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Introduction

Que se passe-t-il au XVIe siècle pour que l'on change de monde ?

Il y a plusieurs phénomènes, mais il y a un premier phénomène qui est l'agrandissement des frontières du monde qui sont liées aux grandes découvertes. Désormais, le monde n'est plus uniquement centré sur un monde fermé et chrétien, on va avoir un monde ouvert et ouvert par les mers. Ce qui va avoir une influence tout à fait considérable parce que l'on va non pas se considérer comme dans un monde connu, mais un monde désormais incertain à la découverte duquel il faut se rendre.

Il y a une autre chose qui est une révolution tout à fait et absolument majeure au XVIe siècle qui va beaucoup changer le rapport au droit, qui est la révolution religieuse. C'est la naissance du protestantisme qui va conduire à une effroyable guerre, une guerre de religion en France entre 1562 et 1598, mais dans le reste de l'Europe jusqu'à pratiquement la fin du XVIIe siècle.

Ce sont des guerres qui sont particulièrement atroces parce que ce sont des guerres civiles, dans lesquelles, entre membres d'un même village, entre membres d'une même famille, sans considération pour la qualité d'hommes, de femmes, d'enfants, de combattants ou de non combattants, de civils ou de militaires, on va aimablement s'égorger et s'entretuer. Cela provoque un choc absolument considérable pour l'Occident chrétien.

Désormais, le spectacle du monde n'est pas un spectacle d'ordre, d'harmonie comme dans la logique de saint Thomas d'Aquin, un ordre créé par Dieu avec des royaumes naturels et harmonieux, etc. Ce qui est désormais le spectacle qui s'offre à chacun, c'est le désordre, le chaos.

Comment penser que le monde est lui-même ordonné, qu'il est un cosmos alors même qu'il est devenu un chaos, c'est-à-dire une sorte de monde incertain, chaotique, désordonné, violent et mortel ? Dans ces conditions, la seule manière de retrouver de l'ordre, c'est de l'ordre qui va résulter de la puissance de l'État.

On va se mettre à considérer que l'ordre n'est pas seulement ce qui précède le politique, mais l'ordre est ce qui procède de la politique. Et la politique va être là pour ordonner, pour commander, dans une logique très verticale, pour assurer des choses qui sont à la fois plus puissantes et plus simples à réaliser.

Garantir à chacun l'intégrité de son corps physique, garantir à chacun la sécurité, et garantir, autant que faire se peut, un certain bien-être matériel, un certain bien-être économique. Ce sera le rôle de l'État moderne.

Quant à la question de savoir ce que sont les fins dernières, c'est-à-dire le destin de chacun au soir de sa vie et au jour du jugement dernier, ce sera une question qui ne sera plus une question dont se mêlera ou dont devra se mêler le politique. Parce que, quand elle s'en est mêlée, on a bien vu que c'était des guerres de religion et l'Europe à feu et à sang. Et donc ça va être une question qui va être beaucoup plus intérieure.

L'idée que chacun, dans un rapport personnel à Dieu et un rapport désinstitutionnalisé, va essayer de cheminer pour atteindre, s'il est croyant, la question des fins dernières. Dans ce monde nouveau, la figure centrale, c'est la figure de l'État, l'État moderne, l'État souverain, tel que l'a conceptualisé Jean Bodin à la fin du XVIe siècle, dans les six livres de La République, publiés en 1576. 

Mais que cette souveraineté n'est pas abstraite. Cette souveraineté est clairement incarnée et cette souveraineté est imputée à un prince qui est le roi, le roi détenteur d'un pouvoir absolu et un pouvoir législatif absolu.

On gardera le concept de souveraineté et considérera que le titulaire de la souveraineté n'est pas nécessairement le roi mais, par exemple, une assemblée. C'est ce qui se fera le 17 juin 1789.

Pour le moment, il y a cette idée que le roi a la puissance de faire, de casser la loi et que la loi, au fond, c'est la marque par excellence de la souveraineté royale. C'est la marque par excellence de la puissance qui peut emporter, en quelque sorte, tous les autres domaines.

Qu'est-ce que c'est qu'une politique monétaire ? C'est d'abord une loi qui porte sur la monnaie.

Qu'est-ce que c'est qu'une politique économique ? Ce sont, là encore, des normes qui vont être adoptées.

Donc la loi concentre, en quelque sorte, toute la puissance politique. C'est une conception du droit qui est complètement nouvelle, complètement révolutionnaire. Jusqu'à présent, on considérait que le droit préexistait au roi; désormais, on va considérer que c'est la loi du roi, la volonté du roi qui est source principale du droit.