au moins 30 ans. Les juges consulaires effectuent un premier mandat de deux ans, puis des mandats de quatre ans, avec un maximum de quatre mandats consécutifs, soit un total de 14 ans. Fait notable, les juges consulaires ne sont pas rémunérés.

Le fonctionnement du tribunal de commerce

En grande partie, le tribunal de commerce fonctionne comme un tribunal judiciaire, avec un président qui remplit également une fonction de juge des référés. Le greffier du tribunal de commerce y joue un rôle essentiel, notamment pour la tenue des actes et des archives: le greffier du tribunal de commerce a une charge, comme les notaires.

Si le tribunal est assez gros, lui aussi va être divisé en plusieurs chambres qui auront chacune leur domaine de spécialité.

La répartition géographique des tribunaux de commerce

Actuellement, on compte 134 tribunaux de commerce répartis sur le territoire français, institués par décret. Ces tribunaux ne sont implantés que dans les régions avec une forte activité commerciale. En cas d’évolution de l’activité, le décret peut décider de leur création, suppression ou déplacement. Par exemple, il n'existe pas de tribunaux de commerce en Lozère ou en Haute-Savoie, où l’activité commerciale est trop faible.

Les conseils de prud’homme

Le conseil de prud’hommes est la juridiction compétente pour tous les litiges de droit du travail.

Prenons un exemple : un employé s’absente de son poste sans explication pendant plusieurs jours. Son employeur souhaite le licencier, mais l'employé n’est pas d’accord. Ce litige sera porté devant le conseil de prud’hommes.

Pour mieux comprendre le conseil de prud’hommes, on suit le plan habituel : compétenceorganisation, et répartition géographique.

Compétence de droit commun (présentation de la matière civile)

Le conseil de prud’hommes (ou CPH, pour simplifier) est compétent pour tous les litiges découlant du contrat de travail, y compris le contrat d'apprentissage. Lorsque les litiges entre employeurs et employés ne peuvent être résolus de manière amiable, ils sont portés devant le conseil de prud’hommes, qui a une double mission :

Organisation

L’organisation du conseil de prud’hommes présente une originalité : c’est une juridiction paritaire.

Principe de parité

Les juges du conseil de prud’hommes, appelés conseillers, sont des représentants des employeurs et des employés, en nombre égal. Par exemple, si la formation comprend deux conseillers salariés, elle aura également deux conseillers employeurs.

Conséquences de la parité

Cette organisation paritaire entraîne deux conséquences :

Répartition géographique

Il y a un conseil de prud’hommes dans chaque lieu où se trouve un tribunal judiciaire, en application du principe d'accès à la justice. Contrairement aux tribunaux de commerce, la répartition des conseils de prud’hommes ne dépend pas de la densité de l’activité économique locale. Un employé en zone à faible emploi a autant droit à son conseil de prud’hommes qu’un salarié d’une zone à forte activité.

Actuellement, il existe 210 conseils de prud’hommes sur le territoire français, soit plus que le nombre de tribunaux judiciaires.

Critique

Le conseil de prud’hommes est composé de représentants des employés et des employeurs, mais sans magistrats de carrière. Cette organisation, bien qu’ayant ses avantages, pose des problèmes de qualité dans les décisions rendues. En effet, les décisions du conseil de prud’hommes connaissent un taux de réformation en appel élevé, ce qui témoigne d'une difficulté à garantir des décisions satisfaisantes.

Les tribunaux paritaires des baux ruraux

Qu’est-ce qu’un bail rural ?

Avant de comprendre le rôle des tribunaux paritaires des baux ruraux, il est important de définir ce qu’est un bail rural.

Vous connaissez sans doute le concept de bail, notamment pour des locations d'appartements ou de chambres. Dans le cadre d’un bail rural, cependant, il ne s’agit pas de louer un logement, mais une terre. Cette terre est louée pour permettre au locataire d'y exercer une activité, comme l’agriculture ou l’élevage.

Il existe deux types principaux de baux ruraux :

  1. Le contrat de fermage : le locataire est appelé fermier.
  2. Le contrat de métayage : le locataire est appelé métayer.

Les propriétaires de ces terres, appelés bailleurs, louent donc leurs terres aux fermiers ou métayers.

Comme pour tout contrat de location, des litiges peuvent survenir. Par exemple, le propriétaire de la terre (bailleur) pourrait décider de reprendre sa terre pour construire un bâtiment, alors que le fermier a déjà planté ses cultures en vue de les vendre. Ces conflits sont courants dans les baux ruraux et nécessitent un tribunal spécialisé.

En raison de la nature très spécifique de ces litiges, les contrats de fermage et contrats de métayage sont encadrés par un code spécifique : le Code rural. Pour traiter ces affaires spécialisées, un tribunal dédié a été créé : le tribunal paritaire des baux ruraux.

Ce tribunal est dit paritaire, car il est composé de manière équilibrée :

Une particularité des tribunaux paritaires des baux ruraux est qu’ils ne siègent pas en permanence. Contrairement aux juridictions qui siègent toute l'année, cette juridiction fonctionne par sessions en raison du faible volume de contentieux dans ce domaine.

Ainsi, les tribunaux paritaires des baux ruraux n’ouvrent des sessions que lorsqu’un nombre suffisant de litiges a été rassemblé. Une fois ces litiges traités, la session est clôturée, et une nouvelle session sera ouverte uniquement lorsque de nouveaux litiges surgiront.

Les juridictions pénales

Les juridictions pénales, ce sont l'ensemble des tribunaux ou des cours qui jugent les infractions. L'infraction au sens large c'est la violation d'une règle de droit pénale qui donc peut donner lieu à un procès pénal.

Souvent, lorsque l'infraction est constatée, lorsque le tribunal ou la cour juge que l'infraction existe, elle va prononcer une sanction, ce qui fait que vous trouverez peut-être dans les manuels l'expression de juridiction répressive pour désigner les juridictions pénales, parce que le plus souvent elle prononce une sanction, elle prononce une peine.

La particularité des juridictions pénales c'est qu'en leur sein on peut distinguer les juridictions pénales de droit commun qui s'appliquent à n'importe lequel des citoyens qui commettraient une infraction, un vol, une agression sexuelle,...puis certaines juridictions pénales sont spécialisées, en ce sens qu'elles ne concernent que certaines personnes en particulier. Il en va ainsi de la justice militaire, de la justice martiale. Il peut en aller aussi ainsi en matière politique.

Les juridictions pénales de droit commun

En réalité, ces juridictions pénales de droit commun, c'est la Cour d'assises qui juge des crimes, le tribunal correctionnel qui juge des délits et le tribunal de police qui lui traite des contraventions. Toutes ces juridictions sont les juridictions qui interviennent au stade de la phase de jugement en matière pénale.

Mais ce qui est intéressant c'est qu'en matière pénale, la phase préalable au jugement, qu'on appelle la phase d'instruction, est une phase qui est absolument déterminante.

Alors attention, dans le procès civil il existe une phase d'instruction. Mais cette phase d'instruction, dans le procès civil, qui sert à rassembler les éléments de preuves nécessaires au procès, c'est-à-dire à la prise de décision, elle est faite par le juge qui va trancher ensuite l'affaire.

La particularité de la matière pénale, c'est que pour des raisons d'impartialité, on a décidé de dissocier la phase d'instruction et la phase de jugement. Ce ne sont pas les mêmes juges qui sont chargés de la phase d'instruction et qui sont chargés de la phase de jugement.

L’instruction préparatoire

En matière pénale, cette phase d'instruction est tout à fait primordiale. C'est une phase très importante de ce qu'on appelle la procédure pénale et la procédure pénale instaure une séparation très nette entre cette phase d'instruction et la phase de jugement par ailleurs.

Et surtout, elle distingue, dans ces deux phases, les juges. Ce ne sont donc pas les mêmes juges qui instruisent l'affaire et ceux qui jugent l'affaire.

Pendant longtemps, la phase d'instruction était entre les mains d'un seul juge qu'on appelait le juge d'instruction, qui avait trois missions principales : la mission d'information, certains pouvoirs juridictionnels et enfin, la maitrise de la question de la détention provisoire des prévenus.

Puis, il y a eu une évolution. On a estimé que le juge qui décidait du renvoi ou non de l'affaire ne pouvait pas décider de la mise en détention provisoire. Aujourd'hui, on a dans la phase d'instruction deux juges, le juge d'instruction et le juge de la détention et des libertés.

Le juge d’instruction

Le juge d'instruction a hérité donc de deux missions, vu qu'il s'est vu privé de sa troisième mission qui est la détention provisoire : une mission d'information et une mission de juridiction.

La mission d'information

Cela signifie que le juge d'instruction est chargé de rassembler tous les éléments de preuve qui permettent la manifestation de la vérité. On dit que le juge d'instruction instruit, à charge et à décharge.

Cette expression est tout à fait fondamentale parce qu'elle signifie que le juge d'instruction est chargé aussi bien de rassembler les éléments de preuve de culpabilité du prévenu, mais aussi les éléments de preuve de non culpabilité du prévenu.

Pour réaliser cette mission, pour rassembler ces preuves, le juge d'instruction va faire de multiples opérations qu'on appelle tout simplement des actes d'instruction. Par exemple, il va demander des avis d'experts, il va auditionner des témoins, il va se transporter sur les lieux de l'infraction, il va demander des perquisitions ou des saisies de documents. Il peut agir en concours avec la police ou seul selon les cas.

Le juge d'instruction a aussi des pouvoirs de contrainte, notamment en termes de personnes. Il peut obliger une personne à comparaître devant lui, c'est ce qu'on appelle le mandat de comparution, mais il peut contraindre une personne à comparer devant lui avec l'aide de la police, c'est-à-dire que la personne sera présentée au juge d'instruction par les policiers, ça c'est s'il forme un mandat d'amenée. Et enfin, le juge d'instruction peut éventuellement émettre un mandat d'arrêt pour des prévenus qui seraient en fuite.

La mission de juridiction

Le juge d'instruction dans sa mission a des pouvoirs juridictionnels, c'est-à-dire qu'il a le pouvoir de dire le droit, de trancher certaines contestations. Ces actes juridictionnels du juge d'instruction sont appelés des ordonnances et les deux principales ordonnances que va rendre le juge d'instruction sont relatives au fait de choisir de renvoyer ou pas le prévenu dans la phase de jugement, c'est-à-dire devant un juge.

Ces deux ordonnances sont pour la première l'ordonnance qu'on appelle l'ordonnance de non lieu. L'ordonnance de non lieu, c'est l'acte par lequel le juge d'instruction considère qu'il n'a pas rassemblé suffisamment d'éléments de preuve pour poursuivre le prévenu. Et donc le prévenu n'ira pas devant un juge, il n'y aura pas dans cette affaire de phase de jugement.

Au contraire, si le juge d'instruction estime que les preuves rassemblées sont suffisantes, à ce moment-là il va rendre une ordonnance de renvoi, c'est-à-dire qu'il considère que son dossier contient suffisamment d'éléments de preuve pour permettre à ceux qui le jugeront sur le fond de se faire une opinion éclairée. Et donc ce renvoi, c'est le renvoi du prévenu dans la phase de jugement, donc devant un juge.

Mais il existe désormais dans la phase d'instruction un autre juge qui a une fonction importante, c'est celui qu'on appelle le JLD, en abréviation, le juge des libertés et de la détention.

Le juge des libertés et de la détention

Dans certaines hypothèses, dans certains cas graves, donc dans les cas, les infractions les plus graves, on craint que le prévenu, s'il reste en liberté, puisse soit fuir, soit exercer des pressions sur les protagonistes, les témoins de l'affaire, de manière à éviter qu'il témoigne ou qu'il modifie la version de leur témoignage, etc.

Dans ces cas-là, on estime donc qu'il faut placer le prévenu en détention provisoire. C'est évidemment une décision extrêmement grave, vu qu'il s'agit de mettre une personne en prison, alors même, et c'est ça qui est grave dans la détention provisoire, qu'elle n'a pas encore été jugée. Cette mission est désormais confiée au juge des libertés et de la détention.

Il va donc se fonder sur le dossier d'instruction, qui a été monté par le juge d'instruction, et c'est lui qui doit examiner s'il est opportun, ou pas, de placer le prévenu en détention provisoire.

C'est la première phase du procès pénal, la phase d'instruction. Lorsque le juge d'instruction adopte, rend une ordonnance de renvoi, le prévenu va passer devant un juge, s'ouvre alors la phase de jugement.

La phase de jugement

Cette phase de jugement se déroule devant certaines juridictions, mais on peut se demander pourquoi il existe plusieurs juridictions pénales.

Il existe plusieurs juridictions pénales de droit commun tout simplement parce qu'il existe plusieurs types d'infractions. En droit pénal français, il existe trois types d'infractions qui sont graduées en fonction de leur gravité.

Les infractions les moins graves, comme brûler un feu rouge par exemple, s'appellent les contraventions et relèvent du tribunal de police. Les infractions moyennement graves s'appellent les délits et ces délits relèvent, eux, du tribunal correctionnel. Et puis enfin, les infractions les plus graves sont les crimes et ces crimes relèvent, en principe, de la cour d'assises.

Le tribunal de police

La compétence du tribunal de police relève du domaine des contraventions.

Les contraventions sont les infractions les moins graves du code pénal et, étant les infractions les moins graves du code pénal, il s'agit aussi des infractions à laquelle la loi réserve évidemment une peine assez légère. Les contraventions sont punies uniquement d'amende sans peine de prison et d'un montant qui est relativement faible.

Pour rappel, l'amende est payée au Trésor Public français et les personnes qui sont coupables d'une infraction, donc d'une contravention, sont appelées les contrevenants.

Étant donné que le tribunal de police n'a à gérer que des infractions les plus minimes, on a estimé que la collégialité n'était pas nécessaire dans ce cas-là et donc le tribunal de police est une juridiction à juge unique. C'est un juge du tribunal judiciaire qui va statuer dans la formation de tribunal de police. Il statue seul donc sur les infractions.

Dès lors, cela nous donne aussi une information sur le ressort géographique des tribunaux de police : partout où se trouve un tribunal judiciaire, il y a un tribunal de police.

Le tribunal correctionnel

Le tribunal correctionnel est compétent pour la matière délictuelle, c'est-à-dire pour traiter des délits.

Les délits sont les infractions de degrés intermédiaires entre les contraventions et les crimes et ceux qui commettent un délit sont appelés les délinquants.

S'agissant des peines qui sont encourues en matière délictuelle, elles sont beaucoup plus importantes que les peines encourues en matière contraventionnelle vu qu'il peut être prononcé des amendes mais qui sont d'un montant beaucoup plus lourd que celles qui peuvent être prononcées en matière contraventionnelle, et surtout les délits peuvent être éventuellement punis d'une peine d'emprisonnement, donc d'une peine privative de liberté.

Cette information est importante parce qu'elle a une conséquence sur la composition du tribunal correctionnel. Le tribunal correctionnel ayant la possibilité de prononcer des peines très lourdes, et notamment des peines privatives de liberté, la possibilité de statuer à juge unique est totalement exclue dans ce cas.

C'est pourquoi le tribunal correctionnel est toujours un tribunal collégial, un tribunal composé de trois magistrats de carrière, un président et deux assesseurs.

Comme pour le tribunal de police, le tribunal correctionnel est rattaché au tribunal judiciaire, donc partout où il y a un tribunal judiciaire il y a un tribunal correctionnel.

La cour d’assises

S'agissant de la troisième catégorie d'infractions, les crimes, celle-ci est du ressort d'une troisième juridiction qu'on appelle la Cour d'assises.

La répartition géographique des cours d'assises est exactement la même que celle des tribunaux judiciaires, donc dans le ressort du tribunal judiciaire, il y a aussi une cour d'assises.

Mais la cour d'assises nécessite des précisions très importantes sur plusieurs points, d'abord sur sa composition qui est extrêmement originale, ensuite sur la compétence de la cour d'assises; et enfin, il y a quelques exceptions à la cour d'assises, c'est-à-dire des crimes qui ne sont pas soumis à la cour d'assises mais à d'autres formes de juridiction

Composition

La cour d'assises est composée de manière mixte, c'est-à-dire à la fois de magistrats de carrière mais surtout d'un jury populaire.

Dans la cour d'assises il y a donc la cour proprement dite, formée par les trois magistrats de carrière, un président et deux assesseurs.

A la Cour est accolé, pour la prise de décision, un jury populaire, qui est composé de six jurés, donc six personnes qui sont tirés au sort sur les listes électorales.

On va tirer au sort un panel de jurés possibles, le plus souvent on tire au sort pour une année. Si on est désignés comme juré pour la cour d'assises de Paris en 2023, cela ne veut pas dire qu'on va siéger à tous les procès de la cour d'assises. Il est possible qu'on nous appelle pour certains d'entre eux, parfois même il est possible qu'on ne vous convoque pas si finalement on n'a pas besoin d'autant de jurés qui ont été tirés au sort.

Ce jury populaire il est très important, parce qu'il faut rappeler que la justice est rendue au nom du peuple français.

Toutes les décisions de justice commencent par "au nom du peuple français" et on estime que dans la matière criminelle, qui est la matière la plus grave, vu que c'est là où les peines encourues sont les plus graves, des peines privatives de liberté qui peuvent être très longues, voire la perpétuité, on estime qu'il faut s'en remettre à l'expression de la souveraineté nationale pour prendre une telle décision. On a donc décidé d'instaurer un jury populaire.

Dans cette Cour d'assises, il y a bien sûr aussi un avocat général qui représente le ministère public.

Un point très important sur le délibéré de la cour d'assises : lors du délibéré, les six jurés se retirent mais ils se retirent avec les trois magistrats de carrière. Et donc ces magistrats sont présents et ils votent. Il y a donc neuf personnes qui votent à la fois sur la culpabilité du prévenu et ensuite il y a un vote sur la peine qu'on veut faire supporter au prévenu.

Et ce vote se fait à la majorité absolue de sept voix sur neuf. Donc les magistrats de carrière ont quand même une place qui reste très importante non seulement dans la conduite de la phase du procès pénal mais aussi au moment du délibéré.

L'autre particularité de la cour d'assises, c'est qu'elle a un fonctionnement intermittent, par sessions.

Compétences

La cour d'assises est compétente en matière criminelle. Ce sont donc les infractions les plus graves qui encourt les sanctions les plus lourdes, à la fois les amendes les plus lourdes, mais surtout les peines de prison les plus importantes.

Alors des exemples de crimes : l'assassinat, bien sûr, le trafic de stupéfiants, la séquestration, la torture, le viol, l'association de malfaiteurs.

Un phénomène particulier : certains crimes ne sont pas jugés devant la cour d'assises, mais sont jugés devant le tribunal correctionnel. On s'est rendu compte que le jury populaire, donc dans les Cours d'assises, avait tendance à hésiter à prononcer des peines lourdes ou avait tendance à hésiter à retenir des décisions de culpabilité, les affaires qui sont concernées par ce phénomène sont notamment les affaires de viol.

Le viol est un crime et devrait donc être traité par la cour d'assises. Sauf qu'il y a eu ce phénomène où le jury populaire prononçait des peines assez faibles, voire ne reconnaissait pas la culpabilité du prévenu.

C'est l'expression de la souveraineté populaire, on devrait la respecter, mais dans certains cas, il s'est avéré que les magistrats ont décidé de correctionnaliser le viol, c'est-à-dire de ne retenir qu'une infraction de niveau délit, pour faire traiter de l'infraction par un tribunal correctionnel.

En effet, le tribunal correctionnel est composé uniquement de magistrats de carrière et les magistrats de carrière rendent des décisions qui sont souvent plus sévères que les décisions des jurys populaires. Voilà pourquoi certaines infractions qui sont à l'origine des crimes, le viol par exemple, mais ça peut arriver pour d'autres infractions, sont finalement traitées par le tribunal correctionnel.

Il y a des cas où ce n'est pas la cour d'assises classique, telle qu'on vient de voir, qui va siéger en matière de crime. Ces exceptions de crimes qui sont retirées à la cour d'assises, elles sont au nombre de deux.

Il a été décidé de créer des cours d'assises spéciales, qui sont des cours d'assises sans jury populaire, dans les matières de crimes de terrorisme ou de trafic de stupéfiants en bande organisée.

L'idée ici, c'est de protéger les citoyens. Les affaires de terrorisme ou les affaires de trafic de stupéfiants en bande organisée signifient le plus souvent qu'il y a un réseau, un réseau terroriste ou un réseau de bande organisée. Et ces gens-là peuvent faire des pressions, peuvent essayer d'intimider les jurés. Pour éviter cela - ils peuvent attenter même à la vie des jurés -, on a décidé que ces deux catégories d'infractions particulièrement graves et qui mettent en danger les jurés relèvent d'une Cour d'assises spéciale dans laquelle siègent uniquement des magistrats de carrière.

Et puis, depuis la loi du 23 mars 2019, ont été créées une juridiction supplémentaire qui s'appelle les cours criminelles départementales. À l'origine, c'était expérimental, c'est-à-dire qu'elles n'existaient que dans certaines villes (7 départements), et depuis le 1er janvier 2023, l'expérience a été généralisée, c'est-à-dire qu'il y a une cour criminelle départementale dans chaque département.

Aujourd'hui, dans tous les départements, il y a une cour criminelle départementale. L'idée, là encore, c'est que pour juger des crimes les plus graves, et ces crimes les plus graves sont définis par les textes comme les crimes qui sont commis par des personnes majeures accusées d'un crime puni de 15 ou 20 ans de réclusion criminelle, ce sont les peines de prison les plus lourdes.

Pour ces crimes-là, désormais, au lieu de passer devant la cour d'assises, on va les passer devant les cours criminelles départementales qui, là encore, sont des juridictions dans lesquelles il n'y a pas de jury populaire. Il y a seulement des magistrats de carrière qui siègent.

L'idée est d'éviter le phénomène de correctionnalisation. Pour les crimes les plus graves, on trouvait que les jurys populaires n'adoptaient pas des décisions satisfaisantes, et donc on a préféré que pour les crimes les plus graves, pour lesquels un jury populaire ne se sentait pas de prononcer des sanctions fortes, on préfère faire peser cette responsabilité sur des magistrats de carrière qui siègent au sein de la cour criminelle départementale.

Les juridictions pénales spécialisées

On peut avoir une certaine méfiance à propos des juridictions pénales spécialisées, parce que, souvent, on a connu ce genre de juridictions qui étaient créées à l'occasion d'une circonstance particulière, aux heures les plus sombres des régimes, des différents régimes politiques français. On a eu des juridictions spéciales sous l'Ancien Régime, au moment de la Terreur, ou encore sous l'Occupation.

Donc ce sont des juridictions qui peuvent attirer un petit peu de méfiance. Néanmoins, dans certains cas, ces juridictions pénales spéciales sont tout à fait justifiées. Alors pendant longtemps on pouvait citer trois cas de juridictions pénales spéciales.

D'abord la justice pénale des mineurs, qui existe toujours, puis, certaines juridictions pénales de nature politique, et enfin, des juridictions pénales de nature militaire.

Les juridictions pénales de nature militaire ont longtemps existé, mais elles sont aussi depuis fort longtemps supprimées. Il existait une Cour de Sûreté de l'État qui jugeait des militaires français, mais cette Cour a été supprimée en 1982.

Les juridictions pénales des mineurs

Il y a, à l'origine du comportement infractionnel de l'enfant, sans doute, une défaillance en termes d'éducation, de suivi de l'enfant. Et donc, de manière générale, on essaye de privilégier, pour un enfant, les mesures éducatives plutôt que des mesures répressives. Et pour cela, on a estimé qu'il fallait le soumettre à des juridictions particulières.

Néanmoins, il n'y a pas un seul juge pénal des mineurs, mais il y en a trois, et on choisit le juge devant lequel on attrait le mineur en fonction à la fois de l'âge du mineur, mais aussi de la gravité de l'infraction qu'il a commise. Donc, il y a une combinaison entre son âge et la gravité pour déterminer le tribunal, la juridiction compétente.

Les trois juridictions sont le juge des enfants, le tribunal pour enfants et la cour d'assises des mineurs.

Le juge des enfants

Le juge des enfants, c'est un juge unique, donc un juge qui appartient au tribunal judiciaire. C'est un magistrat de carrière et il est compétent dans deux cas.

Évidemment, le juge des enfants, étant un juge unique, il ne peut prononcer aucune peine privative de liberté et son action se limite à des mesures éducatives.

Le tribunal pour enfants

Le tribunal pour enfants est une formation de jugement, cette fois-ci, qui est collégiale. Elle est formée de trois personnes, un président qui est un magistrat de carrière et deux assesseurs qui sont des particuliers.

Ces particuliers ne sont pas choisis n'importe comment, ce sont des majeurs d'au moins 30 ans qui sont connus pour leurs compétences ou leur expérience quant au problème de l'enfance, par exemple, des psychologues, des éducateurs spécialisés, des assistants sociaux, etc.

Le tribunal pour enfants est compétent dans deux cas.

Le tribunal pour enfants peut, lui, prononcer des peines privatives de liberté, même si le plus souvent, on va privilégier des mesures éducatives.

La cour d’assises des mineurs

Elle est compétente pour les crimes commis par un mineur d'au moins 16 ans. En réalité, cette cour d'assises des mineurs a un fonctionnement très proche de la cour d'assises.

Elle est composée de la même manière, à savoir un président assisté de deux assesseurs et un jury populaire.

La seule différence, c'est que les deux assesseurs sont choisis parmi les juges pour enfants et que l'excuse de minorité, donc qui est un moyen de défense en matière pénale, est mise en avant autant que possible.

Les juridictions pénales de nature politique

On va insister deux juridictions, la juridiction destinée à juger le chef de l'État d'abord et la juridiction destinée à juger les membres du gouvernement ensuite.

Juger le chef de l’État : la Haute cour

La Haute cour est la juridiction qui est destinée à juger le chef de l'État.

Alors, attention, le chef de l'État, le président de la République française, bénéficie d'une immunité de juridiction pendant toute la durée de son mandat. Cela signifie que si, avant son mandat ou même pendant ce mandat, il était amené à commettre une infraction de droit commun, imaginons un vol, il ne pourrait pas être poursuivi pendant la période de son mandat.

En revanche, une fois le mandat terminé, il sera poursuivi. Le seul effet de l'élection est de suspendre la prescription. Donc, c'est une interruption de la prescription et une fois que le mandat est terminé, on peut le poursuivre devant un tribunal de droit commun.

Certains présidents de la République ont été jugés devant des cours d'assises de droit commun.

Mais on parle ici de manquements à ses devoirs en tant que président de la République, des manquements tels qu'ils sont manifestement incompatibles avec sa fonction de président de la République. Dans ces cas-là, une juridiction peut prononcer une destitution du président de la République et cette juridiction, c'est la Haute cour.

La Haute cour est en réalité constituée du Parlement, c'est-à-dire de la réunion de l'Assemblée nationale et du Sénat, et peut décider de cette mesure extrême, mais qui est évidemment assez rare en pratique.

Le Président de la République n'est pas responsable des actes accomplis en cette qualité, sous réserve des dispositions des articles 53-2 et 68.

Il ne peut, durant son mandat et devant aucune juridiction ou autorité administrative française, être requis de témoigner non plus que faire l'objet d'une action, d'un acte d'information, d'instruction ou de poursuite. Tout délai de prescription ou de forclusion est suspendu.

Les instances et procédures auxquelles il est ainsi fait obstacle peuvent être reprises ou engagées contre lui à l'expiration d'un délai d'un mois suivant la cessation des fonctions.
Article 67 de la Constitution de 1958 
Le Président de la République ne peut être destitué qu'en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat. La destitution est prononcée par le Parlement constitué en Haute Cour.

La proposition de réunion de la Haute Cour adoptée par une des assemblées du Parlement est aussitôt transmise à l'autre qui se prononce dans les quinze jours.

La Haute Cour est présidée par le président de l'Assemblée nationale. Elle statue dans un délai d'un mois, à bulletins secrets, sur la destitution. Sa décision est d'effet immédiat.

Les décisions prises en application du présent article le sont à la majorité des deux tiers des membres composant l'assemblée concernée ou la Haute Cour. Toute délégation de vote est interdite. Seuls sont recensés les votes favorables à la proposition de réunion de la Haute Cour ou à la destitution.

Une loi organique fixe les conditions d'application du présent article.
Article 68 de la Constitution de 1958 
Juger les membres du gouvernement : la Cour de justice de la République

La Cour de justice de la République est celle qui peut être amenée à juger des membres du gouvernement, donc des ministres.

Alors là encore, attention à bien distinguer deux cas. Un ministre, comme tout citoyen et comme le président de la République, peut commettre une infraction, une infraction dans sa vie de tous les jours. Dans ces cas-là, les ministres ne bénéficient pas, contrairement au Président de la République, d'immunité. S'il est avéré qu'un ministre a commis une infraction, il peut être poursuivi alors qu'il est ministre devant une juridiction. L'actualité donne des exemples de ministres qui sont poursuivis en justice alors qu'ils sont ministres.

Mais ces poursuites n'ont aucun lien avec leur fonction de ministre. Or, pour la Cour de justice de la République, il s'agit de poursuivre les ministres pour une infraction, un manquement qu'ils ont commis dans l'exercice de leur fonction.

Un exemple : l'affaire du sang contaminé. On s'est rendu compte que les poches de sang du Centre français du sang étaient contaminées par le VIH. On s'est demandé s'il fallait détruire les poches de sang ou les conserver et les administrer. Ces poches de sang ont été conservées, elles ont été administrées et des personnes ont été infectées par le virus du VIH. Or il s'est avéré que la décision de ne pas détruire ces poches avait été prise par le ministre de la Santé de l'époque, en accord avec le premier ministre de l'époque. Un tel manquement a lieu à l'occasion de l'exercice des fonctions de ministre et relèverait de la Cour de justice de la République.

Il y a des modalités pour saisir la Cour de justice de la République, tout simplement parce qu'on pourrait imaginer que tout justiciable, mécontent de l'action d'un ministre, cherche à saisir cette Cour. Or évidemment, cette Cour est amenée à se prononcer uniquement dans les cas de manquement grave à la fonction ministérielle.

Donc il y a une commission spécialisée qui est appelée à se prononcer pour savoir si le dossier est transmis à la Cour. Cette commission spéciale des requêtes, elle est composée par trois conseillers de la Cour de cassation, deux conseillers d'État et deux conseillers maîtres à la Cour des comptes. Cette commission se réunit et décide ou pas de transmettre le dossier à la Cour de justice de la République.

Quant à la Cour de justice de la République, elle est composée de 15 juges, il y a 12 parlementaires, donc sénateurs et députés, et trois magistrats du siège, donc trois magistrats de carrière.

Titre I. Les juridictions françaises

Chapitre II. Les juridictions du second degré

Que se passe-t-il si la personne, une des protagonistes du procès, que ce soit civile ou pénale, n'est pas satisfaite de la décision qu'elle a obtenue devant la juridiction du premier degré ? Dans ces cas-là, cette personne, mécontente de la décision qu'elle a obtenue, a la possibilité de faire appel. C'est pourquoi il faut envisager désormais les juridictions d'appel ou les juridictions du second degré.

On dit bien second degré et pas deuxième degré tout simplement parce qu'il n'y a pas en France de troisième degré de juridiction.

Les juridictions du second degré, c'est communément ce qu'on appelle la cour d'appel, devant laquelle on va pouvoir faire appel de la décision dont on est mécontent au niveau de la décision, donc de la juridiction du premier degré.

On n'est pas satisfait, on estime que les faits ont mal été interprétés, on estime que le droit a mal été appliqué, on n'est pas content, on veut donc faire réétudier son affaire. Et ce réexamen de l'affaire s'appelle l'appel.

On peut trouver que l'appel est une formalité qui s'impose et qui est normale. En réalité quand on y réfléchit cela peut être discuté. Finalement vous avez une affaire, elle a été examinée par des magistrats qui ont étudié votre cas, qui ont appliqué des règles. Pourquoi avoir besoin d'un appel ?

Aujourd'hui, la question posée ainsi peut sembler étonnante mais il faut savoir que l'appel n'est pas forcément un droit fondamental.

Bien sûr, il y a l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme selon laquelle on a droit à un procès équitable. Et on peut trouver que ce droit à un procès équitable comprend le droit à un appel.

Mais en réalité, pour connaître la position de la Convention européenne des droits de l'homme sur l'appel, il faut se référer au protocole additionnel numéro 7 et plus précisément à son article 2 :

1/ Toute personne déclarée coupable d'une infraction pénale par un tribunal a le droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité ou la condamnation. L'exercice de ce droit, y compris les motifs pour lesquels il peut être exercé, sont régis par la loi.

2/ Ce droit peut faire l'objet d'exceptions pour des infractions mineures telles qu'elles sont définies par la loi ou lorsque l'intéressé a été jugé en première instance par la plus haute juridiction ou a été déclaré coupable et condamné à la suite d'un recours contre son acquittement
Article 2, protocole 7 de la Convention européenne des droits de l'homme 

Ce droit à l'appel n'est finalement fondamental qu'en matière pénale, ce qui signifie que si on décidait demain de supprimer l'appel en matière civile, cela ne porterait pas aux droits fondamentaux et ne porterait pas atteinte à la Convention européenne des droits de l'homme.

Ceci étant dit, ce n'est pas le système que connaît l'organisation judiciaire française qui organise un appel à la fois en matière civile au sens large donc en réalité la matière civile, commerciale, sociale, rurale; mais aussi (et donc nécessairement) en matière pénale.

En matière civile, commerciale, sociale et rurale

L'organisation et le fonctionnement des cours d'appel en ces matières sont réglementés par le code de l'organisation judiciaire aux articles L311-1 et suivant.

Généralités sur les cours d’appel

D'abord, il faut savoir que toutes les affaires ne sont pas susceptibles d'appel.

Toutes les affaires ne sont pas susceptibles d'appel, ce qui, en matière civile, n'est pas contraire aux droits fondamentaux et notamment pas contraire à la convention européenne des droits de l'homme.

Cette situation peut peut-être paraître choquante, mais il arrive que le tribunal du premier degré qui statut, on dit qu'il juge en premier et dernier ressort. Quand le juge du tribunal du premier degré statut et juge en premier et dernier ressort, cela signifie que l'affaire n'est pas susceptible d'appel. En réalité, ce sont les affaires peu importantes financièrement qui ne sont pas susceptibles d'appel.

Aujourd'hui la somme qui est fixée réglementairement c'est la somme de 5 000 euros dans toutes les matières civiles sauf en matière sociale où c'est fixé à 4 000 euros.

En d'autres termes dans toutes les matières si l'affaire est inférieure à 5 000 euros et en droit social si elle est inférieure à 4 000 euros, si le litige est inférieur à 5 000 ou à 4 000, l'appel n'est pas possible, parce que l'appel est une procédure longue et coûteuse et qu'en réalité il serait plus coûteux de faire appel que le montant du litige.

Néanmoins, retenez que si le tribunal de premier degré statut en premier et dernier ressort, certes l'appel n'est pas possible, en revanche est toujours ouvert un pourvoi en cassation, c'est à dire un recours devant la Cour de cassation qui est la juridiction la plus haute de l'organisation judiciaire.

Si on écarte ces affaires donc qui sont exclus et qui n'arriveront jamais devant la cour d'appel, toutes les autres décisions rendues par une juridiction de premier degré est susceptible d'appel et pourra donc arriver devant une cour d'appel. Sachant qu'il existe 36 cours d'appel en France, il faut bien se rendre compte que c'est assez peu : en se souvenant qu'il y a 164 tribunaux judiciaires, tout ce contentieux des tribunaux judiciaires va s'étrangler ensuite s'il y a appel dans seulement 36 cours.

Le fonctionnement de l’appel

La cour d'appel est une unique cour, mais qui souvent est organisée en chambres spécialisées.

On peut faire appel des décisions du tribunal judiciaire donc de la matière civile de droit commun, on peut faire appel devant la cour d'appel des décisions du tribunal de commerce, on peut faire appel des décisions du conseil de prud'homme, on peut faire appel des décisions du tribunal paritaire des baux ruraux. La compétence de la cour d'appel est extrêmement large.

Le plus souvent la cour va être divisée en chambres. La chambre sociale est chargée de l'appel contre les jugements du conseil de prud'homme, mais aussi contre les jugements du tribunal paritaire des baux ruraux et par ailleurs on trouve souvent aussi une chambre commerciale pour les appels contre les décisions du tribunal de commerce et la matière civile peut selon la taille de la cour d'appel elle aussi être divisée en plusieurs chambres.

En matière pénale

En matière pénale, on retrouve en réalité l'originalité de la procédure pénale.

L'appel est possible lors de la phase d'instruction contre les décisions que prend le juge d'instruction ou le JLD notamment, et par ailleurs l'appel est possible à l'issue de la phase de jugement contre la décision rendue par la juridiction pénale du premier degré.

Et donc s'agissant de l'appel en matière pénale, il faut distinguer encore une fois la phase d'instruction et la phase de jugement.

Pendant la phase d’instruction : la chambre de l’instruction

Cet appel a lieu devant ce qu'on appelle la chambre d'instruction.

Pendant la phase d'instruction, le juge d'instruction peut prendre des actes d'instruction et a aussi des pouvoirs juridictionnels et surtout des pouvoirs juridictionnels lui permettant d'adopter des ordonnances, ordonnances de renvoi, le prévenu est renvoyé devant un juge pour être jugé, ou ordonnances de non-lieu, on estime qu'il n'y a pas assez de preuves et donc l'affaire s'arrête ici, le prévenu n'ira jamais devant un juge.

Ces actes juridictionnels sont évidemment susceptibles d'appel, ils sont susceptibles d'appel devant la chambre de l'instruction. Cette chambre de l'instruction est une chambre spéciale de la cour d'appel, qui est composée comme presque toujours de trois magistrats, de trois conseillers de la cour d'appel et le président de la chambre de l'instruction est le plus souvent un président de chambre.

L'appel interjeté contre les décisions du juge d'instruction ont lieu devant la chambre d'instruction. La chambre d'instruction a aussi des prérogatives très particulières que la loi lui attribue, comme par exemple l'étude des demandes d'extradition, ou les actions disciplinaires contre les officiers de police judiciaire, mais ce sont vraiment des attributions très particulières.

À l’issue de la phase de jugement

S'il y a eu cette phase lors du procès pénal, la phase de jugement, le prévenu est condamné, il n'est pas content, il veut faire appel, ou au contraire la victime n'est pas contente parce que le prévenu n'a pas été condamné et donc on cherche à faire appel.

D'abord, première particularité, l'appel n'est pas possible contre les jugements du tribunal de police. Cela peut peut-être étonner vu que l'appel est un droit fondamental en matière pénale. Mais le tribunal de police a une compétence limitée aux contraventions, c'est-à-dire aux infractions les moins graves. Et ici, on estime qu'on a "perdu" suffisamment de temps à mobiliser un juge pour trancher sur une infraction finalement mineure et que l'on ne va pas remobiliser une juridiction pour statuer à nouveau sur ce sujet.

Finalement, c'est le caractère mineur de l'infraction qui justifie que ce ne soit pas une atteinte au droit fondamental que de ne pas bénéficier d'un appel en matière contraventionnelle. Donc on ne peut jamais faire appel d'une décision du tribunal de police.

Cela signifie en d'autres termes que l'appel n'est possible en matière pénale que des décisions du tribunal correctionnel et des décisions de la cour d'assises.

La chambre des appels correctionnels

Au sein de cette unique cour d'appel, il y a une chambre spécialisée qui est la chambre des appels correctionnels et qui est dédiée à l'étude des appels qui sont formés contre les jugements du tribunal correctionnel. On trouve une chambre des appels correctionnels dans toutes les cours d'appel.

Là encore, elle est formée de trois magistrats, un magistrat qui est un président de chambre et qui a le rôle de président de la chambre, et deux assesseurs, deux conseillers.

La cour d’assises d’appel

Jusqu'en 2000, il n'était pas possible en France de faire appel contre les arrêts de la cour d'assises.

Tout simplement, parce que la cour d'assises est formée par un jury populaire qui rend la justice au nom du peuple français. C'est l'expression de la souveraineté nationale. Dès lors, on imaginait que le peuple français ne pouvait pas se tromper et s'il ne peut pas se tromper, on ne peut pas faire appel de sa décision.

Le raisonnement valait ce qu'il valait, mais il était intenable face à la Convention européenne des droits de l'homme qui instaure un droit fondamental à l'appel en matière pénale. Et évidemment, il était impossible de maintenir la position française et de dire que dans la matière la plus grave, c'est-à-dire la matière criminelle, il n'était pas possible d'obtenir un appel.

Dès lors, une loi du 15 juin 2000 a instauré les cours d'assises d'appel et donc a mis en oeuvre l'appel, possiblement contre les arrêts de la cour d'assises. Les articles relatifs aux cours d'assises d'appel sont les articles 380-1 à 380-15 du code de procédure pénale.

Néanmoins, il faut bien comprendre contre quoi il est possible de faire appel, et là encore, c'est tout à fait particulier.

La cour d'assises prend une décision sur la culpabilité et une décision sur la peine, sur le quantum de la peine. Est-ce qu'on punit à 2000, 3000, 5000 euros d'amende ? Est-ce qu'on punit de 2 ans, 5 ans, 10 ans d'emprisonnement ?

Il y a donc deux décisions de la cour d'assises sur la culpabilité et sur le quantum de la peine.

La loi de 2000 a décidé que l'appel contre les décisions de la cour d'assises ne pouvait concerner que le quantum de la peine. En d'autres termes, la cour d'assises d'appel qui se réunit ne peut jamais revenir sur la question de la culpabilité. Tout ce qu'elle peut faire, c'est revenir sur le quantum de la peine.

Alors, soit pour le diminuer, soit pour l'aggraver, selon qui fait appel et ce qui est demandé, mais elle ne peut se prononcer, elle ne peut réformer l'arrêt de la cour d'assises que sur la question du quantum de la peine et pas sur la question de la culpabilité, ce qui est particulièrement important.

Une dernière précision sur la cour d'assises d'appel : elle est formée comme une cour d'assises classique, c'est-à-dire de magistrats de carrière et d'un jury populaire, sauf qu'il y a plus de jurés dans le jury populaire : il y a neuf au lieu de six. Il y a neuf jurés populaires plus les trois magistrats, donc ça fait une juridiction à douze personnes.

Et évidemment, cette cour d'assises doit être constituée différemment que la cour d'assises qui a statué initialement : si on a droit à un appel, ce n'est pas pour être jugé par les mêmes personnes.

Il y a donc une nouvelle formation de la cour d'assises, nouvellement formée, qui va statuer en formation de cour d'assises d'appel.

Titre I. Les juridictions françaises

Chapitre III. La cour de cassation

Cette juridiction est la juridiction qui est tout en haut de l'ordre juridictionnel judiciaire et elle rend des décisions particulièrement importantes, des décisions qui sont souvent suivies par les juridictions inférieures. Les décisions de la Cour de cassation sont des décisions centrales que vous allez étudier, que l'on commente dans le fameux exercice du commentaire d'arrêt.

La Cour de cassation est une juridiction particulièrement importante et les arrêts, les décisions qui sont rendues par la Cour de cassation sont aussi particulièrement importantes.

D'abord nous allons envisager le rôle de la Cour de cassation, à quoi sert-elle et nous verrons que peut-être ce rôle n'est pas celui que vous croyez car la position de la Cour de cassation, tout en haut de l'ordre judiciaire français, ne vaut pas cour suprême comme il existe dans d'autres états. Puis nous verrons l'organisation de la Cour de cassation, ses différentes chambres, ses magistrats, et enfin la procédure qui est suivie devant la Cour de cassation et qui déroge assez largement à la procédure qui est suivie devant les autres juridictions que ce soit civile, commerciale, sociale ou même pénale.

Le rôle de la Cour de cassation

L'article L411-1 du code de l'organisation judiciaire prévoit qu'"il y a pour toute la République une Cour de cassation".

Alors qu'il y a de nombreux tribunaux judiciaires, de nombreuses cours d'appel, de nombreux tribunaux de commerce, conseils de prud'homme, il y a une seule Cour de cassation.

Il y a une seule Cour de cassation pour toute la République et ce point est très important, parce que c'est ce qui permet à la Cour de cassation de remplir sa fonction, son rôle originaire qui est d'être le gardien de la loi et de veiller à une application uniforme de la loi sur l'ensemble du territoire de la république.

Il est vrai que ce rôle originaire a beaucoup évolué, ou du moins des rôles complémentaires se sont ajoutés, avec de nouvelles missions confiées au fur et à mesure de son existence.

Rôle originaire de la Cour de cassation

En réalité, la Cour de cassation ne s'est pas appelée Cour de cassation dès l'origine. Les lois des 27 novembre et 1er décembre 1790 ont instauré en premier lieu ce qu'on a appelé le tribunal de cassation.

Le tribunal de cassation avait pour mission une mission assez simple, on voulait, parce que on était en période post révolutionnaire et surtout post Ancien Régime où les juges s'étaient amusés par voie des arrêts de règlement à devenir législateur, voulait lutter contre ça.

Pour lutter contre ça, on a créé le tribunal de cassation dont la mission était de veiller à l'application de la loi, de veiller à ce que les juges ne fassent pas n'importe quoi avec la loi et qu'elle soit appliquée de manière uniforme sur l'ensemble du territoire français.

On disait que le tribunal de cassation était la sentinelle de la loi, un soldat armé chargé d'assurer la garde du poste, et le poste qu'on devait garder c'était le respect de la loi. Donc finalement le premier rôle de la Cour de cassation c'est de veiller au respect de la règle de droit par les juridictions inférieures et de vérifier que les lois sont appliquées de manière uniforme sur le territoire.

Cela a une première conséquence très importante, c'est que la Cour de cassation n'est pas un juge du fait. La Cour de cassation ne juge pas, contrairement aux juridictions inférieures, en fait et en droit, la Cour de cassation juge uniquement en droit, parce que, pour elle, ce qui compte c'est l'application de la loi, c'est veiller à ce que la loi soit bien appliquée.

Donc peu importe les faits, ça c'est une question d'appréciation souveraine des juges du fond, pour la Cour de cassation ce qui compte c'est le droit, la bonne application du droit. Donc la Cour de cassation ne fait pas de nouvelles appréciations des faits, elle les prend telles que la cour d'appel les a appréciées.

C'est ce qui fait, et c'est la conséquence logique de cette mission, que la Cour de cassation n'est pas considérée comme un troisième degré de juridiction, parce que pour être un troisième degré de juridiction, et pour donc être considérée comme une Cour suprême, il faudrait que la Cour de cassation juge en fait et en droit, ce qui n'est pas le cas : la Cour de cassation juge uniquement en droit et de fait elle n'est donc pas un troisième degré de juridiction.

C'est la mission première, originaire qui existe toujours, c'est toujours la mission principale de la Cour de cassation.

Mais le rôle de la Cour de cassation a évolué et la Cour de cassation s'est vue confier de nouvelles missions.

Rôle actuel de la Cour de cassation

Le rôle originaire existe toujours, la Cour de cassation est toujours aujourd'hui chargée de veiller à l'application de la loi. Mais de nouvelles missions se sont ajoutées.

La première mission qui s'est développée et qui a résulté de son activité, c'est que la Cour de cassation est devenue par la voie de ses arrêts et de sa jurisprudence une source de droit. Alors évidemment qu'elle n'est pas source de droit comme l'est le législateur, mais la Cour de cassation, en rendant des décisions qui ont une certaine autorité, étant donné qu'elles émanent de la juridiction la plus importante de l'ordre judiciaire, émet des règles jurisprudentielles qui ont une certaine valeur normative. Et par conséquent, elle peut être considérée comme une source de droit.

Deuxième mission qui s'est beaucoup développée, c'est le contrôle de conventionnalité. Le contrôle de conventionnalité, c'est vérifier qu'une loi française est conforme aux traités internationaux. La France est parti à de nombreux traités internationaux, donc des traités qui l'allient à d'autres états, et notamment la France fait partie de trois organisations très importantes, l'Organisation des Nations Unies, mais surtout l'Union Européenne et la Convention de l'Europe avec notamment la Convention Européenne de sauvegarde des libertés fondamentales.

La Cour de cassation s'est arrogée le droit de vérifier la conformité des lois aux conventions internationales. En d'autres termes, si la loi n'est pas conforme à un engagement international de la France, le juge va pouvoir l'écarter.

Cette mission détonne un peu par rapport à la mission initiale, qui était que la Cour de cassation devait veiller au respect de la loi. Là, elle va écarter la loi parce qu'elle est contraire à une convention internationale.

Troisième nouvelle mission de la Cour de cassation qui date du début des années 1990, c'est le fait que le législateur a créé la saisine pour avis de la Cour de cassation. L'idée, c'est que si les juges du fond sont confrontés à une question de droit nouvelle qui présente une difficulté sérieuse et qui a vocation à se poser dans de nombreux litiges, alors les juges peuvent sursoir à statuer, c'est-à-dire "attendez, je ne vais pas trancher le litige, je vais demander son avis à la Cour de cassation".

Le but, ici, c'est de favoriser et surtout d'accélérer l'application uniforme de la loi. On est face à une question qui soulève des difficultés, qui est susceptible de nombreuses applications. Et donc, si on attend que le juge de Lille, le juge de Nice, le juge de Lyon, le juge de Clermont, le juge de Bordeaux disent chacun ce qu'ils en pensent, et le temps que toutes ces décisions arrivent devant la Cour de cassation pour qu'enfin elles, elles disent non, ce texte, on l'applique comme ça, on perd du temps, d'où l'idée de sursoir à statuer et de demander son avis à la Cour de cassation.

La portée de ces avis est dans les textes limités, c'est-à-dire que la Cour de cassation donne son avis, mais l'avis ne lie pas le juge qui a posé la question. En pratique, en réalité, la portée de ces avis est très importante, parce que si un juge a eu assez de recul pour se dire, face à cette question, il vaut mieux demander son avis à la Cour de cassation, c'est rarement pour dire revenir dessus. En pratique, cela arrive très rarement et la plupart du temps, les avis de la Cour de cassation sont suivis.

Autre mission nouvelle de la Cour de cassation, c'est de jouer le rôle de filtre en matière de questions prioritaires de constitutionnalité. Il s'agit, là encore, de questions que les juges du fond ou la Cour de cassation décident d'opposer au Conseil constitutionnel lorsqu'ils ont une hésitation sur le caractère constitutionnel d'une loi. Les juges judiciaires, en France, n'ont pas la possibilité de déclarer une loi contraire à la Constitution, seul le Conseil constitutionnel peut le faire.

Et donc, lorsqu'on a créé cette possibilité de poser une question au Conseil constitutionnel sur n'importe quelle loi pour savoir si elle était conforme à la Constitution, on a craint une explosion du contentieux et que le Conseil constitutionnel croule sous les questions prioritaires de constitutionnalité. Pour trier les questions et pour ne retenir que celles qui étaient véritablement sérieuses et pertinentes, on a instauré un filtre, qui se joue au niveau des deux juridictions les plus importantes, celle de l'ordre judiciaire, la Cour de cassation, et celle de l'ordre administratif, le Conseil d'État.

Et donc, la Cour de cassation doit décider, lorsqu'une question prioritaire de constitutionnalité est posée dans un litige, si elle transmet la question au Conseil constitutionnel, si cette question est suffisamment nouvelle, sérieuse.

Enfin, toujours dans ce contexte du rôle actuel de la Cour de cassation, il faut savoir que depuis une dizaine d'années, la Cour de cassation réfléchit. Les magistrats de la Cour de cassation réfléchissent à sa propre évolution et à sa place finalement au sein du dialogue des juges.

Du dialogue avec les juges du fond, mais du dialogue aussi avec les autres juridictions les plus élevées en France, notamment son dialogue avec le Conseil constitutionnel ou avec le Conseil d'État, et puis son dialogue avec les cours internationales, notamment avec la Cour de Justice de l'Union européenne et la Cour européenne des droits de l'homme.

En quelque sorte, la Cour de cassation réfléchit à sa réforme aussi pour asseoir son pouvoir, pour asseoir son autorité parmi toutes ces juridictions qui, elles aussi, se développent énormément, et donc pour que la Cour de cassation ne perde pas de terrain et conserve toute son autorité.

Ces réflexions, ces réformes ont conduit à plusieurs changements, notamment le filtrage des pourvois, la motivation des arrêts ou encore le changement de mode de rédaction des arrêts.

L’organisation de la Cour de cassation

Pendant très longtemps, l'organisation de la Cour de cassation était somme toute assez simple, il y avait une chambre criminelle qui statuait en matière pénale et une chambre civile qui statuait en matière civile et en matière civile entendu très largement qui comprenait en réalité les matières sociales, rurales, commerciales.

Désormais, les choses sont beaucoup moins simples parce que l'activité de la Cour de cassation s'est intensifiée : elle a eu de plus en plus d'affaires à traiter et donc il a fallu réorganiser la Cour de cassation pour qu'elle soit plus efficace dans le traitement des affaires.

Composition de la Cour de cassation

La Cour de cassation évidemment fonctionne grâce à des magistrats. Ces magistrats sont réunis en formation, des formations de jugement qui ne sont pas toutes identiques.

Les magistrats de la Cour de cassation

Attention, la Cour de cassation n'est pas composée uniquement de magistrats, évidemment en son sein exerce aussi de nombreux greffiers comme dans toute juridiction et les greffiers sont un rouage essentiel de la juridiction.

Parmi les magistrats à la Cour de cassation, on fait la distinction qu'on fait dans les autres juridictions entre les magistrats du siège et les magistrats du parquet.

Les magistrats du siège

À la tête de la Cour de cassation, d'abord se trouve ce qu'on appelle le premier président de la Cour de cassation. Son rôle est important, il préside les formations les plus solennelles de la Cour. C'est lui qui surveille l'activité de la Cour, qui va la représenter lors de rencontres nationales ou internationales et il est le premier magistrat de l'ordre judiciaire dans son ensemble.

Il a aussi un rôle important parce qu'il siège au Conseil Supérieur de la Magistrature.

Ensuite, on trouve les présidents de chambre, les chambres sont les différentes formations de la Cour de cassation. Il existe sept chambres, donc sept présidents de chambre.

Ensuite, sous ces présidents de chambre, on trouve des conseillers à la Cour de cassation. Les conseillers sont les magistrats qui composent les différentes chambres, qui participent aux délibérés et aux jugements. Ils exercent une fonction qui est évidemment très prestigieuse.

On arrive souvent à la fonction de conseiller à la Cour de cassation plutôt en fin de carrière.

Le conseiller qui est le plus ancien de la chambre a la qualité de doyen de la chambre et notamment cette qualité de doyen permet de présider la chambre lorsque le président de chambre a un empêchement.

Au sein de ces conseillers, on trouve aussi des conseillers qu'on appelle en service extraordinaire. Ce sont des conseillers dans le sens où ce ne sont pas des magistrats professionnels, mais des personnes qui sont nommées conseillers, mais en service extraordinaire à la Cour de cassation. Donc ce sont des personnalités qui ont une certaine expérience évidemment du droit, très souvent cette mission peut être confiée notamment à des professeurs de droit. Actuellement, il y a deux ou trois professeurs de droit qui siègent comme conseillers en service extraordinaire à la Cour de cassation.

Les magistrats du Parquet

À la tête du parquet de la Cour de cassation se trouve le procureur général près la Cour de cassation.

C'est le plus haut magistrat du parquet en France et il préside aussi le Conseil Supérieur de la Magistrature dans sa formation spécifique aux magistrats du parquet. Les magistrats du parquet sont moins nombreux que les magistrats du siège : en plus du procureur général, on trouve sept premiers avocats généraux puis des avocats généraux.

Les chambres de la Cour de cassation

La Cour de cassation est composée de six chambres.

Attention : il y a bien sept présidents de chambre, car il y a un président de chambre qui n'a pas de chambre, qui en fait est le président qui est à la tête du service de la documentation des études et du rapport. C'est un service très important qui s'occupe de fournir les sources aux magistrats pour une aide à la décision, qui établit le rapport de la Cour de cassation ainsi que toutes les études qu'elle peut faire. Donc c'est un service très important au sein de la Cour de cassation, mais ce n'est pas une chambre à proprement parler.

Les six chambres sont apparues progressivement. À l'origine, il n'y avait qu'une chambre criminelle et une chambre civile, auxquelles s'ajoutait une chambre des requêtes. La chambre des requêtes, c'était la chambre devant laquelle allaient les affaires les plus compliquées.

Finalement, en 1938, on a ajouté une chambre sociale qui a, comme son nom l'indique, vocation à connaître de tout le contentieux concernant la législation sociale, la législation en droit du travail.

Ensuite, on a ajouté, en 1947, la chambre commerciale de la Cour de cassation. En réalité, la chambre commerciale s'appelle la chambre commerciale financière et économique, mais comme le titre est un peu long, on la désigne le plus souvent comme la chambre commerciale. Et cette chambre est spécialisée dans tout le contentieux de droit des affaires.

Cela n'a pas suffi parce que le contentieux a continué de grossir et la chambre civile s'est trouvée submergée par le contentieux. Et donc, à la chambre civile qui existait déjà, a été ajouté deux autres chambres civiles.

La deuxième chambre civile a été créée en 1952. C'est elle qui règle les questions de procédure civile, de responsabilité délictuelle, de droit des assurances ou de sécurité sociale.

Et la troisième chambre civile a été ajoutée, elle, en 1967, elle connaît essentiellement des questions d'immeubles, donc de beaux, de propriétés, d'urbanisme.

La première chambre civile, elle, connaît du droit des personnes, du droit des obligations et du droit international privé.

Mais il faut dire maintenant quelques mots des formations de la Cour de cassation parce qu'on ne trouve pas à la Cour de cassation que des formations de jugement. Il y a aussi des formations pour avis ou des formations administratives.

Les formations de la Cour de cassation

Encore une fois, traditionnellement, on distingue les formations de jugement, donc les formations juridictionnelles, des formations pour avis et des formations administratives.

Les formations juridictionnelles

Il y a quatre formations juridictionnelles au sein de la Cour de cassation.

La formation restreinte

La formation restreinte, qui peut exister au sein de chaque chambre, est la formation qui est composée uniquement de trois magistrats. En matière civile, cette formation restreinte examine les pourvois et déclare s'ils sont recevables ou pas.

De plus, si l'affaire n'est pas compliquée et si la solution s'impose et prête peu à discussion, c'est aussi la formation restreinte qui va statuer au fond. Donc certains pourvois, s'ils ne suscitent pas de difficultés particulières, seront examinés par la formation restreinte, à savoir trois magistrats seulement de la Cour de cassation.

La formation ordinaire

La formation ordinaire de la Cour de cassation, c'est une formation qui est un petit peu plus importante et qui comprend cinq magistrats. Là encore, la formation ordinaire, c'est au sein de chaque chambre et elle peut réunir des magistrats différents à chaque fois, mais c'est pour un dossier, la formation ordinaire, on réunit cinq magistrats.

Là, ce sont pour les affaires, on va dire, d'une difficulté classique, le tout venant des pourvois qu'il faut étudier, sont confiés aux formations ordinaires.

Et puis, il existe des questions, des pourvois qui suscitent plus de difficultés ou qui vont concerner des matières qui appartiennent à plusieurs chambres. Par exemple, on va avoir un contentieux qui relève à la fois de la chambre commerciale et à la fois d'une des chambres civiles.

Les questions qui sont posées sont plus difficiles et alors, on va confier l'étude de ce pourvoi, non pas à une formation restreinte ou à une formation ordinaire, mais à une formation plus solennelle.

La chambre mixte

Une chambre mixte est composée de magistrats qui appartiennent à au moins trois chambres.

Attention, les chambres mixtes sont différentes selon l'affaire en cause. On peut avoir une chambre mixte avec des magistrats de la chambre commerciale, de la chambre sociale et de la chambre pénale parce que le contentieux concerne de la chambre criminelle, parce que ce contentieux concerne ces trois séries de blocs de matière.

On peut avoir une chambre mixte qui soit composée de magistrats des trois chambres civiles parce que le contentieux concerne toutes ces matières civiles. Donc, il n'y a pas une seule chambre mixte pour toute la Cour de cassation. Les chambres mixtes sont composées en fonction du dossier. La seule chose, c'est que pour être composée, il faut prendre des magistrats dans trois chambres différentes.

Le plus souvent, on réunit une chambre mixte parce que l'affaire relève de l'attribution de plusieurs chambres et donc on a besoin de l'avis et de l'expertise des différents magistrats sur ces matières.

La chambre mixte peut être aussi réunie dans une autre circonstance, c'est en cas de divergence de jurisprudence. Il s'agit au sein de la Cour de cassation d'une divergence, d'une différence de solution sur un même sujet entre les différentes chambres.

C'est une difficulté énorme que suscitent les divergences de jurisprudence : le rôle originaire de la Cour de cassation, c'est l'application uniforme de la loi. Or là, au sein de la Cour de cassation elle-même, on applique la loi de deux manières différentes. Et donc, en cas de divergence de jurisprudence entre les chambres, on réunit les chambres mixtes, comme ça les magistrats qui ont une divergence parlent entre eux et ils essayent d'arriver à une solution.

L’Assemblée plénière

L'Assemblée plénière de la Cour de cassation est composée du premier président de la Cour de cassation, des présidents, des doyens de chambre ainsi que d'un conseiller de chaque chambre.

Une affaire est portée devant l'Assemblée plénière lorsqu'elle pose une question de principe.

Une question de principe, soit parce que là encore il existe une divergence de jurisprudence et on n'a pas réussi à passer outre avec une chambre mixte, soit parce qu'il existe aussi une divergence de jurisprudence entre la Cour de cassation et les juges du fond, et donc la Cour réunit son assemblée la plus solennelle pour dire aux juges du fond, maintenant c'est comme ça et pas autrement, il faut suivre cette position.

Les formations pour avis

Lorsque les juges du fond se posent une question qui est nouvelle, sérieuse, qui est susceptible de s'appliquer dans de nombreux litiges et qui sursoit à statuer pour demander son avis à la Cour de cassation, la Cour de cassation va réunir une formation qui va se prononcer sur l'avis. C'est une formation donc qui est créée pour l'avis.

Cette formation n'existe pas en continu, étant donné qu'il n'y a pas des avis qui tombent tous les jours à la Cour de cassation, mais lorsqu'une telle demande est formée, on va choisir les magistrats et faire une formation pour avis.

Les formations administratives

Le service de la documentation des études et du rapport est dirigé par un président de chambre, et ce service est très important.

Il est très important d'un point de vue administratif, parce que c'est d'abord le service qui va orienter les pourvois dans les différentes chambres. Il va dire si ça relève de la chambre commerciale ou de la chambre criminelle.

Ce service a aussi un rôle d'aide à la décision, parce que lorsqu'un magistrat de la formation de jugement va se poser une question, va être à la recherche de sources, il va s'adresser au service de la documentation qui va faire les recherches de décisions qui ont déjà été rendues, de sources, de doctrines, etc.

Troisième rôle du service de la documentation, c'est éventuellement d'identifier les divergences de jurisprudence pour décider d'avoir recours à une formation solennelle de la Cour de cassation, c'est-à-dire soit une chambre mixte, soit l'assemblée plénière.

Et enfin, le service de la documentation a une quatrième mission très importante qui est la diffusion à propos du travail de la cour. Il publie des lettres, il diffuse les décisions aux juges du fond.

Certains juges du fond peuvent poser des questions au service qui doit y répondre. Et c'est aussi au sein du service que se prépare le rapport annuel de la Cour de cassation.

C'est une mission administrative qui est de gestion de la Cour, de l'organisation de la Cour qui est très importante.

La procédure devant la Cour de cassation

Connaître les rudiments de la procédure de cassation permet de donner parfois certaines clés de lecture des arrêts.

Le pourvoi en cassation, c'est le recours qui est exercé contre une décision, alors le plus souvent contre une décision d'appel, le recours qui est formé et qui est porté devant la Cour de cassation.

On distingue le demandeur au pourvoi, donc celui qui forme le pourvoi en cassation, du défendeur au pourvoi, donc qui sont les adversaires du demandeur.

Pour étayer son pourvoi, c'est-à-dire pour argumenter, pour dire pourquoi il fait un pourvoi en cassation et pourquoi il pense que la décision de la Cour d'appel n'est pas une décision juridiquement correcte, le demandeur au pourvoi va étayer son pourvoi avec ce qu'on appelle des moyens de cassation.

La Cour de cassation a grosso modo deux solutions possibles.

Le déroulement du procès devant la Cour de cassation

Alors on va commencer d'abord par le pourvoi, la vie du pourvoi, puis ensuite la décision qui est rendue.

Le pourvoi

La déclaration de pourvoi, c'est donc le fait de faire un pourvoi en cassation, de se pourvoir en cassation. L'une des parties est mécontente de la décision du fond et dans les deux mois de la signification de cette décision, peut être déposé un pourvoi devant la Cour de cassation.

La particularité, c'est que ce pourvoi ne peut pas être déposé par n'importe quel avocat, mais par un avocat qui a le droit d'exercer devant la Cour de cassation et le Conseil d'État. On les appelle les avocats au Conseil, qui désignent donc avocats à la Cour de cassation et au Conseil d'État. C'est un barreau d'avocats spécialisé devant les deux plus hautes juridictions de l'ordre judiciaire et administratif.

Dans la déclaration de pourvoi, il n'y a pas encore tous les arguments qui viennent étayer le raisonnement et la justification du pourvoi, c'est juste dire qu'on forme un pourvoi en cassation.

Une fois qu'on a fait la déclaration de pourvoi, il faut l'étayer avec des arguments. Ce qui va étayer, ce qui va contenir ce raisonnement de pourquoi on fait un pourvoi, c'est ce qu'on appelle le mémoire ampliatif.

C'est un document écrit dans lequel le demandeur au pourvoi va formuler toutes les critiques qu'il adresse contre la décision et c'est cela que l'on appelle les différents moyens de cassation.

Alors, le mémoire ampliatif respecte un certain nombre de règles qui sont issues de la pratique. Il va décrire la partie de la décision attaquée, il va décrire les motifs qui sont critiqués de cette décision et enfin, il va conclure sur pourquoi, selon lui, cette décision doit être cassée.

Le défendeur au pourvoi, lui aussi, bien sûr, il a le droit de se défendre et de dire pourquoi. Au contraire, il considère que la décision est tout à fait justifiée et donc le défendeur, lui, va rédiger un mémoire en défense.

Donc, il contient précisément une défense de la décision attaquée, il considère que la décision est tout à fait conforme à la loi et de la même manière que le mémoire ampliatif, il va développer un certain nombre d'arguments pour expliquer pourquoi la décision lui semble, selon lui, justifiée.

Une fois qu'on en est là, donc il y a eu la déclaration de pourvoi, il y a eu l'échange des mémoires ampliatif et des mémoires en défense, il faut distribuer le pourvoi à une chambre. L'affaire est attribuée à une chambre par le service de la documentation, et on va décider si l'affaire est compliquée ou pas, si on la donne à une formation restreinte, une formation ordinaire, une chambre mixte ou l'assemblée plénière, selon le cas.

Une fois que la formation reçoit le pourvoi, les magistrats doivent suivre une procédure d'admission. Ils doivent déclarer si le pourvoi est admis ou pas.

Cette procédure a été rajoutée en 2001 pour essayer de désengorger la Cour de cassation qui croulait un peu sous les affaires. L'idée ici, c'est de dire que si les pourvois ne sont pas fondés sur des moyens sérieux, s'il n'y a aucun argument qui se tient dans le pourvoi, à ce moment-là, les magistrats ont le droit de déclarer le pourvoi non admis, et on refuse de statuer sur le pourvoi.

C'est une espèce de procédure de filtrage du pourvoi qui permet d'éliminer un certain nombre d'affaires en amont avant même de commencer tout travail. Depuis que cette procédure est mise en place, il y a environ un tiers des pourvois qui sont déclarés non admis.

Lorsque le pourvoi est admis, on continue.

L'instruction du pourvoi, cela consiste à confier à un des magistrats qui est sur l'affaire, on l'appelle le conseiller rapporteur, d'examiner le dossier, de déposer un rapport dans lequel il va orienter l'affaire, donc selon lui, vers une décision de rejet ou une décision de cassation.

Le parquet, l'avocat général, lui aussi consulte le dossier, lui aussi instruit, lui aussi rend un avis dans lequel il dit dans quel sens, selon lui, il faut trancher l'affaire.

Et puis, l'affaire est alors portée en audience devant tous les magistrats de la formation, soit la formation de trois magistrats, soit la formation de cinq, soit la chambre mixte, soit l'assemblée plénière, selon le cas. Finalement, les magistrats, donc dans leur formation, vont rendre leur jugement.

La décision

S'agissant de cette décision, deux points importants : la substance, le contenu de la décision, et ensuite, la publicité de la décision.

La substance de la décision

Les formations juridictionnelles ont la possibilité de rendre trois décisions différentes.

La première décision, c'est la décision de non-admission.

La décision de non-admission, les moyens du pourvoi ne sont pas crédibles, ne sont pas pertinents, ne sont pas sérieux, et donc, les magistrats décident de rendre une décision de non-admission, ce qui signifie que cela met un terme au litige et la décision critiquée, la décision du fonds critiquée, va s'appliquer.

Deuxième décision possible, c'est ce qu'on appelle le rejet du pourvoi.

Le pourvoi était sérieux, donc les magistrats l'ont étudié, l'ont instruit le dossier, mais finalement, ils ne sont pas convaincus par les arguments et ils estiment que le droit a été bien appliqué dans l'espèce. Et donc, ils vont rejeter la décision.

Il y a un cas de rejet du pouvoir un petit peu plus subtil, c'est-à-dire que la Cour de cassation, les magistrats qui instruisent le dossier, vont être d'accord avec la solution à laquelle est arrivée la cour d'appel en l'espèce, mais en revanche, elle n'est pas d'accord sur le raisonnement qui a mené la cour d'appel à cette solution. Ici, elle est gênée parce qu'elle ne peut pas casser la solution parce que c'est la bonne, mais en revanche, elle n'est pas d'accord avec le raisonnement.

Dans ces cas-là, elle rend une décision de rejet, mais avec ce qu'on appelle une substitution de motif. Substitution de motif, cela signifie qu'elle enlève la partie du raisonnement de la cour d'appel avec laquelle elle n'est pas d'accord, et elle dit la cour d'appel a eu raison de statuer dans ce sens, mais parce que pour ce motif-là, cette solution est la bonne. Donc elle substitue son raisonnement à celui de la cour d'appel.

De la même manière, elle peut rendre une décision de rejet en considérant que dans la décision de la cour d'appel, il y a ce qu'on appelle des motifs surabondants, c'est-à-dire des motifs que la cour d'appel a énoncé alors qu'ils n'étaient pas nécessaires au raisonnement. Et donc là, de la même manière, elle précise que la solution est fondée pour cette raison sans qu'on ait besoin de se préoccuper de ces motifs surabondants.

Troisième décision, la décision de cassation.

Lorsque la Cour de cassation rend une décision de cassation, cela signifie donc qu'elle a été convaincue par le pourvoi et qu'elle remet en cause la décision du fond. Le plus souvent, la Cour de cassation doit faire une décision de cassation avec renvoi, ce qui signifie que lorsque la Cour de cassation a rendu sa décision, ce n'est pas elle qui peut trancher au fond, puisque le rôle de la Cour de cassation est de juger en droit.

Mais elle ne peut pas se saisir des faits, elle ne peut pas juger des faits, donc elle ne peut pas dire en principe, "ici il aurait fallu faire comme ça". Et donc, on renvoie devant une nouvelle cour d'appel qui, elle, est chargée d'appliquer le droit de la bonne manière. Donc, quand il y a une décision de cassation, l'affaire n'est pas terminée, encore faut-il que l'affaire soit réexaminée devant une nouvelle cour d'appel.

Mais alors, si on est mécontent encore de ce qui s'est passé devant la nouvelle cour d'appel, à ce moment-là, il peut y avoir un nouveau pourvoi contre la décision, et si tel est le cas, c'est-à-dire s'il y a un deuxième pourvoi en cassation dans la même affaire, ce pourvoi est confié à l'Assemblée Plénière pour mettre un terme définitif à l'affaire.

Certaines fois, le renvoi devant la cour d'appel n'est pas utile et la Cour de cassation peut casser l'arrêt sans renvoi, notamment lorsque les faits qui sont souverainement appréciés par les juges du fond et qui lui ont été présentés lui permettent d'appliquer la règle de droit pertinente. En d'autres termes, la Cour de cassation ne fait toujours pas de faits, mais elle détient les faits suffisants pour faire juste une application du droit. Et à ce moment-là, c'est de bonne alloi, de bonne justice et que c'est plus rapide que ce soit la Cour de cassation qui dise directement quelle est la règle qui s'applique et comment le litige va être tranché, plutôt que de renvoyer devant une cour d'appel.

Cette procédure de cassation sans renvoi était à l'origine exceptionnelle, mais elle tend de plus en plus à se développer justement dans une visée d'accélération de la justice et de traitement des affaires plus rapide.

Diffusion de la décision

Les décisions de la Cour de cassation font l'objet d'une certaine publicité. Alors évidemment, avec les moyens modernes et le développement d'internet, ces moyens de publicité sont encore accrus, donc les décisions sont anonymisées et sont disponibles sur le site de la Cour de cassation.

C'est une étape qui est fondamentale pour favoriser l'accès au droit.

En principe c'est le président de chambre qui a cette mission de diffusion de l'arrêt et les arrêts peuvent faire l'objet d'une publicité plus ou moins importante selon justement la nature de l'affaire et selon qu'elle est d'importance ou pas.

Il y a des arrêts inédits qui sont finalement des arrêts pas très importants sur des affaires pas très importantes et qui reprennent des solutions éculées. Parfois on a des arrêts qui, au contraire, soit rendent une solution nouvelle, soit viennent trancher une divergence de jurisprudence, et donc qui font l'objet d'une publicité beaucoup plus importante.

Évidemment dans ce rôle de publicité, de publication, de diffusion des décisions, le service de la documentation de la Cour de cassation va favoriser aussi cette diffusion.

Lorsqu'on va sur le site de la Cour de cassation, et qu'on a les arrêts, on a les abstracts, c'est-à-dire les mots-clés de l'arrêt et ces mots-clés sont très importants pour retrouver la décision. Parce que si on a connaissance d'une décision et de sa date, on la retrouve facilement; mais si on cherche une décision sur un sujet particulier, grâce à ces mots-clés qui sont déterminés par le service de la documentation, on peut retrouver les arrêts pertinents.

Les cas d’ouverture à cassation

Pour pouvoir obtenir la cassation, il faut se prévaloir d'un cas d'ouverture. Ces cas d'ouverture sont nombreux et il y a les cas usuels, c'est-à-dire ceux auxquels on recourt le plus souvent, et puis il y a des cas qu'on appelle disciplinaires.

Les cas d’ouverture usuels

Dans ces cas d'ouverture à cassation, on peut en distinguer deux : la violation de la loi et le manque de base légale, ou défaut de base légale.

La violation de la loi

C'est le cas d'ouverture à cassation le plus fréquent. Il faut comprendre par violation de la loi, la méconnaissance d'une règle quelle qu'en soit la source. Donc que ce soit la loi, la violation de la loi au sens strict du terme cette fois-ci, la violation d'un traité international ou même la violation d'un principe général du droit non écrit.

Lorsque un tel cas d'ouverture à cassation est invoqué, deux possibilités.

En revanche, si la Cour de cassation considère que le pourvoi doit être rejeté, dans ces cas-là vous trouverez dans les arrêts la formule "la Cour d'appel a retenu à bon droit que", "la Cour d'appel a fait exacte application de la loi", ça veut dire que la Cour de cassation ne pense pas ici qu'il y a violation de la loi.

Le manque de base légale

Le manque de base légale, c'est lorsque les motifs de la décision ne permettent pas de vérifier si les éléments nécessaires pour justifier l'application qui a été faite de la loi se rencontraient bien dans la cause. Donc ce défaut appelle une réponse spécifique qui différencie la violation de la loi du manque de base légale.

On trouve souvent, lorsque la Cour de cassation rejette ce cas d'ouverture à cassation, la formule "en retenant que [...] la Cour d'appel a procédé à la recherche prétendument omise", au contraire lorsque la Cour de cassation retient le défaut, le manque de base légale, elle va affirmer que "en se déterminant ainsi la Cour d'appel n'a pas donné base légale à sa décision".

Les cas d’ouverture disciplinaires

Au delà de ces deux cas qui sont donc les deux cas les plus répandus, il y a aussi ce qu'on appelle des cas d'ouverture à cassation disciplinaire. L'idée ici est de faire censurer la décision mais uniquement pour la façon dont elle a été rédigée.

En réalité, la décision ne comporte pas de défaut quant au raisonnement, quant à l'application de la loi, quant au fond finalement, mais plutôt on peut invoquer un vice de motivation, par exemple parce qu'il n'y a pas de réponse à une conclusion qui était dans les conclusions de l'avocat. On peut rattacher à ces cas d'ouverture disciplinaire toutes les critiques qui sont purement formelles et qui dérivent de la procédure civile : on n'a pas respecté les droits de la défense, on n'a pas respecté la publicité de l'audience, on n'a pas respecté la bonne composition de la juridiction.

Dans tous ces cas, le pourvoi se borne à soutenir que la décision n'a pas été rendue dans les conditions attendues et on ne la discute pas au fond. Si la Cour de cassation accueille ce type de pourvoi, encore une fois elle ne va pas censurer les juges du fond sur le fond de l'affaire, elle les censure pour s'être prononcés en dehors des formes légales.

Cela ne veut pas dire que c'est moins grave, si vous ne respectez pas la publicité de l'audience ou si vous ne respectez pas les droits de la défense, cela peut être extrêmement préjudiciable pour l'une des parties; mais ici, et c'est pour cela qu'on appelle ça disciplinaire, parce qu'en fait on vient taper sur les doigts des juges du fond qui n'ont pas respecté les procédures, les formes qui sont imposées, mais en revanche le fond de l'affaire lui n'est pas remis en cause.

Le mode de rédaction des arrêts de la Cour de cassation

Si on lit des décisions récentes, des décisions qui datent depuis la fin de l'année 2019, on verra donc que les arrêts ont une structure, respectent un certain mode de rédaction qui est assez accessible, c'est un style direct, etc, alors que, quand on lit des arrêts antérieurs, ils n'avaient pas du tout cette structure.

La motivation des arrêts

La motivation traditionnelle des décisions de la Cour de cassation était une motivation qui était assez laconique : les arrêts de la Cour de cassation sont pour la plupart sont assez courts, parce que la Cour de cassation se contente vraiment, ou se contentait la plupart du temps, du minimum pour justifier sa décision. Et c'est là un style qui était très différent d'autres décisions, alors de décisions notamment étrangères ou de décisions de la Cour de justice de l'Union européenne ou de la Cour européenne des droits de l'homme.

Donc la motivation traditionnelle de la Cour de cassation, c'est plutôt une motivation laconique, très courte, on se contente de l'argument juridique sans expliquer.

Pendant le processus qu'on vit toujours de réforme de la Cour de cassation, est arrivée l'idée que ce défaut de motivation ne permettait pas aux justiciables et aux destinataires de la décision de toujours bien comprendre les décisions de la Cour de cassation.

Et donc la Cour de cassation a décidé, dans certains cas seulement, d'avoir recours à ce qu'elle appelle la motivation enrichie.

La motivation enrichie, c'est rédiger l'arrêt de manière à ce que la motivation soit plus conséquente. Cela a une vertu, une dimension explicative, donc on va mieux expliquer son raisonnement, pédagogique, et aussi, le but de cette motivation est de persuader les destinataires de la règle du bien fondé de la solution. L'idée d'une motivation plus importante est d'assurer une meilleure sécurité juridique et aussi d'assurer peut-être une meilleure diffusion du droit français au niveau international.

Cette motivation enrichie elle peut prendre la forme des formes différentes.

La Cour de cassation peut faire un maillage des arrêts, c'est-à-dire qu'elle va reprendre ses solutions antérieures, expliquer pourquoi elle a statué dans ce sens antérieurement et expliquer pourquoi désormais elle statue dans un nouveau sens. C'est un exemple de motivation enrichie d'un revirement de jurisprudence par exemple. Elle peut faire état d'études, elle peut même mentionner éventuellement de la doctrine.

Évidemment, elle ne peut pas faire de motivation enrichie dans toutes les affaires, et notamment pas dans les affaires de moindre importance où les solutions sont déjà admises et où elles ne sont pas controversées, mais elle va le faire pour chaque décision importante, à savoir les revirements de jurisprudence, les questions de principe, l'interprétation d'un texte nouveau, la garantie d'un droit fondamental ou lorsqu'il s'agit soit de renvoyer l'affaire devant la Cour de justice de l'Union européenne, soit lorsqu'elle demande un avis à la Cour européenne des droits de l'homme.

Le style de rédaction et la structure des arrêts

L'idée ici est de distinguer depuis l'existence de la Cour de cassation jusqu'à 2019 et depuis 2019.

Avant la fin de l'année 2019, les arrêts de la Cour de cassation étaient rédigés en style indirect avec des phrases qui commençaient par « attendu que » et qui respectaient une certaine structure.

Depuis 2019, dans un souci dit-on de simplification et d'accessibilité de la décision, la Cour de cassation a renoncé au style indirect, donc elle a renoncé aux « attendus ». Elle écrit les arrêts au style direct et elle va rendre la structure de l'arrêt plus apparente, c'est-à-dire qu'il y a des paragraphes apparents et cette structure repose en général sur trois parties bien identifiées.

Cela a été véritablement une révolution pour ceux qui avaient lu les arrêts de la cour, les anciens arrêts de la cour et qui étaient habitués à l'ancienne structure.

On peut voir cela comme une simplification, mais en réalité pour tout juriste qui fait des études de droit, le droit ne s'arrête pas à 2019.

Évidemment qu'on rencontre des jurisprudences plus anciennes et qu'il faut s'accoutumer à la forme ancienne des arrêts qui peut être parfois plus difficile d'accès.

Les juridictions hors ordre juridictionnel

En France, et c'est une particularité du système français, il y a deux ordres juridictionnels. L'ordre juridictionnel judiciaire, et l'ordre juridictionnel administratif.

Certaines juridictions françaises ne rentraient dans aucun de ces classements, ni dans l'ordre judiciaire, ni dans l'ordre administratif. C'est d'abord le tribunal des conflits et ensuite le Conseil constitutionnel.

L'idée, c'est qu'il peut arriver qu'à la fois des juridictions de l'ordre judiciaire et à la fois des juridictions de l'ordre administratif s'estiment compétentes dans une affaire. C'est le tribunal des conflits qui va décider que c'est l'ordre judiciaire ou que c'est l'ordre administratif qui est compétent.

De la même manière, il peut arriver que ni l'ordre judiciaire ni l'ordre administratif ne s'estiment compétents pour juger de l'affaire. Mais alors c'est un déni de justice parce que l'affaire n'est pas jugée. Dans ce cas, c'est le tribunal des conflits qui décidera qui est compétent pour statuer.

Finalement le tribunal des conflits, c'est celui qui est chargé de résoudre les conflits entre l'ordre judiciaire et l'ordre administratif, qui sera traité dans le cadre du cours d'institution administratif. On ne va traiter que le Conseil constitutionnel

On va se poser la question de la compétence du conseil constitutionnel, puis la question de la composition parfois controversée du conseil constitutionnel.

Section 1. La compétence du Conseil constitutionnel

Les compétences du conseil constitutionnel ont en réalité beaucoup évolué.

Évolution

Le conseil constitutionnel est un organe constitutionnel créé par la constitution de 1958. Il a donc plus de 70 ans et la mission originaire du conseil constitutionnel a en réalité beaucoup évolué en 70 ans.

De garant du régime parlementaire

Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que le Conseil constitutionnel a été créé dans la tête du constituant, des rédacteurs de la Constitution de 1958, comme un garant du régime parlementaire.

Pour comprendre ce que cela signifie, il faut que se souvenir du problème qu'ont rencontré les Républiques françaises qui étaient fondées sur un régime parlementaire. C'est l'histoire de la Troisième République et de la Quatrième République où il y avait une forte instabilité parlementaire, qui a conduit à de nombreuses crises politiques, à de nombreuses phases d'inaction parce que le parlement était justement instable et qui a véritablement traumatisé les hommes politiques et les rédacteurs, donc évidemment derrière le général de Gaulle, les rédacteurs de la constitution de 1958.

Pour éviter ces dérives du régime parlementaire, parce que quoi qu'il en soit la constitution de 1958 instaure un régime parlementaire, les constituants ont eu l'idée de créer le Conseil constitutionnel dont la mission était finalement d'être garante, de contrer les possibles dérives dictatoriales du parlement.

L'idée était qu'il fallait qu'il y ait un organe, le Conseil constitutionnel, qui vérifie que le parlement se borne bien à faire des lois, dans les domaines dans lesquels il a compétence d'en faire et ces domaines dans lesquels le parlement est compétent sont aussi prévus par la Constitution. Donc le Conseil constitutionnel, sa mission d'origine, c'est de vérifier que le législateur n'excède pas les pouvoirs qui lui sont confiés par la constitution. Il faut faire des lois et il faut faire des lois uniquement dans les domaines où il est compétent d'en faire. C'est ça le rôle, l'utilité originaire du conseil constitutionnel.

Encore une fois cette utilité originaire, elle existe toujours, mais en réalité la fonction du Conseil constitutionnel a beaucoup évolué.

À garant des libertés garanties par la Constitution

L'idée donc, encore une fois originaire, c'était de dire que le Conseil constitutionnel pourrait dire qu'une loi est un constitutionnel, n'est pas conforme à la constitution parce qu'elle n'est pas prise dans le champ de compétence du législateur. Sauf qu'en réalité le Conseil constitutionnel a compris son pouvoir de manière extensive et a petit à petit étendu le contrôle de constitutionnalité.

L'idée, c'était de dire qu'une loi, dès lors qu'elle est contraire à la Constitution, peut être déclarée inconstitutionnelle. Or, le Conseil constitutionnel a décidé de comprendre de manière extensive son contrôle, en disant que finalement tout ce qui était contraire à ce qu'on appelle le bloc de constitutionnalité pouvait être déclaré inconstitutionnel.

Or, dans ce bloc de constitutionnalité, il n'y a pas seulement les différents articles de la Constitution, mais il y a aussi tous les droits fondamentaux, droits fondamentaux qui sont cités notamment dans le préambule de la Constitution, préambule de la Constitution de 1958, qui fait référence au préambule de 1946, qui fait référence à la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, et qui fait référence à d'autres chartes, notamment la charte de l'environnement, donc qui protège toute une série de droits fondamentaux.

Donc, de garant du régime parlementaire, le Conseil constitutionnel est en réalité devenu le garant des libertés prévues par la Constitution, ce qui accrue largement le pouvoir du conseil constitutionnel.

Inventaire des compétences

Ses différentes compétences sont énoncées des articles 56 à 63 de la Constitution. Et il y a deux séries de missions, de compétences du Conseil constitutionnel : des compétences qui sont relatives au scrutin populaire, donc au vote, et une compétence qui est relative à la régularité, à la conformité de la loi à la Constitution.

Contrôle du scrutin populaire

Le Conseil constitutionnel a un rôle de vérification de la régularité de certains scrutins, donc de certains votes. Il s'agit du contrôle de l'élection du Président de la république, article 58, du des députés et des sénateurs, article 59, et aussi des référendums.

Le Conseil constitutionnel veille à la régularité de l'élection du Président de la République. Il examine les réclamations et proclame les résultats du scrutin
Article 58 de la Constitution de 1958 
Le Conseil constitutionnel statue, en cas de contestation, sur la régularité de l'élection des députés et des sénateurs.
Article 59 de la Constitution de 1958 

Ces contrôles sont encadrés, sont précisés par les différents articles de la constitution.

Contrôle de constitutionnalité

Le contrôle de constitutionnalité, c'est vérifier qu'une loi est conforme à la Constitution, donc aux différents articles de la Constitution, mais aussi au bloc de constitutionnalité, c'est-à-dire aux droits et libertés fondamentales garantis par la Constitution.

Contrôle a priori

À l'origine, en 1958, était seulement prévu un contrôle a priori de la constitutionnalité des lois. C'était l'article 61 de la Constitution.

L'idée était que lorsque une loi était adoptée par le Parlement, il était possible, avant sa promulgation, de la faire porter devant le Conseil constitutionnel pour décider si elle était constitutionnelle ou pas.

La loi était votée par le Parlement, elle était transmise, si les conditions étaient respectées, au Conseil constitutionnel, et le Conseil constitutionnel statuait.

Ça c'est le contrôle a priori qui a duré pendant très longtemps et qui existe toujours évidemment, mais qui a été le seul contrôle de constitutionnalité pendant très longtemps.

Contrôle a posteriori

Mais en 2008, il y a une réforme, entrée en vigueur en 2010 et qui a instauré le contrôle de constitutionnalité a posteriori : c'est ce qu'on appelle la question prioritaire de constitutionnalité.

Ce contrôle de constitutionnalité a posteriori est prévu à l'article 61-1 de la constitution et il est prévu cette fois-ci que dans tout litige, une personne peut invoquer la contrariété de la loi à la constitution. Si un plaideur estime que la loi qu'on cherche à lui appliquer est contraire à la Constitution, il va poser une question prioritaire de constitutionnalité pour chercher à faire écarter la loi.

Cette question est posée devant les juges du fonds qui vont la transmettre à la Cour de cassation qui, en tout cas dans l'ordre judiciaire joue le rôle de filtre et qui va décider si cette question est suffisamment sérieuse pour être transmise au Conseil constitutionnel.

Si c'est le cas, le Conseil constitutionnel va devoir analyser le dossier et vérifier si la loi est conforme à la Constitution ou pas.

Section 2. Composition du Conseil constitutionnel

Les membres du Conseil constitutionnel sont surnommés les sages et la composition du Conseil constitutionnel est éminemment politique, parce que le Conseil constitutionnel comporte en principe neuf membrestrois membres qui sont nommés par le Président de la Républiquetrois qui sont nommés par le Président du Sénat et trois qui sont nommés par le Président de l'Assemblée nationale, sachant que s'ajoutent à ces neuf membres, tous les anciens Présidents de la République qui peuvent siéger de droit au sein du Conseil constitutionnel.

Cette composition éminemment politique du Conseil constitutionnel peut étonner, mais ce n'est pas le cas. Il faut revenir à l'utilité originaire du Conseil constitutionnel. La mission première du Conseil constitutionnel, c'est d'être le garant du régime parlementaire, c'était une mission politique. Qui mieux que des politiques pour remplir cette mission politique. Donc la composition du Conseil constitutionnel n'est pas du tout choquante au regard de sa mission originaire.

En revanche, cette composition soulève plus de questions et de critiques aujourd'hui que le Conseil constitutionnel est devenu quasiment une juridiction.

Avec le développement de la question prioritaire de constitutionnalité, d'abord, le contentieux qui est arrivé au Conseil constitutionnel était beaucoup plus important que le contentieux qui existait jusqu'alors. Et le Conseil constitutionnel s'est juridictionnalisé et, de ce fait, déclarer qu'une loi est contraire aux droits et libertés garantis par la Constitution, est une mission qui n'est plus une mission politique, c'est une mission juridictionnelle.

Et dès lors, on peut peut-être s'étonner de la composition politique du conseil, surtout parce que, ce n'est pas parce qu'on est un homme politique, qu'on a forcément des capacités juridiques qui finalement permettent de prendre des décisions en toute connaissance de cause.

D'ailleurs, le service juridique du Conseil constitutionnel s'est largement étoffé depuis la question prioritaire de constitutionnalité afin qu'il y ait des juristes pour faire face à ce nouveau contentieux.

Il faut comprendre que si la composition du Conseil constitutionnel n'était pas critiquable dans l'esprit tel qu'il a été conçu par les rédacteurs de la Constitution de 1958, en revanche, il est évident qu'avec la juridictionnalisation du Conseil constitutionnel, cette composition n'est plus aujourd'hui très satisfaisante.

Titre II. Les juridictions internationales

Titre II. Les juridictions internationales

Introduction

On a étudié les différentes juridictions de l'ordre interne, les juridictions judiciaires. On a aussi une juridiction particulière qui est hors ordre, le Conseil constitutionnel et aujourd'hui on quitte la sphère interne pour passer au plan international et donc traiter des juridictions internationales.

Alors pourquoi des juridictions internationales ? Comment on arrive-t-on à créer des juridictions internationales ?

Ce qu'il faut comprendre, c'est que la France, l'état français appartient à des ensembles plus grands, à des organisations internationales et cette appartenance à des organisations internationales se fait par la voie de traités internationaux.

La France s'allie soit avec un seul autre état, et il s'agit alors d'un traité uniquement bilatéral, soit avec plusieurs autres états et il s'agit alors de traités multilatéraux comme les traités de l'Union Européenne.

L'Union Européenne comprend aujourd'hui 27 membres et la France fait partie de cette organisation internationale, mais la France fait aussi partie d'autres organisations internationales, par exemple l'Organisation des Nations Unies.

Pour la mise en oeuvre de certains, pas tous les traités internationaux, mais pour la mise en oeuvre de certains traités internationaux et notamment certains traités multilatéraux, il a été décidé de créer des juridictions internationales qui sont spécialement chargées de faire respecter le traité international en question.

On peut considérer que ces juridictions internationales ont deux grandes missions.

La première mission d'abord, l'application du traité international, c'est une mission qui n'est pas simple pour les juridictions internationales, car il y a deux difficultés.

La première difficulté, c'est que, qui dit application du traité international, dit qu'il y a une mauvaise application du traité et qui applique mal le traité, c'est un État. Or on ne juge pas un État comme on juge un quelconque citoyen qui a causé un trouble anormal du voisinage.

C'est une difficulté parce que finalement un État ne pourra être jugé que s'il a accepté de l'être, c'est-à-dire que s'il a accepté la compétence de la juridiction internationale qui s'apprête à le juger. Or certains États, qui n'entendent pas être jugé sur la scène internationale, refusent de reconnaître la compétence de ces juridictions internationales, ils ne signent donc pas les traités reconnaissant la compétence de ces juridictions, de sorte qu'ainsi ils ne peuvent pas être jugés.

Donc la première difficulté tenant à l'existence de ces cours, c'est qu'en réalité ces cours ne jugent que les États qui acceptent de l'être et ce n'est peut-être pas les États qui méritent le plus d'être jugés.

La deuxième difficulté dans l'application d'un traité par la juridiction internationale, c'est la question de la sanction. Admettons qu'un État a accepté la compétence de la juridiction internationale, le procès devant la dite juridiction se tient et un État est reconnu comme ayant mal appliqué le traité, comme ayant commis une faute dans l'application du traité. La cour, la juridiction internationale, souhaite prononcer une sanction mais qu'en est-il de l'exécution de cette sanction ?

Pour exécuter une sanction, il faut en principe un pouvoir coercitif, une espèce de police qui puisse forcer l'exécution de la sanction. Or évidemment, au niveau international, ce genre de pouvoir coercitif n'existe pas et en réalité, la mise en oeuvre de la sanction va beaucoup plus passer par des mesures de diplomatie, voire des mises en cause de la réputation internationale de l'État, parce que évidemment ça fait assez tâche d'être condamné par une juridiction internationale. Mais ce ne sont que ces leviers diplomatiques, ces leviers réputationnels qui peuvent avoir un véritable impact sur l'État et si l'État condamné refuse de respecter la sanction, en réalité il n'y a strictement aucun moyen de l'obliger à le faire.

La mission des juridictions internationales n'est pas si simple que ça. D'abord parce que juger un État, ce n'est pas simple et ensuite parce que sanctionner un État, dans la mise en oeuvre pratique, c'est extrêmement délicat.

La deuxième mission qu'on confie généralement à une juridiction internationale lorsqu'elle est créée, c'est la mission d'interprétation uniforme du traité international.

Il faut bien comprendre qu'on est dans le cadre d'un traité multilatéral, c'est-à-dire que plusieurs États sont partis au même traité et donc plusieurs États vont l'appliquer, vont l'interpréter. Or, il est concevable que dans l'interprétation du traité, la France, par exemple, n'ait pas la même interprétation que les États-Unis ou que la Chine, par exemple, au sein de l'Organisation des Nations Unies.

Et donc, dans certains cas, on confie à la juridiction internationale le soin de donner le sens au traité international, de dire quelle est l'interprétation qui doit être reconnue et qui vaudra aussi bien en France, en Chine, qu'aux États-Unis, par exemple, si c'était une juridiction internationale d'un traité qui reliait ces trois pays.

Donc, ces missions des juridictions internationales sont quand même des missions délicates, à la fois appliquer le traité international autant que celle de l'interpréter.

De manière générale, on peut dire que les juridictions internationales sont assez peu nombreuses.

On va en mentionner quatre : deux juridictions qui sont internationales mais qui sont en réalité strictement européennes, la Cour de justice de l'Union européenne d'abord, puis la Cour européenne des droits de l'homme ensuite. Et puis, deux juridictions véritablement internationales, la Cour internationale de justice et la Cour pénale internationale.

Titre II. Les juridictions internationales

Chapitre I. La cour de justice de l'union européenne

L'Union européenne a été créée par le traité de Rome en 1957. A l'heure actuelle, il y a 27 membres au sein de l'Union européenne et la particularité de l'Union européenne est d'être une organisation internationale qui a son propre ordre juridique.

L'Union européenne fonctionne comme un état. En effet, l'Union européenne a des institutions qui détiennent le pouvoir exécutif, c'est le rôle de la Commission européenne; l'Union européenne a des institutions qui exercent le pouvoir législatif, c'est le rôle du Parlement européen. Et l'Union européenne s'est dotée d'un pouvoir judiciaire qui se trouve entre les mains de la Cour de justice de l'Union européenne.

On parle des compétences de la Cour de justice de l'Union européenne, puis de son fonctionnement.

Section 1. Compétence

La mission principale de la Cour de justice de l'Union européenne est finalement une mission qui ressemble assez à celle de notre Cour de cassation. La mission de la Cour de justice de l'Union européenne, c'est une mission régulatrice, en ce sens, qu'il s'agit pour elle d'assurer l'application uniforme du droit européen sur tout le territoire des États membres.

Plus il y a de pays membres du traité international, plus il risque d'y avoir d'interprétations différentes du traité. Et pour que le traité soit interprété de manière uniforme et appliqué partout de la même manière, il faut une juridiction qui dise quelle est l'interprétation qu'il faut retenir du texte. Au sein de l'Union européenne, c'est la mission de la Cour de justice de l'Union européenne.

Pour comprendre un peu mieux cette mission, on va dire quelques mots du droit de l'Union européenne, et on parlera ensuite de cette mission de régulation de la Cour de justice.

Le droit de l’Union européenne

Ce qui est très particulier au sein de l'Union européenne, c'est qu'il y a deux sources de droits différentes. On distingue le droit originaire, qu'on appelle aussi le droit primaire, ou le droit dérivé.

Le droit originaire, ou le droit primaire, c'est le droit qui est issu des traités. Le traité fondateur de l'Union, c'est le traité de 1957, mais il y a eu énormément de traités, certains plus connus que d'autres, le traité de Maastricht, le traité de Nice, par exemple.

Mais tous ces traités forment et posent les jalons de l'organisation de l'Union européenne, quelles sont ses institutions, quelles sont ses compétences, comment elles fonctionnent. Et tous ces traités, forment le droit originaire, ou le droit primaire.

Mais les institutions mêmes de l'Union européenne, et notamment la Commission et le Parlement européen, créent elles-mêmes du droit. Elles adoptent ce qu'on pourrait appeler "des lois européennes". Il y en a deux types : les institutions européennes peuvent adopter soit des règlements, qui sont directement applicables en droit interne, soit des directives, qui fixent des grandes lignes, et qui doivent être ensuite transposées par les États pour pouvoir être mises en œuvre au sein de chaque État. Et ça, cela constitue le droit dérivé.

Il y a une masse très importante de textes, entre tous les traités et tout le droit dérivé, c'est-à-dire tous les règlements et toutes les directives adoptées par les institutions européennes, il y a une masse de textes très importante, susceptibles d'être interprétés.

Les techniques d’application uniforme du droit européen

On en vient à s'interroger sur les techniques d'interprétation par la Cour de justice de l'Union européenne de ces textes.

À la fois le droit dérivé et le droit primaire doivent être appliqués uniformément dans tous les États membres, que ce soit en France, en Grèce ou en Allemagne. Pour cela, non seulement les pays membres de l'Union européenne doivent respecter le droit primaire et le droit dérivé, mais les institutions européennes elles-mêmes doivent respecter le droit européen.

Le respect du droit européen par les institutions européennes

L'Union européenne a son propre ordre juridique et toutes les institutions européennes, commissions, parlements notamment, doivent respecter le droit de l'Union européenne. Et si ces institutions ne le font pas, deux recours sont possibles devant la Cour de justice de l'Union européenne.

Le premier recours s'appelle le recours en carence. Le recours en carence, c'est très particulier, c'est lorsque une institution européenne n'a pas publié correctement un acte juridique. Donc elle a adopté un texte et elle ne l'a pas publié. Il y a une carence en publication et donc on peut faire un recours en carence contre cette institution devant la Cour de justice.

Le deuxième recours envisageable contre une institution européenne, c'est ce qu'on appelle le recours en annulation. Cette fois-ci, l'institution européenne a adopté un acte qui est illégal, illégal au sens du droit européen, soit que la procédure d'adoption de l'acte n'a pas été respectée, soit que le fond de l'acte est contraire aux droits européens. Dans ces cas-là, on peut toujours poursuivre l'institution européenne par un recours en annulation.

Ces deux recours, recours en carence et recours en annulation, permettent ainsi d'assurer la cohérence du droit européen au sein des institutions européennes. Mais il n'y a pas évidemment que les institutions européennes qui doivent respecter le droit européen : les Etats membres de l'Union doivent aussi respecter le droit européen.

Le respect du droit européen par les institutions nationales

Encore une fois, l'Union européenne, c'est 27 Etats membres. 27 Etats membres, 27 pouvoirs exécutifs, 27 pouvoirs législatifs, 27 pouvoirs judiciaires.

Toutes ces institutions sont soumises aux droits de l'Union et doivent en principe le respecter, vu que leur Etat membre est parti à l'Union européenne. Alors bien sûr, on imagine "la pagaille" que cela peut être qu'une même directive soit interprétée dans 27 pays différents. Évidemment, il faut une interprétation uniforme parce que finalement, on risque d'arriver avec un même texte à des résultats d'application très différents d'un pays à l'autre.

La technique la plus utilisée comme recours pour faire respecter le droit européen, c'est ce qu'on appelle le renvoi préjudiciel ou la question préjudicielle et la Cour de justice peut être aussi saisie dans notre recours mais qui est moins fréquent, qui est le recours en manquement du respect des traités.

Le renvoi préjudiciel

Le renvoi préjudiciel s'appelle aussi la question préjudicielle. La question préjudicielle, c'est le motif à l'heure actuelle le plus important de saisine de la Cour de justice de l'Union européenne.

En fait, on a déjà rencontré le mécanisme de la question préjudicielle : la QPC est une forme de question préjudicielle. Parfois, les juridictions du fond posent une question préjudicielle à la Cour de cassation. C'est une question préjudicielle.

Tout commence par une situation de fait, un litige devant une juridiction d'un des Etats membres. Admettons que ce soit en France. Donc, on a un litige devant un juge national et dans ce litige, on cherche à faire application d'un texte de droit européen, par exemple d'une directive. Or, le juge national saisit doute de l'interprétation de cette directive. Il n'est pas certain du sens qu'il doit lui donner. Alors, il décide de poser la question de l'interprétation à la CJUE.

Pour poser cette question, il va utiliser le renvoi préjudiciel, la question préjudicielle. Il pose la question à la Cour et il va sursoir à statuer, c'est-à-dire qu'il attend la réponse de la Cour. Et une fois que la Cour aura délivré son interprétation du texte, il pourra reprendre son affaire et juger en conséquence.

Dans ce cas-là, la CJUE ne tranche aucunement le litige au fond, elle se contente d'éclairer le sens du texte européen.

Le recours en manquement du respect des traités

Le second recours, c'est ce qu'on appelle le recours en manquement du respect des traités. Cette seconde voie est une voie moins courante, beaucoup moins répandue.

L'idée de ce recours serait qu'un État aurait violé un traité européen et un autre État ou la Commission européenne poursuit l'État qui a prétendument violé les traités européens en manquement. C'est un État qui commet un manquement ou on croit qu'il commet un manquement et c'est un autre État ou la Commission qui va poursuivre l'État qui a manqué au traité.

On comprend pourquoi finalement ce recours est beaucoup moins utilisé parce qu'il est rare, du point de vue diplomatique, qu'un État poursuive un autre État au sein même de l'Union européenne, parce que ça crée quand même des tensions entre les États. Et de la même manière, si la Commission décide de poursuivre un État, c'est quand même un acte très fort et donc relativement rare.

Mais cela existe, par exemple lors d'une affaire qui a eu lieu en 2021 qui est un recours en manquement contre la Pologne.

La Pologne avait une juridiction spéciale au sein de son ordre judiciaire qui était chargée de lutter contre la corruption des juges polonais. Or, il s'est avéré que cette juridiction spéciale n'était pas suffisamment indépendante du pouvoir exécutif. Donc, il n'y avait pas de séparation suffisante entre le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire. Et donc, on se demandait vraiment si on luttait contre la corruption du juge ou si on n'essayait pas d'évincer le juge pour un motif politique : cette juridiction ne respectait pas l'indépendance de la justice.

Or, l'indépendance de la justice est un principe qui est affirmé par les traités européens. Et donc, l'État polonais a été poursuivi pour recours en manquement. Il a été poursuivi pour recours en manquement, et l'État polonais a été condamné : on a considéré que la juridiction n'était pas conforme aux traités.

Et on l'a sanctionné là où ça fait mal. C'est-à-dire que la CJUE l'a frappé au porte-monnaie parce que la CJUE a prononcé une astreinte d'un million d'euros par jour de retard dans la mise en place de la réforme de cette juridiction spécialisée.

Ainsi la CJUE a quand même un pouvoir de sanction assez fort.

Section 2. Fonctionnement

Composition

Il y a au sein de la Cour de justice de l'Union européenne un juge par état membre. Il y a donc 27 juges à la Cour de justice de l'Union. Le mandat de chaque juge dure six ans et il est renouvelable. Et le personnel de la Cour se renouvelle par moitié tous les trois ans.

La Cour de justice connaît pour son fonctionnement plusieurs formations. Parfois elle se réunit dans des formations plutôt restreintes, de trois à cinq juges, quand l'affaire n'est pas très compliquée.

Quand l'affaire est un peu plus complexe, on peut réunir ce qu'on appelle la grande chambre de la Cour de justice, qui comporte 13 juges.

Et enfin, pour les affaires les plus importantes, on peut réunir l'Assemblée plénière de la CJUE; c'est lorsque l'affaire pose une grave question de principe. Dans ces cas là, on réunit les 27 juges.

Sanction

Dernier point sur la CJUE, c'est la question des sanctions, du pouvoir de sanction de la Cour et plus particulièrement du pouvoir de l'exécution des sanctions.

La mise en oeuvre des sanctions pour une juridiction internationale, c'est la principale difficulté parce qu'il faut un pouvoir coercitif. Or, il n'existe pas d'espèce de police internationale qui peut forcer un État à faire ce à quoi il a été condamné.

Pourtant, on a vu que la CJUE a prononcé une astreinte d'un million d'euros par jour contre la Pologne.

Alors comment fait-on pour que cette sanction soit respectée ?

En réalité, on ne va pas faire payer à la Pologne une amende, une astreinte d'un million d'euros par jour. Ce qu'on va faire, c'est un mécanisme finalement assez simple : chaque Etat membre contribue à l'Union européenne, c'est-à-dire que chaque Etat membre verse chaque année une certaine somme à l'Union européenne et cet argent est réparti ensuite entre les différents Etats membres pour certaines raisons.

Par exemple, pendant la période de Covid, pour pallier les difficultés économiques, etc., on a pu attribuer pendant les crises de 2009, la crise financière de même, etc.

Comment on exécute ici la sanction contre la Pologne ?

En fait, on avait promis à la Pologne, par exemple, tant d'aides pour la soutenir, de l'aide qu'on lui avait prévue, on soustrait les un million par jour afin de la forcer à respecter la condamnation qu'elle a eue lors du recours en manquement. Voilà comment on arrive à faire respecter les sanctions au sein de l'Union européenne.

La CJUE est une cour très importante, et qui a un pouvoir vraiment beaucoup plus large que les autres cours internationales.

Titre II. Les juridictions internationales

Chapitre II. La Cour européenne des droits de l'homme

Dans le prolongement de la déclaration universelle des droits de l'homme, qui a été adoptée en 1948 par l'Assemblée générale des Nations unies, le Conseil de l'Europe, qui est donc une organisation internationale différente et qui est différente de l'Union européenne (mais qui ne comprend que des états qui sont des états européens) a signé en 1950 à Rome un traité international engageant formellement les états.

Aujourd'hui il y a 47 membres au sein du Conseil de l'Europe. C'est un traité international dans lequel les états signataires s'engagent à respecter les droits fondamentaux.

Section 1. Compétence

S'il fallait résumer les choses, on peut dire que la compétence de la Cour européenne des droits de l'homme est de faire un contrôle de conventionnalité.

La particularité de ce contrôle de conventionnalité est qu'il va être limité à la Convention européenne des droits de l'homme. Le rôle de la Cour européenne des droits de l'homme, c'est de vérifier la conformité des lois de ces états signataires, donc des 47 états signataires, à la Convention européenne.

C'est bien un contrôle de conventionnalité parce qu'on vérifie la conformité d'une loi par rapport à un traité international, sauf que évidemment la Cour européenne des droits de l'homme n'est compétente que pour vérifier la conformité de la loi par rapport à la Convention qui l'a créée, à savoir la Convention européenne des droits de l'homme.

Le droit de la Convention européenne des droits de l’homme

La Convention européenne des droits de l'homme regroupe non seulement le texte fondateur de 1950, mais aussi des protocoles additionnels, c'est-à-dire que régulièrement les États membres se sont réunis pour apporter des ajouts au texte initial de 1950.

À noter que les États signataires du texte fondateur, donc celui de 1950, ne sont pas forcément partis à tous les protocoles additionnels, ils peuvent décider d'en signer certains et pas d'autres.

La Convention, le texte de 1950, a été adopté bien sûr dans un contexte post-seconde guerre mondiale et le but était d'adopter un traité européen en vue d'éviter que ne se reproduisent, en Europe, les atrocités du type de celles dont le régime nazi s'était rendu coupable pendant la seconde guerre mondiale.

Le texte de 1950 égrène un certain nombre de droits fondamentaux, dont les plus célèbres, mais la liste est longue, sont le droit à la vie, l'interdiction de la torture, l'interdiction de l'esclavage, le droit à la liberté, le droit à un procès équitable, le droit au respect de la vie privée, le droit à la liberté évidemment, le droit à la liberté d'expression, la liberté d'association, le droit au mariage, le droit à un recours effectif ou encore l'interdiction des discriminations.

Ça c'est vraiment le coeur du texte de 1950 et peuvent venir s'y ajouter un certain nombre de protocoles additionnels.

On en a déjà rencontré un, quand on a parlé du recours, des voies de recours en matière pénale : l'article 2 du protocole additionnel numéro 7 qui impose une voie de recours en matière pénale et qui avait conduit la France à modifier son organisation juridictionnelle pour que le recours soit possible contre les décisions de cour d'assises avec la création donc de la cour d'assises d'appel.

Les attributions

La cour européenne des droits de l'homme a comme souvent deux missions, une fonction juridictionnelle, c'est-à-dire dire le droit et une fonction consultative.

Fonction contentieuse

La Cour européenne des droits de l'homme peut être saisie par un plaideur lorsqu'il estime que le droit de l'État a violé la convention européenne des droits de l'homme.

Il y a une seule et unique condition pour que ce recours devant la cour européenne des droits de l'homme soit valable, il faut que le plaideur ait épuisé les voies de recours internes.

Si on s'en tient à l'ordre juridictionnel français, ça veut dire que le plaideur a dû aller jusque devant la Cour de cassation, il n'a pas obtenu gain de cause et ce n'est qu'à ce moment-là qu'il peut saisir la Cour européenne des droits de l'homme.

Un exemple très célèbre dans lequel la France avait été condamnée : il s'agissait d'une affaire qui est du début des années 1990, dans laquelle un transsexuel avait souhaité obtenir, à la suite de sa transformation physique, la modification de la mention de son sexe à l'État civil.

Il voulait que la mention de son sexe corresponde à son nouveau sexe et le droit français n'admettait pas le changement de sexe à l'État civil, donc les juridictions du fond puis la Cour de cassation lui ont refusé cette possibilité. Le transsexuel a saisi la Cour européenne des droits de l'homme en arguant que cette situation était contraire à son droit à la vie privée, il a obtenu gain de cause et la France a été condamnée dans cette affaire.

Fonction consultative

La CEDH peut être saisie pour avis : ici, c'est un juge national qui est confronté à une question de conformité de sa loi avec la Convention européenne des droits de l'homme. Il s'interroge, il se demande si le texte est conforme ou pas et au lieu de trancher lui-même la question, parce qu'il a des doutes, il va directement poser la question à la cour européenne des droits de l'homme.

C'est en réalité le mécanisme de la question préjudicielle : le juge national pose sa question à la cour, il sursoit à statuer et il attend la réponse de la cour pour ensuite trancher et juger en connaissance de cause.

Section 2. Fonctionnement

Composition

Il faut savoir que la Cour comporte autant de juges que d'états membres. Il y a un juge par état membre, soit actuellement 46 juges, un juge par état qui est signataire de la convention.

Pour information, la Cour européenne des droits de l'homme siège à Strasbourg, son siège est à Strasbourg et les juges sont nommés pour 9 ans. C'est un mandat qui n'est pas renouvelable et la Cour se renouvelle par tiers tous les trois ans, ce qui permet d'assurer une certaine continuité de la composition de la cour.

La cour ne siège en revanche jamais à 46 juges, mais s'organise en plusieurs formations.

Procédure

Saisine

Il y a deux façons différentes de saisir la cour.

La première, c'est le recours inter-étatique.

L'idée, c'est qu'un des États signataires de la Convention constate qu'un autre État a commis un manquement, viole la Convention européenne des droits de l'homme et donc poursuit l'autre État devant la cour. Ce recours n'est pas très fréquent parce que pour des raisons diplomatiques, il est assez rare qu'un État poursuive un autre État devant une juridiction internationale.

Le second recours qui est beaucoup plus utilisé, c'est le recours individuel.

Le recours individuel, c'est l'utilisation du recours préjudiciel, de la question préjudicielle. Dans un contentieux national, il est question de l'application et de la conformité d'une loi nationale à la Convention européenne des droits de l'homme et une fois que les voies de recours internes ont été épuisées, un particulier peut saisir par un recours individuel, la Cour européenne des droits de l'homme.

Ce recours individuel a connu en réalité un succès qui a sans doute dépassé l'idée même que se faisaient les rédacteurs de la Convention et du recours individuel. Et c'est un véritable succès de la Cour sur ce plan là, et tellement que la Cour subit ce que de nombreuses Cours subissent, à savoir un certain engorgement de la Cour européenne des droits de l'homme qui croule sous les recours individuels.

Pour essayer de réguler l'afflux des affaires, la Cour européenne des droits de l'homme a instauré un délai de saisine qui a été restreint. Avant, à compter de l'épuisement des voies de recours, le plaideur avait six mois pour porter son affaire devant la Cour européenne des droits de l'homme et désormais le délai a été réduit à quatre mois. On espère ainsi peut-être que certains plaideurs seront découragés et ne saisiront pas la Cour européenne des droits de l'homme.

Sanction

Il n'y a pas de police internationale coercitive qui peut venir forcer l'État à respecter la condamnation prononcée, et en réalité ça n'existe pas de manière générale et ça n'existe pas plus pour la Cour européenne des droits de l'homme.

Ce que prévoit le texte de la Convention, c'est son article 46, qui dit que "les États contractants s'engagent à se conformer aux décisions de la Cour dans les litiges auxquels elles sont parties". Donc c'est un engagement purement moral de faire cesser l'illicite et de respecter la décision de la Cour, ce qui n'est pas extrêmement coercitif comme engagement.

Évidemment, les principaux États signataires de la Convention craignent la réputation que peuvent leur faire les condamnations par la Cour européenne des droits de l'homme. Et, le plus souvent ils vont respecter ces décisions et donc mettre leurs droits en conformité. Mais s'ils ne le faisaient pas, la Cour européenne a peu de moyens de les y forcer parce que le seul moyen qui est prévu c'est une sanction financière.

Il est possible que la Cour européenne des droits de l'homme demande à l'État de verser une compensation financière du fait de la violation mais en réalité, là encore, il n'y a pas de moyens de forcer l'État à payer.

Donc si l'État paye, tant mieux, si l'État ne paye pas, il n'y a pas véritablement de moyens de le forcer si ce n'est un moyen encore une fois diplomatique et réputationnel, parce que l'État n'a pas trop envie d'être montré du doigt comme étant celui qui a été condamné et qui ne s'exécute pas. Mais hormis cette situation, il n'y a pas de pouvoir de coercition particulier.

Alors, il ne faut pas penser que cela réduise la force et la portée du rôle de la Cour européenne des droits de l'homme, qui est devenue une cour particulièrement importante en Europe; qui prononce un très grand nombre de condamnations et la France la première a été condamnée pour un certain nombre de lois.

La Cour européenne des droits de l'homme s'assure véritablement du respect des droits fondamentaux sur tout le territoire des États membres de la Convention et son rôle, grâce au recours individuel qui permet à chaque plaideur d'un pays membre d'aller la saisir, a donné véritablement un poids très important à la protection des droits fondamentaux.

Titre II. Les juridictions internationales

Chapitre III. La Cour internationale de justice

La Cour internationale de justice est en réalité la plus ancienne des juridictions internationales encore en activité. Elle est l'héritière de la Cour permanente de justice internationale qui avait été instituée en 1922 par la Société des nations.

Rappel : contexte post première guerre mondiale, les états se réunissent ensemble pour éviter qu'un nouveau conflit mondial éclate. Ce regroupement des états, c'est ce qu'on a appelé la Société des nations et cette Société des nations s'était dotée d'une juridiction, la Cour permanente de justice internationale. La SDN a malheureusement échoué étant donné que le second conflit mondial a éclaté.

Mais ensuite, à l'issue de la Seconde Guerre Mondiale, c'est l'Organisation des Nations unies qui a remplacé la SDN et la Cour internationale de justice qui a remplacé la Cour permanente de justice internationale.

Donc la Cour internationale de justice, c'est l'organe judiciaire de l'ONU, l'organe judiciaire de l'Organisation des Nations unies qui a été créée dans le contexte de l'après Seconde Guerre Mondiale.

Section 1. Compétence

La Cour internationale de justice a une fonction de médiateur, une fonction médiatrice. Sa compétence concerne les litiges qui surviennent entre puissances étrangères, donc entre plusieurs États, et son but est de régler le conflit avant qu'il ne dégénère en conflit armé, c'est-à-dire avant qu'il ne dégénère en guerre entre les États.

Elle a aussi une fonction juridictionnelle, qui est assez proche finalement de l'arbitrage, où là on a des puissances en conflit et où elle va donc tenter de faire le médiateur.

Litiges survenant entre puissance étrangère

La mission essentielle de la Cour internationale de justice est de se prononcer sur des différents de nature juridique qui peuvent surgir entre des puissances étrangères. Mais alors, quelles sont ces litiges de nature juridique qui peuvent exister entre puissances étrangères ?

Par exemple, peut exister un litige concernant la délimitation d'une frontière. Un État prétend que la frontière est à cet endroit, l'autre État prétend que non, elle est à un autre endroit.

Ou le litige peut porter sur la délimitation des eaux territoriales. C'est très important pour un État qu'il ait l'accès à la mer parce que ça lui offre un certain nombre de ressources. Et donc, la délimitation des eaux territoriales est une question particulièrement importante.

Un exemple pour que ce soit bien compris, de délimitation problématique de frontières. C'est une question qui existe en ce moment entre le Chili et la Bolivie.

Chili et Bolivie, qui sont deux pays d'Amérique latine, et la Bolivie n'a pas l'accès à la mer. La Bolivie revendique un déplacement de la frontière tout au nord du Chili et veut faire main basse sur une partie désertique du Chili, un peu pour le désert, mais surtout parce que cette partie lui donnerait l'accès à la mer alors que la Bolivie aujourd'hui n'a pas l'accès à la mer. Mais le Chili, lui, ne veut pas du tout céder ce terrain, terrain qu'il avait pris plus ou moins de force à une période passée.

Il ne veut pas du tout céder ce désert parce que les sous-sols de ce désert sont pleins de cuivre, environ 60 à 65 % du cuivre mondial provient de cette zone du Chili. C'est donc une grosse ressource c'est pour le pays. Et en plus, il y a aussi des gisements de lithium dans ce désert, et le lithium est un composant qui est particulièrement utilisé pour tout ce qui est les nanotechnologies, notamment toutes les batteries de téléphone portable, etc. Là encore, c'est une richesse incroyable pour le Chili qui n'entend pas du tout céder sur le désert.

C'est un vrai litige, un litige qui existe sur la délimitation de la frontière entre la Bolivie et le Chili. Dans ce genre de contexte, quand il y a une difficulté juridique entre deux pays, et pour éviter que ça dégénère en conflit armé, quelles sont les attributions de la Cour de Justice Internationale ?

Attributions

Fonction contentieuse

La Cour Internationale de Justice a pour mission d'appliquer le droit international aux litiges qui lui sont soumis, et donc de trancher ces litiges, de trouver une solution en application du droit international, c'est-à-dire des traités internationaux, éventuellement de la coutume internationale, des principes généraux reconnus par les nations civilisées, et même parfois par référence à l'équité.

La Cour Internationale de Justice a été saisie assez peu depuis son existence. Elle existe depuis 1947 et seulement 48 affaires ont été inscrites au rôle de la Cour Internationale de Justice depuis, ce qui ne fait pas beaucoup de saisine de la Cour sur cette fonction contentieuse.

Fonction consultative

La Cour Internationale de Justice a aussi une fonction consultative.

L'Assemblée Générale des Nations Unies et le Conseil de Sécurité des Nations Unies peuvent, éventuellement, quand ils rencontrent une difficulté juridique, demander son avis à la Cour Internationale de Justice.

Section 2. Fonctionnement

Composition

La Cour Internationale de Justice comporte 15 membres. Ces 15 membres sont élus par l'Assemblée Générale des Nations Unies et le Conseil de Sécurité de l'ONU.

Cette élection se fait à partir de listes qui ont été présentées par chacun des États.

On peut comprendre la difficulté, il y a de très nombreux pays partis à l'Organisation des Nations Unies, donc il n'est pas possible de faire comme pour les juridictions européennes, un juge par État. En revanche, il faut que la composition de la Cour représente les grandes formes de civilisation et les principaux systèmes juridiques du monde.

On a 15 membres, donc déjà ça veut dire maximum un membre par État, donc il ne peut pas y avoir deux juges français par exemple à la Cour Internationale de Justice. Mais de la même manière, il ne pourrait pas y avoir sur les 15 juges, 12 juges européens, parce que ça voudrait dire que les grands équilibres du monde ne sont pas représentés : il n'y aurait pas de juge asiatique, de juge américain, que ce soit de nord-américain ou sud-américain, pas de juge africain, etc.

Donc il faut représenter toutes les formes de civilisation ainsi que tous les grands systèmes juridiques. Il y a des systèmes de droit continental, des systèmes de common law, donc tout le monde doit être représenté. L'équilibre n'est pas forcément facile à atteindre dans la composition de la Cour Internationale de Justice.

Le mandat des juges est un mandat de 9 ans qui est renouvelable et le personnel de la Cour est renouvelé par tiers tous les 3 ans. Cela permet d'assurer une certaine continuité dans la composition de la Cour.

Les juges ne peuvent pas cumuler leur activité de juge à la Cour Internationale de Justice avec une quelconque autre mission, ni politique, ni professionnelle, d'aucun ordre. Ils peuvent être juste magistrats à la Cour Internationale de Justice.

Procédure

Saisine

La Cour Internationale de Justice peut être saisie soit par les Etats, donc un Etat rencontre une difficulté, un litige avec un Etat voisin et il saisit la Cour.

C'est un recours inter-étatique qui, encore une fois, est assez peu utilisé parce que d'un point de vue diplomatique, il est assez rare qu'un Etat poursuive un autre Etat.

La Cour Internationale de Justice peut être saisie par l'Organisation des Nations Unies elle-même et elle est donc saisie par l'Assemblée ou le Conseil de Sécurité.

Sanction

C'est toujours le grand problème de ces Cours Internationales, c'est qu'il n'y a pas d'exécutif qui soit vraiment efficace.

Certes, on peut penser au Conseil de Sécurité de l'ONU qui est un petit peu un équivalent de pouvoir exécutif de l'Organisation des Nations Unies, sauf qu'il est bien dit dans le traité de l'ONU que le Conseil de Sécurité ne peut pas porter attente à la souveraineté des Etats, de sorte qu'en réalité le Conseil de Sécurité n'a pas de pouvoir de coercition contre un Etat qui serait condamné par la Cour Internationale de Justice pour l'obliger à respecter la condamnation.

Donc encore une fois, si un Etat venait à être condamné par la Cour Internationale de Justice, les seules solutions possibles pour faire que l'Etat respecte la décision, ce sont des moyens de pression qui sont purement diplomatiques, voire parfois des moyens de pression économique.

Par exemple, le Conseil de Sécurité pourrait décider d'un embargo, une déclaration d'embargo qui est une mesure économique contre un Etat, mais à part ces mesures diplomatiques ou économiques, on ne peut pas forcer un Etat condamné par la Cour Internationale de Justice à respecter sa condamnation.

Titre II. Les juridictions internationales

Chapitre IV. La Cour pénale internationale

Pour comprendre la Cour pénale internationale, il faut parler un petit peu de son origine, comment on en est arrivé à faire qu'une cour qui traite des questions pénales existe au plan international.

Section 1. Origine

Cela peut paraître un non-sens qu'existe au plan international une Cour pénale, puisque le problème principal des juridictions internationales, c'est le problème de la coercition, c'est-à-dire faire en sorte que l'État respecte sa sanction, parce qu'il n'y a pas de police super étatique qui puisse venir forcer, contraindre un État à respecter sa condamnation.

Or, le droit pénal, c'est le droit de la coercition : s'il n'y a pas de coercition, il n'y a pas de droit pénal parce que le droit pénal, c'est celui qui prononce des condamnations et si ces condamnations ne sont pas respectées, il est inutile en réalité d'avoir du droit pénal.

Donc, une Cour pénale internationale sans coercition, sans pouvoir de coercition, finalement, on n'en voyait pas pendant très longtemps l'utilité parce qu'encore une fois, il n'y a pas de policiers internationaux, il n'y a pas de prison internationale dans laquelle on pourrait enfermer les criminels internationaux. Et donc, l'idée d'une juridiction pénale internationale paraissait être en non-sens.

Ça a été la position et l'idée qui a longtemps prévalu sur la scène internationale, sauf qu'il y a eu la Seconde Guerre mondiale, avec évidemment les exactions qu'on connaît du régime nazi et les atrocités qui ont été commises pendant la Seconde Guerre mondiale.

Et au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la communauté internationale, c'est-à-dire tous les États, le concert des nations, a fait évoluer la manière de voir les choses, et on s'est dit que ce n'était pas possible de laisser ces actes impunis et qu'il fallait créer une juridiction internationale pour les punir.

Cette juridiction internationale, c'est le tribunal de Nuremberg, qui est un tribunal ad hoc, qui a été créé spécialement pour juger des crimes de guerre qui ont été commis pendant la Seconde Guerre mondiale, qui ont été commis par les nazis.

Ce tribunal de Nuremberg avait donc une mission qui était tout à fait ponctuelle. Il s'agissait de juger uniquement des crimes de guerre nazis. Et une fois que le tribunal de Nuremberg a rempli sa mission, qu'ils ont jugé les criminels nazis, le tribunal de Nuremberg a été dissous.

On a créé une juridiction pénale internationale mais juste pour un sujet précis, les crimes de guerre nazis. Et une fois que le tribunal a rempli sa mission, il n'existait plus. Mais le tribunal de Nuremberg est là le premier exemple de juridiction pénale internationale.

Après le tribunal de Nuremberg, on a créé deux autres tribunaux ad hoc pour deux situations différentes.

Donc, le tribunal pénal pour le Rwanda et le tribunal pénal pour l'ex-Yougoslavie ont fait leur oeuvre. Ils ont jugé des crimes qui les concernaient et puis ils ont été dissous, pareillement, une fois qu'ils ont fini leur mission.

Donc, les premières cours pénales internationales, c'était ces tribunaux Nuremberg, Rwanda, ex-Yougoslavie mais qui n'avaient pas de vocation permanente.

Après ces trois premiers essais, s'est imposé l'idée au sein des Nations Unies que l'on pourrait finalement recourir à une cour pénale internationale qui, elle, aurait une vocation permanente et qui serait donc chargée de juger des crimes de guerre mais de façon permanente.

C'est au cours des mois de juin et juillet 1998, c'est relativement récent, que la majorité des Etats membres des Nations Unies ont voté pour la création de la Cour pénale internationale.

Alors, 120 Etats se sont prononcés en faveur de la création de la cour, 7 Etats s'y sont opposés, au nombre desquels des Etats importants et notamment les Etats-Unis, la Chine et Israël.

Mais à la règle de la majorité, évidemment, la Cour pénale internationale a été finalement créée.

Section 2. Compétence

La compétence de la Cour est de juger des crimes en matière pénale les plus graves et de juger non pas des Etats mais des personnes. Et c'est là une différence majeure avec les autres juridictions internationales que nous avons étudiées jusqu'à présent, qui, elles, jugeaient des Etats.

Juger les crimes les plus graves

La compétence de la Cour pénale internationale consiste à juger des crimes les plus graves et on vise par là trois catégories de crimes.

Ce sont ces trois infractions seulement qui peuvent être portées devant la Cour pénale internationale. Mais ensuite, la Cour pénale internationale a une compétence personnelle, elle ne juge que des individus et pas des Etats.

Juger des individus (et pas des États)

C'est là une différence fondamentale entre la Cour pénale internationale et les autres juridictions internationales, en tout cas celles vues précédemment.

Les cours internationales vues jusqu'à maintenant, jugent des Etats. Ici, il ne s'agit pas de juger un Etat, mais de juger des individus qui ont commis les fameux crimes de guerre, génocides ou crimes contre l'humanité.

On ne juge pas des Etats, parce qu'on ne pourrait pas sanctionner d'un Etat qui aurait commis un crime contre l'humanité, par exemple le dissoudre.

Donc, la seule solution, c'est de se contenter de condamner, de juger les personnes, soit qui ont permis de procéder à ces crimes, soit ceux qui les ont perpétrés. Et donc, le plus souvent, les justiciables de la Cour pénale internationale, sont les dirigeants qui ont autorisé, qui ont organisé le crime contre l'humanité, le génocide ou les crimes de guerre.

Attention, dans certains cas, alors même qu'on est face à un crime de guerre, un crime contre l'humanité ou un génocide, la cour pénale internationale ne sera pas saisie, parce que la Cour pénale internationale n'a qu'une compétence subsidiaire, c'est-à-dire qu'un Etat peut décider de juger lui-même de ses dirigeants qui auraient commis les atrocités décrites.

Un exemple concerne l'Irak. Au moment de la chute de Saddam Hussein, il avait été question éventuellement de juger Saddam Hussein devant la Cour pénale internationale, sauf que les Irakiens ont décidé de juger eux-mêmes leur ex-dirigeant, ils ont procédé à un procès, ils ont condamné à mort Saddam Hussein et ils l'ont exécuté sans recourir à la Cour pénale internationale.

Donc, la compétence de la cour pénale internationale est subsidiaire, c'est-à-dire qu'elle sera compétente uniquement si l'État qui a subi les infractions ne décide pas lui-même de procéder au jugement des personnes incriminées.

Section 3. Fonctionnement

Composition

Il n'y a que 18 juges à la Cour pénale internationale. Ces juges sont élus par les États partis à la convention. Evidemment, seuls les États qui ont signé la convention sur la Cour pénale internationale peuvent avoir un siège qui juge.

Les États-Unis, la Chine et Israël n'ont pas souhaité signer la convention sur la Cour pénale internationale, ils ne peuvent donc pas avoir de juge. Même s'ils sont membres de l'ONU, ils ne peuvent pas avoir de juge pour la Cour pénale internationale.

Sanction

Concernant les sanctions, on en revient toujours au problème lié à l'absence de police internationale ou de prison internationale. Mais en fait, cette question est résolue de manière assez simple, on compte finalement sur la coopération internationale.

L'idée, c'est que finalement, l'exécution de la sanction va reposer sur la coopération internationale, c'est-à-dire la coopération entre les tribunaux et l'exécutif des pays signataires de la convention sur la Cour pénale internationale et la Cour pénale internationale elle-même.

Il y a donc une coopération entre les services de police et les services de l'exécutif de chaque pays membre qui ont accepté la compétence de la cour avec la cour pénale internationale.

L'idée, c'est que la Cour pénale internationale va émettre, une fois que les personnes sont condamnées, ce qu'on appelle un mandat d'arrêt international et chaque état qui a signé la convention sur ces pays va devoir, si les personnes condamnées se trouvent sur son territoire, les arrêter et les emprisonner.

Donc c'est là où se trouve la personne, qu'elle est arrêtée au nom de la coopération internationale et emprisonnée au nom de la coopération internationale.

Voilà comment ça fonctionne pour mettre en oeuvre les décisions et les condamnations de la cour pénale internationale.

Partie 3. Les acteurs de la justice

Parmi les acteurs de la justice, il en est une catégorie déjà étudiée et qui est évidemment une catégorie au cœur du système judiciaire : ce sont évidemment les magistrats.

Les magistrats, on en a parlé au moment où on a abordé l'indépendance de la justice. On a évoqué la différence entre les magistrats du siège et les magistrats du parquet, comment les magistrats étaient recrutés ainsi que l'organe de contrôle, le Conseil Supérieur de la Magistrature.

On va se concentrer sur ce qu'on appelle les auxiliaires de justice. Les auxiliaires de justice, l'expression désigne tout le personnel judiciaire ou parfois extrajudiciaire qui participe d'une façon ou d'une autre au procès.

Traditionnellement parmi les auxiliaires de justice, on distingue deux catégories. Les auxiliaires qui sont plutôt là pour venir appuyer le magistrat dans sa mission et on parle des auxiliaires du juge ou les auxiliaires qui viennent plutôt au secours des parties, qui sont là pour appuyer les parties dans leur action et on les appelle les auxiliaires des parties.

Titre I. Les auxiliaires du juge

Les auxiliaires du juge, comme le nom l'indique, sont tous les personnes qui vont aider le juge dans sa mission, aider le magistrat donc dans sa mission de rendre la justice.

Plusieurs personnes ou personnels peuvent être désignés comme tels : d'abord les greffiers, on pense aussi aux experts judiciaires, on pense aux mandataires judiciaires et évidemment pour tout ce qui est de l'assistance du juge en matière pénale, on pense au rôle de la police.

Titre I. Les auxiliaires du juge

Chapitre I. Les greffiers

Les greffiers des tribunaux relèvent de deux catégories différentes.

Juridiquement, certains greffiers sont des fonctionnaires et d'autres greffiers sont des officiers ministériels : il s'agit des greffiers des tribunaux de commerce.

Section 1. Les fonctions

Il y a eu plusieurs mouvements de grève des greffiers des tribunaux en raison de la situation qui leur est faite et de leurs conditions de travail qui sont difficiles face à l'encombrement des tribunaux. Et pour comprendre à quoi servent les greffiers, quelles sont leurs fonctions, il faut distinguer à la fois leurs fonctions judiciaires mais aussi leurs fonctions extra judiciaires.

Les attributions judiciaires

Le greffier est l'assistant principal du juge. Le greffier est celui qui assiste le magistrat à l'audience dans tous les cas qui sont prévus par la loi et les règlements.

Tout d'abord, le greffier est celui qui va donner l'authenticité aux actes du juge. Il va apposer le sceau et rendre authentique la décision et les autres actes du juge.

Le greffier est aussi lui qui va dresser les actes. Il tient le rôle, c'est-à-dire le répertoire général des affaires. Il va gérer le dossier de chaque affaire et il tient aussi ce qu'on appelle le plumitif, c'est le registre d'audience. En effet, le greffier assiste à l'audience et il va en retranscrire fidèlement le contenu.

Par ailleurs, le greffier reçoit aussi les archives et les minutes de la juridiction auxquelles il est rattaché. Il est le dépositaire de ces archives et de ces minutes et il peut délivrer des copies et des expéditions de ces actes. Il a la responsabilité des pièces qui sont déposées au greffe et il peut même effectuer un certain nombre de notifications de transmission d'actes notamment dans le cadre de la procédure prud'homale.

Le greffe selon la taille de la juridiction comporte plus ou moins de greffiers. En général, il y a toujours un directeur de greffe qu'on appelait auparavant chef de greffe. Et ce directeur de greffe est non seulement le directeur administratif du greffe de la juridiction mais il est aussi le gardien des scellés. Il est responsable des archives et compétent pour établir les certificats de nationalité.

Les attributions extrajudiciaires

Le greffier n'a pas qu'un rôle judiciaire dans ce sens qu'il n'a pas qu'un rôle d'assistance du magistrat. Il reçoit aussi un certain nombre de déclarations, des déclarations qui sont prévues devant être faites au greffe.

Par exemple, la renonciation à une succession qui est un acte grave doit être faite devant le greffe du tribunal judiciaire et donc c'est le greffier qui reçoit cette renonciation à la succession.

Par ailleurs, le greffier tient aussi un certain nombre de registres. Le premier c'est le répertoire civil qui est un espèce de copie, de double des registres d'état civil et le greffier du tribunal de commerce tient lui le registre du commerce et des sociétés.

Section 2. Le statut

Il faut distinguer en réalité deux types de greffiers. Les greffiers sont en principe fonctionnaires.

C'est valable pour les greffiers de toutes les juridictions sauf des tribunaux de commerce pour lesquels les greffiers sont non pas fonctionnaires mais officiers ministériels.

Lorsque les greffiers sont fonctionnaires, leur statut est régi par un décret; la version actuelle du décret date du 13 octobre 2015.

On compte actuellement à peu près un peu plus de 10 000 greffiers de services judiciaires et 2000 directeurs de greffe, donc les anciens chefs de greffe. Ces greffiers qui sont fonctionnaires sont formés à l'École Nationale des Greffes de Dijon. Ils sont recrutés par un concours, soit par un concours interne, soit par un concours externe.

Le concours externe est réservé aux titulaires d'une licence en droit ou aux diplômés d'un IEP, donc d'un institut d'études politiques. Ça c'est pour les greffiers des cours et des tribunaux ou les directeurs de greffe.

Pour le grade de greffier, il suffit d'être titulaire d'un diplôme de bac+2 de préférence en droit et le recrutement se fait aussi sur concours interne ou externe.

La chose est un petit peu différente pour les greffiers des tribunaux de commerce, qui ne sont pas devenus fonctionnaires, n'ont pas suivi le mouvement de fonctionnarisation et qui sont restés des officiers ministériels. Un greffier du tribunal de commerce achète sa charge, comme un notaire achète sa charge, ou comme un huissier, anciennement huissier et nouvellement commissaire de justice, achète sa charge.

La loi a décidé de conserver aux greffiers des tribunaux de commerce la qualité d'officier public et ministériel. Mais depuis 2010, il est possible d'être greffier salarié des tribunaux de commerce, c'est à dire que le greffier, le chef greffier est lui officier ministériel, mais il peut employer des salariés pour l'aider dans sa mission.

Pour les conditions d'accès aux greffes du tribunal de commerce, cela correspond bien sûr aux conditions d'accès de tous les officiers ministériels. Tout dépend du niveau d'étude de droit et surtout il faut ensuite avoir la possibilité d'acquérir la charge ministérielle : d'une part il faut qu'une charge soit libérée et d'autre part qu'on puisse avoir la capacité de l'acquérir.

Titre I. Les auxiliaires du juge

Chapitre II. Les experts judiciaires

Les experts judiciaires sont qualifiés par la Cour de cassation et par le Conseil d'État comme des collaborateurs occasionnels du juge, des collaborateurs occasionnels du service public de la justice.

Pour faire vite, l'expert judiciaire est un professionnel qui est reconnu dans une spécialité et à qui on va faire appel en raison de ses compétences particulières justement dans cette spécialité.

Section 1. Les fonctions

L'expert judiciaire a une fonction qui est technique. Le but de l'expert judiciaire est d'apporter son éclairage et ses connaissances sur un aspect technique du litige, sur lequel le magistrat n'a pas forcément la main, n'a pas forcément les connaissances nécessaires pour bien comprendre le litige dans son entier.

Un exemple : imaginons un accident de la circulation, imaginons qu'il n'y ait pas eu d'appareil de mesure de la vitesse du véhicule qui a causé l'accident mais il y a sur le sol des traces de freinage. Grâce à un expert qui va calculer la longueur des traces de freinage et grâce à des calculs, va pouvoir estimer la vitesse du véhicule, va pouvoir déterminer si le conducteur du véhicule était en excès de vitesse ou respectait les vitesses, et donc préciser ainsi les circonstances de fait de l'accident. C'est ça le rôle de l'expert judiciaire.

Le recours à l'expertise est possible dans tous les domaines techniques.

Il est très fréquent en matière immobilière, on peut imaginer le recours à un expert pour évaluer un bien, par exemple un bijou, on peut avoir besoin d'un expert comptable, financier pour examiner par exemple les comptes d'une société, on peut avoir un expert mécanique ou en matière artistique (par exemple, il faut évaluer une oeuvre d'art ou il faut apprécier l'authenticité d'une oeuvre d'art, on va demander à un expert judiciaire en matière artistique).

S'il y a par exemple des victimes de dommages corporels, on va faire appel à un expert médical mais on peut faire appel à un expert dans tous les domaines qui nécessitent une approche technique.

L'expertise est nécessaire à chaque fois que les constatations faites par les juges ou faites par les parties ne sont pas suffisantes pour éclairer le magistrat sur les faits de l'espèce et si le magistrat n'est pas suffisamment éclairé, il ne peut pas prendre sa décision en toute connaissance de cause. Donc l'expert est saisi et il va rendre un rapport.

Attention : ce rapport est nécessairement technique. L'expert se prononce uniquement sur les faits, jamais sur le droit et d'ailleurs le juge n'est pas lié par le rapport de l'expert, il n'est pas tenu de suivre l'avis de l'expert.

En termes de procédure, c'est le magistrat, donc le tribunal lui-même, qui va désigner un expert. Il va fixer la provision qui lui est due parce qu'il faut bien payer l'expert et il va lui donner un délai pour rendre son rapport. Et après, le rapport arrive devant le juge, il va en prendre connaissance et il va décider de le suivre ou pas.

Être expert judiciaire, cela emporte un certain nombre de conséquences en matière notamment de responsabilité parce que la responsabilité de l'expert peut être recherchée civilement s'il rend tardivement son rapport ou s'il y a des carences graves dans son rapport, c'est-à-dire qu'il a mal fait son rapport.

Mais la responsabilité de l'expert peut aussi être recherchée sur un plan pénal, par exemple s'il a violé le secret professionnel ou si l'expert a été corrompu, c'est-à-dire qu'on l'a acheté pour qu'il rende son rapport dans un certain sens. Et enfin évidemment, on peut envisager aussi une responsabilité disciplinaire contre l'expert qui aurait mal agi.

Section 2. Les conditions d’accès

Pour postuler à l'expertise judiciaire, il faut remplir un certain nombre de conditions.

D'abord, il faut déposer une demande auprès du procureur de la République. Cette demande doit comporter un dossier de présentation qui atteste des compétences techniques dans le domaine dans lequel l'expert entend devenir expert judiciaire et des références professionnelles. Bien sûr, pour attester de ces compétences, il faut que la personne qui tend à devenir expert judiciaire ait une activité professionnelle en rapport avec la demande formée.

Ainsi, si vous êtes expert comptable, vous pouvez envisager de devenir expert judiciaire dans le domaine de la comptabilité et de la finance. Évidemment, si vous êtes expert comptable, vous n'allez pas devenir expert judiciaire pour apprécier l'authenticité d'une œuvre d'art. Ça semble cohérent comme condition.

Autre condition, c'est une condition de bonne moralité. Il ne faut pas avoir été déjà condamné. L'expert judiciaire peut subir des tentations comme la corruption..., donc, il faut démontrer des qualités et de la bonne moralité.

Enfin, si ce dossier remplit toutes ces conditions, la personne va être inscrite sur une liste d'experts judiciaires.

L'expert peut être nommé soit sur une liste régionale, qui est tenue par la Cour d'appel, et donc il pourra intervenir dans des affaires qui sont du ressort de cette région. Soit il est inscrit sur une liste nationale, qui est tenue par la Cour de cassation, et à ce moment-là, il peut intervenir sur tout le territoire.

Une fois que l'expert est désigné sur une liste régionale ou nationale, dans ces cas-là, il va prêter serment d'accomplir sa mission de faire son rapport et de donner son avis en honneur et conscience. Ce sont les termes du serment qu'il prête.

Aujourd'hui, on compte à peu près 10 000 experts sur le territoire français, qui donc vont prêter leur concours éventuellement au juge qui en a besoin.

Titre I. Les auxiliaires du juge

Chapitre III. Les mandataires judiciaires

La catégorie des mandataires judiciaires est vaste et il y a deux principaux mandataires judiciaires.

D'abord ceux qui sont appelés à intervenir en cas de procédure collective, c'est à dire lorsque une société, une entreprise connaît des difficultés financières et on parle alors des administrateurs judiciaires et des mandataires liquidateurs.

Et puis d'autres mandataires judiciaires sont appelés à intervenir en cas de protection de certains majeurs qui, en raison, par exemple, d'une altération de leur faculté mentale, peuvent être soumis à certaines mesures de protection. En principe la personne qui s'occupe de cette protection est un membre de la famille, mais dans certaines circonstances, ce rôle de protection peut être confié à un tiers, un mandataire judiciaire à la protection des majeurs.

Section 1. Les administrateurs judiciaires et les mandataires liquidateurs

La loi du 25 janvier 1985 a scindé les deux fonctions. Auparavant, une même personne pouvait être à la fois administrateur judiciaire et mandataire liquidateur, ce qui a conduit à des pratiques et à des dérives, à des excès dans la profession et donc la loi de 1985 a fait le choix de scinder et de distinguer les deux professions : d'un côté les administrateurs judiciaires et de l'autre les mandataires liquidateurs.

Mais les deux sont des mandataires judiciaires, c'est-à-dire que les deux sont désignés par le juge en cas de procédures collectives. Même si la loi de 1985 a distingué les deux professions, leur organisation est très proche.

L’organisation des deux professions

Les mandataires judiciaires, qu'il s'agisse donc des administrateurs ou des mandataires liquidateurs, sont agréés par une commission nationale. Cette commission nationale s'appelle le conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires à la liquidation des entreprises.

Pour être mandataire judiciaire à la liquidation des entreprises, il faut être inscrit sur une liste nationale, un peu comme les experts judiciaires. Pour pouvoir être inscrit sur cette liste nationale, il faut répondre à un certain nombre de conditions.

Si jamais le mandataire judiciaire venait à prendre de mauvaises décisions ou venait à détourner des fonds de l'entreprise à difficulté, ce qui a été le cas et ce qui a provoqué de gros scandales justement qui ont mené à la loi de 1985, on a renforcé les garanties financières devant être exigées des mandataires judiciaires.

La particularité des mandataires judiciaires, c'est qu'ils ne sont pas des officiers ministériels mais pourtant ils exercent bien une fonction de service public, qui est assumée par une profession libérale, parce que les mandataires judiciaires sont considérés comme des professions libérales mais des professions libérales particulières étant donné que leur honoraire est fixé par l'État.

Donc c'est un statut un peu mixte, un petit peu particulier qu'a cette profession libérale des mandataires judiciaires à la liquidation des entreprises.

Les fonctions

Les administrateurs judiciaires

Les administrateurs judiciaires sont des personnes physiques ou morales qui sont chargés par décision de justice, c'est pour ça qu'on les appelle mandataires judiciaires, chargés par décision de justice d'administrer les biens d'autrui ou d'exercer les fonctions d'assistance ou de surveillance dans la gestion des biens.

Attention, ce ne sont pas les biens d'autrui de n'importe qui ou les biens de n'importe qui, ce sont les biens d'une entreprise en difficulté.

Ces règles se trouvent dans le Code de commerce, il s'agit de venir assister le chef d'entreprise ou le dirigeant de société dont l'entreprise ou la société connaît des difficultés financières.

C'est le plus souvent le tribunal de commerce qui va désigner l'administrateur judiciaire et l'idée c'est qu'on est dans une première phase de difficulté, c'est-à-dire dans la phase qu'on appelle en procédure collective la phase de redressement, et cette phase de redressement est caractérisée par l'idée qu'on peut encore sauver l'entreprise.

On fait alors appel à l'administrateur judiciaire, c'est lui qui va assister le dirigeant de société, le chef d'entreprise pour prendre les bonnes décisions et pour redresser l'entreprise pour qu'elle puisse continuer à exercer son activité.

Il va donc aider, surveiller, parfois représenter le chef d'entreprise, il va essayer d'établir un bilan économique et social de l'entreprise et il va proposer des solutions, des mesures pour apurer le passif de l'entreprise et pour proposer donc au tribunal qui va adopter le plan de redressement des mesures qui permettent de finalement sauver l'entreprise ou la société. L'administrateur judiciaire a donc toutes ses missions d'accompagnement pendant la phase de redressement.

On comptait en France en 2022 environ 162 administrateurs judiciaires.

Les mandataires liquidateurs

Les mandataires liquidateurs, encore une fois, sont désignés par le tribunal compétent, encore une fois le plus souvent par un tribunal de commerce, mais ces mandataires sont désignés pour agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers de l'entreprise en difficulté.

Là, la situation est tout à fait différente de l'administrateur judiciaire. L'administrateur judiciaire c'était la première phrase. On cherche à redresser l'entreprise et on aide le gérant à le faire.

Là on est déjà plus loin dans la procédure collective. On est dans ce qu'on appelle la phase de liquidation. L'entreprise, la société, ne parvient pas à se redresser. Il y a un échec des mesures du plan de redressement et il faut procéder à la liquidation de la société.

Mais cette étape de la liquidation est évidemment extrêmement dangereuse pour les créanciers de la société liquidée parce que dans quel ordre vont-ils être indemnisés ? Qui va représenter leur intérêt ? Est-ce que chaque créancier doit se battre pour être payé en premier ?

Non, les procédures collectives imposent qu'il va y avoir un représentant de tous les créanciers et ce représentant c'est le mandataire liquidateur.

Il va procéder en cours de la liquidation au licenciement des salariés; il va liquider les biens et les actifs de l'entreprise; il va répartir les fonds entre les différents créanciers selon leur rang de priorité.

C'est une fonction qui est quand même extrêmement différente de l'administrateur judiciaire. L'administrateur judiciaire est là pour sauver l'entreprise. Le mandataire liquidateur est là pour acter la mort de l'entreprise et en tirer toutes les conséquences en termes de liquidation.

Le nombre de mandataires liquidateurs est aussi assez peu nombreux mais un peu plus nombreux que les administrateurs judiciaires. On en comptait un petit peu moins de 300 en 2002.

Section 2. Les mandataires judiciaires à la protection des majeurs

Cette fonction de mandataire judiciaire à la protection des majeurs est une fonction relativement nouvelle qui a été créée par la loi de 2007, là encore à la suite de nombreux scandales.

Certains majeurs vont être soumis à des mesures de protection. Ils subissent une altération de leur faculté mentale, ils ne sont plus capables de prendre des décisions par eux-mêmes, alors selon leur état à un certain degré plus ou moins avancé, et on va prendre une mesure de protection.

Ces mesures de protection, les principales, sont la sauvegarde de justice, la curatelle, la tutelle et on parle aussi parfois d'habilitation familiale. Dans l'esprit de ces mesures, c'est que le majeur protégé va être soit assisté, soit représenté par un tiers.

Le curateur, le tuteur ou par exemple la personne habilitée. Très souvent dans ces mesures, c'est une personne de l'entourage familial qui est choisie comme tuteur, curateur ou personne habilitée. Mais il peut arriver que soit il n'y ait personne dans la famille, soit que personne dans la famille ne souhaite assumer cette fonction. Et alors il faut faire appel à un tiers.

Et c'est ce qui est fait depuis très longtemps, mais qui avait conduit à des dérives, parce que des personnes assez mal intentionnées prenaient les charges de tuteur, de curateur. Sauf qu'il est assez aisé de piocher dans les fonds de la personne qui est incapable, de la personne qui est protégée. Par hypothèse, elle a subi une altération de ses facultés mentales ou de ses facultés physiques et elle n'est plus à même de prendre des décisions. Donc elle sera souvent très peu à même de se rendre compte que celui qui est chargé de la protéger est en train de la ruiner, de vider les caisses, de vider les comptes.

Il y a eu plusieurs scandales parce que la profession n'était pas tellement à encadrer.

C'est pourquoi la loi de 2007 est intervenue pour créer cette profession et pour poser un certain nombre de conditions à l'exercice de cette profession pour assainir la profession et les personnes chargées de protéger les personnes frappées d'incapacité.

Les règles relatives aux mandataires judiciaires à la protection des majeurs figurent dans le Code de l'action sociale et des familles.

L’organisation de la profession

Il faut être inscrit sur une liste; la liste est ici départementale et elle est établie par le préfet après avis du Procureur de la république.

Il y a aussi une liste nationale mais des mandataires qui sont radiés, c'est-à-dire à qui on a interdit d'exercer la profession à cause d'un manquement, etc.

Et pour pouvoir être inscrit sur la liste départementale, il faut remplir un certain nombre de conditions, notamment des conditions de bonne moralité, des conditions de formation, donc il faut avoir passé un examen professionnel, et des conditions d'expérience professionnelle.

Les fonctions

Le mandataire à la protection des majeurs est le tiers qui est chargé soit d'assister, soit de représenter le majeur protégé selon la gravité de la mesure qui frappe le majeur protégé. Donc c'est lui qui va prendre toutes les mesures de protection et qui va soit assister le majeur protégé dans la réalisation des actes de la vie quotidienne, soit carrément le représenter, par exemple il peut représenter le majeur protégé pour la réalisation d'une vente immobilière.

Évidemment, le mandataire judiciaire à la protection des majeurs dans sa mission a une obligation de tenir des comptes, donc il doit rendre des comptes de la façon dont il a géré les biens, le patrimoine de la personne qu'il a à sa charge.

Titre I. Les auxiliaires du juge

Chapitre IV. La police judiciaire

La police judiciaire est bien un auxiliaire du juge mais plus précisément un auxiliaire de la justice pénale.

La mission de la police judiciaire c'est la recherche et la constatation des infractions, le rassemblement des preuves, l'identification des auteurs des infractions en vue de leur présentation aux ministères publics et des éventuelles poursuites qu'on pourrait faire contre eux.

Et cette mission de la police judiciaire diffère beaucoup de la mission de la police administrative. La police administrative est seulement chargée d'assurer le maintien de la tranquillité, de la sécurité et de la salubrité publique.

Section 1. L’organisation

La police judiciaire en réalité comprend du personnel qui peut dépendre de différents ministères.

D'abord, la mission de police judiciaire peut être assumée à la fois par la police nationale, et qui dépend alors du ministre de l'intérieur mais aussi par la gendarmerie, qui dépend alors du ministère des armées.

Mais d'autres personnels peuvent être chargés d'une mission de police judiciaire : certains agents des douanes, certains agents des chemins de fer, des eaux et forêts ou encore de l'office de la chasse qui répondent chacun de ministères différents mais qui peuvent assumer cette même fonction de police judiciaire.

La police judiciaire par ailleurs est hiérarchisée. Le personnel qui fait partie de la police judiciaire n'a pas le même rang.

Les officiers de police judiciaire

Les officiers de police judiciaire (OPJ) sont en réalité les plus gradés au sein de la police judiciaire.

Détiennent cette qualité d'officier de la police judiciaire, d'OPJ, les maires et leurs adjoints, les officiers et les gradés de la gendarmerie, le directeur et sous-directeur de la police nationale, les inspecteurs généraux, les commissaires de police, les officiers de police.

Les OPJ sont ceux qui peuvent faire le plus d'actes et notamment un acte grave, celui de placer une personne en garde à vue. Mais plus généralement, les OPJ sont chargés donc de constater les infractions, de rassembler les preuves des infractions constatées, de rechercher les auteurs, de recevoir les plaintes et de procéder aux enquêtes préliminaires ou aux enquêtes de flagrance.

Les agents de police judiciaire

Sont agents de police judiciaire les élèves gendarmes ou les gendarmes qui n'ont pas la qualité d'OPJ, et les policiers stagiaires ou policiers titulaires qui n'ont pas la qualité d'OPJ.

Et les APJ, donc les agents de police judiciaire, ont pour mission principale de seconder les officiers de police judiciaire. Ils peuvent néanmoins constater des crimes, des délits et des contraventions et en dresser le procès verbal. Ils peuvent aussi recevoir des déclarations des personnes qui sont susceptibles de leur fournir des éléments, des indices, des preuves, des renseignements dans le cadre d'une enquête.

En revanche, les agents de police judiciaire ne peuvent pas placer une personne en garde à vue. Seuls les officiers de police judiciaire peuvent le faire.

Les agents de police judiciaire adjoints

Sont agents de police judiciaire adjoints tous les agents qui n'appartiennent ni à la catégorie des OPJ, ni à la catégorie des APJ.

Et s'y ajoutent aussi certains volontaires qui servent par exemple dans la gendarmerie au titre de la réserve opérationnelle, certains adjoints de sécurité, certains agents de surveillance de la ville de Paris, certains agents des polices municipales et par exemple aussi les gardes champêtres pour certains d'entre eux et pour certaines de leurs attributions.

Les APJ adjoints, eux, ont une mission, là encore, d'assistance. Ils sont là pour seconder à la fois les APJ et les OPJ. Donc les agents de police judiciaire adjoints viennent au secours et portent main forte aux agents de police judiciaire et aux officiers de police judiciaire.

Si jamais ils ont connaissance d'infractions, ils ne peuvent pas les constater contrairement aux OPJ et aux APJ, mais ils doivent en rapporter la connaissance à leur supérieur hiérarchique, donc APJ ou OPJ. Les seules infractions qu'ils ont le droit de constater, ce sont les contraventions au code de la route.

Section 2. Les fonctions

La fonction de la police judiciaire de manière générale, c'est la constatation des infractions, la recherche des auteurs, rassembler les preuves, mais ces missions peuvent s'exercer dans deux cadres.

D'abord les missions de police judiciaire peuvent s'exercer en dehors de toute instruction, ce sont alors des missions qui sont dites d'initiative, sous la direction du procureur de la République. Et c'est le cas lorsqu'il y a des enquêtes préliminaires ou des enquêtes de flagrance, par exemple un policier en service constate un vol à l'arraché dans le métro, il va pouvoir commencer à faire un certain nombre d'actes, parce que c'est un flagrant délit et donc il peut prendre un certain nombre d'actes et d'enquêtes dans le cadre de cette flagrance.

Mais la police judiciaire peut aussi exercer ses missions dans un second cadre, c'est dans le cadre de l'instruction. Lorsque un juge d'instruction est désigné, celui-ci va être amené à rassembler les preuves, à la fois à charge et à décharge, contre celui qu'on présume être peut-être l'auteur de l'infraction.

Dans ces cas là, le juge, le juge d'instruction va pouvoir demander à la police judiciaire un certain nombre d'actes, va demander à la police judiciaire de procéder à un certain nombre d'actes qui vont venir l'aider : la police peut faire des constatations, des saisies, par exemple s'il y a une voiture qui a été volée, on peut saisir la voiture. La police judiciaire peut faire des perquisitions ou encore peut auditionner des témoins.

Toujours les mêmes missions d'enquête, de recherche d'auteur des infractions, de recherche d'épreuves, mais elle se fait dans deux cadres différents, soit des missions d'initiatives, soit des missions qui sont confiées dans le cadre de l'instruction.

Section 3. Les responsabilités

Les affaires concernant la responsabilité de la police judiciaire défrayent la chronique médiatique.

Lors d'un acte accompli dans le cadre de ses fonctions, trois sanctions sont possibles contre un acte d'un policier de la police judiciaire ou contre un gendarme, et ces trois responsabilités sont d'ordre soit civil, soit pénal, soit disciplinaire.

Parfois, les sanctions disciplinaires sortent du cadre purement hiérarchique pour être prononcées soit par le Procureur général, soit par la Chambre de l'instruction, et là encore, la mesure est variable, elle peut aller de la suspension jusqu'à l'interdiction d'exercer.

Titre II. Les auxiliaires des parties

Les auxiliaires des parties sont les personnes qui prêtent main-forte plutôt aux parties qu'aux juges au cours du procès.

Les premières personnes auxquelles on pense sont les avocats. Mais en réalité, au cours du procès, les parties peuvent avoir besoin d'autres personnes, on pense notamment aux notaires ou à ce qu'on appelle aujourd'hui les commissaires de justice, et qui regroupent deux professions qui existaient auparavant, celles de commissaire-priseur et celles d'huissier de justice.

Titre II. Les auxiliaires des parties

Chapitre I. Les avocats

La profession d'avocat est une profession qui est plébiscitée par les étudiants en droit, et c'est la profession juridique sans doute où il y a le plus de monde. On comptait en 2022 plus de 71 000 avocats sur le territoire français.

Section 1. L’organisation de la profession

Pour accéder à la profession d'avocat, il faut respecter un certain nombre de conditions, et une fois qu'on est avocat, il faut intégrer ce qu'on appelle le barreau.

L’accès aux fonctions

Pour être avocat, comme pour toute profession juridique, il faut présenter un certain nombre de conditions de qualité.

D'abord, il faut être français ou ressortissant d'un état membre de l'Union européenne ou d'un pays qui accorde la réciprocité, c'est-à-dire qui reconnaît le titre d'avocat français pour pouvoir travailler comme avocat dans ce pays.

Il faut être titulaire d'un certain degré de diplôme, à savoir une première année d'un master de droit ou d'un diplôme reconnu équivalent.

Il faut être titulaire du CAPA, c'est-à-dire du certificat d'aptitude à la profession d'avocat, qui est obtenu à la suite d'une formation initiale de 18 mois dans un centre de formation régionale à la profession d'avocat, ce qu'on appelle un CRFPA.

Pour intégrer ce CRFPA, il faut passer un examen, un examen d'entrée au CRFPA qui comporte un certain nombre d'épreuves, de troncs communs et de spécialités, qui décide si le candidat est admissible ou pas. Ensuite, un certain nombre d'épreuves orales, dont un grand oral, à la suite desquelles, on décide si le candidat est admis ou pas et s'il rentre ou pas dans un centre régional de formation à la profession d'avocat.

Encore une fois, il y a des conditions qui tiennent à la bonne moralité de la personne qui veut devenir avocate. Et donc, elle ne doit pas avoir commis d'infraction ou avoir été condamnée de manière pénale pour des agissements qui seraient contraires à l'honneur, à la probité ou aux bonnes mœurs.

Il ne faut pas non plus être en faillite personnelle ou avoir été frappé d'incapacité, c'est-à-dire d'être sous une mesure de protection des majeurs.

Il ne faut pas être en situation d'incompatibilité : la profession d'avocat s'exerce sous profession libérale, en principe, et elle est incompatible avec un grand nombre de fonctions. Notamment, on ne peut pas exercer par ailleurs une activité commerciale ni une activité de fonctionnaire, à moins que ce soit une activité d'enseignant, de collaborateur, de député ou d'assistant de sénateur, ni un travail salarié, dans cette seule limite qu'il peut y avoir des avocats salariés, mais on ne peut pas être avocat et salarié dans un autre domaine qu'un cabinet d'avocats.

Évidemment, il faut être de bonne moralité. Une fois qu'on a fait tout ça, on va prêter serment, ce qui engendre un certain nombre d'obligations, et il faut s'inscrire auprès d'un barreau.

Alors, ces règles sont valables pour tous les candidats. Il existe cependant un certain nombre de dispenses, des personnes qui, en raison de leur activité professionnelle, donc soit du degré de leur activité professionnelle et de la durée de cette activité professionnelle, peuvent obtenir des dispenses.

Toujours s'agissant des conditions d'accès à la profession, une précision sur l'exercice de la profession. L'avocat est en principe une profession libérale. C'est une profession qui s'exerce à titre individuel, soit comme collaborateur, soit comme salarié.

On peut aussi exercer la profession d'avocat, non pas à titre individuel, mais en association ou en société, mais dans le cadre d'une société civile, professionnelle ou d'une société d'exercice libéral ou éventuellement d'une société en participation, mais c'est plus rare.

Le barreau

L'avocat exerce une profession qui est indépendante et cette profession est organisée en barreaux. Il existe un barreau par tribunal judiciaire, donc 164 tribunaux judiciaires, 164 barreaux sur le territoire français.

Chaque barreau forme un ordre professionnel autonome et non hiérarchisé, c'est-à-dire que le barreau de Paris n'est pas plus important que le barreau de Nice, sur un plan hiérarchique. Peu importe le nombre de personnes aussi dans le barreau, il y a plus d'avocats à Paris qu'à Nice, il n'y a pas de rapport hiérarchique.

Chaque barreau est une entité indépendante qui a son propre fonctionnement et son propre ordre et son propre conseil de l'ordre.

Ce barreau, il est dirigé par un bâtonnier. Le bâtonnier, c'est le chef du barreau. Il a notamment certaines fonctions disciplinaires parce que c'est lui qui préside le Conseil de l'ordre.

L'inscription de l'avocat au barreau est obligatoire. Pour pouvoir exercer en tant qu'avocat, il faut s'inscrire au barreau, sinon on n'a pas le droit d'exercer sa profession.

Pour organiser et centraliser certaines questions, il a été créé en 1990 le Conseil national des barreaux, qui est un établissement d'utilité publique qui est doté de la personnalité morale et qui est composé de 80 membres.

Ce Conseil national des barreaux est censé représenter la profession auprès des pouvoirs publics, notamment auprès du ministre de la Justice. Et il a pour fonction d'unifier et de vérifier les usages de la profession dans les différents barreaux. Parce que, avoir 164 barreaux qui sont autonomes et indépendants, fait qu'au sein de chaque barreau, il peut y avoir des pratiques qui sont parfois assez différentes, et il n'est pas toujours bon, sur le plan de la justice et de l'égalité de tous devant la justice, d'être traité différemment en tant que client, par exemple par un avocat à Nice ou à Paris.

Et donc le CNB, le Conseil national des barreaux, a pour vocation d'unifier certaines pratiques.

Section 2. Les fonctions

Les fonctions de l'avocat sont au nombre de trois. Il peut simplement conseiller, il peut assister son client ou il peut le représenter.

Évidemment, dans l'exercice de ces missions, l'avocat va recevoir une rémunération et cette rémunération s'appelle les honoraires d'avocat.

Depuis 2015, pour clarifier les pratiques, on a imposé que l'avocat fasse signer, avant de commencer son travail, ce qu'on appelle une convention d'honoraires qui fixe le montant des honoraires.

Soit ça fixe le montant, donc on dit c'est 2000 euros, 3000 euros, 5000 euros, c'est un forfait ou c'est tant de l'heure, etc. Soit on va fixer la manière de déterminer le montant des honoraires parce qu'au moment de la signature, on ne sait pas encore exactement combien de temps l'affaire va nécessiter, en revanche, il y a un mode de calcul des honoraires qui permet d'ôter le doute sur la détermination finale des honoraires.

Néanmoins, il peut arriver qu'il y ait un désaccord entre le client et son avocat au moment de régler la facture d'honoraires. Et dans ces cas-là, il y a une procédure qui se tient devant le bâtonnier, le chef du barreau, qui va rendre une ordonnance sur les honoraires que doit le client à son avocat.

Section 3. Obligations et prérogatives

L'avocat est soumis à un certain nombre d'obligations. D'abord, il doit prêter serment : l'avocat jure d'exercer la défense et le conseil avec dignité, conscience, indépendance et humanité.

L'éthique de la profession veut que l'avocat agisse avec loyauté, confraternité et délicatesse.

Par ailleurs, pèse sur l'avocat le devoir de respecter le secret professionnel. C'est un devoir très important qui est susceptible de sanctions à la fois civiles et pénales, si jamais l'avocat venait à violer le secret professionnel.

Mais en contrepartie, l'avocat bénéficie d'une inviolabilité de la correspondance avec ses clients et aussi l'avocat bénéficie d'une immunité de parole lors des plaidoiries, c'est-à-dire qu'un avocat ne peut jamais être recherché pour ce qu'il a dit, on ne peut jamais engager sa responsabilité pour ce qu'il a dit lors d'une plaidoirie.

Néanmoins, l'avocat est soumis à un certain nombre d'autres obligations, il doit notamment déférence aux magistrats, c'est-à-dire qu'il doit respecter les magistrats du tribunal ou de la Cour devant laquelle il assiste ou il représente son client, il doit une certaine modération face à son adversaire, il a aussi une obligation de formation continue, c'est-à-dire qu'une fois qu'il est avocat, il doit continuer de se former pour rester compétent.

Et enfin, l'avocat est lié à son client par un mandat, évidemment le client lui donne un mandat de le représenter, mais le plus souvent, l'avocat est dispensé d'en justifier selon le code de procédure civile.

Section 4. Les avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation

Il y a catégorie particulière d'avocats qui sont les avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation.

Pendant longtemps, les avocats n'étaient amenés à assister leur client ou à les représenter que devant les juridictions du premier degré. Devant les juridictions du second degré, donc devant la cour d'appel, l'avocat devait faire appel à ce qu'on appelle un avoué, qui était un avocat, mais qui faisait les actes devant la cour d'appel.

La catégorie des avoués a été supprimée en 2011 pour une simplification de la profession et de la procédure, mais en revanche existent toujours les avocats à la Cour de cassation ou au Conseil d'état.

La particularité de ces avocats, c'est que ce ne sont pas des professions libérales, mais ce sont des officiers ministériels. En d'autres termes, ils acquièrent une charge, par exemple, comme les notaires ou les greffiers des tribunaux de commerce. Pour accéder à cette profession, il faut en réalité être déjà avocat et en plus des conditions pour être avocat, trois conditions se rajoutent.

Aujourd'hui, il existe environ 60 charges d'avocat au conseil que se partagent une centaine de praticiens, mais il y a actuellement un mouvement d'augmentation du nombre de charges d'avocat au conseil.

Leur rôle, c'est d'assister et de représenter les partis, les plaideurs, mais devant deux juridictions particulières, les plus hautes juridictions, à savoir devant le Conseil d'État et devant la Cour de cassation.

Alors pourquoi des avocats spéciaux pour les deux juridictions à la tête des deux ordres judiciaires ou administratifs français ? Tout simplement parce que les règles de procédure et les règles de plaidoirie devant la Cour de cassation ou le Conseil d'État sont assez dérogatoires aux règles de procédure civile traditionnelle qui s'appliquent devant les juridictions du premier et du second degré.

Un avocat qui a l'habitude de faire du contentieux devant le tribunal judiciaire ou la Cour d'appel n'est pas forcément en mesure de maîtriser la procédure spéciale qui existe devant la Cour de cassation ou le Conseil d'État. Raison pour laquelle la loi a préféré créer un monopole et qu'elle a confié cette charge d'assistance et de représentation devant la Cour de cassation ou le Conseil d'État à des professionnels aguerris de cette procédure.

En principe, les avocats au Conseil et à la Cour de cassation ont la possibilité de plaider, d'assister ou de représenter devant les juridictions du fond, mais ils ne le font quasiment jamais et se contentent du contentieux de cassation devant la Cour de cassation ou devant le Conseil d'État.

Titre II. Les auxiliaires des parties

Chapitre II. Les autres auxiliaires des parties

Section 1. Les commissaires de justice

C'est depuis une ordonnance du 2 juin 2016 que cette profession des commissaires de justice a été créée en rejoignant les anciennes professions d'huissier de justice et de commissaire-priseur judiciaire. Cette fusion des deux anciennes professions, d'huissier de justice et de commissaire-priseur judiciaire, est effective depuis le 1er juillet 2022.

Cette ordonnance crée cette nouvelle profession et fixe les modalités d'accès, les conditions d'exercice, l'organisation de la profession.

Les fonctions

Le commissaire de justice est un officier public et ministériel. Donc, là encore, c'est une charge qui s'acquiert comme la charge de notaire, comme la charge de greffier, de tribunal, de commerce.

Et cet officier public et ministériel remplit une fonction de service public, comme tous les officiers ministériels, et il est chargé d'un certain nombre de missions.

D'abord, il est chargé de la signification des actes judiciaires et extrajudiciaires. Il est chargé de l'exécution des décisions de justice.

Il est chargé d'un certain nombre de constats, par exemple le constat de malfaçon, des constats avant des travaux, des constats d'adultère, des constats de plagiat, de contrefaçon. Bref, des constats dans de très nombreuses matières dans lesquels on veut fixer l'état de fait à un moment donné et avoir la preuve que l'état de fait était tel quel. Et pour avoir cette preuve, il faut un constat de commissaire de justice.

Le commissaire de justice est aussi en charge du recouvrement amiable et judiciaire.

Il est aussi chargé des ventes aux enchères et des prisées judiciaires, donc lorsqu'un bien est vendu dans le cadre d'une procédure judiciaire aux enchères, c'est le commissaire de justice qui s'en occupe.

L’accès à la profession

Pour être commissaire de justice, il faut être français, de bonne moralité, avoir un diplôme de droit niveau master 2 ou équivalent.

Il ne faut pas avoir été frappé de faillite personnelle ou d'incapacité ou d'interdiction d'exercer.

Il faut avoir réussi un examen d'accès à la profession de commissaire de justice et avoir suivi une formation professionnelle de 2 ans, puis enfin réussir l'examen d'aptitude à la profession de commissaire de justice.

Section 2. Les notaires

La fonction de notaire n'existe pas dans tous les pays du monde, loin de là, et dans de nombreux pays, la fonction de notaire est en réalité assumée tout simplement par des avocats.

En France, les notaires ont un rôle très particulier, ce sont des officiers publics et ministériels, comme les commissaires de justice qui sont très importants.

Les fonctions

Le notaire a deux fonctions principales.

Un client va voir un notaire pour les questions qui relèvent du droit de la famille, du droit des successions, des affaires en matière immobilière, mais depuis quelques années, les notaires développent aussi leur conseil en matière de droit des affaires, que ce soit auprès de particuliers ou auprès d'entreprises.

On parle des actes authentiques, donc les actes signés par un notaire sont des actes qui sont authentiques et qui, ainsi, ont une force probante très importante, c'est-à-dire que leur contenu ne peut pas être remis en cause comme n'importe quel contrat, parce que l'acte a été passé devant notaire.

La contestation du contenu d'un acte authentique est très difficile et, évidemment, ça en fait un acte précieux, car quasiment inattaquable.

Au-delà de ces deux missions, les notaires bénéficient aussi d'un monopole concernant trois points.

L’organisation à la profession

La profession des notaires est cadrée d'abord par une chambre départementale, puis un conseil régional et enfin un Conseil supérieur du notariat qui a une envergure nationale.

Pour exercer la profession de notaire, on peut l'exercer à titre individuel, donc seul dans une étude ou à titre d'associé, c'est-à-dire être associé à une étude où il y a plusieurs notaires qui se partagent la charge, la mission de notaire peut aussi être exercée en tant que salarié pour le compte soit d'une personne physique, soit d'une personne morale qui est titulaire d'un office.

La profession de notaire est, avec celle d'avocat, une des professions juridiques les plus importantes du paysage juridique français. On dénombrait en France en 2022 quasiment même 17 000 notaires sur le territoire français.

INSTITUTIONS ADMINISTRATIVES

INSTITUTIONS ADMINISTRATIVES

Chapitre Introductif. Le Cadre général

Il semble qu'il est nécessaire, avant de détailler le rôle, les missions, la nature et la composition des institutions administratives, de présenter une vue d'ensemble de celle-ci.

Les notions d'administration et d'institutions administratives doivent ainsi être définies en premier lieu, ce qui permettra d'apprécier finalement une forme de panorama, d'examiner un peu un panorama général des institutions administratives françaises, avant d'étudier les principes généraux de l'organisation administrative.

Section 1 – Les notions d’administrations et d’institutions administratives

En première approche, une institution désigne les éléments qui constituent la structure juridique d'une réalité sociale. Et cette réalité sociale est appréhendée sous le prisme du droit à travers différentes catégories et règles.

Une institution correspond à un ensemble homogène de principes et de règles qui viennent structurer tel aspect de la réalité sociale. Il existe deux grandes catégories d'institutions.

Ce cours d'institutions administratives va porter, pour l'essentiel, sur les structures juridiques qui permettent à la fois d'exercer et encadrent l'activité administrative. Il convient donc de définir cette dernière, de définir l'activité administrative et d'indiquer quelles sont ses missions.

Caractérisation de l'administration

Absence de définition juridique

Aussi étonnant que cela puisse paraître de prime abord, il n'existe pas de définition véritablement juridique de l'administration, mais une multitude de manières d'appréhender cette dernière.

Le mot « administration » est pourtant employé à six reprises par la Constitution, sans qu'elle n'en donne de définition. En l'occurrence, la plus importante de ce terme figure à son article 20, dont l'alinéa 2 prévoit que le gouvernement "dispose de l'administration et de la force armée".

Il est également indiqué à l'article 13 de la Constitution que le président de la République "nomme les directeurs d'administration centrale en conseil des ministres".

L'article 34 de la Constitution, sur le domaine de la loi, assigne quant à lui au législateur la mise en œuvre d'un important principe, celui de "libre administration des collectivités territoriales". De même, toujours selon cet article 34 et 47.2, les comptes des administrations publiques sont évoqués directement par la Constitution.

Malgré cette absence de définition textuelle, la notion d'administration n'a cessé d'évoluer et de croître depuis le XIXe siècle. Celle-ci est liée à la conception de l'État. La diversification des activités de la puissance publique conduit à une association étroite du secteur privé dans l'accomplissement de ses missions.

Et l'administration n'est ainsi pas synonyme de personnes publiques. Les personnes morales de droit privé peuvent ainsi exercer des missions de nature statutaire.

La notion de personnalité est extrêmement importante. La personnalité est une fiction juridique pour traduire en droit certaines réalités sociales. Notre système juridique repose sur la notion de personnes à qui l'on impute des droits et des devoirs.

On fait une distinction habituelle entre les personnes physiques et les personnes morales. La personnalité morale donne une consistance juridique à une institution sociale organique, c'est-à-dire à une collectivité rassemblée pour exercer des missions données. Aussi, une personne morale est une collectivité disposant de la personnalité juridique et a ce titre titulaire de droit et d'obligation. Ces droits et obligations engagent la responsabilité de la personne morale en question.

L'intérêt de la personnalité morale pour une institution administrative est de disposer d'une autonomie de gestion, d'organisation, et de son propre budget. C'est un concept vraiment important, le concept de personne morale.

Le concept de personne morale de droit public dispose de caractéristiques qui diversent de la personnalité morale de droit privé. En cela, elle est soumise à un régime de droit public sur lequel il n'y a pas lieu de revenir, mais qui comporte des différences substantielles par rapport à la personnalité de droit public.

Pour simplifier, le régime des biens, le régime des agents, le régime des missions exercées par ces personnes morales de droit public va être soumis au droit public, et notamment au droit administratif, c'est-à-dire à un corps de règles et à un ensemble de juges différents de ceux qui existent en droit public.

A noter que le terme de personne privée est relativement indéterminé, dans la mesure où, selon l'usage, on désigne aussi bien des personnes physiques que morales. À l'inverse, le terme personne publique désigne toujours une personne morale de droit public.

Les personnes publiques sont toutes des personnes morales. En droit, il n'existe pas de personnalité physique publique. Des personnes comme le président de la république, le premier ministre, le maire, etc. ne sont pas des personnes publiques, mais ce sont des agents ou des représentants d'autres personnes de droit public, comme l'état ou la commune.

Tout cela pour insister sur le fait que personnes publiques et administrations ne sont pas synonymes, et il faut aller plus loin en conjuguant les approches organiques et fonctionnelles.

Approche organique

Le point de vue organique est, comme son nom l'indique, celui qui fait référence aux organes, c'est-à-dire aux auteurs d'une action, à la structure de l'institution qui lui permettent d'assurer son fonctionnement.

L'approche organique de l'administration consiste en quelque sorte à définir celle-ci par rapport aux organes publics. L'administration se présente comme un ensemble d'institutions, aux statuts ou règles de fonctionnement très variés.

Au premier rang de cet édifice administratif, on trouve l'État, accompagné de ses administrations centrales et déconcentrées. Ce sont ensuite les collectivités territoriales et leurs établissements publics.

Les collectivités territoriales comprennent elles-mêmes plusieurs catégories comme les communes, les départements, les régions, les collectivités à statut particulier et les collectivités d'outre-mer, sous cela en vertu de l'article 72 de la Constitution. Ces collectivités ont elles-mêmes donné naissance à des structures complémentaires pour exercer toutes leurs missions.

A cet ensemble s'ajoute l'ensemble des établissements publics créés par ces diverses institutions pour exercer, sous leur contrôle, des missions spécialisées. Pour autant que valent ces chiffres et pour donner une idée, en 2022, la France compte 5,6 millions d'agents publics, soit près d'un emploi sur cinq. Donc l'administration, a minima, c'est cette masse conséquence de femmes et d'hommes qui oeuvrent pour des missions assignées aux différentes collectivités publiques.

D'un point de vue institutionnel, l'état est composé de multiples structures. Soit des administrations centrales, on a plus de 450 sous-directions, plus de 2 000 bureaux, soit des administrations déconcentrées. On a 101 préfectures, dont 96 se situent en métropole, et 232 sous-préfectures d'arrondissement.

Les collectivités territoriales sont très nombreuses, on en compte autour de 35 000. 101 départements, 18 régions, dont certaines se situent en outre-mer. Les collectivités à statut particulier et les collectivités d'outre-mer. Il faut aussi citer un très grand nombre d'établissements publics nationaux ou locaux. Ces administrations, au sens organique, peuvent être évaluées budgétairement. Concernant l'état, elle représente pour 2023 un budget de plus de 577 milliards d'euros.

L'approche fonctionnelle

L'approche fonctionnelle renvoie aux finalités de l'action administrative. Pour en dire un mot, l'administration se définit ici non pas par référence à un organe, mais par rapport à une activité. L'activité administrative est celle qui se rapporte à l'intérêt général.

Mais attention, toute activité d'intérêt général n'est pas nécessairement une activité administrative. Sont seulement administratives les activités d'intérêt général assurées sous le contrôle plus ou moins direct d'une personne publique.

Cette vision fonctionnelle de l'activité administrative laisse ainsi une importante place aux personnes privées qui peuvent se voir associées à des missions de services publics dès lors que celles-ci sont réalisées sous le contrôle d'une personne publique. Dès lors, le champ de l'administration varie selon l'approche restrictive ou extensive de l'intérêt général.

L'approche idéologique

L'approche idéologique valorise la question de la légitimité de l'action publique. Il s'agit de s'interroger sur la place de l'espace public par rapport à la société civile ou sur les limites et la nature de l'intervention publique.

De nombreux qualificatifs de l'État sont mis en avant pour décrire cette intervention et celle de son administration.

Historiquement, un premier clivage a opposé les tenants de l'État-gendarme à ceux de l'État-providence. Dans la première expression, l'État-gendarme, à la fin du XIXe siècle, l'État ne doit avoir pour fonction que d'assumer des tâches essentiellement régaliennes. Les doctrines de l'État-providence étendent le champ de l'activité de l'État aux activités de production, ce dernier s'aventurant notamment dans le champ de l'activité des entreprises pour fournir directement des prestations qui lui apparaissent d'intérêt général.

Autre notion développée aujourd'hui, celle de l'État-régulateur qui aurait pour fonction de favoriser la concurrence afin d'organiser le marché, pour permettre l'exercice d'une concurrence saine et profitable à tous.

L'État-stratège est une conception plus récente et un peu fourre-tout du rôle de l'État et qui fait la synthèse de l'État-gendarme et de l'État-providence, en conservant les aspects régaliens de la mission de l'État, mais en concevant son action plus largement pour l'autoriser à intervenir dans des secteurs stratégiques de la vie économique.

Ces approches idéologiques sont importantes car elles drainent les politiques publiques et façonnent à plus ou moins long terme la structure de l'administration.

Les missions de l'administration

On définit les missions de l'administration, c'est-à-dire celle de l'État et de ses composantes, en s'intéressant aux finalités de l'action administrative et à ses moyens.

La finalité de l'action administrative

En réalité, trois grandes fonctions principales sont assurées par l'administration.

Il s'agit des activités d'intérêt général qu'une collectivité publique décide d'assurer soit en la prenant directement à sa charge, soit en la confiant à un tiers qui peut être une personne privée. Et dans ces cas-là, le tiers à qui est confiée la mission, voit son activité contrôlée par la personne publique principale.

La nature du service public est très variable et les buts qu'il remplit diffèrent selon qu'il s'agit de missions à caractère économique, éducatif, social et culturel, avec des régimes juridiques différents.

L'administration assure la police, c'est-à-dire le maintien de l'ordre public. À cet égard, on distingue la police judiciaire qui relève du droit de la procédure pénale et qui consiste à poursuivre les auteurs d'infractions.

Mais l'activité qui consiste à maintenir l'ordre en prévenant toute atteinte à celui-ci, c'est la police administrative. En matière de police, tout est question de périmètre et de proportionnalité.

Que recouvre exactement la notion d'ordre public ? Et dans quelle mesure l'action de l'administration est-elle proportionnée au risque d'atteinte à ce dernier ?

C'est le contrôle de la mise en balance de la police.

La régulation est l'activité de l'administration menée dans l'économie pour créer des conditions d'une saine concurrence. L'activité de la régulation, c'est celle qui a pour objet la concurrence.

Bilan : L'administration gère tout ce qui est service public. Service public est une notion variable et maléable qui connaît différentes exceptions juridiques et d'ailleurs différentes catégories avec différentes règles applicables.

Pour simplifier, quand on a du service public, on a une part minimale de droit administratif qui va s'appliquer, mais cette part de droit administratif n'est pas exclusive. Le droit privé peut également avoir vocation à s'appliquer pour certains services publics. Plus on va vers des activités régaliennes, plus on va avoir une part de droit administratif importante.

À côté du service public, on a la police. La police est fondée sur la notion d'ordre public puisqu'elle a pour objet de le protéger, donc tout l'enjeu est de savoir comment on conçoit cet ordre public de façon plus ou moins stricte ou plus ou moins large. En fonction de la façon dont on conçoit l'ordre public, les missions de l'administration seront plus ou moins étendues.

Puis on a la régulation beaucoup plus moderne qui consiste à réguler l'activité économique en matière de concurrence.

Les moyens de l'administration

Ce qui nous intéresse ici ce sont les moyens juridiques. On a déjà évoqué certains moyens matériels en mentionnant à grands traits les chiffres de l'emploi public et du budget.

Du point de vue juridique, l'administration met en œuvre ses missions par un ensemble de décisions qui s'imposent directement. C'est ce qu'on appelle l'exercice de prérogative de puissance publique.

L'administration dispose de la compétence pour prendre des décisions qui vont s'imposer au tiers sans avoir à recourir à leur consentement, ce qu'on appelle le caractère exécutoire des décisions administratives et qui les distingue des décisions privées.

L'administration dispose ainsi d'un pouvoir normatif très important, pouvoir normatif qui lui permet notamment d'édicter des actes réglementaires.

Les actes réglementaires, à ne pas confondre avec les actes individuels, ont une nature générale et impersonnelle. Ce sont des sortes de lois administratives. Matériellement, presque rien ne distingue la loi du règlement. Mais la distinction principale est organique, c'est-à-dire qu'elle est d'auteur.

A l'échelle nationale, le Premier ministre est compétent par décret pour prendre des règlements valables sur l'ensemble du territoire. Il se réserve des compétences exercées par le Président de la République.

Par exemple, le code de la route, pour l'essentiel, c'est le fruit de différents actes réglementaires du Premier ministre.

Evidemment, toute la mise en oeuvre de ce pouvoir normatif s'appuie sur les fameuses prérogatives de puissance publique dont l'administration bénéficie, qui font que ces règlements vont s'imposer directement, être directement exécutoires.

Section 2 – Panorama des institutions administratives

L'idée est de donner à voir un panorama général des institutions administratives au sens organique, c'est-à-dire au sens des principaux organismes de droit public français, en distinguant d'un point de vue un peu plus théorique l'Etat et les collectivités territoriales.

L'État

Ce concept est évidemment essentiel au droit, mais il donne lieu à de nombreuses variations et il convient de le définir et d'évoquer brièvement ces différentes formes d'Etat afin de mieux comprendre l'originalité française.

Définition

L'État se définit communément comme "l'autorité souveraine qui exerce son pouvoir sur la population habitant un territoire déterminé et qui à cette fin est dotée d'une organisation permanente" (Que sais-je sur l'Etat de Renaud-Denoy de Saint-Martin, ancien vice-président du conseil d'Etat).

Une définition de l'Etat met en avant les éléments consécutifs de ce dernier : un peuple, un territoire et un pouvoir ou une puissance qu'on appelle la fameuse souveraineté qui en assure le gouvernement. Mais cette définition n'est pas juridique mais doctrinale, c'est-à-dire théorique.

Elle se fonde sur l'histoire des Etats et de leur apparition. En droit, paradoxalement, la définition de l'Etat est une question plutôt secondaire. Ce qui compte, c'est l'attribution de la qualité Etat à une entité donnée plutôt que l'essence même de cette entité. Ce n'est pas la définition juridique de l'Etat qui compte en droit mais le fait d'attribuer à une entité particulière, une entité collective, le label Etat.

Il faut bien comprendre que l'Etat, même dans un pays comme la France, où il est profondément ancré dans la culture, n'est pas une entité naturelle. C'est une construction intellectuelle destinée à rendre compte de l'organisation du pouvoir.

Aussi, du point de vue strictement juridique et non pas doctrinal, l'Etat est, sans avoir besoin de véritablement le définir.

Les conséquences juridiques de cette caractérisation de l'Etat est qu'il s'agit, en droit, d'une personne morale, c'est-à-dire une fiction juridique qui sert à produire une existence juridique. Bien sûr, l'Etat n'a pas d'existence réelle au sens matériel, tangible, mais pourtant, pour faire fonctionner cet Etat, celui-ci va devoir se reposer sur des organes qui vont lui permettre d'agir, l'Etat va devoir s'incarner. C'est du reste la même chose en droit privé.

Les associations, les sociétés constituent autant de personnes morales que de droits privés. Toutes ces entités, qu'elles soient privées ou publiques, pour agir doivent pouvoir énoncer une volonté, volonté qu'elles énoncent à travers leurs organes.

Mais il y a quelque chose de différent avec l'Etat, par rapport aux autres personnes publiques ou privées, c'est que la volonté de l'Etat est à l'origine de la règle de droit. Une norme, c'est avant tout l'expression d'une volonté arrêtée qui reçoit une sanction. Donc l'Etat est composé d'organes chargés de vouloir pour lui, chargés d'exprimer sa volonté, c'est-à-dire le droit.

Parmi ces organes, on trouve évidemment le Parlement, le gouvernement. Mais l'Etat ne doit pas seulement vouloir, il doit agir matériellement. Il existe un ensemble d'organes qui ont pour rôle de mettre en œuvre la volonté de l'Etat, le cas échéant, en agissant matériellement. Et ça, c'est le rôle de tous les agents publics. Un fonctionnaire fait partie, à cet égard, des organes de l'Etat.

Le fait d'avoir pour l'Etat une personnalité morale a, entre autres conséquences juridiques, de générer un certain nombre de droits et obligations. Le paradoxe est que, dans le cas de l'Etat, c'est l'Etat lui-même, en tant que producteur de droits, qui a la charge de faire assurer, par lui-même, le respect du droit. Ce qui fait qu'on a une forme d'auto-limitation de l'Etat par lui-même, c'est-à-dire de l'Etat par le droit, par la volonté de l'Etat.

La volonté de l'Etat, c'est en même temps ce qui guide les actions de l'Etat, mais en même temps ce qui les limite.

Les différentes formes de l'État

Les représentations de l'Etat en droit constitutionnel ne sont pas univoques. Il existe autant de formes d'État que d'États.

Pour en rendre compte, la doctrine procède à des classifications. Ces classifications ont évidemment un caractère théorique et pédagogique, on ne les retrouve pas dans la réalité, dans la nature. Ce sont des constructions théoriques destinées à rendre compte d'un certain trait de la réalité.

Elles ont une vocation essentiellement pédagogique, c'est le propre des classifications et notamment des classifications en matière d'Etat.

Il existe deux grands modèles théoriques d'Etat, l'Etat fédéral et l'Etat unitaire. Entre les deux, il existe de nombreuses nuances, comme l'Etat régional et l'Etat décentralisé. Ces différents types d'Etat ont tout de même un point commun, en droit international public. Du point de vue du droit international public, la souveraineté appartient toujours à l'Etat central.

Les collectivités infraétatiques, quel que soit leur degré d'autonomie ou d'indépendance par rapport à l'Etat central, n'ont pas d'existence propre, n'ont pas de capacité à agir internationalement, puisqu'elles sont dépourvues de souveraineté. Au niveau du droit international public, on ne reconnaît qu'une seule forme qui est l'Etat central.

Mais en dehors du droit international public, là, on connaît des formes variées. La forme d'organisation de l'Etat correspond à la forme de l'organisation juridique de l'Etat. La forme de l'organisation juridique de l'Etat, c'est ce qui correspond à la forme d'Etat. À partir de quoi on va définir cette forme d'Etat ?

Ce qui compte pour déterminer la forme de l'Etat, c'est de s'intéresser aux questions relatives à la détermination de l'espace de validité territoriale des normes.

Est-ce que les normes en question, qu'on va étudier, sont applicables sur tout le territoire ou seulement sur une portion de ce territoire ? Et est-ce que ces normes nationales ou ces normes locales, on va s'intéresser à leur nature et on va s'intéresser à la façon dont elles sont posées ?

Ce qui fait que la forme de l'Etat tient avant tout à la répartition des matières entre celles qui sont régies par des normes nationales et celles qui sont régies par des normes locales et, au-delà de la répartition des matières, à la façon dont cette répartition des matières entre le local ou le national est opérée.

Prenons le cas de l'État unitaire dont on dit qu'il correspond à la France. Dans l'État unitaire, les normes locales ne peuvent être créées qu'en application de normes nationales préalables. Et dans un État unitaire, les compétences de principe reviennent à l'État central.

Des collectivités étatiques peuvent recevoir certaines compétences, mais ces compétences leur sont précisément et spécialement attribuées par un texte de nature constitutionnelle ou législative. Pour simplifier, la compétence de principe revue,t à l'État central et les organes infraétatiques, les collectivités territoriales, ne disposent que de compétences d'attribution.

Dans l'État fédéral, l'État central est beaucoup plus limité. La répartition des compétences entre l'État fédéral et les États fédérés est assurée par la Constitution, pas par la loi. Dans ce cadre, la compétence de l'État fédéral est limitée et la compétence de principe revient aux États fédérés. Cela signifie que toutes les matières qui ne sont pas attribuées à l'État fédéral sont de la compétence des États fédérés.

Point très intéressant, c'est la section 8 de l'article 1er de la constitution américaine de 1787. Cet article 1 de la section 8 fixe limitativement les pouvoirs du Congrès en matière législative et en fixant limitativement les pouvoirs du Congrès en matière législative, la Constitution établit le champ d'action de l'État fédéral. Cette fameuse section 8 article 1er est sujet à d'âpres débats entre les tenants de l'interventionnisme fédéral, qui sont plutôt démocrates, et les tenants d'un libéralisme plus affirmé et donc d'une limitation des interventions de l'État fédéral, plutôt les républicains.

Notamment, une clause de cette Constitution qui génère une grande discussion, c'est ce qu'on appelle la clause de commerce. La clause de commerce confie au Congrès le pouvoir "de réglementer le commerce avec les nations étrangères, entre les divers États et avec les tribus indiennes". La question de l'interprétation de ces termes, de cette réglementation du commerce, est essentielle pour définir le périmètre de l'intervention de l'État dans l'économie.

Plus on va l'interpréter largement, plus les interventions de l'État, notamment en matière économique, vont être étendues, plus on l'interprète restrictivement et plus l'État fédéral, l'État central, ne pourra intervenir que de façon restrictive.

En France, l'article 1er de la Constitution dispose que la "France est une république indivisible [avec] une organisation décentralisée". Cette première phrase du premier alinéa de l'article 1 de la constitution a été ajoutée à la suite d'une révision constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République. La France correspond donc à un État unitaire décentralisé, ce qui est un peu oxymorique comme expression.

Il en résulte une double aspiration politique, sinon contradictoire, en tout cas paradoxale, avec d'un côté une tendance au centralisme en vue d'assurer l'égalité et de l'autre une tendance à la décentralisation et au développement de l'autonomie locale.

L'État et les collectivités territoriales constituent ce qu'on appelle des personnes publiques-mères qui peuvent être à l'origine d'autres groupements dotés d'une personnalité morale de droit public, voire même parfois de droit privé, c'est ce qu'on appelle les démembrements de l'État et des collectivités territoriales.

Pour information, il existe ainsi d'autres personnes morales de droit public qui exercent une compétence beaucoup plus spécialisée à côté de l'État et des collectivités territoriales, c'est ce qu'on appelle les établissements publics et qui relèvent de la tutelle de l'un ou de l'autre.

Less collectivités territoriales

Après la rationalisation de la carte administrative au début de la Révolution Française, la création des départements date de la fin de l'année 1789, et après la réforme de toutes les structures administratives françaises, notamment sous le Consulat (1799-1804), l'administration française, au moins l'organisation de l'administration française, est devenue relativement simple.

Initialement, la France dispose de deux étages : un niveau national qui correspond à l'administration de l'État, et un autre étage qui est l'étage local, étage local qui se décompose lui-même en deux niveaux, pour simplifier, le département et la commune. On avait des structures simples et assez lisibles, l'État, et à côté de l'administration de l'État, le département et la commune.

Ce niveau local s'est enrichi et complexifié.

Il y a même eu un moment, en 2013-2012, velléité de suppression d'un de ces échelons, à savoir le département, qui aurait été fait au profit de la région, mais finalement, le département a fait de la résistance, et celui-ci continue au contraire de développer de nouvelles compétences. Ce qui fait qu'aujourd'hui, la France compte au niveau local, trois niveaux d'administration, la région, le département et la commune.

Evidemment, ces trois niveaux, région, département, commune, doivent tenir compte de l'État, mais aussi de l'application du droit de l'Union Européenne. Si ce cadre reste immuable, le nouveau triptyque région, département, commune, en revanche, le contenu de chaque catégorie connaît des évolutions de diverses natures.

Éléments d'histoire

Les rapports entre l'État et les collectivités territoriales sont marqués par une tension, tension qui s'exprime par l'opposition de grands principes constitutionnels opposés de prime abord. D'un côté l'unité de l'État et l'indivisibilité de la République, de l'autre côté la libre administration des collectivités territoriales et le respect des libertés locales.

De cette tension, entre l'État et les collectivités territoriales, l'aspiration à l'unité, à l'égalité, au centralisme d'un côté et à l'autonomie et au développement de l'autre, de cette tension naît une instabilité des rapports entre l'État et les collectivités territoriales.

Instabilité qui, si elle s'oriente vers davantage de décentralisation, c'est-à-dire pour simplifier, de pouvoir confier à ces organes décentralisés, décentralisation qui néanmoins demeure dans les mains de l'État puisque finalement c'est l'État, l'État central qui en exprimant sa volonté définit le niveau de décentralisation jusqu'où il est prêt à aller.

L'histoire de la décentralisation est jalonnée par différentes étapes qui tentent à se rapprocher dans le temps, et il faut souligner que la critique tendant à déplorer l'instabilité normative, cette instabilité normative a désormais aussi atteint le droit de la décentralisation qui apparemment était plutôt stable.

Grande réforme de la décentralisation, on l'appelle l'acte 1 de la décentralisation, corresponde aux lois Defferre de 1982-83 et aussi de 1986. Les lois Defferre marquent l'acte 1 de la décentralisation et renforcent celle-ci.

Tout d'abord en posant le principe de l'élection de l'exécutif des collectivités territoriales. L'exécutif des collectivités territoriales, auparavant était désigné par l'État, est désormais élu par un suffrage indirect, directement par les populations locales.

Deuxième apport de la loi Defferre, ces lois élargissent les compétences attribuées aux collectivités territoriales et posent notamment un principe important, celui de la compensation. C'est l'idée que le transfert de compétences de l'État vers les collectivités territoriales doit s'accompagner du transfert des moyens humains, matériels et financiers nécessaires à l'accomplissement de ces nouvelles missions.

Et le troisième apport de l'acte 1 de la décentralisation des lois Defferre porte sur la fin de la tutelle du préfet sur les actes des collectivités territoriales. Le préfet pouvait directement annuler auparavant ou refuser l'entrée en vigueur d'un acte d'une collectivité territoriale; désormais cette tutelle a été remplacée par un simple contrôle de légalité avec création du déféré préfectoral : le préfet se voit communiquer l'ensemble des actes des collectivités territoriales et s'il estime qu'un acte est illégal, il peut saisir le tribunal administratif pour en contester sa légalité. C'est un "super justiciable" le préfet pour simplifier.

L'acte 2 de la décentralisation correspond à la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 qui constitutionnalise la décentralisation et renforce les compétences et les ressources dont disposent les collectivités territoriales et renforce surtout le niveau de garantie constitutionnelle de ces compétences et de ces ressources.

On peut éventuellement s'interroger sur l'existence d'un acte 3 de la décentralisation qui correspondrait aux réformes entreprises sous le quinquennat de François Hollande.

Deux grands objectifs ont été mis en avant : d'une part, l'idée de simplification des structures existantes et de clarification des modalités d'exercice des compétences au moyen de trois grandes lois, une loi Maptam du 27 janvier 2014, loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, une loi du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions et une loi du 7 août 2015 portant Nouvelle organisation de la république.

Ces lois partagent les mêmes objectifs, à défaut d'y arriver, à savoir l'idée de rationaliser la carte des territoires en diminuant par exemple le nombre des régions et l'architecture institutionnelle, en renforçant le rôle des métropoles et des intercommunalités qui sont une espèce de collectivité intermédiaire.

Alors y a-t-il eu un acte 4 de la décentralisation sous Emmanuel Macron ?

Non, pas vraiment, le gouvernement a plutôt souhaité approfondir les réformes précédentes, les corriger, les améliorer, mais pas revenir sur les grands principes. Cela a engendré une certaine instabilité normative, avec par exemple la loi du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et la proximité de l'action publique, loi qui porte principalement sur les communes et sur les plus petites communes, en renforçant les pouvoirs du maire et en leur confiant de meilleures indemnités.

On a aussi eu une loi du 21 février 2002, c'est la loi 3DS, pour loi relative à la Différenciation, la Décentralisation, la Déconcentration et portant diverses mesures de Simplification. C'est un texte fourre-tout et technique qui développe notamment un principe de différenciation, afin de permettre aux collectivités territoriales de chercher à pouvoir adapter leurs droits à leurs circonstances locales, mais dans des conditions qui sont extrêmement précises et encadrées.

Physionomie Générale

Pour évoquer la physionomie générale à grands traits des collectivités territoriales, on a aujourd'hui plusieurs ensembles qui ont un peu évolué : le découpage des communes repose initialement sur le découpage des paroisses d'anciens régimes, ce qui fait que la France est un pays qui compte le plus de communes à l'heure actuelle. On a eu un mouvement de rationalisation de ces communes mais qui a permis une diminution relative.

Il faut savoir qu'en 2015, plus de la moitié des communes comptaient moins de 500 habitants, et aujourd'hui la population moyenne par commune est de 1800 habitants.

Au-dessus de la commune, on a l'intercommunalité, qui est une forme de regroupement de communes afin d'exercer en commun leurs compétences, prendre en charge des missions particulières. On a différentes catégories d'intercommunalité comme la communauté de communes, la communauté d'agglomération par exemple, ou la communauté urbaine en fonction de la taille des compétences exercées.

Et au-dessus de la commune, on a le département, aujourd'hui on a 101 départements, le dernier département français c'est la collectivité de Mayotte à la suite d'un référendum local qui s'est prononcé pour un statut départemental.

Et encore au niveau au-dessus, on a les régions dont le nombre a été diminué sous François Hollande, ce qui donne lieu à des très très gros ensembles, on doit avoir 13 régions.

Section 3 – Les principes de base de répartition du pouvoir entre institutions

Il résulte de l'article 1er de la Constitution que la France est une république indivisible, dont l'organisation est décentralisée.

À l'indivisibilité de la République s'ajoute le respect des principes d'égalité rappelés directement par la Constitution, notamment avec l'article 1er et l'article 2 qui fixent l'égalité parmi la devise de la France.

Et surtout on a l'article 6 très important de la DDHC, la Déclaration des droits de l'homme et de la citoyenne de 789 :

La loi est l'expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents.
article 6 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 

Il s'agit de concilier ces principes d'indivisibilité et d'égalité avec les justes aspirations locales. A cet égard, il y a lieu de citer une très intéressante décision du Conseil constitutionnel, c'est la décision du 9 mai 1991, loi portant statut de la collectivité territoriale de Corse.

Cette décision pose les limites de la décentralisation et ouvre des perspectives. Du point de vue des limites, et c'est là le sujet conflictuel, il s'agit de ne pas permettre ou d'autoriser une forme de séparatisme ou de régionalisme trop excessif qui mettrait en péril l'unité du peuple français. Et ainsi, pour le Conseil constitutionnel, celui-ci rappelle les principes d'indivisibilité et d'égalité prévus et garantis par la Constitution.

Dans cette loi de 1991, sur le statut de la Corse, il avait notamment à examiner la mention prévue par le législateur de l'existence d'un peuple corse composant du peuple français. Pour le Conseil constitutionnel, cette mention du peuple corse comme composante du peuple français est contraire à la Constitution laquelle ne connaît que le peuple français composé de tous les citoyens français sans distinction d'origine, de race ou de religion.

Mais le Conseil constitutionnel admet cependant une forme de différenciation et d'adaptation des catégories juridiques à un territoire donné. Au sujet en l'espèce de la Corse, le Conseil constitutionnel reconnaît la possibilité pour le législateur, agissant sur le fondement notamment des articles 34 et 72 de la Constitution, de créer une nouvelle catégorie de collectivité territoriale même si cette nouvelle catégorie ne comprend qu'une seule unité dotée d'un statut spécifique.

Donc le Conseil constitutionnel admet quand même des éléments de diversité en admettant l'existence de catégories uniques faites pour un territoire déterminé, ici la Corse. Juridiquement, cette tension entre l'état central et les collectivités territoriales est articulée autour de deux grands concepts qu'il convient de comprendre et de maîtriser parfaitement : la déconcentration et la décentralisation.

La déconcentration

Définition

La centralisation comprend plusieurs ingrédients pour pouvoir bien fonctionner, avec notamment l'idée d'unité et de concentration du pouvoir de décision, de structure hiérarchique et de principes d'obéissance à un niveau central. La décision du centre doit s'appliquer de manière uniforme sur un ensemble territorial.

Dans un système centralisé, toutes les impulsions et toutes les décisions proviennent du centre. L'état central est reconnu comme le seul apte à prendre les décisions fondamentales.

Lorsque des fonctionnaires sont répartis sur le territoire pour y exercer une autorité administrative, ils restent soumis hiérarchiquement au pouvoir central et reçoivent des directives qu'ils sont chargés d'appliquer. La capacité d'initiative du fonctionnaire local, dans un cadre centralisé, est très limitée. Les décisions importantes se prennent à l'échelon central.

L'histoire administrative de la France a permis la construction d'un état centralisé. La centralisation administrative a été longtemps considérée comme le complément indispensable du fait que la politique elle-même, les institutions politiques, sont centralisées. L'emploi de ce système a donc profondément marqué notre pays au-delà de la seule organisation administrative.

La centralisation est évidemment une des clés de compréhension de la société française. On peut facilement le constater au travers du poids de la capitale et de la région parisienne dans notre pays par rapport à la province. Paris est le siège non seulement politique du gouvernement, du parlement, mais aussi des grandes administrations centrales, des grandes entreprises, des grands sections syndicales, des principales chaînes de télévision, de radio, etc.

Tout cela est le résultat d'une organisation administrative qui a été très fortement centralisée. Cela explique aussi la nécessité de procéder en France plus qu'ailleurs à une forme de politique d'aménagement du territoire en vue de rechercher à équilibrer le reste du territoire français par rapport à la région,

La notion de déconcentration

Un système trop strictement centralisé est quasiment impraticable dans un état moderne car il entraîne nécessairement un engorgement du centre par embouteillage de problèmes plus ou moins anodins puisque toute décision sur le territoire supposerait alors l'intervention des autorités centrales. Et il appelle des corrections.

La déconcentration fait partie des corrections face à un système trop centralisé.

La déconcentration est un système d'administration consistant à confier des pouvoirs de décision à des autorités administratives réparties sur le territoire et placées à la tête de circonscriptions administratives. Ces autorités administratives, placées sur le territoire, restent soumises au pouvoir hiérarchique des autorités centrales.

La déconcentration correspond ainsi à un transfert de compétences internes à une même personne publique d'une autorité centrale à une autorité territorialisée ou périphérique.

Deux formules gouvernent la notion de déconcentration.

Le pouvoir de décision détenu par les autorités supérieures, par exemple par le ministre, est avec la déconcentration transféré à des autorités subordonnées comme les préfets, les recteurs, afin d'assurer la transmission intégrale des instructions et veiller à leur application concrète.

On a une transmission uniforme des instructions qui est faite au niveau national vers le local. Mais en tout état de cause, c'est toujours la même institution qui décide. Dans le cas de la déconcentration, que soit le ministre ou le préfet qui décide, on est toujours dans le cadre de l'état.

La déconcentration opère une simple redistribution du pouvoir de décision au sein d'une même personne publique, c'est-à-dire au sein de l'état, dont l'autorité est intégralement préservée.

On le voit, la déconcentration n'affecte en rien le caractère centralisé de l'état. Elle n'est pas autre chose qu'une modalité de la centralisation.

Parmi les textes importants qu'il y a en cas de la déconcentration, on a un décret du 7 mai 2015 portant charte de la déconcentration qui reprend et adapte cette définition de la déconcentration.

Il existe 4 grands niveaux de déconcentration : la commune, l'arrondissement, le département et la région.

La commune est à la fois une collectivité territoriale disposant d'une personnalité juridique propre, mais tout en disposant d'une personnalité juridique propre, c'est aussi une circonscription administrative de l'état. Si bien, c'est un point un peu complexe, que le maire dispose d'une double casquette. En effet, le maire n'est pas seulement un élu local, c'est aussi le représentant de l'état dans sa circonscription.

Au niveau intermédiaire, il existe une autre circonscription administrative qu'on appelle l'arrondissement. L'arrondissement c'est une circonscription interne au département et elle est dirigée par un sous-préfet.

L'échelon vraiment de base et le plus important de la déconcentration, c'est le département, département qui est dirigé par un préfet.

Il existe aussi un préfet de région qui est également le préfet du département du chef lieu où est implanté le conseil régional. En gros, le préfet de région exerce les compétences du préfet de département plus des compétences supplémentaires en sécurité de préfet de région.

Il faut savoir aussi que les préfectures ne sont pas les seuls organes de déconcentration sur le territoire. On a aussi par exemple les rectorats qui sont des émanations déconcentrées du ministère de l'éducation nationale ou encore les ARS en matière de santé.

Le pouvoir hiérarchique

Au cœur de la déconcentration, il y a une notion qui est très importante et qui mérite qu'on s'y arrête, c'est celle du pouvoir hiérarchique. C'est particulièrement le cas, ce pouvoir hiérarchique, dans le cadre de l'État que son exercice est le plus remarquable.

Les rapports entre les membres du gouvernement et les préfets ou encore entre le préfet et le maire, agent de l'État, sont vraiment structurés par cette idée de pouvoir hiérarchique.

Le représentant de l'État dans le département peut exercer son pouvoir hiérarchique sur les actes du maire lorsque celui-ci agit comme agent de l'État dans la commune, ce que prévoit explicitement le Code Général des Collectivités Territoriales.

Le pouvoir hiérarchique se déploie effectivement au sein d'une même personne au droit public. C'est un point important, le pouvoir hiérarchique s'exerce au sein de la même personne au droit public. Il équivaut alors à l'ensemble des pouvoirs appartenant à une autorité administrative supérieure vis-à-vis des compétences et attributions des autorités ou agents qui lui sont subordonnés.

Les composantes du pouvoir hiérarchique

Les composantes du pouvoir hiérarchique sont à distinguer de ces modalités d'exercice. Les composantes du pouvoir hiérarchique relèvent de l'idée que l'institution hiérarchique est indispensable à toute forme d'organisation administrative. Elle est nécessaire pour que l'autorité supérieure puisse adresser des instructions à ses subordonnés, annuler leurs décisions ou, au besoin, les réformer.

Le pouvoir d'instruction permet aux chefs de service de prendre à destination des autorités et des agents subordonnés des notes et des circulaires. Les circulaires désignent l'ensemble des instructions qui sont adressées par les chefs de service, les ministres, etc. aux agents de l'administration et aux subordonnés et qui viennent expliquer finalement la façon dont il convient de conduire et de mettre en oeuvre l'action publique. Cette question des circulaires est très débattue en droit administratif.

Point intéressant aussi, le pouvoir hiérarchique s'accompagne du pouvoir d'annulation, qui permet au supérieur hiérarchique de faire disparaître de l'ensemble juridique les décisions de ses subordonnés. L'annulation a un effet rétroactif et dans ces cas-là, ces décisions sont réputées n'être jamais intervenues.

Troisième pouvoir dont dispose l'autorité hiérarchique supérieure, c'est le pouvoir de réformation. Le supérieur hiérarchique a la possibilité de remplacer les décisions prises par son subordonné par tout simplement une autre décision qui revient sur la décision initiale, qui réforme la décision initialement prise, qui la remplace pour l'avenir.

Les modalités d'exercice du pouvoir hiérarchique

Ces modalités sont en nombre de trois.

Tout d'abord, le pouvoir hiérarchique s'exerce de plein droit. L'autorité supérieure en investit même sans texte, il n'y a pas besoin d'un texte qui va prévoir l'existence d'un pouvoir hiérarchique pour telle autorité supérieure.

En second lieu, le pouvoir hiérarchique peut s'exercer sans cause déterminée. Ça veut dire que l'autorité hiérarchique supérieure peut aussi bien agir pour des raisons de pure opportunité, en estimant que du point de vue de la politique administrative, telle décision est préférable à telle autre, mais l'autorité hiérarchique peut aussi agir pour des raisons de légalité, en estimant que des décisions illégales ont été prises.

En dernier lieu, le pouvoir hiérarchique peut aussi être exercé par le supérieur, soit de façon spontanée, soit par recours d'administrés. C'est un principe important, qui est prévu d'ailleurs par le Code des relations entre le public et l'administration, c'est l'article LK110 de ce Code. Les administrés ont la possibilité de s'adresser à l'autorité supérieure, à celle qui a pris une décision, lui demandant de bien vouloir la réformer. C'est ce qu'on appelle le recours hiérarchique.

Un recours hiérarchique qui permet de faire valoir des éléments de droit, mais aussi parfois des éléments d'opportunité. Ce recours est ouvert, même sans texte, et proroge le délai de recours contentieux. C'est un outil notamment pour les administrés extrêmement intéressant, qui ont toujours la possibilité de contester les décisions prises par une autorité administrative, de les contester devant l'autorité administrative supérieure, à condition qu'il existe évidemment une autorité administrative supérieure.

La décentralisation

C'est l'autre grand concept à côté de la déconcentration qu'il faut bien maîtriser. La France n'est pas une république seulement centralisée, c'est aussi une république décentralisée, qui compte à côté de l'Etat de nombreux autres organismes publics.

La notion de décentralisation

La décentralisation désigne le transfert de compétences et de pouvoirs de l'Etat à une autre personne publique distincte de l'Etat.

Il existe deux formes de décentralisation, soit fonctionnelle ou horizontale, c'est-à-dire un transfert de compétences de l'Etat vers un organisme public destiné à exercer un service public ou une activité publique donnée mais au niveau national, soit territorial ou vertical, et dans ces cas-là, la décentralisation, c'est la version la plus importante, désigne un transfert de compétences de l'Etat vers une collectivité territoriale infraétatique.

Avec la décentralisation, la décision n'est plus prise au nom et pour le compte de l'Etat par un de ses agents, mais au nom et pour le compte d'une institution publique représentant une communauté d'intérêt, c'est-à-dire une collectivité territoriale ou un établissement public.

Et c'est là évidemment une différence essentielle avec la technique de la déconcentration. En cela, la décentralisation est une modalité d'exercice de l'autorité à l'intérieur du système administratif français beaucoup plus radical et politique que la déconcentration, parce que la décentralisation donne dans une certaine mesure plus de liberté politique aux citoyens.

L'acte 2 de la décentralisation déjà évoqué, qui constitutionnalise la décentralisation et renforce le pouvoir des collectivités territoriales, témoigne de cet aspect politique de la décentralisation et de la place accordée aux citoyens, notamment avec le fait de garantir l'existence de conseils élus.

La décentralisation, si on veut approfondir sa définition, est composée de trois éléments constitutifs.

Elle est donc l'institution décentralisée, sujet de droit et d'obligation et bénéficie d'une autonomie financière. De plus, elle doit pouvoir gérer ses affaires propres, distinctes des affaires qui sont prises en charge par l'Etat.

De ce point de vue, le fait que la décentralisation entraîne une forme d'autonomie dans la gestion des affaires, la décentralisation est louée pour sa vertu civique en tant qu'instrument d'éducation politique des citoyens, puisqu'elle permettrait de rapprocher le citoyen de la prise de décision. Évidemment, les collectivités territoriales ne disposent comme affaire propre que celle que veut bien leur attribuer l'Etat. Dans le cadre qui demeure unitaire, c'est toujours l'Etat qui détermine les compétences qu'il alloue aux collectivités territoriales. C'est toujours l'Etat qui conserve la maîtrise du processus de transfert de ses compétences.

Dans le cadre de la décentralisation, la maîtrise du processus de transfert des compétences et donc des affaires qui vont être traitées par les autorités décentralisées, c'est entre les mains de l'Etat.

A ce titre, l'idée d'élection n'est pas nécessairement indispensable à la décentralisation, mais elle permet d'assurer et d'éviter toute subordination. Ce principe de l'élection est mis en oeuvre de manière très large au niveau des collectivités territoriales dans le cadre de la décentralisation territoriale ou verticale. Moins, voire pas du tout dans le cadre de la décentralisation fonctionnelle où il y a d'autres garanties d'indépendance.

Mais dans le cadre de la décentralisation territoriale, l'élection des organes est vraiment un gage d'indépendance, et c'est ce qui permet de bien distinguer de l'Etat. Dans le cadre de la décentralisation fonctionnelle, on a des garanties d'indépendance autres qui permettent d'assurer l'autonomie de la personne en question.

En pratique, malgré tout, l'autonomie financière des collectivités territoriales, qui est pourtant reconnue par la Constitution, est souvent relative. Collectivités territoriales et établissements publics devront faire appel à des concours financiers de l'Etat, souvent pour pouvoir mettre en oeuvre leurs missions. Mais sur le principe, la décentralisation doit s'accompagner du transfert de ressources suffisantes.

La question de la tutelle et du contrôle administratif

La décentralisation n'implique pas l'absence de tout contrôle de l'Etat sur les collectivités décentralisées. A cet égard, il existe plusieurs niveaux de contrôle.

La tutelle est souvent vue comme un type de contrôle exercé par le pouvoir central, au nom du pouvoir central, sur les personnes morales autres que l'Etat, et notamment sur les collectivités territoriales. Contrôle exercé, notamment, pour faire respecter la légalité et préserver les intérêts nationaux au-dessus des intérêts locaux.

Le terme tutelle est un terme extrêmement lourd au sens et très chargé. Aussi, désormais, on ne parle plus de tutelle, mais on parle de contrôle administratif, parce que le mot tutelle a été supprimé, sans pour autant que le législateur ait complètement renié sur cette idée.

Le pouvoir de tutelle, traditionnellement, c'est celui qui était confié au préfet pour veiller à ce que les autorités décentralisées, notamment dans le département, exercent correctement leurs compétences. Dans l'histoire de la tutelle, le préfet pouvait directement annuler des actes pris par les collectivités territoriales de lui-même.

Avec l'acte 1, notamment dans le cadre de l'acte 1 de la décentralisation, cette tutelle a été suppriméee, qui fait que le préfet ne peut aujourd'hui plus directement annuler un acte d'une collectivité territoriale.

Mais cette tutelle a été remplacée par un contrôle administratif.

D'ailleurs, le législateur ne pouvait pas complètement la supprimer, parce que ce contrôle administratif est directement prévu par l'article 72 de la Constitution, qui dispose que le représentant de l'État, dans le département, a la charge des intérêts nationaux et du contrôle administratif.

L'idée d'un contrôle administratif assuré par le préfet est directement prévue par la Constitution. Et ce contrôle administratif marque plus de liberté et de responsabilité à l'égard des collectivités territoriales puisque l'ensemble des actes des collectivités territoriales doivent être envoyés au préfet à la préfecture pour pouvoir entrer en vigueur. Mais le seul envoi de ces actes pour information à la préfecture suffit à ce qu'ils entrent en vigueur.

Le préfet qui reçoit ces actes exerce ce qu'on appelle un contrôle de légalité et peut déférer devant le tribunal administratif un acte qu'il estime illégal. Le seul pouvoir du préfet aujourd'hui, en tout cas s'agissant des actes des collectivités, c'est d'aller devant le juge administratif pour contester éventuellement les actes pris. Mais le préfet n'a plus le pouvoir de réformation directe ou d'annulation des actes pris par les collectivités territoriales.

Donc décentralisation et déconcentration sont des grandes notions des institutions administratives.

INSTITUTIONS ADMINISTRATIVES

Chapitre II. Les administrations nationales

Nous évoquons les administrations nationales et pas simplement les administrations étatiques. Ce choix de vocabulaire n'est pas anodin.

L'ensemble des administrations nationales ne relève pas nécessairement de la personnalité juridique de l'État, mais peuvent, le cas échéant, être titulaires de leur propre personnalité morale.

À côté de l'État, d'autres institutions publiques sont donc chargées de mettre en œuvre tel ou tel politique, tel ou tel service public. C'est ce qu'on appelle la décentralisation fonctionnelle.

Section 1 – Les administrations de l’État

Les administrations de l'État assurent des missions variées, qui relèvent plus spécifiquement de cours de droit administratif. Elles ont pour rôle la définition et la mise en œuvre des différents services publics nationaux, comme l'éducation nationale, les aides sociales, la politique de l'intérieur, la défense.

À l'échelon national, la définition des mesures de police administrative destinées à protéger l'ordre public revient par principe au Premier ministre. La police fait partie de ces activités administratives qui ont pour objet de protéger l'ordre public.

Au sein de la police, on a deux types de police. On a la police judiciaire, qui veille à la poursuite des auteurs d'une infraction et la police administrative qui vise à prévenir les atteintes à l'ordre public, aussi une des missions de l'État exercée au niveau national.

Autre mission qu'on peut qualifier d'administrative mais qu'on ne va pas étudier ici, c'est la question de la défense nationale, qui est dotée par des institutions particulières et propres mais qu'on n'étudiera pas dans ce cadre.

Au niveau national, on comprend bien que la mise en œuvre des missions administratives est étroitement liée à la définition des politiques publiques. Or, les plus hautes autorités administratives du pays sont également les plus hautes autorités politiques.

Elles assument donc cette double casquette un peu particulière. Par principe, l'administration et ses agents publics sont soumis à une obligation de neutralité et de loyauté dans l'exercice des fonctions. L'administration, théoriquement, est politiquement neutre.

Il faut toutefois concilier cette neutralité politique avec un grand principe du système représentatif dans lequel nous vivons, qui consiste à ce qu'un pont soit tout de même établi entre l'administration et la représentation nationale.

Comment établir un pont entre l'administration qui est politiquement neutre et la représentation nationale ? Via ceux qui la dirigent, c'est-à-dire le gouvernement et ses ministres. En effet, les ministres sont politiquement responsables devant le Parlement et plus spécifiquement devant l'Assemblée Nationale des actions de leur administration. Donc, du point de vue de la théorie de la souveraineté représentative, l'administration peut être politiquement neutre si, à sa tête, on a des organes qui sont à la fois administratifs et politiques et qui assument la responsabilité politique des erreurs commises par l'administration.

Ici, on va s'intéresser aux administrations de l'État d'un point de vue essentiellement organique, c'est-à-dire aux autorités administratives de l'État. À cet égard, il est possible de distinguer ce qu'on peut appeler par un souci de pédagogie des autorités mixtes, c'est-à-dire des autorités à la fois politiques et administratives, et des autorités simplement administratives.

Autorités mixtes

Il existe trois grandes autorités mixtes au niveau étatique national, c'est-à-dire des autorités qui sont à la fois politiques et administratives, étant entendu que l'expression politique et administrative est une expression très vague qui désigne simplement l'organe compétent pour prendre des actes administratifs. Ces trois autorités sont le Président de la République, du Premier ministre et des ministres.

Le Président de la République.

Le statut du Président de la République est bien évidemment fixé par la Constitution. L'article 6 prévoit qu'il est élu pour 5 ans en suffrage universel direct. En application de l'article 67 de la Constitution, celui-ci n'est pas responsable des actes accomplis en cette qualité. Il peut toutefois être destitué, ce qui est une sanction politique et non pénale, par le Parlement constitué en haute cour.

La destitution est subordonnée à la qualification de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat. C'est l'article 68 de la Constitution.

Évidemment, qu'est-ce qu'un manquement manifestement incompatible à ses devoirs et avec l'exercice de son mandat ? C'est toute chose que le Parlement réuni en haute cour décidera comme telle. Tout motif, notamment politique, peut donner lieu en soi à une action de destitution sous réserve de réunir les voix suffisantes.

On qualifie souvent à raison le Président de la République de « géant politique » et de « nain administratif ». En effet, s'il est l'organe d'impulsion de la politique de la Nation et des principaux arbitrages, le Président de la République ne dispose pas de la haute main sur l'administration car cette fonction revient au Premier ministre.

Attribution

Les pouvoirs administratifs du Président de la République sont de deux types. Il dispose d'un grand pouvoir de décision, mais au sein de ce pouvoir de décision, il est intéressant d'isoler le pouvoir de nomination. Au-delà des prérogatives qui lui sont expressément attribuées et reconnues par la Constitution, le positionnement politique du Président de la République lui permet d'exercer une véritable influence sur tous les aspects de la vie politique française et notamment d'exercer une influence aussi sur l'administration.

Le pouvoir de nomination du Président de la République est d'abord un pouvoir de nature politique. En effet, il s'agit de la nomination et de la révocation du Premier ministre et du gouvernement qui est prévue à l'article 8 de la Constitution. Le texte dispose que le Président de la République nomme le Premier ministre et il met fin à ses fonctions sur présentation par celui-ci de la démission du gouvernement. Et sur proposition du Premier ministre, le Président de la République nomme les autres membres du gouvernement et met fin à leurs fonctions.

C'est un pouvoir essentiellement politique, c'est la nomination du Premier ministre et du gouvernement. D'abord Premier ministre, ensuite gouvernement, et en deux temps.

En matière plus spécifiquement administrative, le pouvoir de nomination du Président de la République est encadré par l'article 13 de la Constitution. En effet, cet article dispose que le Président de la République "nomme aux emplois civils et militaires de l'État". En vertu du même article, certaines nominations doivent être faites en conseil des ministres, conseil des ministres que le Président de la République préside en vertu de l'article 9. Il s'agit notamment des préfets, des ambassadeurs, des conseils d'État, des directeurs d'administration centrale.

Pour le reste, le Président de la République nomme directement toute une série de fonctionnaires de rang important, les membres du conseil d'État, les professeurs d'université, les magistrats, les membres du corps préfectoral. En réalité, souvent cette nomination a un caractère assez formel.

L'article 13 de la Constitution a été complété d'un nouvel alinéa à l'occasion de la réforme du 23 juillet 2008. Cette réforme instaure une procédure de contrôle du Parlement pour certaines nominations sensibles, nominations qui sont définies par une loi organique à la tête, notamment d'autorités, d'agences administratives ou d'entreprises publiques. Pour certaines nominations administratives assez sensibles, le Parlement dispose d'une forme de droit de regard. Il s'agit de permettre au Parlement d'empêcher une nomination qui est juste contestable.

Une loi organique détermine les emplois ou fonctions, autres que ceux mentionnés au troisième alinéa, pour lesquels, en raison de leur importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation, le pouvoir de nomination du Président de la République s'exerce après avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée. Le Président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque l'addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions. La loi détermine les commissions permanentes compétentes selon les emplois ou fonctions concernés.
Article 13, alinéa 5 de la Constitution de 1958

Une commission permanente est instaurée à cette fin au sein de l'Assemblée Nationale et au sein du Sénat pour l'examen de ces nominations, et qui sont bloquées lorsque l'addition, dit la Constitution, des votes négatifs dans chaque commission représentent au moins 3 cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions. Il faut quand même convaincre beaucoup de personnes qu'on est vraiment très mauvais pour cette fonction pour ne pas être nommé, ce qui n'arrive pas fréquemment, mais qui n'est pas un exercice forcément très agréable.

Donc, au-delà de la question du pouvoir de nomination, le Président de la République dispose d'un pouvoir de décision assez large. Il préside le Conseil des ministres, et c'est une présidence réelle, il n'est pas juste là pour faire décoration, puisque l'ordre du jour est établi en concertation entre le Président de la République et le Premier ministre.

Parmi les prorogatives, une distinction importante est faite entre les actes dispensés de contre-seing et les actes que le Président peut prendre directement, c'est-à-dire soumis à contre-seing, qui correspond au fait d'imposer une nouvelle signature sur un acte qui a déjà été signé pour qu'il soit validé. La plupart des actes du Président de la République doivent être contre-signés par le Premier ministre et les ministres responsables pour être valides.

Les actes qui n'ont pas besoin d'être contre-signés, on dit que ces actes relèvent des pouvoirs propres du Président de la République, parce qu'il peut les prendre directement.

En revanche, les actes qui ont besoin d'être contre-signés, qui sont soumis à contre-seing, relèvent de ce qu'on appelle les pouvoirs partagés du Président de la République, parce que ce sont des pouvoirs qu'il ne peut pas mettre en oeuvre directement de lui seul. Il a besoin de reculer à l'accord préalable du Premier ministre.

En période de cohabitation, où la majorité présidentielle et la majorité gouvernementale ne concordent pas, des conflits peuvent exister sur la mise en oeuvre de ces fameux pouvoirs partagés du Président de la République, parce qu'il doit y avoir un accord entre le Premier ministre et le Président de la République sur la mise en oeuvre des prorogatives respectives.

En période de concordance des majorités, c'est-à-dire quand la majorité gouvernementale, ou du moins la majorité législative, soutient le Président de la République et que le gouvernement soutient l'action du Président de la République, la distinction pouvoirs propres et pouvoirs partagés est relative, puisque le Président de la République a les moyens de s'imposer, moyens politiques, qu'il y est obligation ou non de contre-seing.

Pour donner quelques exemples de pouvoirs propres, parmi les pouvoirs propres, on a la nomination du Premier ministre, la décision de soumettre un projet de loi au référendum, ou encore, ça c'est un pouvoir important, la dissolution de l'Assemblée Nationale.

À côté des pouvoirs propres du Président de la République, on a finalement des pouvoirs partagés qui sont soumis à l'obligation de contre-seing. En réalité, nous dit la Constitution, tout ce qui n'est pas expressément prévu par l'article 19 de la Constitution comme relevant des pouvoirs propres du Président, requiert le contre-seing du Premier ministre. Donc le principe, c'est qu'on a une compétence limitée, que la liste des pouvoirs propres du Président de la République est limitativement énumérée par la Constitution, et tout ce qui n'enlève pas ces pouvoirs propres, c'est du pouvoir partagé, donc soumis à contre-seing.

Par exemple, la nomination des ministres, tous les actes qui interviennent dans le cadre de la procédure législative ordinaire, ou encore l'exercice du pouvoir réglementaire, la signature des ordonnances et des décrets des libérants conseils des ministres, le droit de grâce, tout un ensemble de mesures qui doivent être contresignées et donc qui nécessitent une forme de coopération entre le Président de la République et les ministres.

Le Président, pour souligner, exerce d'autres fonctions, et préside notamment un certain nombre de comités, notamment en matière de défense nationale, où il exerce des prorogatives très importantes.

L'influence générale du Président de la République dans la vie politique et administrative ne correspond pas seulement aux prorogatives que lui accorde la Constitution. Le cours de droit constitutionnel montrent que la place du Président de la République dans les institutions françaises dépend du jeu des rapports de force politique, du jeu des rapports de force politique. En effet, plus le Président finalement dispose d'une majorité solide à l'Assemblée nationale, et plus il va avoir une influence qui va pouvoir être mise en oeuvre de façon large au sein des institutions politiques. En revanche, plus la majorité du Président est faible, et plus le Président va à ce moment-là devoir composer avec son gouvernement qui ne sera pas forcément de la même majorité que la sienne.

Les services du Président

A côté des prorogatives du Président de la République, on a un certain nombre de services qui entourent finalement le Président de la République. Le Président de la République n'est pas isolé, il n'est pas tout seul, il est entouré de services, mais dont le nombre est réduit par rapport à son importance politique. Le Président de la République est essentiellement un organe politique plus qu'administratif. Les services de la Présidence de la République demeurent finalement relativement restreints, plus ceux d'une administration d'état-major que d'une administration de gestion. On peut estimer à environ 1 000 personnes, civiles et militaires, les effectifs de la Présidence de la République, ce qui n'est pas si énorme que ça, environ 1 000 personnes, dont une soixantaine de collaborateurs directs du Président de la République.

Les services de la Présidence comportent tout ce qui est nécessaire à l'intendance, la sécurité, etc. Mais du point de vue un peu plus politique, on a différentes structures qui sont importantes.

Une des structures les plus importantes, c'est le Secrétariat général de l'Elysée. Aujourd'hui, cette fonction est assurée par Alexis Kohler, qui est secrétaire général de l'Elysée. Les secrétaires généraux de l'Elysée, et ça c'est un point intéressant à noter, n'ont pas de statut prévu par un texte, prévu par la loi ou le règlement, ils n'ont pas de statut. C'est un statut coutumier. C'est vraiment une pratique coutumière que cette fonction, qui est absolument essentielle dans le cadre de la gouvernance du pays.

En effet, le secrétaire général de l'Elysée joue un rôle fondamental d'organisation et d'agenda des fonctions exercées par le Président de la République. Il va notamment discuter de tout, il va vraiment être le relais administratif des décisions prises et arrêtées par le Président de la République.

A côté du Président de la République, on a évidemment le Premier ministre.

Le Premier ministre

Il n'existe pas de conditions particulières à remplir pour être Premier ministre. Pas besoin d'avoir le bac, pas besoin d'être élu, il suffit juste d'être nommé comme tel par le Président de la République. Donc, fonction assez facile à prendre, pas de qualification pré-requise.

En théorie, le Premier ministre ne peut être révoqué par le Président de la République. En effet, soit il remet la démission de son gouvernement au Président de la République, soit alors sa responsabilité est mise en cause dans les conditions de l'article 49 de la Constitution et alors il doit démissionner. Ça, c'est la théorie.

Dans la pratique, quand le Premier ministre finalement est issu de la même majorité que le Président de la République, alors le vrai chef, c'est le Président de la République et qu'il dispose du Premier ministre comme d'un véritable fusible.

Attributions

Les attributions du Premier ministre sont très importantes, surtout au terme d'une lecture combinée des articles 20 et 21 de la Constitution. En effet, l'article 20 dispose que le gouvernement détermine et conduit la politique de la nation. Il dispose de l'administration et de la force armée.

L'article 21, pour sa part, prévoit que le Premier ministre dirige l'action du gouvernement. Il est responsable de la défense nationale et il assure l'exécution des lois.

Sous réserve des dispositions de l'article 13, il exerce le pouvoir réglementaire et nomme aux emplois civils et militaires.

Quand on rapproche ces deux articles 20 et 21 et par syllogisme, on pourrait en conclure que, en tant que chef du gouvernement, le Premier ministre détermine et conduit la politique de la nation, ce qui s'oppose un peu à l'article 5 sur le rôle du Président de la République.

Les attributions du Premier ministre sont particulièrement importantes pour assurer la bonne marge des relations entre organes constitutionnels et notamment entre le Parlement et le gouvernement. Le Premier ministre assume politiquement les conséquences des choix menés, même si ces choix sont davantage ceux du Président de la République que les siens. Le Premier ministre assure un rôle de fusible extrêmement utile pour le Président de la République puisqu'il va porter la responsabilité du gouvernement devant le Parlement et le Premier ministre va porter devant le Parlement les erreurs commises par le Président de la République.

La présence de ce Premier ministre témoigne du caractère parlementaire de notre Régime dans la mesure où ce dernier engage sa responsabilité devant l'Assemblée Nationale. L'Assemblée Nationale peut révoquer à tout moment le Premier ministre et il a un rôle essentiel dans la fabrique de la loi.

Du point de vue plus administratif, le Premier ministre a la haute main sur l'administration et il dispose d'importantes prérogatives à cet effet. En principe, l'autorité de principe pour exercer le pouvoir réglementaire, c'est le Premier ministre, sous réserve des compétences attribuées au Président de la République. Le Premier ministre nomme aussi aux emplois civils et militaires. Donc il a un pouvoir de nomination très important et il est aussi responsable de la défense nationale. Ce qui lui confie un rôle important pour préparer le territoire à tout danger imminent.

Les services du Premier ministre

En sa qualité de chef de l'administration, le Premier ministre est entouré de nombreux services qu'il dirige et qui l'assiste dans ses différentes tâches. Le Premier ministre c'est le chef de la fonction publique, et il est donc assisté par une direction générale de l'administration et de la fonction publique.

Dans la pratique, souvent vous allez avoir un ministre ou un secrétaire d'état qui va être spécifiquement dévolu à ses tâches pour assister le Premier ministre et qui va être en charge de la fonction publique.

Parmi les nombreux services qui sont affectés au Premier ministre, il y en a un qu'il faut citer et retenir, c'est le SGG, le Secrétariat général du gouvernement. Là encore, statut coutumier du SGG mais qui est absolument essentiel. La mission de ce secrétariat consiste à assister le Premier ministre dans l'organisation et la coordination du travail gouvernemental ainsi que dans le déroulement des procédures législatives et réglementaires.

Le secrétariat général du gouvernement comprend un ensemble de chargés de missions qui assurent des missions qui sont très techniques, préparent les réunions, les dossiers interministériels, l'organisation juridique, contrôle de la régularité des projets de loi, des décrets suivi des programmes.

Il y a un rôle juridique extrêmement important du SGG pour assurer la cohérence, la fluidité mais aussi la légalité du travail gouvernemental. A sa tête on retrouve un secrétaire général qui a un rôle vraiment moteur dans l'administration française. C'est vraiment quelqu'un qui va mettre de l'huile dans tous les rouages administratifs du pays. Il va préparer par exemple en concertation avec le secrétariat général de l'Elysée l'ordre du jour du conseil des ministres, transmettre les instructions du Premier ministre au gouvernement et il va être consulté sur tout un tas de projets.

Actuellement, le secrétaire général du gouvernement c'est Claire Landais, c'est la première fois que c'est une femme et c'est une fonction assez stable qui survit en général aux alternances politiques. On a eu à peine une dizaine de SGG depuis la Vème République.

A noter l'existence du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, le SGDSN, qui est le volet militaire, des services administratifs qui sont placés sous la direction du Premier ministre.

À côté du Président de la République et du Premier ministre, on retrouve les ministres.

Les ministres

Quelques mots rapides sur les ministres : ils sont nommés conjointement par le Premier ministre et le Président de la République, qui peuvent mettre fin à tout moment à leur fonction en vertu de l'article 8 de la constitution. Là non plus il n'existe pas de conditions à pré-remplir pour être ministre, qu'il s'agisse d'être ministre d'ailleurs ou Premier ministre.

En revanche il existe d'importantes obligations en termes de prévention des conflits de l'intérêt. Il y a des obligations déclaratives à adresser à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, la HATVP, qui sont extrêmement lourdes et qui peuvent être sérieusement sanctionnées en cas de manquement, et qui renforcent l'obligation de transparence.

Mais en soi il n'y a pas de critères particuliers à respecter pour être ministre, simplement pour information il y a une distinction qui est faite entre différents types de ministres, les ministres d'Etat, les ministres classiques ou le plein exercice si vous voulez, les ministres délégués, les secrétaires d'Etat.

L'appellation ministre d'Etat est purement honorifique, purement protocolaire, pour marquer l'importance politique de la personne ou des fonctions qu'elle va exercer.

La fonction ministre c'est la fonction de base, le fait d'être ministre en tant que tel. Un ministre est celui qui va diriger des services administratifs importants. Un ministre important c'est celui qui va assurer la direction de différentes administrations. Si vous êtes ministre mais que vous n'avez aucune direction administrative qui est placée sous votre direction, en réalité vous n'êtes pas un très grand ministre.

En dessous on a les ministres délégués et le secrétaire d'Etat qui se voient confier une tâche d'exécution, une direction d'un point plus particulier de telle politique publique, qui se voient confier une politique publique donnée et qui sont placés soit sous la direction du Premier ministre, soit sous la direction d'un ministre et qui n'assistent pas systématiquement au conseil des ministres, comme les ministres d'Etat et les ministres de plein exercice, mais seulement lorsque le sujet les intéresse.

Les autorités seulement administratives.

Les autorités politico-administratives qu'on vient de voir sont finalement peu nombreuses, le Président de la république et le gouvernement, c'est-à-dire le premier ministre et les ministres. Ce sont des organes d'impulsion qui définissent avec le législateur la politique que les administrations doivent mettre en oeuvre. Ces administrations n'ont pas de personnalité juridique, distinctes de celles de l'état à laquelle elles appartiennent.

Doivent ainsi être distinguées les administrations de gestion, des administrations consultatives et des administrations de contrôle.

Les administrations de gestion

Il existe deux catégories d'administrations de gestion, c'est-à-dire les administrations qui mettent en oeuvre la politique gouvernementale, qui finalement exerce les fonctions quotidiennes d'administration.

Donc ces deux administrations de gestion sont d'une part les administrations centrales des ministères et d'autre part les services à compétence nationale. Ils ont pour point commun d'être placés sous l'autorité d'un ministre et leurs compétences s'appliquent à l'ensemble du territoire, ce qui distingue ces deux grandes administrations de gestion, SCN et administrations nationales, des administrations déconcentrées.

A ce titre, l'article 2 du décret du 7 mai 2015 portant charte de la déconcentration prévoit que sont confiées aux administrations centrales et aux services à compétence nationale les seules missions qui présentent un caractère national ou dont l'exécution en vertu de la loi ne peut être déléguée à un échelon territorial.

En général, ces administrations sont situées à Paris, mais il arrive parfois, sous l'effet des politiques d'aménagement du territoire, qu'elles soient citées dans d'autres villes, par exemple à Nantes est situé le service central de l'état civil du ministère de l'Europe et des affaires étrangères.

Les administrations centrales

Le rôle des administrations centrales est défini par l'article 3 du décret portant charte de la déconcentration.

I. - Les administrations centrales assurent, au niveau national, un rôle de conception, d'animation, d'appui des services déconcentrés, d'orientation, d'évaluation et de contrôle.

A cette fin, elles participent à l'élaboration des projets de loi et de décret et préparent et mettent en œuvre les décisions du Gouvernement et de chacun des ministres
Article 3, alinéa 1 et 2 du décret n° 2015-510 du 7 mai 2015 portant charte de la déconcentration

Voilà le rôle principal de ces administrations centrales qui est donc un rôle qui est établi au niveau national et qui est placé quand même à côté du gouvernement pour assister à la définition des politiques publiques. Evidemment ce rôle est ensuite plus détaillé par le texte.

Leurs relations entre les administrations centrales et les services déconcentrés de l'État sont également fixées par les textes. "Les administrations centrales maîtrisent, hiérarchisent, coordonnent et formalisent leurs directives et instructions aux administrations déconcentrées". C'est l'article 10 du décret 2015 portant charte de la déconcentration.

Et il faut savoir qu'au sein des ministères, ces directives sont adressées aux administrations déconcentrées par un canal unique; par le secrétaire général du ministère, qui va veiller à la cohérence de celle-ci par rapport aux directives nationales. Donc on va avoir à la volonté d'une véritable mise en cohérence des politiques publiques sur l'ensemble du territoire national.

Les administrations centrales traitent aussi des dossiers qui relèvent de l'exercice du pouvoir hiérarchique. Notamment lorsqu'une affaire normalement traitée par une administration déconcentrée est traitée par le ministère.

Concernant l'organisation des administrations centrales, celle-ci est fixée par un autre décret, un décret du 15 juin 1987 relatif à l'organisation des services des administrations centrales. Là c'est vraiment une organisation bureaucratique. Les services sont organisés en directions, directions qui sont elles-mêmes découpées en sous-direction, en services et en bureaux.

On a donc un cadre général qui est fixé par décret et qui fait l'objet de l'adaptation en fonction de chacune des administrations concernées.

Les services à compétences nationales ou SCN.

Le décret de 2015, portant charte de déconcentration, prévoit que les SCN peuvent se voir confier des fonctions de gestion, d'études techniques ou de formation des activités de production des biens ou de prestations de services, ainsi que toute autre mission opérationnelle qui présente un caractère national et correspond aux attributions du ministre sous l'autorité duquel ils sont placés.

Il ressort de cette définition que les attributions des SCN ont un caractère national et c'est ce qui va les différencier des services déconcentrés. C'est ce qui les distingue aussi des administrations centrales. Le SCN va prendre en charge une tâche opérationnelle.

En général, les tâches opérationnelles sont assurées à l'échelon déconcentré, sauf dans le cadre des SCN. C'est finalement la prise en charge d'une charge opérationnelle, mais à un échelon national. Voilà ce qui distingue les SCN à la fois des autorités centrales, ce caractère opérationnel, et ce caractère national, c'est ce qui va les distinguer des autorisations déconcentrées.

Les SCN vont être placés soit sous l'autorité d'un ministre ou du premier ministre, soit d'un directeur d'administration centrale, soit plus modestement d'un chef de service.

Pour donner différents exemples de SCN, vous avez un SCN interministériel, placé sous l'autorité de plusieurs ministres, par exemple l'agence française anti-corruption, qui est placée sous la compétence du ministre de la justice et du ministre du budget.

Pour un exemple de SCN rattaché à un directeur d'administration centrale, l'école nationale des finances publiques, qui est rattaché auprès du directeur général des finances publiques, qui a une mission opérationnelle générale.

On trouve une liste importante des différents SCN, et c'est vraiment des services qui sont en charge de mettre en œuvre très concrètement une mission.

À côté des administrations de gestion, administrations centrales et SCN, on a les administrations consultatives.

Les administrations consultatives

Les organes consultatifs placés auprès des administrations centrales sont aujourd'hui vraiment très nombreux, et diverses tentatives de rationalisation ont eu lieu pour en diminuer le nombre et accroître leur efficacité. Par ailleurs, au-delà de la consultation d'organismes ad hoc, qui vont être spécialisés pour tel ou tel type de consultation, on a des organismes à caractère plus général.

A côté des formes traditionnelles de consultation, on peut avoir des formes générales de consultation du public, qui sont notamment prévues en matière environnementale. On a l'article 7 de la charte de l'environnement, qui a une valeur constitutionnelle, parce que cette charte de l'environnement est adossée à la Constitution française via la mention qui en est faite par le préambule de la constitution de 1958, c'est une révision constitutionnelle de 2005. Et cet article 7 de la charte de l'environnement prévoit le droit de toute personne de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement. Et ce droit est décliné notamment par les dispositions du code de l'environnement.

On va se concentrer sur deux administrations particulièrement importantes en matière de consultation : le Conseil d'état d'un côté et le conseil économique, social et environnemental, c'est-à-dire le CSE de l'autre.

Le conseil d'état

On reviendra plus longuement peut-être sur cette institution dans le cadre du dernier chapitre, relatif au juge de l'administration.

Le principe de la création du Conseil d'état remonte à l'article 52 de la constitution du 22 frimaire an VIII, c'est-à-dire une loi du 13 décembre 1799. C'est une création de consulat, c'est même une création de Bonaparte.

Cet article 52 de la constitution du 22 frimaire an VIII disposait que sous la direction des consuls, "un conseil d'état est chargé de rédiger les projets de loi et les règlements d'administration publique et de résoudre les difficultés qui s'élèvent en matière administrative".

Cette phrase est vraiment essentielle pour comprendre l'histoire administrative du pays et pour voir ce que les missions du Conseil d'état ont de plus singulier. D'emblée, le Conseil d'état s'est vu confier deux grandes missions.

D'un côté, rédiger les projets de loi et les règlements d'administration publique et de l'autre côté, résoudre les difficultés qui s'élèvent en matière administrative. La première mission correspond à ce qu'on appelle la fonction consultative du Conseil d'état.

Mais la seconde mission, résoudre les difficultés en matière administrative, c'est ce qui correspond à sa fonction juridictionnelle qu'on étudiera plus tard.

Cette double casquette du Conseil d'état, à la fois juge et conseiller de l'administration, est désignée par une expression qui est importante à retenir et qui a été assez simple à comprendre, c'est celle de la dualité fonctionnelle du Conseil d'état, parce qu'il exerce deux fonctions.

Le Conseil d'état est en effet d'abord le conseiller du gouvernement et la Constitution prévoit qu'il est obligatoirement saisi des textes les plus importants devant être délibérés en conseil des ministres comme par exemple les projets de loi et les projets d'ordonnances, les articles 39 et 38 de la constitution. Le gouvernement est libre de rendre ou non publique l'avis du Conseil d'état donné sur de tels textes. Pendant longtemps, ces derniers sont demeurés confidentiels et ils étaient protégés par le secret des délibérations du gouvernement. Mais la pratique plus récente depuis François Hollande est d'en assurer la publication, ce qui a changé un peu la nature de ces avis qui de secret sont devenus publics.

La loi peut également prévoir que certains décrets, c'est à dire certaines décisions du premier ministre ou éventuellement du président de la république, doivent être reprises après l'avis du Conseil d'état.

Mais la saisie du conseil d'état peut aussi être facultative. Le gouvernement qui souhaite être éclairé à propos d'un projet de texte ou qui peut demander au conseil d'état plus largement une étude sur quelques points techniques assez délicats.

En théorie, l'intervention du Conseil d'état, ce n'est pas un conseiller politique mais c'est un conseiller juridique et administratif. Le Conseil d'état raisonne en droit et en bonne administration et veille à la cohérence des politiques publiques.

Le Conseil d'état est ainsi composé d'une section du contentieux, divisé en plusieurs champs et de cinq sections consultatives, les sections administratives, intérieures, finances, travaux publics, la section sociale et la section d'administration, plus une section du rapport et des études.

Donc ce sont les cinq sections administratives qui vont élaborer les avis sur les principaux projets de texte. Depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, une innovation importante a eu lieu pour permettre à un parlementaire auteur d'une proposition de loi, via le président de la chambre concernée, de saisir pour un avis le Conseil d'état. Cela a diversifié le rôle de l'institution qui devient aussi le conseiller du parlement.

A côté, on a un autre organe, le conseil économique, social et environnemental.

Le conseil économique, social et environnemental, CESE

Le CESE n'a pas l'importance du Conseil d'état. Cette instance de consultation est prévue par le titre 11 de la Constitution et vise à permettre la consultation de la société civile.

Actuellement, le CESE est composé de 175 membres dont les fonctions sont incompatibles avec l'exercice d'un mandat parlementaire. Il comprend autant de représentants des salariés que des entreprises et des professions libérales, que des représentants de la cohésion sociale et de territoire et de la vie associative, et des représentants d'associations de protection de l'environnement. C'est vraiment l'idée de représenter la société civile dans sa diversité.

Son rôle traditionnel, prévu par la Constitution, est de donner justement son avis sur les projets de loi ou d'ordonnances ou même de décrets qui lui sont soumis. Sa consultation s'effectue à la discrétion du gouvernement. Et l'avis du CESE n'est pas un avis juridique mais exprime davantage la sensibilité de ses membres, de la société civile, sur les sujets ouverts à discussion.

Avec la révision de 2008, le CESE organise aussi l'exercice d'un droit de pétition qui permet d'attirer l'attention du gouvernement sur certains sujets de société mais qui ne fonctionnent pas très bien.

La grande évolution du CESE correspond à une loi organique du 15 janvier 2021, qui change la nature de cette institution pour renforcer son rôle, notamment dans le rôle des consultations en faisant en sorte que lorsque plusieurs consultations sont organisées par les textes, la consultation du CESE réunisse l'ensemble des consultations.

Surtout, un élément qui est assez original dans cette réforme est relatif à l'organisation des conventions citoyennes. L'organisation de conventions citoyennes, qui est gérée par le CESE, correspond à une nouvelle forme de participation du public, c'est-à-dire une réunion de citoyens éclairée par des travaux d'experts qui sont chargés de débats de grandes politiques publiques. On a eu deux exemples de conventions citoyennes sur le climat et plus récemment sur la fin de vie. Après avoir débattu, ce groupe de citoyens est chargé d'élaborer des propositions au gouvernement.

Quelques éléments marquants dans l'organisation, d'abord la composition de cette instance de consultation, de ces conventions citoyennes, elle s'effectue par un vrai-faux tirage au sort de 150 citoyens, parce que d'abord il faut avoir accepté de participer au tirage au sort, ce qui s'effectue par démarchage téléphonique, mais on a de nombreux critères de désignation qui ont été faits pour rendre cette assemblée la plus représentative.

Il faut une certaine portion d'hommes et de femmes, une parité âge, niveau diplôme, de catégorie socioprofessionnelle, de handicap ou pas, c'est un tirage au sort mais en fait il faut vraiment cocher toutes les cases de la représentativité de la société française. Donc c'est pas un demi, c'est pas vraiment un tirage au sort, plus un tirage au sort tempéré.

On a une assemblée de citoyens qui est chapeautée par un comité de gouvernance qui est chargé de jeter un regard extérieur sur l'organisation du tirage au sort, sur les travaux, et puis un certain nombre d'intervenants éclairent les débats par leur expertise.

Ces conventions citoyennes rendent donc un rapport qui comprend de nombreuses propositions qui sont souvent formulées avec la majorité exprimée. Donc la majorité s'est plutôt exprimé pour à 75%, à 40%, ce n'est pas binaire comme rapport.

Et ce rapport comprend plusieurs propositions qui ont vocation à chaque fois à être reprises par le gouvernement, à la discrétion du gouvernement qui évidemment est libre de reprendre ou non, mais il est difficile d'organiser une convention citoyenne et de ne rien en retenir.

Après les administrations de gestion, les administrations consultatives, il y a les administrations de contrôle.

Les administrations de contrôle

Dans une administration de droit, le contrôle de l'action administrative s'impose notamment évidemment en ce qui concerne la régularité juridique de ces décisions. C'est le principe notamment de l'égalité qui impose que l'administration soit soumise au droit. Et on a des organes juridictionnels, notamment les tribunaux administratifs, les cours administratifs d'appel avec à leur tête le Conseil d'état, qui veillent à la légalité de l'action administrative.

Mais à côté de ce contrôle purement juridictionnel de l'activité administrative, la tradition administrative française accorde une large place au contrôle non juridictionnel de l'administration. Et des corps d'inspection ont été créés à cet effet, dont les missions ont été enrichies au fil du temps.

Inspection générale des finances (IGF), inspection générale de la police nationale (IGPN), inspection générale des affaires sociales (IGAS). Toutes ces grandes inspections sont assez connues, dans les médias on entend souvent parler du rapport de telle grande inspection, de contrôle mené par telle grande inspection.

En France il existe une grande variété de services d'inspection générale, au moins une vingtaine, il y a différentes façons de procéder au calcul mais au moins d'une vingtaine.

Traditionnellement, chacune de ces inspections constituait un grand corps où l'on pouvait y effectuer toute sa carrière, carrière souvent assez prestigieuse et par exemple le recrutement de l'inspection générale des finances s'effectuait à la sortie de l'ENA, c'est les premiers qui sortaient de l'école nationale d'administration, ceux qui étaient classés dans les premiers, ce qu'on appelle la botte à la fin du concours de sortie, qui pouvaient avoir vocation à intégrer l'IGF et y faire toute leur carrière.

Alors aujourd'hui les choses ont été substantiellement révisées.

D'abord l'ENA a été supprimée et remplacée par l'Institut National du Service Public, l'INSP, et on a eu une réforme générale de l'encadrement supérieur de l'État, qui a conduit à la suppression des corps d'inspection, ce qui fait que ce n'est plus au sein de l'administration un corps autonome où l'on pourrait y effectuer toute sa carrière, ce sont désormais de simples emplois auxquels on est affecté après avoir eu une expérience de terrain.

Donc on ne peut plus faire toute une carrière dans les corps d'inspection, maintenant il y a plus d'allers-retours et on n'est pas recruté directement à la sortie de l'INSP, donc le successeur de l'ENA, mais après une expérience sur le terrain.

Ces administrations d'inspection, ces grandes inspections, mènent des missions variées, missions qui se sont progressivement enrichies au fil des ans. Aujourd'hui on pourrait dire que les corps d'inspection, même si ce ne sont plus des corps, les grandes inspections exercent une quadruple mission, une mission de contrôle, une mission d'audit, de conseil et d'évaluation.

La fonction de contrôle des inspections générales est le fondement initial de leur mission, elle repose sur des investigations approfondies, le contrôle mené à posteriori. L'objectif d'un contrôle, c'est de déceler les erreurs de gestion et de confondre les fonctionnaires indélicats. C'est vraiment un contrôle au sens strict du terme, voir si les agents de l'administration ont suivi les procédures.

A côté de ces missions de contrôle, les inspecteurs effectuent aussi un travail d'audit et de conseil, qui est déjà plus valorisé, afin de vérifier que les résultats obtenus correspondent à l'objectif fixé. Donc là, ce n'est pas juste de suivre la régularité des décisions prises par les agents, mais de voir si dans la mise en œuvre des politiques publiques, les résultats recherchés ont été obtenus et conformes à l'objectif fixé, ce qui est déjà une mission un peu plus intéressante.

Et au-delà, on a effectivement la question de l'évaluation, qui est très intéressante, qui s'agit de voir dans quelle mesure telle politique publique a été mise en œuvre, est-ce qu'elle est performante, quels sont les moyens d'améliorer la politique publique en cause.

D'un contrôle vraiment axé sur la régularité d'un certain nombre d'opérations, on passe à l'audit et à l'évaluation des politiques publiques, qui font qu'en réalité, c'est une forme de remise à plat de l'action administrative, pour voir si celle-ci est pertinente, et ce qui permet de diversifier les missions de ces inspections générales.

Section 2 – La décentralisation fonctionnelle (ou horizontale) et la régulation

La décentralisation fonctionnelle se caractérise comme un procédé consistant à octroyer à certains services publics la qualité de personnes publiques, en associant parfois agents et usagers à la gestion de ceux-ci.

Elle répond d'abord à un souci d'efficacité. Il s'agit d'assurer une répartition aussi satisfaisante que possible des fonctions de l'administration. Le caractère décentralisateur de cette forme de décentralisation fonctionnelle est parfois discuté. Certains y voient une forme de déconcentration déguisée, avec une autonomie de gestion de façade, mais une tutelle suffisamment étroite pour permettre au pouvoir central d'imposer ses choix.

La catégorie juridique de base de la décentralisation fonctionnelle correspond à l'établissement public.

La définition traditionnelle de l'établissement public est celle d'un service public doté d'une personnalité juridique.

Les établissements publics sont nationaux quand la collectivité publique à laquelle ils sont rattachés est l'État, et les établissements publics sont locaux lorsque la collectivité publique de tutelle à laquelle ils sont rattachés est une collectivité territoriale.

On peut également se demander si la façon dont les activités de régulation sont organisées et prises en charge par des organismes spécifiques dédiés à cette tâche, et qu'on appelle les autorités administratives ou les autorités publiques indépendantes, ne correspond pas à la forme la plus poussée de décentralisation fonctionnelle.

En science politique, la notion de régulation sert à désigner les nouveaux visages de l'État. Il ne s'agit pas pour l'État de prendre directement en charge certaines fonctions, mais de jouer le rôle d'un arbitre extérieur chargé de maintenir l'équilibre dans l'exercice de certaines activités, en créant un cadre, qui permette l'exercice, par des personnes privées, de l'activité régulée, et de résoudre les tensions qui sont susceptibles de survenir au sein de ce cadre.

Il existe de nombreux acteurs de la régulation. Toute autorité administrative qui intervient sur un marché peut être considérée comme une autorité de régulation. Mais du point de vue des institutions administratives, l'originalité de cette mission tient au fait qu'elle est exercée par une catégorie organique bien particulière, celle des autorités administratives indépendantes, les A.A.I. ou celle des autorités publiques indépendantes, les A.P.I.

Les A.A.I. de façon générale désignent une catégorie propre d'institution administrative créée par le législateur et placée en dehors du cadre des structures administratives traditionnelles et notamment du pouvoir hiérarchique du gouvernement. En cela, elles peuvent être considérées comme de véritables acteurs de la décentralisation puisque des compétences leur sont confiées sans que l'État ne puisse contrôler leur mise en œuvre.

Après les avoir caractérisées davantage, il faudra s'intéresser à leur pouvoir.

Caractérisation

Pour parler avec pudeur, les autorités administratives indépendantes ont connu un développement marqué par l'empirisme. Mais il est malgré tout possible d'en dégager quelques traits.

Pour schématiser, deux grandes phases peuvent être observées. D'une part avant la réforme du 20 janvier 2007, d'autre part après la réforme du 20 janvier 2007.

Identification

Les A.A.I. ont dans le paysage français une origine qui est assez ancienne et peu glorieuse, puisque la doctrine estime que la première autorité administrative indépendante correspondrait à la commission de contrôle des banques qui avait été créée en 1941 sous le gouvernement de Vichy et qui était un instrument, un organe qui promouvait le corporatisme, c'est à dire le mode de relation au travail du gouvernement de Vichy.

Jusqu'aux années 70, ce mouvement est resté en sommeil. Ses structures n'ont pas connu de développement particulier.

L'expression A.A.I. donc autorité administrative indépendante est employée pour la première fois par le législateur avec la très importante loi informatique et liberté du 6 janvier 1979. Et le législateur qualifie comme telle la CNIL, la commission nationale informatique et liberté qui existe encore et qu'elle instituait. Donc la première véritable A.A.I. n'est pas en matière de régulation économique mais bien de protection des droits et des libertés.

Par la suite, on a assisté à un développement qu'on peut qualifier de foisonnant et en même temps de non rigoureux des A.A.I. Le législateur a également employé l'expression autorité publique indépendante.

À la différence des autorités administratives classiques qui relèvent de la personnalité morale de l'état, les A.P.I. sont dotées de leur propre personnalité morale et donc elles engagent en théorie leur propre responsabilité et disposent d'un patrimoine. Exemple d'A.P.I. : l'AMF, l'autorité des marchés financiers, l'agence française de lutte contre le dopage.

Finalement, les enjeux de droit entre A.A.I. et A.P.I. sont souvent à relativiser. L'autonomie et l'indépendance des autorités administratives indépendantes est telle qu'on peut les inclure dans la décentralisation même si les A.A.I. au sens strict sont dépourvus de personnalité morale.

À l'occasion d'un rapport fait en 2001 sur ce sujet, le Conseil d'état a distingué trois critères d'identification des A.A.I.

La caractérisation

Il est possible quand même de dresser une forme de portrait général de ces A.A.I. On peut distinguer, mais c'est schématique évidemment et raccourci, deux grandes catégories d'A.A.I. : celles qui interviennent en matière de régulation économique et celles qui interviennent pour assurer la sauvegarde des droits et libertés du citoyen. Encore une fois, il s'agit de distinctions schématiques.

D'abord, les A.A.I. de régulation économique. Là encore, on peut à nouveau distinguer deux sous-catégories de tels A.A.I. à savoir celles qui ont un objet transversal général et celles qui ont un objet plus sectoriel.

On a effectivement une catégorie d'A.A.I. à objet transversal de régulation de l'économie. On en a trois grands exemples : l'autorité de la concurrence, l'autorité des marchés financiers et bien qu'elle ne soit plus qualifiée aujourd'hui d'A.A.I. mais initialement elle était comme telle, l'autorité de contrôle prudentiel et de résolution. Là, c'est l'idée de confier des pans sensibles de régulation de toute l'économie à une autorité indépendante.

On rencontre de façon plus fréquente, en tout cas elles sont plus nombreuses, des autorités administratives indépendantes à objet sectoriel. Ces A.A.I. ont accompagné l'ouverture à la concurrence d'anciens services publics qui auparavant étaient gérés sous forme monopolistique. Par exemple, la commission de régulation de l'énergie ou l'ARCEP, l'autorité de régulation des communications électroniques et des postes.

Il peut y avoir aussi des A.A.I. sectoriels mais qui ne sont pas forcément liés avec l'idée d'ouverture de la concurrence mais qui sont liés à la spécificité technique de l'objet surveillé et l'exemple typique c'est l'ASN, l'autorité de surveillance du nucléaire.

La pertinence du modèle des autorités administratives indépendantes a séduit dans ces domaines qui sont marqués par un double besoin qui est celui de la technicité du secteur en cause et de l'indépendance à l'égard de l'Etat pour garantir la mise en oeuvre de la concurrence et l'application parfois des règles de sécurité dans le cas du nucléaire.

Des A.A.I. ont aussi été développés en matière de droits et libertés, notamment pour contrôler l'activité tant de l'Etat que des personnes privées. Encore une fois, l'idée de passer par une A.A.I. est justifiée par des motifs d'indépendance et de technicité des missions exercées.

Le premier exemple d'A.A.I. en matière de droits et libertés c'est la CNIL, la Commission Nationale Informatique et Liberté qui avait été créée par la loi du même nom, Informatique et Liberté, en 1979. Autre exemple, l'ancien CSA, désormais devenu ARCOM, donc auparavant Conseil Supérieur de l'Audiovisuel, maintenant Autorité de Régulation de la Communication, dont l'objet est mixte, puisqu'il s'agit à la fois d'assurer la régulation économique du secteur audiovisuel et en même temps de garantir le pluralisme des courants de pensée et d'opinion. On peut également ranger dans cette catégorie, par exemple, le défenseur des droits, qui est une forme d'autorité administrative indépendante constitutionnellement reconnue depuis la révision du 23 juillet 2008 à son propre titre dans la constitution.

La réforme du 20 janvier 2017 et le statut des A.A.I.

On a une grande réforme du statut des autorités administratives indépendantes qui, malgré une tentative de redéfinition, n'a finalement pas changé grand chose à cette notion.

La redéfinition législative des autorités administratives indépendantes.

Cette multiplication, parfois pas très ordonnée des A.A.I., a donné lieu à d'importantes critiques et notamment des critiques qui ont émané de la part de certains parlementaires, qui avaient l'impression d'être dépossédés de leur prérogative en voyant des organismes de nature administrative pas véritablement contrôlés.

Cette critique lancinante contre les autorités administratives a abouti à une réforme du 20 janvier 2017, une loi organique et une loi ordinaire, qui engendre la création d'un statut des AAI et des API. Le législateur a d'ailleurs voulu dissiper le trouble qui existait auparavant sur la qualification d'AAI et qui relevait finalement de qualification jurisprudentielle lorsque le législateur n'était pas très précis.

Désormais, toute autorité administrative indépendante ou autorité publique indépendante est instituée par la loi, donc il ne peut y avoir d'AAI qu'instituée par le législateur. La loi fixe les règles relatives à la composition et aux attributions ainsi que les principes fondamentaux relatifs à l'organisation et au fonctionnement des AAI et des API. Elle fixe également les principaux éléments du statut des AAI en adressant une liste.

D'ailleurs, la Constitution de la liste prévue dans le cadre de cette réforme des AAI a donné lieu d'âpres discussions. Le secrétaire général du gouvernement avait par exemple recensé l'existence de 42 AAI, mais au final il n'y en a que 26 qui ont été retenus.

La notion d'AAI

Si l'existence d'un statut général et d'une énumération limitative des AAI et API constituent une innovation notable, la portée du changement ne doit pas être surestimée, le législateur ayant opté pour une démarche d'harmonisation autour du plus petit dénominateur commun, ce qui fait que d'une AAI à l'autre en termes de statut et d'organisation, il y a une grande diversité qui subsiste.

Tout d'abord, si on veut essayer de qualifier de façon générale les AAI, ce sont bien des autorités administratives, parce que leurs fonctions ne les rattachent ni à l'activité législative, ni à l'activité judiciaire. Elles procèdent bien de l'administration de l'État.

Ce ne sont donc pas des juridictions au regard du droit interne, même si le Conseil d'État, sous l'influence de la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l'Homme, estime qu'elles doivent, lorsqu'elles statuent en matière de sanctions, respecter des garanties minimales du droit à un procès équitable, on peut voir cela dans un arrêt Didier de 1999.

En outre, les AAI sont indépendantes. Mais cette indépendance s'apprécie par rapport au gouvernement, puisque, au contraire de ce qui se fait en matière de déconcentration par exemple, il n'existe pas de pouvoir hiérarchique du gouvernement à l'égard des AAI, bien que ce soit des administrations de l'État.

Et l'indépendance est notamment mise en oeuvre de façon plus concrète par la composition des AAI. Les règles de composition varient d'une AAI à l'autre. En général, elles sont composées de personnalités qualifiées du secteur en cause, ainsi que de magistrats et de membres du Conseil d'État, ou de la Cour des Comptes, et parfois des élus. Le mandat est d'une durée comprise généralement entre 3 à 6 ans, qui éventuellement peut être renouvelable une fois. En revanche, les personnes nommées au sein du collège d'une AAI sont irrévocables.

Généralement, les membres d'une AAI sont nommés par décision du Président de la République, ou du Président du Sénat et de l'Assemblée Nationale, après audition devant l'une des commissions prévues par l'article 13 de la Constitution.

Pouvoirs

Les AAI constituent le symbole de la modernité administrative. Il y a cette idée que la régulation est en dehors de la contrainte, que l'acte de régulation, c'est celui qui n'aurait pas d'effet impératif, dont la force de conviction, en raison du prestige de l'institution, serait suffisante à elle seule pour provoquer les effets voulus. Cela est évidemment trop exagéré.

Certainement, les AAI disposent d'un important pouvoir d'incitation, de suggestion. Mais il n'en demeure pas moins qu'elles procèdent également par la contrainte, et que c'est la possibilité d'employer leur prérogative de puissance publique qui fait d'elles de véritables autorités administratives.

Les AAI sont compétentes pour prendre de nombreux actes administratifs, et notamment des mesures individuelles traditionnelles, comme l'autorisation préalable par exemple. L'ARCOM, une de ses compétences les plus importantes, c'est l'autorisation pour une chaîne de télé d'émettre sur tel type de fréquence et donc de diffuser une émission.

On a deux catégories d'actes des AAI qui ont suscité des discussions plus particulières : le pouvoir réglementaire et le pouvoir de sanction.

Le pouvoir réglementaire des AAI

L'attribution d'un pouvoir réglementaire aux autorités administratives indépendantes, c'est-à-dire la faculté d'émettre des normes impersonnelles et générales, a soulevé des problèmes juridiques de légitimité notamment.

Comment admettre qu'un tel pouvoir normatif puisse être exercé par une autorité administrative, une autorité publique, échappant à tout contrôle public ou hiérarchique, sachant qu'au terme de la Constitution, normalement, si on prend les articles 21 et 20, le pouvoir réglementaire, l'exercice du pouvoir réglementaire, revient au seul Premier ministre sous réserve éventuellement des compétences du Président de la République ? Cette question délicate a notamment été réglée par la jurisprudence du Conseil Constitutionnel.

On peut citer par exemple la décision du 18 septembre 1986 ou la décision du 17 janvier 1989, qui admettent le principe d'une telle délégation de compétences que si celle-ci est de portée limitée, tant en termes de champ d'application que par son contenu, pour permettre à l'autorité de strictement mettre en œuvre les missions dont cette autorité est investie.

Le pouvoir de sanction des AAI

Les difficultés soulevées par l'attribution d'un pouvoir de sanction aux Aïe relèvent un petit peu du même angle que celle relative à l'attribution du pouvoir réglementaire, notamment s'agissant de leur légitimité.

La première difficulté juridique est la conformité de la répression, ce qu'on appelle la répression administrative, c'est-à-dire le fait que les sanctions soient infligées par une autorité administrative, donc c'est la conformité de la répression administrative au principe de séparation des pouvoirs. Dans la logique institutionnelle classique, il revient en effet au juge seul et singulièrement au juge pénal de sanctionner les atteintes aux droits.

Donc comment admettre que l'administration et singulièrement les autorités administratives puissent faire ça ? La réponse a encore été donnée par les deux jurisprudences du Conseil Constitutionnel, et notamment la décision du 17 janvier 1989, qui modifiait la loi relative à la liberté de communication.

Pour le Conseil Constitutionnel, une autorité administrative, même indépendante, peut tout à fait être dotée d'un pouvoir de sanction sans que cela ne porte atteinte à la séparation des pouvoirs, mais dans la limite nécessaire à l'accomplissement de ses missions :

Donc le Conseil Constitutionnel ne s'oppose pas à ce que les autorités administratives indépendantes exercent un pouvoir de sanction, mais à condition de respecter un certain nombre de standards en matière de droits et libertés.

Les pouvoirs d'incitation

La marque de fabrique des autorités administratives indépendantes est l'utilisation qu'elles font du droit souple, c'est-à-dire l'utilisation d'actes incitatifs sans porter strictement impératif qui en tant que tel ne modifie pas l'ordonnancement juridique.

Et le droit souple s'est beaucoup développé chez les AAI, ça fonctionne bien puisqu'on sait qu'elles sont très compétentes dans leur domaine et qu'en plus elles peuvent prendre des sanctions. Donc les acteurs sont prêts à se plier globalement aux actes ou aux conseils ou aux recommandations annoncées par ces autorités.

Pendant très longtemps, le Conseil d'État estimait qu'il n'avait pas à connaître de tels actes, mais par un arrêt notamment du 21 mars 2016, un arrêt Fairvesta, le Conseil d'État a estimé qu'il ne pouvait pas rester à côté de ce phénomène et a accepté, sous certaines conditions, de contrôler les actes de droit souple au regard de l'importance de leurs effets.

INSTITUTIONS ADMINISTRATIVES

Chapitre III. Les administrations locales

L'expression « administrations locales » est particulièrement vague, parce qu'elle ne dit rien sur la nature de l'administration en question, si ce n'est qu'il ne s'agit pas d'une administration centrale ou nationale.

Le local, par définition, c'est tout ce qui n'est pas national, c'est-à-dire les territoires dont les limites géographiques sont strictement bornées au sein du territoire national. Pour le reste, les administrations locales ne sont pas synonymes de collectivités territoriales, il faut bien faire attention à ça.

L'État est bien évidemment présent partout sur le territoire. Et s'agissant des collectivités territoriales, le particularisme de l'Outre-mer suppose de les distinguer des collectivités métropolitaines.

Section 1 – L’État dans les territoires

"On n'administre bien que de près", la déconcentration répond à cette maxime, l'État ne peut pas tout diriger depuis Paris, il doit être présent évidemment sur l'ensemble du territoire. Et les autorités déconcentrées, qui pour mémoire n'ont pas de personnalité morale distincte de l'État, la préfecture n'a pas de personnalité morale, c'est l'État, demeurent hiérarchiquement subordonnées à une autorité supérieure.

Différents niveaux d'action de l'État sont constitués à travers le territoire au centre desquels apparaît la figure du préfet.

Les échelons de l'action locale.

Les cadres de l'action déconcentrée de l'État sont notamment énoncés par le décret du 7 mai 2015 portant charte de la déconcentration. Quatre principaux échelons sont à distinguer, la région, le département, l'arrondissement et la commune.

La circonscription régionale

Le cadre régional constitue un pivot de coordination de l'administration déconcentrée de l'État dans les territoires. Leur tracé a varié, et si les régions naissent dans les années 1960, elles ne deviennent des collectivités territoriales qu'avec l'acte 1 de la décentralisation en 1992.

Avec la loi du 16 janvier 2015, elles sont de façon assez drastique, assez brutale, passées de 22 à 13, ce qui a évidemment conduit à une réorganisation des préfectures de régions puisqu'il y a une préfecture de région par région : si on modifie la carte de région, on modifie la carte des préfectures.

La circonscription départementale

Le département constitue l'échelon de base de la déconcentration. Le décret du 7 mai 2015, c'est le fameux décret portant en charge de la déconcentration, le désigne plus précisément comme "l'échelon territorial de mise en œuvre des politiques nationales et de l'Union Européenne".

Le découpage de la France en département a été décidé à la fin de l'année 1789, au tout début de la révolution, et réalisé par un décret du 26 février 1790. Il n'a pas connu de grands bouleversements ce découpage en tant que tel, mais plutôt des adaptations.

Le chef lieu du département correspond aussi au siège de la préfecture et à celui du conseil départemental.

L'arrondissement

L'arrondissement, est une façon un peu désuète à nos oreilles, mais la subdivision des départements en arrondissement est en fait assez ancienne puisqu'elle remonte à une loi du 28 pluviôse an VIII, loi très importante du reste, qui correspond au 17 février 1800.

Cette circonscription a servi d'emblée à l'implantation des sous-préfectures, avec à leur tête un sous-préfet qui, initialement, était entouré d'un conseil, d'abord nommé puis ensuite élu. Malgré cela, cet échelon d'administration ne pourra pas s'imposer comme un véritable cadre de la décentralisation et donc il n'y aura pas de développement d'une personnalité morale autonome de l'arrondissement, et l'idée des conseils d'arrondissement ne va pas survivre à la seconde guerre mondiale.

Donc aujourd'hui l'arrondissement n'est plus qu'un simple échelon déconcentré, sans coïncidence avec le tracé d'une autre collectivité territoriale, comme c'est le cas pour la région, le département ou même la commune. Et les arrondissements correspondent au réseau des sous-préfectures, qui est d'ailleurs un réseau très ancien et qui pourrait parfois mériter d'être redessiné pour tenir compte de l'évolution des territoires.

La commune

La commune est un cas un peu particulier, puisqu'elle constitue la cellule de l'administration déconcentrée la plus proche du citoyen. Mais, bien que ce soit quand même une cellule de l'administration déconcentrée, l'État n'y dispose cependant pas d'un agent propre nommé par lui.

Il emprunte à la commune l'un de ses organes les plus importants, le maire, puisque le maire va cumuler deux casquettes, en cumulant finalement les fonctions de représentant de la commune, personne morale décentralisée, et pour lesquelles il a été élu, mais à côté de cette fonction de représentation de la commune personne morale décentralisée, le maire est aussi un agent de l'État, d'un échelon déconcentré.

Comme agent de l'État, le maire dispose d'attributions importantes en matière par exemple de types, de certifications, de polices, pour lesquelles il relève de l'autorité hiérarchique du préfet ou parfois du procureur de la République en matière de polices judiciaires.

L'autorité préfectorale

La figure de l'État dans l'ensemble des territoires, c'est bien le préfet. Attention, le préfet est une autorité administrative, pas une personne publique, une personne physique publique ça n'existe pas. Cette fonction est assurée au service de l'État.

Cette institution, le préfet, a été créée en même temps que le département par la loi du 28 pluviôse an VIII. Si initialement le préfet fut conçu comme l'instrument essentiel de l'administration de l'État dans le département, son rôle s'étendit au niveau régional avec l'instauration des préfets de région en 1964.

Les préfets de département et les préfets de région sont régi en grande partie par des dispositions communes, auxquelles s'ajoutent quelques dispositions spécifiques,

Dispositions communes ou générales

Les préfets de région, c'est important à souligner, sont eux-mêmes les préfets des départements où sont implantés les chefs-lieux de région.

Prenons la région Pays de la Loire, chef-lieu Nantes, à Nantes vous allez avoir le conseil régional des Pays de la Loire, mais aussi puisque Nantes est en Loire-Atlantique le conseil départemental de Loire-Atlantique et vous allez avoir une préfecture. Et le préfet de Nantes sera préfet du département Loire-Atlantique, mais également préfet de la région Pays de la Loire.

Le statut préfectoral

Pendant longtemps, on peut considérer que le préfet n'a pas eu de véritable statut, compte-tenu de sa dépendance étroite avec les autorités politiques.

Et il faut commencer à attendre les années 50 et surtout un décret de 1964 qui a souvent été modifié pour qu'un statut des préfets soit posé. Ce décret de 1964 a été partiellement abrogé par un décret plus récent du 6 avril 2022 relatif aux emplois de préfets et de sous-préfets.

Et ce décret fait suite à une réforme très importante portant sur l'encadrement supérieur de l'Etat, réforme portée par l'ordonnance du 2 juin 2021 et qui supprime la plupart des grands corps de l'Etat pour les fusionner dans une catégorie générale, celle d'administrateur de l'Etat. Donc le corps des préfets, c'est-à-dire un groupement de métiers dans lequel on exerce toute sa carrière, a été supprimé en tant que tel, mais la fonction, en revanche, l'emploi demeure.

Bien qu'ils aient une fonction interministériale, le préfet reposant sur tous les membres du gouvernement, les préfets restent régi par les services du ministère de l'Intérieur et pas paradoxalement par ceux du Premier ministre : c'est le ministre de l'Intérieur qui a un peu la main sur les préfets.

L'emploi de préfet demeure à la discrétion du gouvernement. Pour simplifier, on parle maintenant de postes à la décision du gouvernement dans le cadre des réformes de simplification administrative, ce qui est complètement idiot parce que tout acte pris par le gouvernement est à la décision du gouvernement, tandis que quand on fait référence à la discrétion du gouvernement, ça exprime bien le caractère discrétionnaire, c'est-à-dire le libre choix mené par le gouvernement.

Qu'est-ce que ça veut dire que les préfets sont à la discrétion ou à la décision du gouvernement ? Celaa signifie qu'ils sont librement nommables et révocables par le gouvernement. Un préfet qui fait des vagues, on peut le renvoyer du jour au lendemain.

Plus précisément, les préfets sont nommés en conseil des ministres, c'est-à-dire par le Président de la République, sur proposition du Premier ministre et du ministre de l'Intérieur. La durée maximale d'exercice continu des fonctions de préfet est fixée à neuf ans, quel que soit le nombre d'emplois occupés par cette période. On ne peut pas occuper pendant plus de neuf ans des fonctions de préfet même si ça tourne. Désormais, c'est assez récent, un comité consultatif est chargé de formuler un avis sur l'aptitude professionnelle des personnes susceptibles d'être nommées pour la première fois dans un emploi de préfet, alors qu'en France, c'est totalement à la discrétion du gouvernement.

Nouveauté instaurée par le décret du 6 avril 2022, au moins deux tiers des emplois de préfet doivent être occupés par des personnes justifiant de plus de cinq années de service dans des postes territoriaux d'encadrement supérieur au sein des services des concentrés d'État. Maintenant, on va nommer pour la première fois dans des postes de préfet des personnes qui ont connu une expérience d'administrateur territorial importante.

Les préfets ont une obligation de loyauté, si ce n'est de loyalisme, à l'égard du gouvernement servi. Et les garanties dont ils disposent sont d'ailleurs bien plus faibles que celles prévues pour tous les autres fonctionnaires.

Ils ont certes la garantie d'occuper un emploi dans la fonction publique et donc de percevoir une rémunération, mais pas forcément celle d'occuper un emploi de préfet et encore moins celle d'occuper un emploi en poste territorial. Point particulier, c'est que le dossier administratif des préfets peut comporter leur opinion politique, ce que ne permet évidemment pas le statut général de la fonction publique, mais garde cette obligation de loyauté particulière à l'égard du gouvernement, considère cela comme justifié.

Les fonctions préfectorales

Le préfet est le visage de l'État dans la circonscription administrative qu'il occupe et il a un rôle protocolaire, honorifique, très important. Le préfet assure une double représentation de l'État et du gouvernement ainsi qu'exprime l'article 72 de la constitution.

La constitution dispose que "le préfet est le représentant de chacun des membres du gouvernement" : c'est bien la fonction de représentation du gouvernement et il a la charge des intérêts nationaux. Ce qui prouve bien le côté représentation de l'État.

Au titre de sa fonction de représentant de l'État, les fonctions du préfet se décomposent parmi les trois sous-fonctions suivantes.

Au titre de sa fonction de représentation du gouvernement, le préfet décide au nom de l'État en lieu et place du gouvernement, justement pour le compte du gouvernement. Donc il y a vraiment une fonction très importante à cet égard.

Juridiquement, cette fonction de représentation repose sur la notion de délégation, confiée par le gouvernement à son délégué, le préfet, et cette représentation correspond à la mise en œuvre des politiques voulues par la nation. Cette délégation confiée au préfet est de nature interministérielle, il s'agit de conduire toutes les politiques nationales et dirige l'action des services de l'État dans sa circonscription.

Dispositions particulières

L'échelon par excellence en matière de déconcentration, c'est le département. Il faut savoir que le préfet de région étant aussi un préfet de département, les dispositions spécifiques au préfet de département s'appliquent aussi au préfet de région en tant que préfet de région est également un préfet de département.

Les dispositions spécifiques au préfet de région

Les attributions des préfets de département sont très étendues, car depuis sa création cette circonscription est le cadre normalement utilisé pour les interventions des services de l'État. La charte de la déconcentration n'a pas remis en cause cette vocation.

Il s'ensuit que le préfet apparaît comme le dépositaire privilégié de l'autorité de l'État. Il est cependant placé sous l'autorité du préfet de région qui peut décider d'évoquer lui-même certains dossiers.

Dans ce cadre, le préfet de département met en œuvre les politiques nationales et communautaires. Le préfet de département assure le contrôle administratif du département, des communes, des établissements publics locaux et des établissements publics interdépartementaux qui ont leur siège dans le département.

Il veille à l'exercice régulier de leurs compétences par les autorités du département et des communes : c'est du contrôle de légalité qui est très important.

Le préfet de département a la charge de l'ordre public et de la sécurité des personnes et des populations. Il dispose à cette fin d'un pouvoir de police administrative générale dans sa circonscription qui est très important.

Les dispositions spécifiques au préfet

La région a été consacrée comme un niveau de pilotage des politiques publiques nationales et communautaires. Un niveau de pilotage, donc pas un niveau d'exécution, un niveau de conception plutôt, alors que le département, lui, c'est la mise en œuvre de ses politiques publiques.

Une relation nouvelle entre le préfet de région et le préfet de département en a découlé. Le préfet de région est responsable de l'exécution des politiques de l'État dans la région. Il assure le contrôle administratif de la région en tant que collectivité territoriale.

Le préfet de département assure le contrôle administratif du département en tant que collectivité territoriale. C'est la même chose pour le préfet de région, il va contrôler l'égalité des actes, exercer le contrôle de légalité, c'est-à-dire faire l'usage de son déferré s'il estime qu'un acte produit par la région est illégal, de la région, de ses établissements publics et de tous les établissements publics qui ont siège dans la région et qui ont une vocation régionale.

Le préfet de région s'efforce de concilier la politique nationale de développement économique et sociale avec celle de la région en négociant des actes qui sont très importants du point de vue symbolique, ce qu'on appelle les contrats de plan État-Région qui ont pour objet de fixer la répartition des financements entre l'État, la région et d'autres collectivités en matière de développement économique.

Enfin, le préfet de région peut se saisir de dossiers relevant normalement des préfectures de départements dès lors qu'il estime nécessaire pour garantir la coordination à l'échelle régionale. Donc il peut évoquer des dossiers qui normalement devraient relever d'un département.

Le préfet de département conserve toutefois une compétence générale et exclusive dans certains domaines pour lesquels le préfet de région ne peut intervenir, notamment en matière d'ordre public, de sécurité et de droit des étrangers.

À l'échelle déconcentrée, il existe des administrations de la déconcentration qui ne sont pas soumises à l'autorité hiérarchique du préfet mais à d'autres autorités, notamment en matière d'éducation nationale. On a les académies et les rectorats, avec à leur tête un rectorat, donc on a un découpage par académie avec à leur tête un rectorat.

En matière de santé, on a les ARS, qui sont les agences régionales de santé sur lesquelles les préfets ont un rôle limité. La plupart des administrations déconcentrées sont sous la conduite d'un préfet, mais il existe certaines administrations déconcentrées qui ne relèvent pas du préfet.

Section 2 – La décentralisation territoriale (ou verticale)

Pour mémoire, la décentralisation territoriale désigne le transfert de compétences de l'État vers une collectivité territoriale laquelle est dotée de sa propre personnalité morale.

Les collectivités territoriales font l'objet du titre XII de la Constitution auquel s'ajoute la Nouvelle-Calédonie qui fait l'objet d'un titre XIII. Les rapports entre l'État et les collectivités territoriales sont marqués par une vive tension qui s'exprime par l'opposition entre grands principes constitutionnels opposés de prime abord.

D'un côté l'unité de l'État avec l'indivisibilité de la République et de l'autre côté la libre administration des collectivités territoriales et la promotion des libertés locales. Cette tension a progressivement façonné l'organisation des collectivités territoriales métropolitaines.

Les rapports des collectivités territoriales de l'État sont régis par le principe de libre administration des collectivités territoriales qui est énoncé aux articles 34 et 72 de la Constitution. Ce principe de LACT dispose de deux composantes à la fois matérielles et formelles.

D'un point de vue matériel, il résulte de cette liberté que les collectivités territoriales impliquent l'existence d'un Conseil élu doté d'attributions effectives.

D'un point de vue formel, la Constitution fixe une règle de répartition des compétences entre la loi et le règlement. En effet, il appartient aux législateurs de déterminer les principes fondamentaux de la LACT, de leurs compétences et de leurs ressources, notamment l'article 34 aligné à 13 de la Constitution.

Ce principe de libre administration des collectivités territoriales conduit à l'instauration d'une véritable démocratie locale et à la constitution d'un pouvoir local doté de compétences élargies.

Les collectivités territoriales métropolitaines

L'instauration d'une démocratie locale

La Constitution reconnaît l'importance de la démocratie locale en précisant que les collectivités territoriales s'administrent librement par des conseils élus, au-delà de l'élection, les citoyens locaux peuvent être consultés sur divers sujets.

La désignation des organes

Qu'il s'agisse de la commune, du département ou de la région, la physionomie des collectivités territoriales est toujours la même, avec l'élection directe d'une assemblée délibérante et l'élection indirecte d'un organe exécutif, le maire, le président, le conseil départemental.

Toute personne française de 18 ans révolu est éligible à un mandat local à condition d'être inscrit au rôle des contributions directes, c'est-à-dire à condition de payer des impôts dans l'échelon territorial concerné. Les ressortissants européens peuvent parfois être éligibles aux assemblées locales.

Il y a toutefois certaines incompatibilités qui empêchent de se présenter à des élections locales et qui visent toutes, pour simplifier, des fonctions sensibles à l'échelle locale comme le préfet, les magistrats, les policiers ou aussi les agents supérieurs des collectivités territoriales en question.

Un préfet ne peut pas se porter candidat à une élection dans le cadre de la circonscription qu'il administre, le directeur général des services d'une commune ne peut pas convoiter la place du maire. Il y a une incompatibilité.

Elections

Tant pour la commune, le département ou la région, les mandats sont de 6 ans et le renouvellement de l'organe délibérant est intégral.

Au sein de la commune, l'assemblée délibérante est le conseil municipal. Le nombre de conseillers municipaux varie en fonction de la taille de la commune. Il y a un minimum de 7 conseillers pour les communes de 100 habitants, un maximum de 69 pour les communes de plus de 300 000 habitants. 7 conseillers municipaux à trouver dans les petites communes de moins de 100 habitants qui sont quand même importantes, ce n'est pas si évident que ça. C'est à l'origine de véritables difficultés.

Le mode de scrutin pour les élections communales varie selon que la commune a plus ou moins 1000 habitants. Pour les communes de moins de 1000 habitants, il s'agit d'un scrutin majoritaire à deux tours pour simplifier. On élit donc directement les personnes qui vont devoir siéger au conseil municipal. On peut choisir telle ou telle personne, on peut choisir tout un groupe ou telle candidature individuelle.

En revanche, pour les communes de moins de 1000 habitants, c'est un scrutin de liste. On ne vote plus pour certains individus, mais on vote pour une liste particulière comportant autant de candidats que de sièges à pouvoir. Peuvent accéder au second tour les listes ayant obtenu au moins 10% du suffrage des votes exprimés.

Le scrutin des municipales est un scrutin mixte parce que la répartition des sièges mêle aspect proportionnel et majoritaire. La liste obtenant le plus de voix dispose d'un nombre de sièges égal à la moitié du nombre de sièges à pouvoir. D'emblée, c'est le côté majoritaire de l'élection municipale, la liste qui obtient le plus de voix est assurée d'avoir la majorité des sièges au conseil municipal. Les autres sièges restant à répartir le sont dans le cadre de la représentation proportionnelle, réparties à la proportionnelle entre les différentes listes qui ont proposé des candidats.

Pour le département, il s'agit de l'élection au conseil départemental, avant on appelait ça au conseil général. Le département est divisé géographiquement en cantons et les électeurs de chaque canton élisent au conseil départemental deux membres de sexe différents, on élit un binôme homme-femme en fonction de sa circonscription interne au département. C'est ce qu'on appelle un scrutin majoritaire binominal puisqu'il y a deux personnes à deux tours, chaque binôme doit obtenir au moins 12,5% des voix pour se présenter au second tour. Au second tour, l'élection a lieu à la majorité relative quel que soit le nombre de binômes encore en liste.

Les conseillers régionaux pour leur part sont élus par un scrutin mixte de listes à deux tours, donc un peu comme pour les municipales, la liste qui obtient le plus de voix obtient cette fois-ci un quart du nombre de sièges, ça c'est différent des municipales, un quart, le seuil est un peu plus bas, et les autres sièges sont répartis entre toutes les listes ayant obtenu plus de 5% à la représentation professionnelle.

Désignation des exécutifs locaux

Les organes dirigeants d'une collectivité territoriale, les exécutifs locaux, ne sont pas, contrairement d'ailleurs à ce qu'on peut croire parfois, directement élus par les populations locales mais choisis en leur sein par les assemblées locales au scrutin majoritaire.

Dans le cas des municipales, on voit untel qui se présente pour être maire, ou dans les élections locales untel qui veut être président du département ou de la région, mais en réalité ce ne sont pas les citoyens qui élisent directement le maire, le président du conseil départemental ou régional, mais bien l'assemblée délibérante qui, elle, a été désignée par les citoyens.

Le maire et ses adjoints sont élus pour six ans par le conseil municipal. Le président du conseil départemental est élu lui aussi pour six ans par l'assemblée départementale. Il est élu par l'assemblée départementale lors de la réunion qui suit de droit chaque renouvellement général de cette assemblée et il est élu à la majorité absolue des membres de l'assemblée.

Il est assisté donc par des membres d'une commission permanente composée de vice-présidents qui reçoivent un certain nombre de délégations.

Comme dans le cas du département, les instances de direction au niveau régional comprennent le président du conseil régional et une commission permanente qui est composée, outre le président, de plusieurs vice-présidents et éventuellement d'autres membres qui ont une autre qualité. Le président est élu à la majorité absolue des membres du conseil régional pour une durée de six ans.

Depuis une loi du 14 février 2014, une incompatibilité a été créée entre le cumul de fonctions parlementaires avec l'exercice de fonctions exécutives locales, ce qu'on appelle la prohibition du cumul des mandats, loi qui avait été faite pour forcer les députés et les sénateurs à choisir, à choisir soit entre leur mandat local ou leur mandat national et à se consacrer pleinement à l'un ou à l'autre de leur mandat.

Les critiques de cette réforme estiment qu'elle accentue la supposée déconnexion des membres du parlement, sans qu'on sache exactement à quoi correspond cette déconnexion.

En tout cas, ce qui est sûr, c'est que la prohibition du cumul des mandats, qui fait qu'on ne peut pas combiner les fonctions parlementaires avec celles de chef d'un exécutif local, tend à affaiblir le poids politique des parlementaires, puisque avant certains parlementaires qui cumulaient différentes fonctions de maires, de présidents de conseil d'agglomération ou départemental au général, plus de députés ou de sénateurs, ils avaient un poids politique beaucoup plus important, puisqu'au-delà de leur mandat national, ils avaient des mandats locaux très importants, et c'est ce qu'on appelait des baronnies, c'est-à-dire un allié local très implanté et qui dispose également d'un mandat national.

La participation et la consultation du public

Il faut être quand même assez réaliste, en dehors des périodes électorales, la participation des citoyens aux affaires locales est assez souvent très médiocre. Il y a bien des dispositifs de participation des citoyens à la vie locale qui ont été instaurés, mais ils connaissent un succès relatif.

D'abord, paradoxalement, certains instruments de consultation des populations locales sont à l'initiative des autorités nationales. On en trouve la trace, notamment, aux articles 53 ou 72-1 de la Constitution. L'article 53 de la Constitution évoque les traités qui modifient le territoire national. Et dans ces cas-là, de tels traités ne peuvent être conclus sans l'accord des populations intéressées.

Et c'est une disposition, celle de l'article 53 de la Constitution, qui a notamment servi dans le cas des décolonisations, pour purger un peu les restes de colonisation. Lorsqu'il est envisagé de créer une collectivité territoriale dotée d'un statut particulier ou de modifier son organisation, l'article 72-1 de la Constitution prévoit d'organiser une consultation des électeurs dans les collectivités intéressées.

La modification des limites des collectivités territoriales peut également, mais ce n'est pas obligatoire, donner lieu à une consultation des électeurs dans les conditions prévues par l'article 72-1 de la Constitution.

À remarquer, et ça a été quand même beaucoup souligné, que la loi, c'était sous François Hollande, du 16 janvier 2005, relative à la délimitation des régions, n'a fait l'objet d'aucune consultation. Ça a été vraiment une espèce de gribouille entre classiques régionaux, les grands barons justement, qui avaient leurs attaches politiques du moment, avec le président de la République, et ceux qui n'étaient pas du même bord politique, qui ont été un peu victimes de ces redécoupages, et donc les populations intéressées n'ont pas du tout été consultées dans le cadre de ces découpages.

On peut avoir aussi des consultations des populations d'outre-mer, concernant l'évolution de leur statut, fixées, ces consultations, par l'article 72-4 de la Constitution.

A côté des instruments à l'initiative des autorités nationales, on a des instruments à l'initiative des autorités locales, on a deux instruments, notamment, qui sont intéressants à souligner.

D'abord, la question du référendum local, qui est permise par l'article 72-1 de la Constitution. Ce référendum d'initiative locale est assez complexe et structuré à mettre en oeuvre, il ne peut porter que sur des questions limitées en lien avec les compétences de la collectivité qui initiait ce référendum. Et en principe, le résultat du référendum a une valeur décisionnelle.

Et puis, on a une autre technique de consultation qui est organisée directement par le CGCT, le Code Général des Collectivités Territoriales, et l'idée, c'est d'instaurer au profit des citoyens locaux, une forme de droit de pétition, pour permettre aux électeurs locaux de faire des consultations et de faire des découpements, de faire des consultations pour permettre aux électeurs locaux d'une commune de demander à son assemblée délibérante d'organiser une consultation sur toute affaire relevant de cette assemblée.

Si la demande émane d'au moins un cinquième des électeurs inscrits, ce qui est énorme comme seuil, l'assemblée a l'obligation d'en discuter, mais elle est libre d'accepter ou de refuser la proposition d'organiser la consultation, consultation qui n'est pas décisive. Donc ça c'est un peu une usine à gaz, particulièrement, étroitement limitée.

L'organisation du pouvoir local

Les collectivités territoriales exercent différentes attributions qui ont progressivement été étendues par les lois de la décentralisation. Sans dénier l'importance des assemblées locales, il faut quand même reconnaître que ces compétences sont quand même surtout exercées ou dirigées par les exécutifs locaux.

Les compétences des collectivités territoriales

La collectivité territoriale exerce deux types de compétences. Des compétences générales pour les affaires d'intérêt local et des compétences d'attribution spécifiquement édictées par les textes.

Pour la commune, c'est prévu directement par le Code général des collectivités territoriales, celle-ci exerce une forme de compétence générale sur toutes les affaires d'intérêt strictement local comme l'exprime l'article L21-29 du CGCT, le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune, toutes les affaires de la commune, le conseil municipal a vocation à les régler.

Ce principe a une vocation double, en interne il permet de distinguer la compétence de principe de l'organe délibérant, c'est bien le conseil municipal, et les compétences d'attribution de l'organe exécutif. Et il permet aussi de protéger les communes contre d'éventuels autres empiétements de la part de l'Etat ou d'autres collectivités territoriales.

Évidemment tout l'enjeu dans le cadre de la mise en oeuvre de ces dispositions porte sur la définition des contours de la notion d'affaires locales, si vous interprétez strictement la notion d'affaires locales, les compétences de la commune vont être réduites, tandis que si vous l'interprétez largement, les compétences vont être plus grandes, et sur cette question la jurisprudence du conseil d'Etat a évolué.

On a aussi toute une liste de compétences d'attribution qui doivent être exercées par la commune, par exemple en matière de petite enfance, de ramassage des ordures ménagères, etc, bref, d'urbanisme évidemment, c'est une compétence importante, la rédaction des plans d'urbanisme, ou le fait d'autoriser les familles de construire, des compétences qui sont spécifiquement attribuées par les textes à côté de la compétence générale aux communes et qui peuvent être parfois très importantes.

Pour le département, et d'ailleurs comme pour la région, il n'est d'ailleurs plus possible de parler de clauses de compétences générales, il n'y a pas de dispositif semblable à l'article L21-29 du CGCT qui vaut que pour les communes, donc on n'a pas d'équivalent de cette clause de compétences générales, ce qui signifie que le département comme la région vocation à être des organes davantage spécialisés, et leurs compétences sont fixées par les textes, par le CGCT, s'agissant du département, donc il ne dispose que d'une compétence d'attribution, mais cette compétence d'attribution est quand même très large.

Les textes, les prérogatives fixées par le département sont quand même importantes. Pour donner quelques exemples, il est compétent notamment en matière d'action sociale, de santé, d'aide sociale à l'enfance, ce qu'on appelle l'ASE, il est compétent en matière d'enseignement, il prend en charge les collèges, tandis que les communes prennent en charge les écoles et les régions, les lycées, et puis il a une importante compétence en matière d'aide au développement économique.

Pour la région, là encore, on est sur des compétences d'attribution, pour autant la région est plutôt considérée comme une instance de réflexion, une instance d'impulsion, en complément des interventions de l'Etat ou des collectivités territoriales. Souvent, quand on voit un ouvrage public, on voit les financements, cet ouvrage a été financé à hauteur de 20% par la commune, 40% par la région et 40% par l'Etat par exemple. La région intervient en support.

En matière d'enseignement, elle a la responsabilité, de la construction de l'équipement et de l'entretien des lycées, et ça c'est un point qui est très important de la formation professionnelle et de l'apprentissage.

La répartition interne des compétences

Cette répartition interne des compétences aux collectivités territoriales, entre l'organe exécutif et l'organe délibérant, est beaucoup plus proche du modèle présidentiel que du modèle parlementaire, parce que, de façon générale, l'organe exécutif, typiquement le maire, n'est pas responsable devant l'Assemblée délibérante, devant l'organe "législatif".

Ce qui fait que le conseil municipal ne peut pas renverser de lui-même le maire. On est plutôt dans le cadre d'un système de présidentialisme fondé sur une séparation des pouvoirs assez stricte, mais avec une prééminence de l'exécutif.

Et ce qui pose problème, si on prend un exemple d'actualité un peu scabreux récent, le maire de Saint-Etienne, qui est poursuivi dans une affaire de chantage et d'extorsion, de chantage à la sextape à l'encontre d'un de ses adjoints, le conseil municipal s'est très largement prononcé pour sa démission, mais il refuse de démissionner.

Les collectivités ultramarines

A côté des collectivités territoriales métropolitaines, les collectivités territoriales d'outre-mer présentent d'importantes spécificités qui sont plus ou moins développées.

Trois catégories de collectivités sont à distinguer : les DROMs, les départements et régions d'outre-mer, régis par l'article 73 de la Constitution, les collectivités à statut propre, régis par l'article 74 de la Constitution et la Nouvelle-Calédonie, qui dispose de son propre titre, le titre 13, dans la Constitution, auxquels des développements plus importants doivent être consacrés.

Les DROMs, donc l'article 73 de la Constitution, correspondent à la Guadeloupe, la Guyane, la Réunion et Mayotte. Ces collectivités relèvent du droit commun des collectivités territoriales sous quelques réserves.

D'une part, elles constituent à la fois, pour certaines d'entre elles, un département et une région. Mais pour certaines d'entre elles, notamment la Guyane, Martinique et Mayotte, les compétences du département et de la région ont été fusionnées au sein des mêmes organes. Pour les autres, notamment pour la Guadeloupe, on a toujours un conseil départemental et un conseil régional qui forment des entités distinctes.

D'autre part, les lois et les règlements nationaux peuvent faire l'objet d'adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités. Depuis la révision du 28 mars 2003, une forme de pouvoir normatif autonome leur est reconnue. Ces collectivités peuvent, selon le cas, être habilitées par la loi ou par le règlement à fixer elles-mêmes les règles applicables sur le territoire dans un nombre limité de matières pouvant relever du domaine de la loi.

Les collectivités à statut particulier relèvent de l'article 74 de la Constitution. On y trouve la Polynésie française, qui est la plus importante et la plus développée en termes de particularisme, Wallis et Futuna, Saint-Pierre et Miquelon, Saint-Martin et Saint-Barthélémy. Ces collectivités disposent chacune d'un statut propre fixé par une loi organique qui tient compte de leurs intérêts propres au sein de la République.

Ce statut peut ainsi être à la fois très différent de celui des collectivités territoriales métropolitaines, mais en même temps différent d'une collectivité à l'autre. L'exemple le plus original est celui du statut de la Polynésie française, qui est fixé par une loi organique du 27 février 2004, qui dispose que les autorités de la Polynésie française sont compétentes dans toutes les matières qui ne sont pas dévolues à l'État. Donc la compétence de principe revient à la Polynésie française, et l'État ne reste compétent que dans les domaines suivants : nationalité, droit civique, droit électoral, État, capacité des personnes, justice et garantie des libertés publiques, politique étrangère, défense, sécurité et ordre public.

On a la création dans le cadre de la Polynésie française d'un véritable organe législatif, à savoir l'Assemblée de la Polynésie française. Toutes les matières qui sont de la compétence de la Polynésie française relèvent de l'Assemblée de la Polynésie française. Et les actes pris par l'Assemblée de la Polynésie française, c'est ce qu'on appelle les lois du pays, sur lesquelles le Conseil d'État exerce un contrôle juridictionnel spécifique.

Du point de vue institutionnel et politique, le cas le plus intéressant, mais aussi le plus délicat, est celui de la Nouvelle-Calédonie qui fait l'objet de dispositions constitutionnelles spécifiques dans le cadre du titre XIII de la Constitution. Les rapports de la Nouvelle-Calédonie à la République sont marqués par une tension consubstantielle entre aspiration à l'émancipation et appartenance adaptée à la France. Ils sont à apprécier dans le cadre du long processus qui vise à l'autodétermination de cette île.

Il faut bien comprendre que dans le cas de la Nouvelle-Calédonie, on a deux questions de légitimité qui se font face. D'un côté, une légitimation historique, celle des peuples premiers qui peuplaient la Nouvelle-Calédonie, et de l'autre, une légitimité plutôt démocratique qui est la loi du plus grand nombre, avec un conflit entre ces deux légitimités qui évidemment ne coïncident pas.

La question est d'un point plus aigu que ce sont déroulées trois consultations relatives à l'autodétermination de la Nouvelle-Calédonie, consultations prévues dans le cadre de l'accord de Nouméa qui a été conclu le 5 mai 1998. Ces trois consultations ont donné lieu à chaque fois à des résultats négatifs.

Comment expliquer ce non à 96% ? En raison du boycott des élections par les indépendantistes Kanak qui étaient opposés au gouvernement sur la question de la date. Ils auraient préféré que cette date soit postérieure aux élections présidentielles et non pas antérieure aux élections présidentielles, ce qui, du coup, n'a pas amélioré les rapports entre les indépendantistes Kanak et l'État.

Quelle est la situation de la Nouvelle Calédonie ? Elle est complexe puisqu'on est face à un régime transitoire pensé pour mener à une autodétermination qui a avorté. Donc la Nouvelle Calédonie constitue une collectivité à émanciper mais dont le statut n'est toujours pas déterminé.

Une collectivité à émanciper

Et pour comprendre finalement cette émancipation, il faut bien revenir sur l'exercice d'un processus de décolonisation.

L’exercice d’un processus de décolonisation

Au cours des années 1980, de très vives tensions opposent les partisans de l'indépendance de la Nouvelle Calédonie, pour l'essentiel des Kanaks, c'est-à-dire le peuple antérieur à la colonisation, aux partisans loyalistes qu'on appelle parfois les caldoches et qui soutiennent le maintien de la Nouvelle Calédonie au sein de la France.

Il faut savoir que les Kanaks étaient pendant très longtemps majoritaires au sein de leur île. Mais ils sont devenus minoritaires du fait de vagues d'immigration successives liées notamment au boom économique qu'a connu l'île à partir des années 60, boom économique qui était lié à la production de nickel. Donc les Kanaks majoritaires sont devenus minoritaires suite de cette immigration économique.

Le paroxysme des violences a été atteint avec le triste épisode de la grotte d'Ouvea en 1988, dans lequel 26 gendarmes ont été pris en otage par les Kanaks et qui s'est soldé par un bilan extrêmement lourd. Donc pour atténuer ces violences, il y a eu la nécessité de prévoir l'organisation de scrutins sur l'accession à la pleine souveraineté.

Pour dénouer la tension à cause de l'épisode de la grotte d'Ouvea, il y a eu un accord entre les différents partis qui a donné lieu aux accords de Matignon. Les accords de Matignon concluent le 26 juin 1988 et approuvés par une loi référendaire prise au titre de l'article 11 de la constitution, prévoient un scrutin d'autodétermination entre le 1er mars et le 31 décembre 1998 qui n'a jamais eu lieu, parce que dans le cas des négociations qui ont eu lieu, les Kanaks ne s'estimaient pas prêts à participer à de telles opérations qu'ils étaient sûrs de perdre.

Donc un nouveau processus a pris le relais. C'est un processus qui est marqué par les accords de Nouméa qui ont été conclus en 1998. Ces accords de Nouméa prolongent finalement le processus transitoire mis en place et prévoient au bout d'un certain nombre d'années une suite de consultations en vue de l'autodétermination.

On va organiser une première consultation vers l'autodétermination, si le résultat est contre cette autodétermination il y aura ensuite à la demande du congrès de Nouvelle-Calédonie une seconde consultation et si le résultat est encore négatif il pourra y avoir à la suite de cette deuxième consultation et toujours à la demande du congrès de Nouvelle-Calédonie une troisième consultation. La base de cet accord repose sur la reconnaissance de deux types de légitimité.

L'accord de Nouméa a été conclu entre les deux légitimités de la Nouvelle-Calédonie, c'est à dire la légitimité historique kanak qui sont dans le cadre d'un processus de décolonisation et la légitimité démocratique, c'est à dire pour simplifier la loi de la majorité.

Or la difficulté de conduire un tel processus qui oppose finalement un peuple interne à la Nouvelle-Calédonie à un peuple majoritaire du point de vue démocratique explique la difficulté d'inscrire cet accord dans le contexte français de l'état unitaire dont la conception juridique est complètement étrangère à la reconnaissance de communautés ethno-culturelles et étranger à l'idée d'accorder des droits spécifiques à des peuples déterminés.

Au contraire, notre droit est fondé sur le principe d'égalité d'où la nécessité de passer par un processus constitutionnel pour créer un processus tout à fait adapté à la Nouvelle-Calédonie : c'est la constitutionnalisation du processus de décolonisation.

La constitutionnalisation du processus de décolonisation

Ce que prévoit l'accord de Nouméa, et qui a été repris dans le cadre de la révision constitutionnelle qui a permis de valider dans la constitution l'accord de Nouméa, c'est que ne peuvent participer d'une part à certaines élections locales et d'autre part aux consultations sur l'indépendance de la Nouvelle-Calédonie que les électeurs membres d'une liste spéciale qui se distingue de la liste électorale générale pour les élections nationales. Pour figurer sur cette liste spéciale il y a toute une série de conditions qui sont prévues et qui favorisent pour simplifier les personnes qui peuvent témoigner d'une présence ancienne en Nouvelle-Calédonie. Ce qui fait que le champ de la liste spéciale est beaucoup plus réduit que le champ de la liste générale et cette liste spéciale elle a été faite pour favoriser les populations Kanaks.

Donc tout ce processus issu des accords de Nouméa a été validé dans le cadre de la loi constitutionnelle du 20 juillet 1998 relative à la Nouvelle-Calédonie et à l'origine de notre titre XIII. Le Conseil constitutionnel a d'ailleurs rendu une décision sur la loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie et le Conseil d'état a pu se prononcer aussi sur ce processus constitutionnel par son célèbre arrêt que les administrativistes connaissent bien, l'arrêt du 30 octobre 1998 Sarran et Levacher.

Sarran et Levacher est un arrêt porté sur un recours en annulation contre le décret organisant les élections qui étaient prévues par la constitution dans le cadre de la mise en oeuvre des accords de Nouméa. Les requérants se prévalaient évidemment de l'atteinte au principe d'égalité telle qu'elle était reconnue notamment au delà de la Constitution par un certain nombre de traités et accords internationaux, puisque la Constitution de ces listes spéciales excluait d'un certain nombre d'élections toute une partie de la population.

Et à cette occasion le Conseil d'état estime qu'est inopérant les moyens tirés de la violation d'accords ou de conventions internationaux puisque, finalement, l'accord de Nouméa et sa mise en oeuvre concrète résultent de la loi constitutionnelle de 1998 et le Conseil d'état nous dit que la suprématie conférée aux engagements internationaux par l'article 55 de la Constitution ne s'applique pas dans l'ordre interne aux dispositions de nature constitutionnelle.

Donc primauté de la Constitution qui implique cette dérogation au caractère unitaire de l'état en reconnaissant finalement une légitimité particulière propre qui est celle de la légitimité des Kanaks qui est distincte de la légitimité démocratique traditionnelle.

Une collectivité à déterminer

Une collectivité actuellement indéterminée

Il faut savoir que le statut de la Nouvelle-Calédonie est tout à fait hybride et il reste à lui trouver encore un nouveau statut. Il faut se rendre compte que la Nouvelle-Calédonie dispose de compétences, l'entité, la collectivité de Nouvelle-Calédonie dispose de compétences extrêmement fortes.

L'état n'y dispose plus que du régalien : ce qui n'est pas explicitement attribué comme terme de compétences revient à la Nouvelle-Calédonie. Et d'autre part, le processus de Nouméa acte le caractère irréversible des compétences transférées.

Et ça c'est ce qui distingue par exemple le cas de la Nouvelle-Calédonie de la Polynésie française ou des autres collectivités à statut particulier. Cette irréversibilité des compétences confiées à la Nouvelle-Calédonie est en effet assez singulière puisqu'en général l'état a la maîtrise de la décentralisation, c'est-à-dire que l'état peut toujours revenir sur les compétences qu'il attribue aux collectivités.

Ce n'est pas possible dans le cadre de la Nouvelle-Calédonie; et par ailleurs, dans le cadre de la Nouvelle-Calédonie et de son statut, existe la mise en oeuvre d'une nouvelle notion, celle de citoyenneté, de citoyen de la Nouvelle-Calédonie, ce qui évidemment s'oppose à la tradition unitaire du droit public français.

Autre cas particulier, les actes pris par l'Assemblée, par le Congrès de la Nouvelle-Calédonie sont qualifiés de lois du pays qui symbolisent l'exercice du pouvoir législatif délégué et mis en oeuvre par la Nouvelle-Calédonie et sont contrôlés directement par le Conseil constitutionnel et non pas par le Conseil d'État. Donc, des compétences très larges mais absence de définition positive de ce que c'est la Nouvelle-Calédonie.

Par une décision assez remarquable, une décision du 13 décembre 2006, une décision Genelle, le Conseil d'État, observant que le statut de la Nouvelle-Calédonie était régi par le titre XIII et que le titre XII de la Constitution était relatif aux collectivités territoriales, et bien la Nouvelle-Calédonie n'était pas une collectivité territoriale. Donc, en droit, on ne sait pas, on n'a pas précisément qualifié la nature de cette Nouvelle-Calédonie.

Pour des auteurs, notamment pour Léo Hamon et Michel Troper, en réalité quand on observe la nature des compétences exercées par la Nouvelle-Calédonie et les rapports entre l'État et la Nouvelle-Calédonie, on est dans le cadre d'un État fédéral, où finalement l'État central exerce des compétences très restrictives et n'a pas la main sur les compétences qui sont confiées à l'entité fédérée. Et c'est sans doute ça qui rend le plus compte des rapports entre la France et la Nouvelle-Calédonie, ce sont les rapports d'un État fédéré à un État fédéral.

Un futur à décider

La Nouvelle-Calédonie ayant un statut provisoire, puisque l'accord de Nouméa avait été pensé de façon provisoire, le sort institutionnel de la Nouvelle-Calédonie reste à décider. La question de l'indépendance pleine et entière de la Nouvelle-Calédonie n'est pas encore exclue complètement.

Même si les résultats du 3e référendum semblent l'écarter pour l'instant, il n'est pas exclu qu'il y ait encore une ultime consultation sur l'indépendance de la Nouvelle-Calédonie.

Généralement, quand une collectivité accède à la pleine indépendance, c'est qu'elle veut se détacher de son ancienne colonie, il y en va sans doute de même pour la Nouvelle-Calédonie. Par ailleurs, si la Nouvelle-Calédonie venait à accéder à l'indépendance, il est sans doute probable qu'elle s'écarterait brutalement de la France.

L'autre possibilité serait de formaliser le caractère fédéral des relations entre la France et la Nouvelle-Calédonie. Ce serait vraiment reconnaître la Nouvelle-Calédonie dans le cadre d'un état fédéré qui disposerait de compétences élargies. Mais là encore, il faudrait une révision de la Constitution et il faudrait parvenir à un accord entre toutes les populations intéressées.

Or, pour l'instant, entre les Kanaks d'un côté, les indépendantistes et l'État, les relations sont complexes. Malgré de nouvelles discussions engagées sur le futur constitutionnel de la Nouvelle-Calédonie, rien ne se dessine à l'horizon. Ce qui fait que le statu quo actuel risque de perdurer un moment.

L'accord de Nouméa et le cadre constitutionnel qui en est résulté prévoyait une vocation provisoire et transitoire du statut qui avait été façonné pour la Nouvelle-Calédonie, tant que celle-ci n'accédait pas à la pleine souveraineté. Mais l'accord de Nouméa prévoyait de façon assez fine que si la réponse à l'issue du troisième référendum était encore négative, les partenaires politiques se réuniront pour examiner la situation créée. Tant que les consultations n'auront pas abouti à une nouvelle organisation politique, l'organisation politique mise en place par l'accord de 1998 restera en vigueur, sans possibilité de retour en arrière.

Pour l'instant, ce que prévoient les accords de Nouméa, c'est que tant qu'il n'y a pas de nouveaux accords sur un futur constitutionnel de cette île, le système tel qu'il est prévu à la fois par la Constitution, la loi organique et les accords de Nouméa, demeure en vigueur. Ce système correspond finalement à celui d'un État, des relations entre État fédéral et État fédéré, qui ne dit pas son nom.


INSTITUTIONS ADMINISTRATIVES

Chapitre IV. Les juges de l’administration

L'administration fait face à plusieurs juges issus d'ordres juridiques distincts. C'est ce que l'on appelle le pluralisme juridique. L'ordre interne est composé de trois grands ordres juridiques distincts, au sein desquels des juges spécifiques sont institués pour résoudre des différends.

L'ordre juridique civil et pénal sont institués pour résoudre les différends en matière privée et les infractions aux lois et règlements et relèvent de la hiérarchie de la Cour de cassation.

L'ordre juridique administratif, avec les juges administratifs, est placé sur la hiérarchie du Conseil d'Etat.

Et si tant est que l'on puisse parler d'ordre juridique, l'ordre juridique constitutionnel constitué du seul Conseil constitutionnel.

Il serait erroné de croire que l'administration et ses agents ne sont soumis qu'aux juges administratifs. Certes, le juge administratif peut apparaître compétent par principe pour résoudre les différends en matière administrative, mais ce n'est pas le cas de tous les actes qui constituent la vie de l'administration.

Certains actes peuvent avoir une nature privée, comme la vente d'un immeuble du domaine privé, et certaines institutions peuvent même voir parfois leur responsabilité pénale engagée ainsi qu'on dispose de l'article 121-2 du code pénal.

On va se concentrer sur la question du dualisme juridictionnel avant de présenter les principaux traits de la justice administrative.

Section 1 – Le dualisme juridictionnel

La séparation des autorités administratives et judiciaires est un héritage de la Révolution française. Elle est liée à la conception française de la séparation des pouvoirs. L'origine du dualisme est attribuée à la loi des 16 et 24 août 1790, avec l'article 13 :

Les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions administratives. Les juges ne pourront, à peine de forfaiture, troubler, de quelque manière que ce soit, les opérations des corps administratifs, ni citer devant eux les administrateurs pour raison de leurs fonctions.
Article 13 de la loi des 16 et 24 août 1790

Ce principe a été réaffirmé avec force, et poésie d'une certaine façon, par le décret du 16 Fructidor An III, ce qui correspond au 2 septembre 1795 :

Défenses itératives sont faites aux tribunaux de connaître des actes d’administration, de quelque espèce qu’ils soient, aux peines de droit.
Décret du 16 Fructidor An III

Après l'affirmation négative de l'incompétence du juge judiciaire pour connaître des actes d'administration, une véritable « justice administrative » s'est progressivement développée à partir de Napoléon.

Dans un premier temps, on a ainsi la constitution du 22 frimaire an VIII, ce qui correspond au 13 décembre 1799, et dont l'article 52 est à l'origine du Conseil d'état, et lui fixe d'emblée sa double casquette, qu'on appelle la « dualité fonctionnelle du conseil d'état », à savoir participer et assister le consul dans la rédaction des textes les plus importants, fonction consultative, et en même temps, résoudre les litiges de l'administration, ce qui donnera lieu à l'exercice de sa fonction juridictionnelle.

De même, la loi du 28 pluviôse an VIII, correspond au 17 février 1800, est très importante s'agissant de l'organisation territoriale de la république, et est à l'origine, aux côtés du préfet, d'un conseil de préfecture pour résoudre certains litiges en matière administrative.

Cependant, à cette époque, la justice ne s'exerce pas, du moins pas formellement, de manière indépendante. On est dans un système de justice qu'on qualifie de « justice retenue ». Les décisions sont rendues au nom du chef de l'état, retenue entre les mains du chef de l'état, dont elle bénéficie de l'autorité.

Il faut attendre la loi du 24 mai 1872 pour que la justice administrative acquiert davantage d'indépendance avec un système de justice déléguée. La justice, à partir de cette date, 24 mai 1872, est désormais rendue au nom du peuple français.

Aussi, le Conseil d'État cesse-t-il d'être compétent en appel des décisions rendues par les ministres pour devenir directement compétent en premier et dernier ressort ? Ce n'est plus l'administration qui se fait elle-même justice.

La reconnaissance de la dualité de juridiction rend nécessaire l'existence d'instruments permettant de résoudre les difficultés de compétence.

I. L’affirmation du dualisme

La répartition des compétences est initialement une affaire législative, avec par exemple la loi du 28 pluviôse An VIII , qui attribue au Conseil de préfecture le contentieux lié à la réparation des dommages de travaux publics.

Mais bien vite, notamment avec le développement de l'administration, les lois sont insuffisantes pour procéder à cette répartition.

Il y a un important mouvement jurisprudentiel à partir de l'arrêt Blanco du tribunal des conflits du 8 février 1973 pour préciser les critères de répartition des compétences.

Si on se place d'un point de vue général, il est possible d'identifier un cœur d'activité administrative qui relève de la compétence constitutionnellement reconnue au juge administratif qui connaît quelques exceptions au profit du juge judiciaire.

A. Les compétences constitutionnelles du juge administratif

La jurisprudence, législateur, attribue au juge administratif et au judiciaire un ensemble de compétences spécifiques.

Mais au-delà de ce qui est attribué spécifiquement par le législateur et le pouvoir réglementaire ou la jurisprudence au juge administratif, on a un socle minimal de base de compétences constitutionnelles que le juge administratif doit mettre en œuvre.

Ce socle minimal de base de compétences constitutionnelles résulte d'une décision importante du Conseil Constitutionnel du 23 janvier 1987, décision Conseil de la concurrence qui établit ce cœur.

D'abord, le Conseil Constitutionnel constate que les lois des 16 et 24 août 1790 où le décret du 16 rupture de rentrement, qui ont posé dans la généralité le principe de séparation des autorités administratives judiciaires, ces lois n'ont en tant que telles pas de valeur constitutionnelle.

Néanmoins, nous est-il dit, et ce point est important à retenir, "conformément à la conception française de la séparation des pouvoirs, figure au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, celui selon lequel, à l'exception des matières réservées par nature à l'autorité judiciaire, relève en dernier ressort de la compétence de la juridiction administrative l'annulation ou la réformation des décisions prises dans l'exercice de prorogatives de puissance publique par les autorités exerçant le pouvoir exécutif".

Le Conseil Constitutionnel ajoute cependant une nouvelle dérogation dans la mise en œuvre de ce principe.

Lorsque l'application d'une législation ou d'une réglementation spécifique pourrait engendrer des contestations contentieuses diverses qui se répartiraient entre les deux ordres de juridiction, "il est loisible aux législateurs, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, d'unifier les règles de compétence juridictionnelle au sein de l'ordre juridictionnel principalement intéressé".

La jurisprudence constitutionnelle ne fait pas obstacle à l'attribution à l'un ou à l'autre ordre de juridiction d'un bloc de compétence, confié soit au juge administratif, soit au judiciaire qui pourrait être justifié par des motifs de bonne administration de la justice.

Par exemple, il y a une loi de 1957 sur les accidents de la route qui confie tout le contentieux des accidents de la route au juge judiciaire. Pas de partage de compétence entre juge administratif et judiciaire dans cette matière. Et cela pour des motifs de simplification et de bonne administration.

Ce point est important parce qu'il existe quand même des blocs de compétence qui finalement, historiquement, pouvaient faire débat entre le juge administratif et le juge judiciaire. Le cœur de compétence du juge administratif porte, et c'est le point à souligner, sur l'annulation ou la réformation des décisions prises dans l'exercice de prérogative de puissance publique.

C'est le cœur de compétence du juge administratif. Donc les recours en annulation ou en réformation pour obtenir finalement un nouvel acte, contre des actes pris dans le cadre de l'accomplissement de prérogatif de puissance publique. Voilà le critère qui est érigé par le Conseil constitutionnel pour réserver la compétence du juge administratif : l'annulation ou la réformation des décisions prises dans l'exercice des prérogatives de puissance publique.

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision, reconnaît tout de même des compétences naturelles aux judiciaires qui peuvent concerner la matière administrative.

B. Les compétences « naturelles » du juge judiciaire en matière administrative

Il existe une procédure qu'on appelle la voie de fait qui permet de saisir le juge judiciaire pour faire constater certaines atteintes particulièrement graves à la propriété ou à la liberté individuelle. Si cette procédure est en déclin, le juge judiciaire demeure pour autant compétent en matière d'atteinte à la liberté individuelle.

1. Le déclin de la voie de fait

En matière de voie de fait, il y a un arrêt à connaitre, c'est un arrêt du Tribunal des conflits du 17 juin 2013, Bergoend, et qui vient réduire cette forme de dérogation à la répartition habituelle des compétences et qui pouvait permettre, cette voie de fait, de saisir le juge judiciaire en cas d'atteinte à la propriété ou d'atteinte aux libertés que, traditionnellement, on estimait que la juridiction administrative était incapable d'assurer la protection.

Elle était notamment incapable d'assurer la protection de ses libertés ou des atteintes à la propriété parce qu'elle ne disposait pas de procédures d'urgence. Donc il y a une grande réforme des procédures d'urgence qui a conduit à une loi du 13 juin 2020 qui fait que le juge judiciaire n'est plus le seul juge à pouvoir être saisi en urgence de certaines procédures.

Le juge administratif peut lui aussi être saisi en urgence, peut être saisi en référé et statut d'urgence. Et d'ailleurs, par exemple, l'organisation des manifestations pro-palestiniennes. Elles ont fait l'objet d'un contentieux en urgence devant le juge des référés. Aujourd'hui, il y a une grande question d'actualité qui est tranchée par le gouvernement, la gestion de la crise sanitaire, etc.

On a un contentieux d'urgence qui va se nouer directement devant le juge administratif. Le développement de ces procédures d'urgence a conduit à une restriction et à une moindre utilisation de la procédure de la voie de fait, procédure de la voie de fait qui ne peut être mise en œuvre que dans la mesure où l'administration a procédé à l'exécution forcée dans des conditions irrégulières d'une décision portant atteinte à la liberté individuelle ou aboutissant à l'extinction d'un droit de propriété, soit après une décision qui a les mêmes effets d'atteinte à la liberté individuelle ou d'extinction à un droit de propriété et qui est manifestement insusceptible d'être rattachée à un pouvoir appartenant à l'autorité administrative.

Donc, l'autorité administrative ou l'agent d'administration, finalement, a pris une mesure qui ne relève pas des pouvoirs normaux de l'administration. C'est la voie de fait et c'est une exception à la protection aux privilèges des élections dont l'administration bénéficie devant le juge administratif.

2. Le maintien de la protection de la liberté individuelle

Il y a une hypothèse de compétences plus intéressante du juge judiciaire et qui peut concerner l'activité administrative, c'est l'article 66 de la Constitution. L'article 66 de la Constitution instaure une sorte d'Habeas corpus à la française, c'est-à-dire de droit à la sûreté, l'idée qu'on puisse être emprisonné sans qu'un juge ait statut sur notre emprisonnement.

Nul ne peut être arbitrairement détenu.
L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi.
Article 66 de la Constitution

Et selon qu'on interprète la notion de liberté individuelle de façon restrictive ou de façon élargie, le bloc de compétences au profit du juge judiciaire sera interprété de façon plus ou moins large. Par une décision du 16 juin 1999, le Conseil constitutionnel est revenu à une exception stricte de la liberté individuelle qui correspond au droit à la sûreté, au fait d'être enfermé.

Et il faut savoir qu'au-delà de la sanction pénale, il y a des hypothèses où un enfermement peut être d'origine administrative. L'internement sans consentement, la rétention des étrangers en situation irrégulière peuvent donner lieu à des enfermements administratifs. Ces enfermements administratifs doivent être contrôlés et validés par le juge judiciaire.

II. La régulation du dualisme

L'expression « conflit de compétences » désigne l'indétermination de l'ordre juridique compétent pour statuer sur un litige ou sur une question liée à ce litige.

Il existe alors une juridiction ad hoc chargée de résoudre ces fameux conflits de compétences entre l'ordre juridictionnel administratif et l'ordre judiciaire, ce qu'on appelle le Tribunal des conflits.

A. Le Tribunal des conflits

Le tribunal des conflits Le tribunal des conflits est un ordre de juridiction à lui tout seul, créé pour résoudre les conflits de compétences par la loi du 24 mai 1872. Son organisation a été substantiellement réformée par une loi du 16 février 2015, complétée par un décret du 27 février 2015.

1. Composition

Sa composition est 100% paritaire, en ce sens qu'il comprend quatre membres de la Cour de cassation et quatre membres du Conseil d'État, augmentés de rapporteurs publics qui sont issus dans les mêmes proportions du Conseil d'État et de la Cour de cassation.

La présidence du Tribunal des conflits est alternée entre membres du Conseil d'État et de la Cour de cassation, et en cas de partage des voix, on a recours à une nouvelle délibération et ensuite à une composition élargie du tribunal des conflits avec deux autres membres du Conseil d'État et de la Cour de cassation qui doivent parvenir à une décision commune.

Avant la réforme de 2015, le Tribunal des conflits était composé suivant un nombre également paire, et en cas de partage des voix, on demandait au ministre de la justice d'intervenir pour trancher le débat. Cette intervention du ministère de la justice est extrêmement insatisfaisante en termes d'impartialité, d'où l'idée de procéder à une nouvelle délibération et, le cas échéant, en cas de blocage persistant, une formation élargie.

2. Attributions

Les attributions du tribunal des conflits sont fixées par la loi de 1872 et par le décret de 2015.

a) Le règlement des conflits positifs

Première hypothèse de compétence du tribunal des conflits, c'est ce qu'on appelle le règlement des conflits positifs. Le règlement des conflits positifs correspond à l'hypothèse dans laquelle la juridiction judiciaire s'estime compétente dans un litige qui met en cause l'administration, et l'administration, via le préfet, estime au contraire que c'est le juge administratif qui est compétent.

Dans ces cas-là, le préfet doit adresser ce qu'on appelle un déclinatoire de compétence au juge judiciaire, et si le juge judiciaire s'estime toujours compétent, c'est-à-dire rejette le déclinatoire de compétence, alors il appartient au préfet, c'est-à-dire à l'administration, d'élever elle-même le conflit devant le Tribunal des conflits qui tranchera la question de la compétence.

b) La prévention des conflits négatifs

L'autre procédure, c'est celle des conflits négatifs et leur prévention, beaucoup plus importante. Le conflit négatif correspond à l'hypothèse dans laquelle chacun des deux ordres de juridiction s'est irrévocablement estimé incompétent pour statuer sur la requête dont elle est saisie, en estimant que c'est l'autre ordre de juridiction qui est compétent.

Donc là, dans une telle hypothèse, confine au déni de justice, puisque aucun des deux ordres de juridiction ne veut trancher, et chacun des ordres se renvoie la balle. Dans ces cas-là, les parties ont la possibilité de saisir elles-mêmes le Tribunal des conflits, mais c'est une solution qui est évidemment longue et très insatisfaisante pour le justiciable.

Donc, pour éviter l'existence de tels conflits négatifs, des procédures de prévention des conflits, destinées à éviter l'hypothèse d'un conflit négatif, ont été instaurées. Il en existe deux hypothèses différentes.

La première hypothèse, c'est que lorsqu'une juridiction s'est déjà déclarée incompétente, et que la seconde juridiction saisie est sujette à une part de doute importante et aurait plutôt tendance à estimer que c'était bien le premier juge sujet qui était compétent, contrairement à ce qu'il a jugé, dans ces cas-là, en réalité, la juridiction ne peut pas se déclarer incompétente. Elle doit, en théorie, par une décision motivée, adresser elle-même la question de la compétence au Tribunal des conflits. Donc, plutôt que de s'estimer incompétente et de créer un vide, la juridiction doit anticiper en saisissant directement le tribunal des conflits.

Et l'autre hypothèse de prévention des conflits, qui a été étendue notamment par le décret de 2015, est de permettre à une juridiction qui est saisie d'un litige qui présente une difficulté sérieuse de compétence d'interroger directement le Tribunal des conflits. Donc là, n'importe quelle juridiction peut d'emblée saisir le tribunal des conflits. Initialement, cette faculté était réservée au cours suprême, Cour de cassation et Conseil d'Etat, mais elle a été élargie dans le cadre de la réforme de 2015.

c) Le règlement au fond

Enfin, dernière hypothèse d'attribution du tribunal des conflits, mais qui est assez rare, c'est ce qu'on appelle le règlement au fond. Le règlement au fond correspondrait à l'hypothèse dans laquelle, finalement, les décisions définitives rendues par les juridictions administratives judiciaires auraient une véritable contrariété sur le fond.

Dans un cas, le judiciaire estimerait que la responsabilité de tel tort reviendrait à l'administration et qu'il faudrait à ce moment-là aller devant le juge administratif, et que, par exemple, le juge judiciaire dit non, la personne responsable, c'est une personne privée, et donc là, c'est l'engagement de la responsabilité civile. Dans ces hypothèses qui, encore une fois, relèvent du déni de justice, le tribunal des conflits est compétent pour juger directement au fond.

B. Les questions préjudicielles

À côté de la saisie du tribunal des conflits, le respect du dualisme peut être mis en œuvre à travers des mécanismes de coopération entre les juridictions judiciaires et les juridictions administratives au moyen de ce qu'on appelle les questions préjudicielles.

Il peut arriver que dans un litige d'ordre privé, une question de droit administratif se pose et, réciproquement, dans un litige administratif, parfois, une question de droit privé est susceptible de se poser. En principe, le juge de l'action est le juge de l'exception, mais ce principe connaît des tempéraments lorsqu'est en cause une question relevant du cœur de compétence de l'un ou des autres ordres de juridiction.

Dans ces cas-là, notamment en matière de propriété et d'état des personnes, par exemple, s'agissant de juges judiciaires, ou de validité des actes administratifs ou de détermination du domaine public s'agissant de juges administratifs, l'ordre saisi doit adresser une question préjudicielle à l'autre ordre pour qu'il statue sur le litige accessoire, si vous voulez, soulevé à l'occasion du litige principal.

Il existe des exceptions, notamment au profit du juge judiciaire, qui n'a pas à soulever de questions préjudicielles aux juges administratifs : d'une part, en matière pénale, si on met en cause la validité d'actes administratifs, le juge pénal doit statuer directement dessus; et en matière civile, il y a un arrêt important du Tribunal des conflits du 17 octobre 2011, SCEA du Chéneau, qui ménage deux exceptions. Lorsqu'en réalité, les questions soulevées dans le litige accessoire peuvent être tranchées au vu d'une jurisprudence établie, lorsqu'il n'y a pas de question de droits nouvelles, lorsque la jurisprudence est très claire, le juge de l'action principale peut directement statuer.

Et une deuxième exception qui n'est pas évidente à saisir, c'est lorsque devant le juge civil, un des justiciables met en cause la validité d'un acte administratif, met en cause la validité d'un acte administratif, ce qu'on appelle l'exception d'illégalité, au regard du droit de l'Union Européenne, le principe d'effectivité du droit de l'Union Européenne suppose que cette question soit tranchée le plus rapidement possible, si possible en interrogeant la Cour de justice, et donc dans ces cas-là, le juge civil doit répondre directement à la question.

Section 2 – Les juridictions administratives

Le Conseil d'État incarne à lui seul la principale spécificité des juridictions administratives. Tout d'abord, en raison de l'ambivalence de sa fonction. Le Conseil d'État n'est pas seulement une juridiction, il est également le conseiller juridique du gouvernement et, à ce titre, il participe également à la confection de la loi et des ordonnances.

Une autre caractéristique tient à la diversité des fonctions juridictionnelles assurées par le Conseil d'État. Le Conseil d'État n'est pas vraiment comparable à la Cour de Cassation et il n'est pas seulement juge de cassation comme l'est la Cour de Cassation.

En effet, il est également juge d'appel et même juge de premier et dernier ressort. De ce point de vue, le système juridictionnel administratif se distingue radicalement du système judiciaire. Cette différence s'explique par l'histoire.

Dans le système judiciaire, la Cour de Cassation a été instituée et placée au sommet de l'édifice pour tenir en respect les juges du fond et s'assurer de leur soumission à la loi. L'ordre juridictionnel administratif s'est, lui, construit dans un ordre inverse. Le Conseil d'État n'a pas été posé au sommet des juridictions administratives, parce que longtemps, le Conseil d'État est resté le seul juge de droit commun en matière administrative, compétent pour statuer directement sur les litiges administratives.

Si, au fil du temps, d'autres compétences à juridictions générales ou spécialisées ont été instituées, leur création résulte d'une considération d'ordre pratique, l'encombrement du prétoire du Conseil d'État, qui matériellement rendait impossible l'exercice de sa mission et le maintien de son monopole en matière contentieuse.

Le Conseil d'État a donc été contraint de se délester d'une partie de ses activités tout en prenant soin de conserver directement la maîtrise des litiges mettant en cause les plus hautes autorités de l'État.

L'ordre juridictionnel administratif se compose ainsi de juridictions générales et de juridictions spécialisées. Les premières détiennent une compétence de droit commun, tandis que les secondes ont une compétence d'attribution. C'est donc devant les juridictions générales que les litiges administratifs sont en principe portés, à moins qu'un texte ne désigne expressément une juridiction spécialisée. Les juridictions générales sont toutes soumises au code de justice administrative et les juridictions spécialisées y échappent pour l'essentiel et sont régies par des textes spécifiques.

Générales comme spécialisées, toutes les juridictions administratives relèvent en tout dernier ressort, en cassation ou en appel, du contrôle du Conseil d'État.

I. Les juridictions administratives générales

Les juridictions administratives générales comprennent le Conseil d'État, les cours administratifs d'appel (9) et les tribunaux administratifs (42). Les tribunaux et les cours, dont les membres forment un corps autonome, ont été institués progressivement pour faire face à l'afflux du contentieux, notamment dans le Conseil d'État.

A. Apparition

Jusqu'en 1953, le Conseil d'État est compétent pour connaître en premier ressort de tous les litiges administratifs, dès lors qu'il ne relève évidemment pas de la compétence d'une juridiction spécialisée.

Ce n'est peut-être pas la seule juridiction administrative à compétence générale; on avait auparavant des conseils de préfecture qui avaient été instaurés par la loi du 28 pluviôse An VIII. Mais ces conseils de préfecture ne détiennent qu'une compétence d'attribution, c'est-à-dire qu'ils ne connaissent que de certains litiges que la loi leur attribue expressément. A défaut, jusqu'en 1953, le Conseil d'État a statué la juridiction administrative générale de droit commun.

La situation est devenue intenable. Accablé par la masse d'affaires à traiter, le Conseil d'État a dû statuer dans un délai de plus en plus long. Et lorsqu'un juge met énormément de temps à statuer, c'est l'effectivité du droit au recours qui est en cause.

Des tribunaux administratifs ont été créés par un décret-loi du 30 septembre 1953 pour décharger le Conseil d'État. Prenant la place des conseils de préfecture, ces tribunaux administratifs deviennent les juges de droit commun en premier ressort des litiges administratifs.

La compétence de droit commun qui auparavant était exercée par le Conseil d'État a été transférée en 1953 aux tribunaux administratifs. Le Conseil d'État se mue alors en juge d'appel des jugements rendus par les tribunaux, tandis qu'il reste compétent en premier ressort de certains litiges importants dont il a conservé la connaissance, par exemple les actes réglementaires des autorités nationales.

L'engorgement dont il a été victime à la veille de la réforme de 1953 a frappé à nouveau le Conseil d'État à la fin des années 1980 en tant que juge d'appel, de sorte qu'une nouvelle réforme a été rendue nécessaire.

Et la loi du 31 décembre 1987 crée ainsi les cours administratifs d'appel qui deviennent juges d'appel des jugements rendus en premier ressort par les tribunaux administratifs.

Tout en conservant des compétences résiduelles d'appel à l'égard des jugements rendus par les tribunaux administratifs, le Conseil d'État devient, à partir de 1990 en réalité, c'est-à-dire de l'année d'entrée en vigueur de la réforme, juge de cassation des arrêts rendus par les cours administratifs d'appel. C'est une mutation profonde du Conseil d'État puisque à partir de l'entrée en vigueur de la réforme sur les cours administratifs d'appel, le Conseil d'État, son activité principale va être celle d'un rôle de juge de cassation. Ce qui veut dire que son office, la manière dont il juge, en droit et pas en fait, va considérablement évoluer.

B. Membres

Le statut des membres des juridictions administratives vise à garantir leur indépendance, même si leur recrutement et leur carrière varient.

1. Le statut

Les membres du Conseil d'État et des tribunaux administratifs et cours administratifs d'appel (abréviation TACA) forment deux corps de fonctionnaires, même si le code les appelle magistrats, notamment s'agissant des membres des tribunaux administratifs et des cours, expression qui n'est pas employée au sujet des membres du Conseil d'État.

L'expression magistrat n'est pas employée pour les membres du Conseil d'État et que ce soit les membres des tribunaux administratifs et des cours administratifs d'appel ou du Conseil d'État, ceux-ci ne relèvent pas de l'ordonnance du 22 décembre 1958 concernant la magistrature. Ils relèvent du statut général de la fonction publique.

Ils n'en bénéficient pas moins de garanties d'indépendance propre à la fonction de juger, à travers notamment le principe d'inamovibilité, qui est expressément énoncé par le code en faveur des membres des tribunaux et des cours et dont les membres du Conseil d'État jouissent en pratique. C'est une pratique coutumière.

Le code soumet explicitement les jugés administratifs à un devoir de réserve, d'impartialité et d'intégrité, de probité et à des obligations plus récentes tendant à prévenir et à faire cesser les conflits d'intérêt.

Les principes déontologiques et les bonnes pratiques qui s'imposent à eux sont énoncés depuis 2011 par une charte de la déontologie qui est établie notamment par le vice-président du Conseil d'État — le vice-président du Conseil d'État, c'est en réalité le président effectif du Conseil d'État, c'est une appellation ancienne puisqu'initialement le Conseil d'État était présidé par le Premier ministre, ce n'est désormais plus le cas, le Conseil d'État étant présidé par son vice-président.

Un collège de déontologie a été instauré et il est chargé de répondre sous forme d'un lien aux questions déontologiques que se pose tel ou tel juge.

Les membres du Conseil d'État appartiennent à un corps de fonctionnaires spécifiques, à savoir les membres du Conseil d'État, tandis que les membres des tribunaux et des cours administratifs d'appel forment un autre corps distinct, le corps des conseillers de TACA, Tribunaux Administratifs et Cours Administratifs d'Appel.

2. Le recrutement

La plupart des membres du Conseil d'État doivent désormais passer par le nouvel institut national du service public, l'INSP, qui a succédé à l'ENA, l'École Nationale de l'Administration.

Initialement, les membres du Conseil d'État étaient recrutés à l'issue du concours de sortie de l'ENA, parmi les meilleurs, ceux qui étaient classés dans la botte. Ils étaient recrutés comme auditeurs à leur sortie de l'ENA, puis devenaient maîtres de requêtes et enfin conseillers d'État.

Désormais, avec la réforme de l'encadrement supérieur de l'État, une réforme du 2 juin 2021, les membres du Conseil d'État sont nommés par arrêté du vice-président du Conseil d'État pour une durée de trois ans de renouvelable, parmi les membres du corps des administrateurs de l'État, justifiant d'au moins deux ans de services publics effectifs en cette qualité.

Désormais, avec la réforme de 2021, on ne peut plus accéder au Conseil d'État directement à la sortie de l'INSP qui a succédé à l'ENA. Il faut d'abord avoir exercé des fonctions de haut niveau dans ce qu'on appelle l'administration active dans le corps des administrateurs de l'État.

Les membres du Conseil d'État peuvent également être recrutés par la voie du tour extérieur, c'est-à-dire de façon quasi-discrétionnaire par le gouvernement, et c'est quand même une portion assez importante puisque un quart des emplois vacants de maîtres de requêtes et un tiers des emplois vacants de conseillers d'État sont pourvus par cette voie. Donc, de nombreux conseils d'État sont issus de ce tour extérieur.

Les membres des tribunaux et des cours administratifs étaient, quant à eux, en principe recrutés par la voie de l'ENA. La progression du contentieux a cependant rendu nécessaire la mise en place d'un concours complémentaire qui a été institué initialement de façon temporaire et qui a été pérennisé. Donc, il existe un concours spécifique, le concours TACAA, pour devenir juge administratif.

Mais, à côté de ce recrutement spécifique, le concours à l'issue de l'ENA avait été maintenu, et aujourd'hui, dans le cadre de la réforme de l'encadrement supérieur de l'État, une voie une normale d'accès à l'issue de cette école, à l'issue de l'INSP. Les membres du corps des administrateurs de l'État, ayant exercé que ce soit à la sortie de l'INSP, et justifiant au moins deux ans de service effectif en cette qualité, sont nommés magistrats des TACA.

Il y a une petite différence par rapport à la nomination au conseil d'État : nomination au conseil d'État, on présente sa candidature au bout d'au moins deux ans de travail en tant qu'administrateur de l'État; pour être juge administratif, il faut là encore avoir exercé au moins deux ans de service en qualité de membre du corps des administrateurs de l'État, mais on a dû afficher ce choix dès la sortie de l'école.

3. La carrière

Au Conseil d'État, l'avancement statutaire de grade à grade, auditeurs, maîtres de requêtes, conseil d'État, s'effectue selon le seul critère de l'ancienneté. Et ce critère de l'ancienneté permet de garantir l'indépendance des magistrats. C'est un gage d'indépendance.

Parallèlement, il existe une carrière non statutaire, relative aux fonctions exercées. Là, ce n'est pas la même chose que l'avancement en grade, et dont l'évolution, elle, répond à des critères de mérite qui sont appréciés exclusivement à l'interne, notamment par le vice-président, qui suit l'avis de ses collègues, notamment qui sont les présidents de chambre, et s'agissant de la section du contentieux, la section du contentieux est présidée par un président de la section du contentieux, assistée par plusieurs présidents adjoints, et se décompose elle-même en dix chambres du contentieux.

Donc toutes ces personnes qui exercent des fonctions supérieures au sein du Conseil d'État ont leur mot à dire sur les promotions individuelles. La promotion statutaire des membres des tribunaux et cours administratifs d'appel, de grade à grade, est quant à elle, entre les mains du conseil supérieur des tribunaux et des cours administratifs d'appel, qui est présidé par le vice-président du Conseil d'État, après avis du président de la juridiction concernée.

Donc là, en revanche, ce n'est pas seulement l'ancienneté, c'est l'avis du conseil supérieur des tribunaux et des cours administratifs d'appel qui est pris en compte, et il en vient de même de ce qu'on appelle la carrière non statutaire, c'est-à-dire des fonctions exercées au sein de la juridiction administrative, comme rapporteur public, président de chambre, président de TA, etc., qui est faite sur nomination du vice-président du conseil d'État, sur avis du conseil supérieur des tribunaux et des cours administratifs d'appel.

Il faut savoir également que l'accès au Conseil d'État par des membres des juridictions administratives subordonnées, donc tribunaux administratifs et cours administratifs d'appel, est directement prévu par le code de justice administrative, il y a un certain quota qui l'aurait expressément réservé pour assurer un pont entre les deux corps, mais il n'est pas très élevé.

II. Les juridictions administratives spécialisées

Il existe une cinquantaine environ de juridictions administratives spécialisées, dont le caractère juridictionnel n'apparaît pas toujours avec netteté. Ces juridictions administratives sont toutes placées sous le contrôle de cassation du Conseil d'État.

Les juridictions spécialisées ne traitent que d'un certain type de litige, c'est une compétence d'attribution.

Par exemple, il existe des juridictions administratives dans le contentieux de l'aide sociale, en matière de RSA, avec la commission centrale d'aide sociale et la cour nationale de tarification sanitaire et sociale.

Vous avez des juridictions administratives spécialisées en matière financière, avec la cour des comptes, en matière de demande d'asile, avec la CNDA, la cour nationale du droit d'asile. Au passage, la CNDA, la cour nationale du droit d'asile, est la plus grosse juridiction administrative de France, c'est elle qui traite le plus grand nombre de litiges : l'asile est octroyé par un établissement public administratif qui s'appelle l'OFPRA, l'Office français de la protection des réfugiés et de l'asile, et les contestations des décisions prises par l'OFPRA sont adressées devant la CNDA.

Un gros contentieux aussi en matière de juridictions spécialisées correspond au contentieux des juridictions disciplinaires. Au sein des juridictions disciplinaires, on trouve notamment les juridictions disciplinaires des ordres professionnels.

Certaines professions réglementées sont constituées au sein d'un ordre, et au sein de cet ordre, il y a une forme de dédoublement fonctionnel avec une partie de l'ordre qui va être composée en chambres disciplinaires, et cette chambre disciplinaire va juger des litiges qui sont portés devant elle, mettant en cause l'activité professionnelle d'un membre d'une profession réglementée, d'un médecin, d'une infirmière, d'un notaire, d'un architecte, et il va y avoir une première instance locale, généralement départementale ou inter-régionale. Ensuite, en général, vous avez une chambre nationale de discipline adossée au conseil national de l'ordre, qui est juge d'appel, et recours en cassation devant le conseil d'État.

Ces juridictions administratives spécialisées résolvent beaucoup de litiges. Elles sont fréquemment échevinées, ça veut dire qu'elles sont composées de représentants des intérêts en présence, donc souvent des membres des professions réglementées si on est en cas de juridiction disciplinaire, par exemple, auxquels sont adjoints des magistrats administratifs ou judiciaires, des magistrats professionnels.

Les règles applicables devant ces juridictions suivent les principes généraux du contenu administratif. Un certain nombre de règles est fixée par les textes institutifs.

Par ailleurs, un point qui a beaucoup fait couler d'encre au sujet des juridictions spécialisées et notamment des juridictions disciplinaires correspond au respect des garanties prévues par l'article 6, paragraphe 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et de liberté fondamentale, c'est-à-dire le droit à un procès équitable.

Et sous l'influence de la Cour européenne des droits de l'homme et de cet article 6, différentes réformes du procès disciplinaire devant ces juridictions administratives spécialisées ont dû être mises en œuvre afin de les rendre compatibles avec les exigences d'un procès équitable. On pense par exemple au caractère public de l'audience.