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Chapitre 1 : La source principale du droit civil : la loi

Les lois ont tellement d'importance en droit civil que le code civil, qui est un recueil de lois civiles, s'ouvre sur un titre préliminaire qui est intitulé de la publication des effets et de l'application des lois en général.

Ainsi, le code civil apporte sa pierre à la construction de la théorie générale de la loi, qui est utile aussi bien pour d'autres matières.

Les classifications des lois

Nous allons faire deux classifications des lois.

Dans un sens étroit, le mot « loi » désigne un texte qui émane du pouvoir législatif, mais dans un sens plus large, et c'est celui qu'on retient traditionnellement lorsqu'on fait une introduction aux droits et aux droits civils, le mot désigne une règle de droit d'origine étatique établie sous une forme écrite, sous la forme d'un texte soumis à une publication officielle.

Dans ce sens large, le mot recouvre de nombreuses sortes de normes écrites, et celles-ci sont hiérarchisées en fonction des divers organes dont elles émanent. Cette hiérarchie est appelée la pyramide des normes.

On peut aussi faire des classifications des lois en fonction de leur contenu, et on va parler à ce moment-là de classification matérielle des lois,.

La pyramide des normes

Il faut bien comprendre que toutes les normes écrites émanent de l'État, et elles s'ordonnent dans un ensemble cohérent qui est constitué de plusieurs degrés hiérarchisés. Et les textes de chaque degré doivent respecter ceux des degrés supérieurs. Chaque strate prime ainsi et sert de fondement à la validité des normes de la strate inférieure.

Nous avons une pyramide qu'il faut présenter d'abord dans sa pureté classique, et on verra les complications contemporaines qui sont nombreuses.

La pureté classique

Et bien, classiquement, c'est-à-dire dans la tradition constitutionnelle française, on représente la hiérarchie des normes sous la forme d'une pyramide à trois degrés.

Pureté_classique.jpg

Nous avons en haut la Constitution, à l'étage légèrement inférieur, la loi, et puis enfin, au rez-de-chaussée, les règlements.

Le sommet donc, la Constitution, qui est élaborée par le pouvoir constituant, à l'origine d'une assemblée constituante, et puis ensuite lorsqu'il s'agit de modifier la constitution, c'est le mécanisme prévu par la constitution elle-même qui doit être utilisé : cela peut-être le référendum, et donc le peuple tout entier, cela peut-être aussi le parlement réuni en congrès, tel que cela est organisé aujourd'hui par la Constitution de 1958.

Au milieu de notre pyramide se trouve la loi, au sens strict, c'est-à-dire un texte voté par le pouvoir législatif, toutes ces lois occupent le deuxième étage, le pouvoir législatif actuellement est exercé par l'Assemblée nationale et le Sénat. Et ces lois doivent respecter la Constitution.

Et puis, en dessous, il y a les règlements, qui proviennent du pouvoir exécutif dans l'exercice du pouvoir réglementaire. Dans la pureté de la pyramide des normes classiques, ce ne sont que des textes d'application des lois qui se trouvent à l'étage du dessus.

On trouve plusieurs sortes de règlements pour occuper ce bas de l'échelle : nous avons les décrets qui émanent du Premier Ministre, les arrêtés ministériels qui émanent de chaque ministre, les arrêtés préfectoraux, d'ailleurs représentant de l'État dans chaque département, et puis les arrêtés municipaux qui peuvent émaner des maires.

Bon, voici la pyramide classique, elle est simple, mais aujourd'hui elle se trouve compliquée.

Les complications contemporaines

Plusieurs facteurs de complications sont apparus qui brouillent quelque peu l'image de la pyramide.

La répartition des domaines respectifs de la loi et du règlement dans la constitution de 1958

Le premier facteur, c'est la répartition du domaine respectif de la loi et du règlement dans la Constitution du 4 octobre 1958.

Un grand article, l'article 34 de la constitution, énumère un certain nombre de matières dans lesquelles la loi, au sens strict, c'est-à-dire le texte voté par le Parlement, ou bien fixe toutes les règles, ou bien détermine des principes fondamentaux.

  • Fixe toutes les règles, on parlera alors de matière législative ou matière purement législative, et en droit civil, cela va concerner tout particulièrement l'état des personnes, la capacité des personnes, les régimes matrimoniaux, les successions, les libéralités.
  • Et puis nous avons la possibilité d'avoir aussi des domaines dans lesquels la loi ne fait que déterminer les principes fondamentaux. En droit civil, il s'agit du régime de la propriété, des droits réels, des obligations civiles et commerciales.

Alors, évidemment, l'article 34, à ce point de vue, sous-entend nécessairement que les règles des détails, moins fondamentales que les principes, seront fixées par voie réglementaire. Et dans une telle hypothèse, nous avons bien la pyramide à trois degrés, Constitution, loi avec les principes fondamentaux, et puis règlement pour aller dans le détail.

Nous avons un très bon exemple en matière de preuves, où une loi est venue préciser en 2000 qu'au-delà d'une certaine somme fixée par décret, un écrit serait nécessaire pour faire la preuve. La somme est décidée par décret. Il y a eu plusieurs décrets, aujourd'hui c'est 1500 euros.

On constate que l'énumération des matières de ces deux catégories est limitative. L'article 37 place dans le domaine du règlement toutes les matières qui ne sont pas dans le domaine de la loi, toutes celles qui n'ont pas été énumérées par l'article 34.

Par exemple, toute la procédure civile est l'objet de textes purement réglementaires. Dans une telle hypothèse, la pyramide se réduit à deux étages, la constitution et les règlements, il n'y a rien au stade de la loi. Et les règlements, dans un tel cas, ne sont pas des règlements d'application des lois, ce sont ce qu'on appelle des règlements autonomes.

Alors, pour éviter des empiétements du pouvoir législatif dans le domaine réglementaire, plusieurs mécanismes ont été prévus par la Constitution.

  • S'il apparaît au cours d'une procédure législative que le Parlement est en train de légiférer sur une matière en réalité réglementaire, alors le gouvernement peut opposer l'irrecevabilité, donc c'est une exception de l'irrecevabilité, éventuellement si cela soulève une difficulté, c'est le Conseil Constitutionnel qui sera saisi et qui tranchera dans les huit jours : c'est ce qu'explique l'article 41 de la constitution, un contrôle préventif, mais c'est peut opposer, ce n'est pas droit, si bien peut-être que la procédure se déroulera sans que personne ne dise rien.
  • Si ce contrôle préventif n'a pas été mené, et ça s'est souvent produit sous la Ve République, et si le gouvernement veut modifier un texte qui a été voté par le Parlement alors qu'il était du domaine du règlement, dans une telle hypothèse, il est possible de demander au Conseil Constitutionnel de déclasser la disposition, de dire qu'elle était en réalité réglementaire, si bien que le gouvernement peut alors la modifier tout seul. Ça s'est produit quelques fois et nous avons quelques illustrations dans notre histoire législative réglementaire récente.
  • La question est de savoir si le Conseil Constitutionnel peut intervenir au milieu : une fois qu'une loi a été votée alors qu'elle était dans le domaine d'un règlement autonome, est-ce que le conseil constitutionnel peut bloquer la promulgation de la loi en la déclarant inconstitutionnelle comme contraire aux articles 34 et 37 ? Le Conseil Constitutionnel a décidé que non, que ce n'était pas une question de constitutionnalité ou d'inconstitutionnalité que cette répartition des matières. En revanche, à l'occasion d'une saisine pour examiner des griefs divers d'inconstitutionnalité d'une loi qui a été votée, le Conseil Constitutionnel accepte de statuer dès maintenant sur l'éventuel déclassement d'une disposition qui aurait été empiéter sur le domaine du règlement. Dans un tel cas, la loi est promulguée avec toute sa teneur, mais si le gouvernement par la suite souhaite la modifier alors il pourra prendre un décret tout simplement sans avoir à saisir à nouveau le Conseil Constitutionnel pour procéder au déclassement.

Cette répartition des matières affecte déjà un peu la pyramide des normes.

Les ordonnances

La deuxième complication provient de ce qu'on appelle les ordonnances avec l'article 38 de la constitution qui permet au gouvernement, pour l'exécution de son programme, de demander au parlement l'autorisation de prendre par ordonnance pendant un temps limité des mesures qui sont normalement du domaine de la loi.

Ceci revient à consacrer et à donner un fondement à des pratiques auxquelles certains gouvernements avaient eu recours avant 1958 et qu'on avait appelé la technique des décrets-lois, au fond prendre des décrets à la place de lois dans des périodes où le parlement était plus ou moins paralysé.

Aujourd'hui c'est l'article 38 de la Constitution :

Le Gouvernement peut, pour l'exécution de son programme, demander au Parlement l'autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi.

Les ordonnances sont prises en conseil des ministres après avis du Conseil d'État. Elles entrent en vigueur dès leur publication mais deviennent caduques si le projet de loi de ratification n'est pas déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d'habilitation. Elles ne peuvent être ratifiées que de manière expresse.

A l'expiration du délai mentionné au premier alinéa du présent article, les ordonnances ne peuvent plus être modifiées que par la loi dans les matières qui sont du domaine législatif.
Article 38 de la Constitution de 1958 

Une autorisation donnée par le parlement, appelée loi d'habilitation, permet au gouvernement de légiférer par ordonnance dans les matières qui sont les matières de la loi au sens strict mais c'est le gouvernement qui va la prendre.

À l'issue du mécanisme, une fois que l'ordonnance a été publiée et qu'elle est en vigueur, est prévue une ratification par le parlement et ce sont des lois de ratification des ordonnances. Mais les textes issus des ordonnances sont déjà entrés en vigueur avant même leur ratification.

Il est arrivé, on peut le signaler, que les lois de ratification modifient quelque peu et parfois assez substantiellement les dispositions qui avaient été adoptées par voie d'ordonnance.

Nous avons un exemple récent avec la ratification par exemple d'une ordonnance qui a porté réforme de la filiation. Lors de la ratification, en réalité, il y a eu beaucoup plus que la ratification mais aussi de sérieuses modifications.

Il y a comme exemple un droit civil à l'époque récente, le droit des sûretés, qui a fait l'objet d'une réforme de très vaste ampleur menée par voie d'ordonnance, ce qui a d'ailleurs paru assez choquant, de légiférer par voie d'ordonnance sur des questions aussi fondamentales que le droit des sûretés, que le droit de la filiation, et cela n'a pas été sans soulever de certaines critiques.

Le développement du « bloc de constitutionnalité »

À la tête de la pyramide, il y a toujours la Constitution, c'est-à-dire une loi au sens large d'organisation des institutions étatiques et des pouvoirs publics. Mais désormais il y a aussi d'autres textes pour occuper ce sommet, ce premier étage.

Depuis 1971 en effet, le Conseil Constitutionnel, dont la mission est de veiller à la constitutionnalité des lois, de veiller à ce que les lois parlementaires, c'est-à-dire du deuxième degré de la pyramide, soient conformes à la constitution, considère que cette conformité doit être examinée non seulement au regard du texte de la Constitution elle-même, mais aussi au regard du préambule de la constitution du 27 octobre 1946, qui est la constitution de la Quatrième République, et de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

Le préambule de la Constitution de 1946 parce que, précisément, le préambule de la Constitution de 1958 renvoie au préambule de la constitution précédente. On y trouve la proclamation de multiples droits et libertés individuelles, ainsi bien évidemment que dans la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, avec des formulations qui relèvent parfois plus ou moins de l'utopie : « Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi ».

Toutes ces déclarations se trouvent désormais promues au rang de droits et libertés fondamentaux.

Le législateur actuel doit les respecter lorsqu'il vote des lois parlementaires, ainsi la souveraineté du Parlement risque de s'en trouver d'autant plus limitée que ces droits sont aux contours incertains et sont susceptibles d'interprétations divinatoires, ou extensives en tout cas.

Spécialement, dans le préambule de la constitution de 1946 sont évoqués les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. Le Conseil Constitutionnel considère que ces lois sont celles qui ont été votées avant l'entrée en vigueur de cette constitution de 1946, donc spécialement des lois de la Troisième République, voire de la Deuxième ou de la Première.

Mais c'est le Conseil Constitutionnel qui va piocher dans ce vaste corps de lois, notamment celle de la Troisième République, des principes fondamentaux. Ainsi, des textes qui se trouvent au deuxième étage de la pyramide se trouvent maintenant vissés au premier en qualité de principes fondamentaux et comme partie prenante du bloc de constitutionnalité et qui freine maintenant la souveraineté du législateur contemporain. C'est un phénomène assez étonnant qui n'était pas prévu par la constitution de 1958 elle-même.

Le Conseil Constitutionnel n'est pas resté dans le rôle qui était le sien : il a contraint le législateur au respect des droits et libertés fondamentaux. Comme on dit, l'organe a créé sa fonction sécrétant un droit substantiel qui s'écoule au travers de toutes les branches du droit privé.

On parle à ce propos du phénomène de constitutionnalisation du droit privé, c'est-à-dire vérifier si les textes de droit privé qui sont votés sont conformes à des droits et libertés fondamentaux. Et le Parlement ne peut plus faire tout ce qu'il veut, il n'est plus souverain.

Nous avons des exemples ainsi, par exemple lorsqu'il s'agit de toucher à la liberté du mariage qui a su reconnaître une valeur constitutionnelle par le Conseil Constitutionnel, le législateur doit faire très attention parce que la sanction peut vite tomber du Conseil Constitutionnel.

L’intrusion des traités internationaux dans la hiérarchie des normes

Le quatrième facteur de complication de la pyramide des normes tient à l'intrusion des traités internationaux dans cette hiérarchie des normes.

Principe

Les traités internationaux, ou conventions internationales, sont des accords conclus entre les États. L'article 55 de la Constitution française de 1958 leur donne une autorité importante.

Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie.
Article 55 de la Constitution 

Il y avait déjà un texte équivalent à peu près dans la Constitution de 1946.

Ces traités doivent être régulièrement ratifiés, dit l'article 55, c'est le président de la République qui est chargé de cette ratification. Cependant, pour certains traités, spécialement les traités de commerce, ceux qui modifient une disposition de nature législative ou encore qui sont relatifs à l'état des personnes, une loi est nécessaire avant de les approuver ou de les ratifier. Et le pouvoir législatif, dans de tels cas, domine le processus, il faut qu'il se prononce, il peut éventuellement s'opposer à ce qu'un traité entre en vigueur à l'égard de la France.

Et nous avons ici un exemple qui est resté dans toutes les mémoires, lors de la négociation de ce nouveau traité européen qu'on a appelé une Constitution pour l'Europe et qui était un traité international.

La France a décidé, en vue de sa ratification, d'adopter la loi de ratification par voie référendaire et non pas seulement par la voie législative ordinaire et la réponse a été négative, c'est-à-dire refus et le traité n'a pas pu être ratifié. Il a fallu négocier un nouveau traité, ça a été un peu long mais ça a abouti en finalement un traité de Lisbonne.

Mais lorsqu'un traité est régulièrement ratifié, il vient prendre place dans la hiérarchie des normes au-dessus des lois, au sens strict, en dessous de la Constitution mais au-dessus des lois.

La Constitution, parce que le Conseil constitutionnel et les juridictions françaises se sont bien prononcées, n'est pas concernée par la primauté des traités.

Il reste que pendant longtemps, les juridictions françaises estimèrent qu'il ne leur revenait pas de faire prévaloir des traités internationaux sur les lois françaises postérieures. Sur les lois françaises antérieures, ça, elles l'acceptaient mais pas sur les lois françaises postérieures, qui, d'aventure, auraient été contraires aux traités internationaux.

Les juridictions appliquaient les lois car elles considéraient qu'il ne leur appartenait pas de se faire juge de la validité des lois, y compris au regard des traités internationaux. L'attitude était prudente et même raisonnable, notamment en raison de la réserve de réciprocité qui est contenue dans l'article 55. Ce n'est que si l'autre partie ou les autres parties aux traités en question appliquent celui-ci, que l'article 55 reconnaît aux traités une autorité supérieure à la loi. C'est une supériorité conditionnelle donc, supposant au préalable des vérifications dans chaque cas.

La tâche n'est pas simple pour le juge, qui a fort bien fait pendant longtemps de s'en tenir aux lois que vote le législateur et qu'il est facile au juge de connaître. D'ailleurs, puisque les traités ont une autorité supérieure aux lois parlementaires, n'est-ce pas au Conseil Constitutionnel, garant du fonctionnement régulier des pouvoirs publics et des institutions, de veiller à ce que les lois votées ne soient pas contraires à des traités ratifiés par la France ? N'est-ce pas là une question de conformité à l'article 55 de la Constitution et donc de constitutionnalité ?

La question a été posée au Conseil constitutionnel, mais dans une célèbre décision du 15 janvier 1975, il a refusé de procéder à un tel contrôle en considérant qu'il n'entrait pas dans sa mission, parce que les décisions que le Conseil constitutionnel est appelé à prendre dans le contrôle de constitutionnalité des lois ont un caractère absolu et définitif, la loi est conforme ou elle ne l'est pas; alors que la supériorité des traités sur les lois présente un caractère relatif et contingent, précisément en ce que cette supériorité est subordonnée à une condition de réciprocité dont la réalisation peut varier selon le comportement des États signataires et selon le moment où est apprécié le respect de cette condition.

Et, en espèce, c'était la contrariété de la loi du 17 janvier 1975 sur l'avortement, avec l'article 2 de la Convention européenne des droits de l'homme, qui proclame le droit à la vie, qui était invoqué devant le Conseil constitutionnel, et le Conseil constitutionnel a refusé de se prononcer sur ce point.

Assez rapidement, les juges ont modifié leur position, puisque la supériorité des traités par rapport aux lois n'est pas une question de constitutionnalité, c'est une question dont les juges peuvent s'occuper.

Et c'est ainsi que, très vite, la Cour de Cassation, dans une décision bien connue, dans l'arrêt qu'a fait Jacques Vabre du 24 mai 1975, a abandonné sa position antérieure et a décidé qu'un article du traité de Rome de 1957 devait être appliqué, et qu'un article du Code des douanes français, bien qu'il fût postérieur, devait être écarté, parce qu'il n'était pas conforme à cette disposition du traité de Rome.

Alors le Conseil d'État a résisté un peu plus longtemps, mais lui aussi, dans l'arrêt Nicolo de 1987, a opéré un spectaculaire revirement et a accepté d'examiner la compatibilité d'une loi avec les dispositions d'un article du traité de Rome également.

Désormais, tout juge de l'ordre judiciaire ou de l'ordre des juridictions administratives, à l'occasion d'un procès, dès qu'il estime qu'une loi est contraire à un traité international ratifié par la France, peut écarter la loi.

Un degré intermédiaire entre la Constitution et les lois parlementaires existe donc bel et bien, et pas seulement en théorie, dans la pyramide des normes, nous n'avons pas que trois étages, nous en avons quatre.

Alors ce bouleversement ne s'est pas opéré sans critique, loin de là, on a pu faire valoir qu'il est singulier que les juridictions judiciaires ou administratives se reconnaissent un pouvoir que le Conseil Constitutionnel, qui en maintes occasions a montré qu'il savait faire preuve d'audace, ne s'est pas reconnu à lui-même, alors qu'il était pourtant facile pour lui de se saisir de l'article 55 de la Constitution.

Surtout, reconnaître ce pouvoir aux juges d'écarter l'application d'une loi qu'il estime contraire à un traité international, c'est lui permettre d'examiner la validité des lois, et donc de soumettre le pouvoir législatif au contrôle du juge, mais ceci va totalement à l'encontre de toute notre tradition de séparation des pouvoirs.

Et puis, la Constitution de 1958 n'a certainement pas voulu accroître le pouvoir du juge au détriment de la loi; il est vrai que la Constitution a diminué la suprématie du pouvoir législatif, mais c'était pour favoriser le pouvoir exécutif, avec une répartition des domaines, avec les règlements autonomes, mais ce n'était certainement pas pour permettre au juge, qui est chargé d'appliquer la loi, d'en écarter l'application.

En tout cas, au vu de la situation actuelle, il serait extrêmement souhaitable que les négociateurs de conventions internationales, et puis ensuite le Parlement, lors du vote des lois autorisant la ratification, prennent la mesure exacte de l'amputation que le cas échéant, le traité à l'avenir, fera subir à la souveraineté du législateur. Il n'est pas sûr que cela soit toujours bien fait, que la conscience soit toujours bien prise.

Les dispositions contenues dans les traités internationaux ne prennent place dans la pyramide des normes que si elles sont elles-mêmes directement applicables, sans autre texte les mettant en œuvre. Et il faut voir que le contenu des conventions internationales n'est pas toujours construit de la même façon. Il y a plusieurs manières de les rédiger.

Tantôt les États parties à la convention s'engagent les uns envers les autres à respecter les droits qui sont énumérés, ou s'engagent à prendre des mesures appropriées pour les mettre en œuvre. Et c'est ainsi que si on regarde dans la convention de New York relative aux droits de l'enfant, à l'article 11 ou à l'article 22, nous avons des rédactions dans lesquelles nous voyons que les États parties veuillent associer, les États partis prennent les mesures pour cela, etc.

Alors si la France tarde à prendre les mesures qu'elle a promises en signant la convention, ces citoyens ne peuvent pas s'en plaindre devant ces tribunaux, ils ne peuvent pas invoquer à sa place, à la place des États, le texte international. Dans un tel cas, avec une telle rédaction, ce n'est qu'un engagement envers les autres parties internationales à la convention qui est pris, et non pas envers les citoyens. Et seuls les autres parties à la convention peuvent éventuellement se plaindre de sa mauvaise exécution, pour nous, par la France.

La rédaction peut être un petit peu différente, et les parties, les États parties, reconnaissent ensemble, dans le texte international, des droits individuels pour leurs ressortissants. Dans la convention de New York, nous avons certains articles qui sont rédigés de cette façon, par exemple l'article 3, l'article 7, l'article 13, où nous voyons que, par exemple, l'enfant a, dès sa naissance, le droit d'être enregistré, le droit à un don, le droit de connaître ses parents, dans la mesure du possible, et d'être élevé par eux. Mais ce n'est pas les États partis qui prennent les mesures pour que l'enfant puisse : l'enfant a, dès sa naissance, le droit.

Ici, la formulation est différente, et pourtant on est dans la même convention internationale. Et des citoyens, ici, peuvent se prévaloir de la véritable norme d'origine internationale qui est suffisante, qui est suffisamment précise pour être directement applicable devant les juridictions internes, et qui alors prend place dans la pyramide des normes.

Cette pyramide, nous pouvons maintenant l'établir avec ses quatre étages.

Pyramide_de_kelsen.png

En haut, la Constitution, avec son bloc de constitutionnalité, puis l'étage du dessous, les traités internationaux, mais avec la précision que c'est sous réserve de réciprocité, et à la condition que les stipulations du traité soient directement applicables, parce que leur rédaction le permet. Au troisième étage, nous avons la loi parlementaire, les ordonnances, et puis les règlements autonomes, et enfin, au bas de la pyramide, les règlements d'application des lois qui sont au-dessus.

Applications en droit civil

  • Le droit communautaire

Le droit communautaire remonte à la signature, le 18 avril 1951, du traité de Paris, instituant la Communauté européenne du charbon et de l'acier, la CECA, qui est d'ailleurs disparue maintenant. Dix ans plus tard, le 25 mars 1957, furent signés à Rome deux autres traités, toujours entre les mêmes six pays fondateurs, instituant la CEA, Communauté européenne de l'énergie atomique, et puis la CEE, Communauté économique européenne, qui vise à l'instauration d'un marché unique entre les six signataires, ce qu'on a appelé le marché commun, avec une union douanière, une libre circulation des produits et des services dans ce marché commun, une libre concurrence sur ce marché, et puis quelques politiques communes dès le départ, dont la très célèbre politique agricole commune.

Par la suite, les institutions auxquelles ces trois traités avaient donné naissance ont été unifiées, avec un conseil unique, une commission unique, une cour de justice unique, et puis les traités institutifs ont été plusieurs fois modifiés, spécialement par le traité de Maastricht en 1992, où est apparue l'expression d'union européenne, une union européenne s'appuyant sur l'ancienne CEE, renommée CE, Communauté européenne, et complétée par des politiques communautaires, tout cela faisant l'union européenne dans le traité de Maastricht.

Les prérogatives de cette Communauté européenne ont été étendues par le traité d'Amsterdam en 1977, puis une nouvelle organisation technique a été mise en place avec le traité de Nice en 2001, des aménagements institutionnels destinés à tenir compte de l'élargissement de l'union à 25 membres à l'époque dans le processus de décision. Par la suite, un traité établissant une constitution pour l'Europe avait été conclu à Rome le 29 octobre 2004, mais on sait qu'il s'est heurté aux résultats négatifs des référendums organisés aux Pays-Bas et puis en France. Alors il y a eu un traité simplifié finalement, plus ou moins simplifié d'ailleurs, qui a été élaboré en 2007 et signé à Lisbonne en 2007 lui aussi, le 13 décembre 2007, c'est le traité de Lisbonne. Il a fallu le ratifier, processus délicat, dans la quasi-totalité des États membres ça s'est passé par la voie parlementaire, sauf en Irlande, référendum, et là encore la réponse a été négative; la question a été reposée un peu plus tard aux Irlandais, en leur faisant comprendre qu'ils avaient intérêt à voter oui, et ils ont voté oui.

Donc finalement le traité a pu entrer en vigueur et a remplacé complètement cette fois la communauté européenne par l'union européenne, qui est désormais la personnalité juridique. Ce qu'on appelle le droit communautaire devrait aujourd'hui s'appeler le droit de l'union ou le droit unioniste si l'on veut, mais nous avons tellement l'habitude de parler de droit communautaire au sens du droit de la communauté ou des communautés européennes que cette expression subsiste aujourd'hui encore en dépit de l'existence maintenant de l'union européenne. Une précision : l'une des communautés, la CEA, elle, a conservé son autonomie juridique, son existence juridique.

Dans ce droit communautaire ou de l'union il y a deux composantes, ce qu'on appelle le droit communautaire originaire ou primaire, ce sont les traités institutifs des communautés européennes avec leurs modifications et compléments ultérieurs, et puis ce qu'on appelle le droit communautaire dérivé ou secondaire, et ce sont toutes les normes qui sont édictées par les institutions communautaires et qui sont prévues, dont le processus d'édiction est prévu par les traités institutifs.

Alors ces normes peuvent prendre deux grandes formes, tantôt des règlements communautaires ou bien des directives.

Les règlements, dit l'article 288 du traité sur le fonctionnement de l'union européenne aujourd'hui, a une portée générale, il est obligatoire dans tous ses éléments et il est directement applicable par plusieurs états membres.

Et puis de l'autre côté il y a les directives communautaires, envisagées par le même article d'ailleurs, et la directive lie tout état membre destinataire quant aux résultats à atteindre tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens. Ainsi, après une directive, un processus dit de transposition se déclenche, se déroule dans les états membres, en France on adopte des lois ou des règlements qui peuvent paraître nécessaires si c'est nécessaire, parce que si le droit est déjà suffisant, satisfaisant, on n'adoptera rien de plus. Ce sont ces directives ainsi transposées et ces règlements qui vont maintenant bénéficier de la primauté de l'article 55 de la Constitution.

Ce droit communautaire bénéficie d'un principe de primauté sur les droits nationaux qui a été affirmé par la Cour de justice dans une célèbre affaire, l'affaire Costa, et cette prééminence est bien entendu celle des traités institutifs, et cette prééminence s'explique en France par article 55 de la Constitution ou dans d'autres pays, par d'autres textes.. Cette prééminence vaut aussi pour le droit communautaire dérivé, ce qui ne l'est pas de soi, mais le traité de Rome, et maintenant le traité de Lisbonne, entrant dans le domaine de l'article 55 de la Constitution, toutes les règles que les organes prévus par ces traités, ont édictés, profitent au fond de la même primauté. C'est ce qui a été décidé par les juridictions.

Une observation cependant, les traités institutifs et les règlements communautaires viennent prendre place dans notre pyramide des normes au deuxième degré, celui qu'on a ajouté en dessous de la Constitution. En revanche, les directives, elles, n'entrent pas dans notre pyramide des normes, car elles restent extérieures à l'ordre juridique français. Elles ont besoin de textes de transposition. Ce sont les textes de transposition que nous trouvons dans la pyramide des normes, mais pas les directives elles-mêmes, qui ne sont pas destinées à recevoir directement application.

Les sources communautaires produisent depuis 56 ans un torrent sans cesse plus volumineux de textes dérivés, des règlements et surtout des directives, peut-être 20 000 ou 30 000 directives, on ne sait même pas les compter. Cependant, pendant longtemps, ceci n'a guère concerné le droit civil. Puisqu'il s'agissait d'organiser un marché commun avec une libre concurrence, il y a eu assez vite des répercussions sur le droit commercial, le droit de la concurrence qui en fait partie, de même des conséquences au regard du droit du travail, mais le droit civil ne paraissait pas concerné.

Le droit international privé est entré à la faveur de modifications des traités dans le giron des compétences des instances communautaires. Et nous avons maintenant des règlements de droit international privé qui sont désormais des droits positifs français dans cette pyramide des normes.

Quant au droit civil, il a été touché, lui, par trois directives finalement qui ont été transposées dans le Code civil.

  • Une directive de 1985 sur la responsabilité des producteurs du fait de leurs produits défectueux. Ce texte a été transposé dans les articles 1386.1 et suivants du Code civil.
  • Une directive du 13 décembre 1999 posant un cadre communautaire pour la signature électronique, cela afin de contribuer au développement du commerce électronique. Transposée assez vite dans le Code civil, très vite même, par une loi du 13 mars 2000, aux articles 1316.1 à 1316.4 du Code civil. Tout cela avec d'ailleurs un peu d'avance sur la technique parce qu'aujourd'hui, bien rares sont les personnes qui possèdent même 15 ans après, une signature électronique au sens précis des textes de la directive et puis du texte de transposition.
  • Une directive du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques de la société de l'information, et spécialement en matière de commerce électronique, ce qui a été transposé en France par une loi sur la confiance pour l'économie numérique, une loi du 21 juin 2004, transposition dans le Code civil avec un article 1108.1 de nouveau, puis des articles 1369-1 et suivant du Code civil, où nous avons des dispositions notamment sur les contrats sous forme électronique.

Trois directives et aucun règlement. Tout au plus peut-on ajouter d'autres directives propres aux relations entre professionnels et consommateurs et qui en France ont été transposées dans le Code qui est étoffé pour les recevoir.

C'est le Code de la consommation, puisqu'il s'agit là de droit de la consommation, avec une directive de 1993 sur les clauses abusives qui a conduit à modifier l'article 132.1 du Code de la consommation, qui est un texte extrêmement important.

Nous avons également la directive du 20 mai 1997 sur la protection des consommateurs en matière de vente à distance, transposée aussi dans le Code de la consommation, et la directive du 25 mai 1999 relative à certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation, qui était à l'origine d'une nouvelle garantie, la garantie de conformité des biens de consommation vendus aux consommateurs, et qui a été transposée dans le Code de la consommation, qui est un texte important, puisque ce texte a imposé d'offrir aux consommateurs une garantie de deux ans, venant de cette directive du 25 mai 1989 transposée.

Et puis nous avons une directive du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs, qui va retoucher un certain nombre de choses, spécialement encore dans le domaine des contrats à distance, pour que les consommateurs situés dans tel pays de l'Union européenne puissent en confiance s'approvisionner, si possible, le plus loin possible. Avec un délai de rétractation dans la vente à distance qui jusqu'à présent était de 7 jours, et qui va être porté par l'effet de la directive et de sa transposition, actuellement en cours en France, à un délai de 14 jours.

On signalera que certains voudraient aujourd'hui aller plus loin, voudraient que les instances communautaires possèdent à une vaste harmonisation du droit civil en Europe, en matière contractuelle, voire aussi de responsabilité civile, voire plus largement encore pour tout un code civil européen. Cette ébauche se heurte à un certain nombre de critiques, et un vaste mouvement contraire s'est levé, qui fait valoir en particulier qu'un droit civil est le reflet de la culture de l'État dans lequel il s'applique, et qu'à une époque où on vante la diversité culturelle, il serait curieux d'uniformiser complètement les droits civils.

On fait surtout valoir qu'aux États-Unis d'Amérique, les champions de l'efficacité, il n'y a pas de droit civil uniforme. Au contraire, chaque État fédéré reste seul souverain pour déterminer son droit civil, et les États-Unis l'ont bien compris. La Cour suprême des États-Unis fait absolument respecter ce principe. On sait que les États-Unis ont été capables, ou les États qui étaient unis, ont été capables de se faire une guerre entre eux au XIXe siècle. Et aujourd'hui, on a parfaitement saisi que pour qu'une union fédérale reste supportable, reste vivable, il faut que les États fédérés conservent des compétences.

On observe aussi, s'agissant de l'Europe, l'absence de base juridique qui est absolument nécessaire pour les instances communautaires. Il faut bien comprendre qu'il y a ici une différence très profonde. Un législateur national a une souveraineté en principe, il peut légiférer dans toutes les matières qu'il entend. En France, avec notre article 34 et 37, il y a peut-être une répartition entre le règlement et la loi, mais globalement, on peut légiférer dans tous les domaines que l'on souhaite aborder.

Pour les instances communautaires, il en va différemment. Celles-ci n'ont une compétence pour édicter des règlements ou des directives que là où les États membres leur ont attribué une compétence. On parle du principe de compétence d'attribution, qui est parfaitement exprimé aujourd'hui par l'article 5, paragraphe 2 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, qui est absolument limpide ici.

En vertu du principe d'attribution, l'Union n'agit que dans les limites des compétences que les États membres lui ont attribuées dans les traités pour atteindre les objectifs que ces traités établissent. Toute compétence non attribuée à l'Union dans les traités appartient aux États membres.
Article 5, alinéa 2 du traité sur l'Union européenne 

Et il n'y a pas de compétence en matière de droit civil : aucune n'a été attribuée à l'Union, donc elle ne peut pas se statuer.

Sur ce domaine-là, il y a une compétence en matière de droit de la consommation, qui est vraiment prévue. On peut aussi penser que le développement du commerce électronique, à certains égards, peut entrer dans les compétences de l'Union. Mais toucher aux droits des obligations en général, à la famille n'est pas dans les compétences de l'Union. Dans ces conditions, la perspective d'un code civil européen paraît très lointaine.

Il est probable même qu'à la suite des difficultés qu'ont rencontré, d'abord le traité pour la constitution sur l'Europe et puis ensuite le traité de Lisbonne dans sa ratification, il est assez peu probable, dans un avenir prévisible en tout cas, que de nouvelles compétences soient attribuées à l'Union dans le domaine du droit civil. Donc pour le moment, on en reste aux quelques directives que nous connaissons et ça ne va pas plus loin.

  • La Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales

La deuxième application que nous pouvons examiner maintenant concerne la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle a été conclue en 1950 entre les États fondateurs du Conseil de l'Europe, dont le siège est à Strasbourg.

Le Conseil de l'Europe est plus vaste que l'Union européenne, puisque par exemple la Russie ou la Turquie en font partie. Cette convention a été ratifiée par la France en 1974 et elle énonce quelques grands droits et libertés qui sont absolument incontestables.

Avec par exemple l'article 2, le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. A l'article 3, nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. Et l'article 4 prohibe l'esclavage et dans son paragraphe 2 interdit le recours au travail forcé ou obligatoire.

Mais ces expressions sont tout à fait révélatrices de l'intention des auteurs de la Convention européenne des droits de l'homme. Il s'est agi en 1950 d'éviter le renouvellement des horreurs de la Seconde Guerre mondiale. Le travail obligatoire, cela évoque le STO, le service du travail obligatoire, mis en place par l'occupant allemand à l'égard d'une partie de la population française au cours de la Seconde Guerre mondiale.

Là encore, le droit civil paraissait initialement, et même en 1974, à l'abri de toute conséquence de cette Convention parce que cette Convention avait été conçue comme un moyen de protéger les individus contre l'oppression étatique, ce que l'on avait vu pendant la Seconde Guerre mondiale. Seulement, la Convention a aussi instauré une juridiction qui est la Cour européenne des droits de l'homme.

Ce n'est pas le cas pour toutes les conventions internationales, mais là il y a une Convention chargée de veiller à son application par les États membres. Et cette Cour a développé une interprétation dite évolutive de la Convention, et très extensive, des articles que celle-ci comporte. Cette interprétation l'a conduite à multiplier les condamnations contre de nombreux États : l'Italie est en bonne ligne, mais la France aussi a pris beaucoup de condamnations.

On a pu relever que de très nombreuses de ces condamnations proviennent de certains textes qui paraissent absolument intarissables. Et notamment, c'est l'article 6, paragraphe 1, qui proclame le droit de toute personne à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement, dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial. Vous prenez chacun des adjectifs ou des adverbes qui se trouvent dans l'article 6, et vous avez le germe de condamnations de tel ou tel État pour tels aspects de leur procédure.

Puis l'article 8 aussi, avec le droit au respect de la vie privée et familiale : la Cour européenne des droits de l'homme a tiré des extensions de droits de l'homme inimaginables en 1950.

Un texte paraît promis à un grand destin : c'est l'article 1 du protocole additionnel numéro 1 qui proclame le droit de chacun au respect de ses biens, source de retentissantes condamnations, et spécialement en droit civil.

Avec, pour la France, une condamnation dans une affaire qui était l'affaire Mazurek, qui portait sur la question de la vocation successorale de l'enfant adultérin, lorsqu'il est en concours avec certaines victimes de l'adultère, ou du moins certaines personnes que la loi entendait protéger contre l'adultère, ici, le conjoint de l'auteur de l'adultère.

Il y avait une succession à régler entre l'enfant adultérin et le conjoint bafoué par l'adultère. La loi française avait pris des dispositions protectrices du conjoint en répartissant la succession entre deux de façon égale, à moitié-moitié, pour le conjoint et pour l'enfant adultérin, et non pas comme s'il s'était agi d'un enfant légitime qui avait un petit peu plus de droits, dans un cas pareil, en concours avec le conjoint qui était son propre parent.

La Cour européenne des droits de l'homme, saisie dans une affaire où un enfant adultérin s'était plaint de l'application des textes français, qui datait de 1972, a décidé qu'il y avait là une violation de l'article 1 protocole 1, et donc du droit au respect de ses liens. C'est d'ailleurs un fondement qui a paru extrêmement étonnant et critiquable, même à ceux qui souhaitaient la condamnation de la France, mais pas sur ce fondement-là; personne n'a compris qu'on utilise ce fondement-là, ce qui montre l'interprétation extensive de la Convention.

Le législateur français, par une loi du 3 décembre 2001, peu de temps après la condamnation, a modifié la législation pour faire disparaître toute trace de traitement inégalitaire entre enfants adultérins et autres enfants dans la législation. Et d'ailleurs aujourd'hui, dans le cas que nous avons évoqué tout à l'heure, la répartition de la succession entre l'enfant adultérin et conjoint survivant, le conjoint n'a plus qu'un quart et l'enfant adultérin a trois quarts.

Et comme le dit le doyen Carbonnier, manifestement, "la Cour de Strasbourg est sortie de son lit. L'ennui est que l'on ne sait pas comment l'y faire rentrer".

Cependant, il faut bien remarquer que jusqu'ici, la Cour européenne des droits de l'homme n'est qu'une source indirecte du droit applicable en France : il a fallu la loi du 3 décembre 2001 pour tirer dans la législation les conséquences de la condamnation, sinon, la condamnation, elle est portée à l'encontre de la France. C'est la France qui a été condamnée à Strasbourg. Et ce n'est pas une nouvelle dévolution de la succession dans cette affaire-là : elle a été réglée, la succession, par application des règles qui existaient et qui n'étaient pas modifiées en soi, il fallait donc une intervention du législateur pour changer la loi.

La Cour de cassation et les juridictions judiciaires ont par la suite emboîté le pas à la Cour européenne des droits de l'homme et, s'appuyant sur l'article 55 de la Constitution, elles se sont mises à écarter directement les lois internes qu'elles jugent contraires à la Convention européenne des droits de l'homme, ou, du moins, à son interprétation extensive.

Une formidable illustration : la loi anti-Péruche, dans l'affaire dite Péruche, une affaire dont la France entière a entendu parler au tournant de l'an 2000. Il s'agissait d'une femme enceinte qui se demandait si elle n'avait pas, par hasard, contracté la rubéole. Il était très important de le savoir parce que, non pas que cela eût permis d'éviter une maladie à l'enfant, de toute façon, il n'y avait plus rien à faire, mais si elle avait la rubéole pendant qu'elle était enceinte, l'enfant risquait de naître gravement handicapé et il n'y avait rien à faire pour éviter cela. La seule chose à faire, éventuellement, c'était d'interrompre la grossesse.

Or, les médecins intervenus dans cette espèce, ont commis une erreur et ont dit à la mère qu'elle n'avait pas la rubéole, or elle l'avait, et l'enfant est né gravement handicapé.

À la suite de cela, une demande de réparation est formée en justice et la Cour d'appel refuse d'accorder une réparation et de condamner surtout les médecins à réparer un préjudice, parce que pour la Cour d'Appel, les médecins n'ont pas causé le handicap, ce ne sont pas eux qui ont rendu la mère malade. Simplement, ils n'ont pas détecté une maladie qu'elle avait déjà.

La Cour de cassation, elle, a estimé, en cassant l'arrêt, qu'il fallait accorder une réparation. Cela a été une affaire qui a ému la population avec des manifestations devant l'Assemblée nationale, peut-être devant le Sénat, et puis le Parlement a voté une loi dite approximativement la loi anti-Perruche, au sens où il s'est agi de combattre la jurisprudence et de proclamer que nul ne pouvait obtenir réparation d'un préjudice du seul fait de sa naissance. L'enfant qui naît avec des handicaps, ça ne veut pas dire qu'on ne va pas s'occuper de lui, mais le législateur a mis en place des mécanismes faisant appel à la solidarité nationale, mais pas à la responsabilité civile.

Après la loi votée, on se demande si elle n'est pas contraire à la Convention européenne des droits de l'homme, et information intéressante, la loi a été votée à l'unanimité, ce qui est rare. La Cour Européenne se prononce, non, la loi n'est pas en elle-même contraire à la Convention, mais comme elle s'est dite applicable aux instances en cours, alors, ici, il y a une violation du droit au respect de ses biens.

C'est du à l'interprétation toujours évolutive, extensive. Les personnes dont l'instance était en cours et qui demandaient déjà réparation avaient un bien qui est la créance de réparation. Mais ce bien reposant sur la jurisprudence, la loi l'a méconnue et la Cour a estimé que la disposition d'application immédiate aux instances en cours était contraire à la Convention.

La Cour de Cassation elle-même a décidé, par la suite, que la disposition législative qui disait expressément que la loi était applicable aux instances en cours, étant contraire à cet article 1, protocole 1, ne pouvait pas être appliquée, si bien que la loi n'était pas applicable aux instances en cours, alors que la loi le disait exactement l'inverse.

Ici, on a écarté une disposition légale au nom de la primauté de la Convention européenne des droits de l'homme ou de son interprétation sur le droit civil. La Convention et son interprétation figurent au deuxième stade de la pyramide des normes, juste en dessous de la Constitution.

Et c'est allé encore plus loin par la suite, avec un arrêt du 15 décembre 2011, où la Cour de Cassation, allant même plus loin que la Cour européenne des droits de l'homme, a estimé qu'on ne pouvait pas appliquer la loi anti-Perruche, même dans les instances postérieures à la loi, dès lors qu'elle concernait des enfants nés auparavant. La Cour européenne ne l'avait pas dit, c'est la Cour de Cassation toute seule, au nom de la primauté de la Convention, qui écarte ici l'application de la loi.

Ce sont des décisions spectaculaires, qui ne sont pas extrêmement nombreuses tout de même, mais qui ont donné lieu, de la part de certains, et même de la part des plus grands, à de très vives critiques.

Le contrôle de conventionnalité s’enfle dangereusement. Sous couvert de principes sublimes, la chicane trouve abondante nourriture. Les plus clairvoyants dénoncent la dérive. Mais que fera le cri de quelques-uns face aux forces majoritaires de l’illusion, de l’utopie, de l’aveuglement, et de la présomption ?
Doyen Cornu 
  • La Convention Internationale des droits de l’enfant

Cette convention a été signée à New York le 26 janvier 1990 au siège de l'ONU, c'est pourquoi on l'appelle souvent la Convention de New York. Elle a été immédiatement ratifiée et publiée en France par un décret du 8 octobre 1990.

Cette convention énonce de multiples droits, que l'on peut classer en deux catégories, il y a deux grands droits vitaux de l'enfant, proclamés notamment à l'article 6 avec ce droit inhérent à la vie, "Les Etats parties reconnaissent que tout enfant a un droit inhérent à la vie.", et puis l'article 7 qui est un grand texte aussi, "L'enfant est enregistré aussitôt sa naissance et a dès celle-ci le droit à un nom, le droit d'acquérir une nationalité et, dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et d'être élevé par eux."

Il y a donc des très grands droits pour l'enfant, mais aussi dans une seconde catégorie de droits qui apparaissent ici, qui sont plutôt des libertés de l'enfant, par exemple à l'article 14, le droit à la liberté d'association, ou bien à l'article 13, "L'enfant a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen du choix de l'enfant."

Alors, dans un premier temps, la Cour de Cassation, les juridictions judiciaires ont estimé que la Convention de New York ne pouvait pas être invoquée devant les juridictions françaises par des particuliers, et c'était une grande décision, connue sous le nom d'arrêt Lejeune du 10 mars 1993, et dans laquelle la Cour de Cassation a jugé que cette convention, qui ne crée que des obligations à la charge des États-partis, n'est pas directement applicable en droite interne.

Un certain nombre d'articles de la convention sont ainsi libellés, comme l'article 9, "Les Etats parties veillent à ce que l'enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré,...", ou encore l'article 14, "Les Etats parties respectent le droit de l'enfant à la liberté de pensée, de conscience et de religion". De tels articles ne sont pas directement applicables parce qu'ils ne s'adressent qu'aux États, et non pas aux citoyens de ces États; aux États de prendre le cas échéant les mesures nécessaires pour tenir compte de ce qu'ils ont promis en signant la Convention de New York.

Cette pression s'est traduite par de multiples textes de droite interne qui ont été votés par la suite. Par exemple :

  • La loi du 8 janvier 1993, en matière de filiation d'autorité parentale,
  • Sur le même domaine la loi du 4 mars 2002 où on a développé au maximum la co-parentalité, dans le prolongement de la Convention de New York justement.
  • La loi du 5 mars 2007 qui a introduit dans le Code civil l'article 388-1 nouveau pour organiser l'audition de l'enfant en justice, comme le veut la Convention de New York.

Mais il y a aussi des articles de la Convention qui sont rédigés autrement et qui ne paraissent pas s'adresser seulement aux États. L'article 7 cité précédemment par exemple : "l'enfant est enregistré aussitôt sa naissance et a dès celle-ci le droit à un nom et le droit de connaître ses parents".

Le Conseil d'État s'est livré à une distinction parmi les articles de la Convention, entre ceux qui ne peuvent être directement appliqués devant les jurys de l'admission française et ceux qui peuvent l'être. La Cour de Cassation s'est alignée sur cette position, et c'était un revirement, par un arrêt du 18 mai 2005 où elle a visé l'article 3, le paragraphe premier de la Convention sur l'intérêt supérieur de l'enfant qui est une considération primordiale dans toutes les décisions qui le concernent.

Autre exemple, un arrêt du 17 mars 2010 où l'on voit, s'agissant ici, la disparition de la filiation d'un enfant, la filiation paternelle d'un enfant qui avait été reconnu par un homme qui en fait n'était pas son père. Or, en droit français, l'enfant porte le nom de son père ou de sa mère ou les deux, mais en tout cas nécessairement de son père ou de sa mère. Ici, le nom du père aurait du disparaître et il aurait fallu attribuer à l'enfant un autre nom qui va être celui de sa mère ou éventuellement d'un autre homme dont la filiation sera établie à l'égard de l'enfant. Mais dans la Convention de New York, l'intérêt supérieur de l'enfant doit dominer, ce qui pourrait conduire à maintenir à l'enfant le nom de cet homme qui n'était pas son père mais qu'il l'avait reconnu. Dans cette décision, l'attribution du nom se trouve en réalité décidée sous l'angle de l'intérêt supérieur de l'enfant et non pas la logique simple des textes du droit français que l'on trouve notamment à l'article 61-3 du Code civil.

On peut se demander si cette application directe de certains des articles au moins de la Convention peut conduire les juges français à écarter une disposition législative qui ne leur paraîtrait pas conforme à la Convention et cela en vertu de l'article 55 de la Constitution, par exemple avec l'article 6, le droit inhérent à la vie. Cela ne peut pas concerner la question de l'avortement parce que la Convention n'a été signée et ratifiée par la France que sous réserve justement que l'article 6 ne remette pas en cause la législation française sur l'avortement, mais une question pourrait se poser au regard du sort de ce que l'on appelle les embryons surnuméraires dans les procréations médicalement assistées avec congélation d'embryons. Il en est de même quant à l'influence que pourrait avoir l'article 7 de la Convention qui se traduira peut-être par une disposition législative sur la question de l'anonymat du donneur de gamètes dans une procréation médicalement assistée avec donneur. Actuellement il n'est pas possible de connaître, de lever cet anonymat, mais on peut penser que même si une disposition législative n'est pas prise dans ce sens, à l'avenir, les tribunaux seront saisis de revendications de la part d'enfants sur le terrain de l'article 7 demandant à ce que cet anonymat soit levé.

Les moyens tendant à faire respecter la hiérarchie des normes

Le contrôle de constitutionnalité des lois

La question de la conformité d'une loi au sens étroit, de loi parlementaire, à la constitution ne peut pas être examinée par le juge, qu'il soit judiciaire ou administratif. Les juridictions de ces deux ordres ont toujours refusé d'accueillir le grief d'inconstitutionnalité : la conception française de la séparation des pouvoirs s'y oppose radicalement.

Mais dans la Constitution de 1958, un contrôle de constitutionnalité des lois existe, et cette mission est confiée au Conseil Constitutionnel. Ce contrôle, 50 ans après son instauration, a fait l'objet d'une diversification puisque désormais deux modalités existent : il y a d'une part le contrôle a priori (avant la promulgation de la loi) et d'autre part le contrôle a posteriori (une fois que la loi est promulguée et entre en vigueur).

  • A priori

L'ouverture de ce contrôle reste cependant assez étroite. Le Conseil Constitutionnel ne peut en effet être saisi que par le Président de la République ou bien le Premier ministre, ou le président de l'Assemblée nationale, ou le président du Sénat, ou, depuis 1974, par 60 députés ou 60 sénateurs, ce qui signifie d'ailleurs que l'opposition, si elle est tout de même suffisamment importante, peut déférer une loi devant le Conseil Constitutionnel avant sa promulgation.

Le Conseil Constitutionnel doit statuer dans le délai d'un mois, et la promulgation du texte est suspendue dans l'attente de sa décision. Si la décision censure partiellement une loi votée, cette loi sera ensuite promulguée sans les dispositions inconstitutionnelles.

Au Journal Officiel, les articles de la loi sont publiés avec le numéro qu'ils avaient quand ils sont sortis du Parlement, mais en indiquant les dispositions déclarées inconstitutionnelles (avec le numéro de décision), sans le texte qui a été jugé inconstitutionnel.

Par une décision n°2021-929/941 QPC du 14 septembre 2021, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution le dernier alinéa de l'article 51-1 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. La déclaration d'inconstitutionnalité prend effet à compter de la publication de la décision dans les conditions prévues à son paragraphe 14.
Exemple de jugement du Conseil Constitutionnel 

Si l'unanimité règne au Parlement sur un texte à adopter alors que ce texte pourrait éventuellement être contraire à la Constitution, le texte ne sera pas déféré au Conseil constitutionnel. Mais aujourd'hui, il peut l'être après coup, puisque un contrôle a posteriori a été organisé.

Alors on signalera qu'assez souvent le Conseil constitutionnel déclare ne refuser de censurer une disposition attaquée que sous réserve de l'interprétation qu'il en donne. Et ça a été manifeste avec la loi du 15 décembre 1999, relative au pacte civil de solidarité, où il y a eu beaucoup de réserves d'interprétation, sans lesquelles le Conseil eût déclaré la loi inconstitutionnelle. Elle n'est constitutionnelle que sous réserve de comprendre tel article comme ceci, comme cela. De telles réserves sont extrêmement importantes, car elles s'imposent au pouvoir public et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles.

Enfin, on relèvera que le législateur qui exprime la volonté générale a le moyen d'avoir le dernier mot sur les neuf membres du Conseil Constitutionnel : il suffit, par un vote du Congrès, de modifier la Constitution afin de briser cette jurisprudence du Conseil Constitutionnel et puis d'adopter dans la Constitution les dispositions qui iront bien avec le texte de loi que l'on veut adopter. C'est donc toujours le peuple avec ses représentants qui peut avoir le dernier mot.

  • A posteriori

Un contrôle a été mis en place maintenant a posteriori, c'est ce qu'on appelle la question prioritaire de constitutionnalité, la QPC, avec une loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 qui a organisé cette seconde voie tendant à vérifier la constitutionnalité des lois, mais cette fois des lois déjà entrées en vigueur. C'est donc un contrôle a posteriori.

Et c'est l'article 61-1 nouveau de la Constitution qui l'organise et cette voie suppose qu'une instance soit en cours devant une juridiction, mais peu importe la juridiction, que ce soit civile, administrative, pénale, sociale et peu importe le stade où s'en trouve la procédure dans cette instance (en première instance, par exemple devant le tribunal de grande instance ou le tribunal administratif, en appel, devant la Cour de cassation, devant le Conseil d'État). Il faut qu'il soit soutenu dans cette instance qu'une question législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit.

Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé.
Article 61-1 de la Constitution 

Attention : peut être saisi, ce n'est pas doit, peut-être qu'il ne le sera pas, ce n'est pas nécessairement qu'il est saisi chaque fois qu'une question de cette nature est soulevée et posée. Il s'agit très certainement d'éviter les manœuvres purement dilatoires et aussi d'éviter l'asphyxie du Conseil constitutionnel, si bien qu'une loi organique du 10 décembre 2009 a mis en place un système de double filtrage des questions. Ainsi, la juridiction devant laquelle une QPC est soulevée doit décider de la transmettre ou non à la Cour de cassation ou bien au Conseil d'État selon l'ordre de juridiction dans lequel nous sommes.

Il n'y aura pas de transmission si la loi a déjà été déclarée conforme à la Constitution ou si la question est dépourvue de caractère sérieux. Inversement, si les deux circonstances inverses sont remplies, il y aura transmission de la question à la juridiction suprême de l'ordre en question.

Si la question est transmise au Conseil d'État ou à la Cour de cassation, cette juridiction doit se prononcer sur son renvoi au Conseil Constitutionnel, ce qu'elle fait seulement si plusieurs conditions sont remplies : il faut que la disposition soit applicable aux litiges, il faut que la disposition n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution (le Conseil Constitutionnel dresse des tableaux de toutes les dispositions qui ont été déjà déclarées conformes à la Constitution), et il faut que la question soit nouvelle ou qu'elle présente un caractère sérieux.

L'adjectif prioritaire, QPC, question prioritaire, c'est la loi organique de 2009 qui l'a employée, donne l'idée que la juridiction devant laquelle la question est posée doit l'examiner sans délai. Si cette juridiction est saisie de moyens contestant à la fois la constitutionnalité et la conventionnalité d'une loi, c'est la constitutionnalité qui doit être examinée en priorité.

Les questions qui franchissent ces deux filtres seront ensuite examinées par le Conseil constitutionnel - il y en a peu qui franchissent les filtres -, qui se prononce sur la conformité des dispositions législatives litigieuses, non pas à toute la constitution mais aux droits et libertés que la Constitution garantit (car dans la constitution, il n'y a pas que des droits et libertés, mais par exemple les pouvoirs du Président de la République, la durée de son mandat, les pouvoirs du Premier ministre...), en ajoutant les droits reconnus dans la déclaration des droits de l'homme de 1789, le préambule de la Constitution de 1946, les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, et la charte de l'environnement de 2004.

Le Conseil Constitutionnel rend ensuite sa décision. S'il déclare une disposition inconstitutionnelle, celle-ci est abrogée, à compter de la publication de la décision au journal officiel ou bien de la date que le conseil constitutionnel choisit.

Cette voie de contrôle a posteriori est entrée en vigueur en 2010, le 1er mars 2010, et depuis cette date de nombreuses questions ont été soulevées, surtout dans les premiers temps, et une partie a été transmise au conseil constitutionnel, celui-ci s'est prononcé à 306 reprises, qui portent sur toutes sortes de textes, parfois des textes anciens qui datent du Code Civil lui-même. D'ailleurs, une des premières QPC a porté sur l'article 661 du code civil, ce qui est étonnant car ce texte a des incidences sur notre urbanisme, qui prévoit la mitoyenneté. Le Conseil Constitutionnel a déclaré qu'elle est conforme, mais il y a parfois des dispositions déclarées inconstitutionnelles.

Par exemple, un cas extrêmement important pour l'organisation de la garde à vue par le code de procédure pénale, dans une décision du 30 juillet 2010, le Conseil a estimé que les textes du code pénal à l'époque n'étaient pas conformes aux droits et libertés que la Constitution garantit, et a décidé de les déclarer inconstitutionnels et donc de les abroger. Les choses étaient quand même extrêmement importantes, on ne pouvait pas décider du jour au lendemain qu'on ne pouvait plus procéder à aucune garde à vue le temps que de nouveaux textes soient adoptés, qu'ici, la décision a vu son effet repoussé d'un an, au 1er juillet 2011, le temps de mettre en place une nouvelle organisation législative de la garde à vue plus conforme aux droits et libertés fondamentaux.

Il y a ainsi des conformités totales ou des conformités sous réserve d'interprétation, des non-conformités partielles ou des non-conformités totales, nous avons un peu de tout dans les décisions qui ont été rendues.

Le contrôle de conventionnalité

Les juridictions judiciaires et administratives ont découvert dans l'article 55 de la Constitution le moyen d'écarter des normes internes, des lois ou règlements qu'elles estiment contraires à des conventions internationales ratifiées par la France ou du moins contraires à l'interprétation parfois très extensive que les juridictions donnent de ces conventions internationales.

Il faut remarquer que le législateur ici n'a aucun moyen de briser une telle jurisprudence. La loi, expression de la volonté générale, ne peut pas l'emporter sur des interprétations jurisprudentielles de textes, sauf à dénoncer ces conventions, mais c'est tout un processus.

En Angleterre, qui est la vraie patrie des droits de l'homme, depuis la charte de Jean Santerre de 1215, on sent monter dans ce pays une aversion de plus en plus forte contre la convention européenne des droits de l'homme, les anglais reprochant à la cour européenne des droits de l'homme de ne pas s'intéresser aux vrais droits de l'homme, de s'adresser qu'à des choses mineures.

Le contrôle de légalité des règlements

Il faut distinguer deux cas, les règlements autonomes et ceux qui ne le sont pas.

S'agissant des règlements autonomes, c'est-à-dire qui ne sont pas pris en exécution d'une loi et qui interviennent dans des matières autres que celles qui sont réservées au Parlement, ils peuvent donner lieu éventuellement à un contrôle du respect du domaine de compétence du pouvoir réglementaire afin d'éviter des empiètements sur le domaine législatif, donc un contrôle de l'articulation de l'article 34 et 37 de la Constitution.

Ce contrôle est effectué par le recours pour excès de pouvoir ou bien par exception d'illégalité devant les juridictions administratives, et conduit, le cas échéant, à anéantir un règlement pris hors compétence du pouvoir réglementaire.

Ces règlements autonomes peuvent aussi logiquement poser des questions de conformité au reste de la Constitution et du bloc de constitutionnalité. Ce contrôle-là n'est pas assuré par le Conseil constitutionnel qui n'a pour mission que de vérifier la conformité à la Constitution des lois au sens strict. Ce sont les juridictions administratives, lorsqu'elles sont saisies de la question, à l'occasion notamment d'un recours pour excès de pouvoir, qui effectuent le contrôle de constitutionnalité des règlements.

S'agissant maintenant des règlements subordonnés aux lois, qu'il s'agisse des lois ayant fixé les principes fondamentaux ou déjà ayant fixé des règles assez précises mais nécessitant encore des mesures d'exécution, il est logique que tous ces règlements subordonnés aux lois doivent respecter les lois qui se trouvent au-dessus d'eux dans la pyramide des normes. Lorsque la légalité d'un règlement est contestée, le contrôle de cette légalité relève des juridictions. Ici, c'est la légalité mais pas la constitutionnalité, parce qu'on applique la théorie de la loi écran  : si la constitutionnalité d'un règlement subordonné, d'un règlement d'exécution est discutée, en réalité c'est la constitutionnalité de la loi elle-même qui est discutable. Si cette conformité a été vérifiée, alors nécessairement on va estimer que le règlement d'application, lui, est conforme à la constitution, donc il n'est pas question de contrôler ceci, on contrôle sa légalité, sa conformité à la loi qui est au-dessus de lui.

Ce contrôle de possibilité est le recours en annulation, qui ne peut être porté que devant le juge administratif, jamais devant le juge judiciaire. S'il aboutit à reconnaître l'illégalité de l'acte réglementaire attaqué, celui-ci disparaît de l'ordre juridique. Ce recours s'appelle le recours pour excès de pouvoir et il doit être intenté dans un délai de deux mois.

L'autre démarche procédurale, c'est l'exception d'illégalité qui tente, à l'occasion d'un litige particulier, de faire écarter l'application d'un règlement en raison de son illégalité prétendue, alors même que le délai de deux mois pour agir pour excès de pouvoir est dépassé.

Les juridictions judiciaires n'ont pas, en principe, compétence pour se prononcer sur cette exception (i.e. un moyen de défense dans un procès, par exemple une partie se voit opposer à un règlement mais dit non je veux pas qu'on me l'applique parce qu'il est illégal), elles doivent renvoyer la question aux juridictions administratives en leur posant une question, c'est la question préjudicielle, et c'est à la juridiction administrative de dire si le règlement est légal ou ne l'est pas.

Toutefois, une longue tradition permet aux juges judiciaires d'examiner l'exception d'illégalité d'un règlement administratif lorsqu'est en jeu la liberté individuelle, le respect de la propriété, l'inviolabilité du domicile et il en va de même de manière générale en matière pénale, le juge pénal peut apprécier la légalité des règlements dans son domaine.

On peut encore préciser que le Tribunal des conflits accepte depuis 2011 deux autres exceptions : d'une part, le juge judiciaire peut apprécier lui-même la légalité d'un acte réglementaire contesté au regard du droit de l'Union Européenne; et d'autre part, le juge judiciaire peut accueillir une contestation sérieuse sur la légalité d'un acte administratif lorsque cette contestation repose manifestement sur une jurisprudence bien établie.

La classification matérielle des lois civiles

Les lois sont des sources de règles de droit, elles ont donc le caractère de généralité et de force obligatoire des règles auxquelles elles donnent naissance, des règles qu'elles expriment. Mais comme ces règles elles-mêmes, les lois présentent des degrés dans ces caractères, ce qui conduit à les classer en fonction de leur contenu, en fonction donc de leur matière.

Classement selon la force obligatoire

On a déjà dit qu'il y a des degrés dans l'obligatoire :

  • les lois impératives ou d'ordre public sont celles auxquelles il n'est pas permis de se soustraire.
On ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l'ordre public et les bonnes mœurs
Article 6 du Code Civil 

Si un acte juridique a été conclu en violation d'une loi impérative, cet acte est nul, il est frappé de nullité.

  • des lois supplétives ou interprétatives de volonté.

Elles sont également obligatoires, mais seulement dans la mesure où elles s'imposent aux partis qui n'en ont pas préalablement écarté l'application, ce qu'elles avaient la possibilité de faire. Il est donc possible de se soustraire à ces lois, mais si cela n'a pas été fait, alors la loi supplétive ou interprétative de volonté va s'appliquer et va s'appliquer obligatoirement. Nous savons déjà qu'en matière de régimes matrimoniaux, le domaine législatif ici est très largement interprétatif, supplétif de volonté.

La question est donc de savoir, lorsqu'une loi est adoptée, si elle est d'ordre public ou seulement supplétive. Parfois, la réponse est facile, parce que la loi la donne elle-même, et annonce que nous sommes en présence de dispositions impératives.

Par exemple, l'article 2 de la loi du 6 juillet 1989 sur les rapports locatifs pour les baux d'habitation commence par "Les dispositions du présent titre sont d'ordre public.".

Dans le sens inverse, on peut avoir une précision dans une loi à propos de son caractère supplétif. Par exemple, à l'article 1387 du code civil, ce qui annonce les dispositions supplétives en matière de régimes matrimoniaux.

Lorsque la loi ne précise rien sur son caractère, en cas de contestation, c'est au juge de trancher et de reconnaître le caractère éventuellement d'ordre public d'une loi.

Une erreur grave serait de penser que l'ordre public ne concerne que le droit public. Sans doute, les règles d'organisation des pouvoirs publics, donc le droit public, sont en principe d'ordre public; mais il y a beaucoup de lois civiles qui sont également d'ordre public.

Caractère d'ordre public : Une loi a ce caractère d'ordre public lorsqu'elle concerne des principes considérés comme essentiels de l'organisation sociale.

C'est l'organisation de l'État et des services publics, mais également l'organisation de la famille, et également la protection de certains intérêts privés auxquels la société attache une importance primordiale aujourd'hui.

Parmi les lois civiles, sont d'ordre public, notamment celles qui protègent les incapables, donc les majeurs protégés, les mineurs, celles qui organisent le mariage, la filiation, celles qui imposent un régime matrimonial primaire, donc pour tous les époux - d'ailleurs l'article 226 précise qu'il est d'ordre public -, celles qui imposent un minimum d'égalité entre certains héritiers, ceux qu'on appelle les héritiers réservataires. C'est ce qu'on appelle l'ordre public familial ou l'ordre public successoral.

En revanche, en matière contractuelle, le législateur n'intervient en principe qu'à titre supplétif, pour faciliter les rapports entre particuliers qui s'apprêtent à contracter.

On peut bien sûr faire un contrat complètement sur mesure, mais il y a quand même des contrats qui se répètent à de très grands nombres d'exemplaires, par exemple la vente, c'est un contrat de base. Le plus simple est que le législateur propose un modèle auquel les parties pourront se référer, ou si elles ne disent rien, ce sera ce modèle-là qui va s'appliquer.

Dans le cadre civil, et à la différence de ce qui se passe dans certains pays de Common Law, on va tout définir, alors définir ce qu'est le vendeur, ce qu'est l'acheteur, ce qu'est le prix, ce qu'est la chose, etc. Nous avons tout cela dans des règles supplétives, mais qui se trouvent dans le code civil, où le droit à le droit contractuel est conçu initialement comme supplétif, interprétatif de volonté.

Cependant, depuis un bon siècle, l'ordre public a tendance à progresser dans ce domaine, et donc à restreindre la liberté des contractants.

Plusieurs lois totalement impératives se sont ainsi succédées pour régir les rapports entre bailleurs et locataires de logement, loi de 1948, loi de 1982, loi de 1986, loi du 6 juillet 1989, qui sont d'ordre public depuis plus de 60 ans maintenant. Ce sont des lois de protection des locataires, donc de protection d'intérêts privés, mais d'intérêts privés auxquels la société a décidé d'accorder une importance fondamentale.

Même chose avec la protection des consommateurs, qui se développe dans des lois adoptées depuis 1972, par vagues successives. Il s'agit d'un ordre public de protection d'intérêts privés, mais d'intérêts privés jugés essentiels pour la société et son économie. Si les consommateurs sont bien protégés, ils auront confiance et ils pourront consommer sans crainte, or la consommation est un moteur de l'économie française.

Une autre illustration de cette percée de l'ordre public en matière contractuelle est le contrat d'assurance. Depuis une grande loi de 1930, qui irrigue aujourd'hui le code des assurances, presque toute la matière est d'ordre public, et d'ailleurs la loi elle-même l'a dit, elle énumérait seulement certains articles auxquels il est possible de déroger. Un ordre public de protection d'intérêts privés, d'intérêts des assurés d'une part, et puis d'intérêts aussi de la mutualité qu'organisent les assureurs d'autre part.

Classement selon la généralité

On a aperçu que toute règle de droit est marquée de généralité. Elle s'adresse à toutes les personnes sans distinction, ou au moins à une catégorie de personnes, et non pas à telle personne nommément désignée. Cependant des degrés peuvent être observés dans ce caractère, qui rejaillit sur les lois qui expriment des règles de droit, et donc en particulier sur les lois civiles.

Les Lois de Généralité Absolue

Elles s'appliquent à tous les sujets de droit, qui se placent dans les situations, dans les hypothèses que ces lois visent, et qui sont très largement définies. Ces lois sont dites générales, par opposition à celles qui le sont moins, et que l'on va dire spéciales.

Elles instaurent un droit commun, applicable à toutes les matières, que des lois spéciales ne viendront pas soustraire à son empire.

Précisément, les lois civiles contiennent souvent un tel droit commun. Par exemple, à l'article 1109, nous avons un très célèbre article du Code civil sur le consentement : "Il n'y a point de consentement valable si le consentement n'a été donné que par erreur ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol." (modifié ensuite en 2016).

Cette disposition vaut pour tout consentement donné par qui que ce soit, pour quel acte juridique que ce soit, que ce soit un acte juridique public, privé, commercial, civil.

De même, on peut citer l'article 1107  : "Les contrats, soit qu'ils aient une dénomination propre, soit qu'ils n'en aient pas, sont soumis à des règles générales, qui sont l'objet du présent titre." (modifié ensuite en 2016). C'est le titre III du livre 3 qui porte la théorie générale des contrats.

Les Lois de Généralité Relative

Il y a aussi des lois de généralité relative, c'est-à-dire des lois moins générales que les premières.

On parle de lois spéciales ou de lois particulières, mais comprenons qu'elles présentent tout de même un caractère de généralité, ce ne sont pas des mesures individuelles. Elles ne s'appliquent qu'à une catégorie de personnes, ou à une fraction d'une situation visée par une loi plus générale.

Par exemple, l'article 1107 alinéa 2 : "Les règles particulières à certains contrats sont établies sous les titres relatifs à chacun d'eux ; et les règles particulières aux transactions commerciales sont établies par les lois relatives au commerce." (modifié en 2016)

Il y a ainsi des règles particulières aux contrats de vente, des règles particulières aux contrats de louage, des règles particulières aux contrats de mandat, des règles particulières aux consommateurs traitant avec les professionnels.

Parmi ces lois spéciales, certaines complètent dans leur domaine le droit commun, sur des points sur lesquels le droit commun ne disait rien.

Par exemple, une règle générale précise quetout contrat, fait naître des obligations à la charge des parties. Les obligations vont dépendre de chaque contrat. Une règle particulière à la vente vient dire que le contrat de vente fait naître à la charge du vendeur l'obligation de garantir la chose contre l'éviction, contre les vices cachés, règle particulière qui vient compléter, préciser la règle générale.

Mais il y a aussi d'autres règles particulières, spéciales, qui viennent apporter dans leur domaine des exceptions au droit commun. Un exemple : il s'agit du droit commun des contrats à durée déterminée.

Si un contrat de location a une durée de trois ans, en droit commun, chaque partie doit respecter cette durée, elle est tenue par le contrat jusqu'à son terme sans pouvoir se délier. Une loi spéciale dans les rapports entre locataires et propriétaires de logements d'habitation et de biens d'habitation existe : le propriétaire reste tenu par la règle de droit commun, il ne peut pas donner congé à son locataire avant l'expiration de la période triennale du contrat de bail, mais le locataire, en revanche, bénéficie d'une exception à la règle de droit commun, qui est prévue par l'article 12 de la loi du 6 juillet 1989. Il peut partir quand il le veut, sauf tout de même à respecter un certain délai de préavis.

Articulation entre Droit Commun et Lois Spéciales

L'articulation du droit commun et des lois spéciales est dominée par une idée évidente que dans leur domaine, les lois spéciales dérogent au droit commun et l'emportent sur celui-ci. C'est ce que l'on dit avec un adage célèbre, specialia generalibus derogant, les lois spéciales dérogent aux règles générales.

Une remarque cependant : tout est ici en réalité une question de degrés dans la plus ou moins grande généralité et la plus ou moins étroite spécialité, une arborescence à plusieurs étages peut parfois se rencontrer.

Par exemple, l'arborescence du droit des contrats et des contrats spéciaux. Il y a un tronc commun, la théorie générale des contrats annoncée par l'article 107-1. Puis, à partir du tronc commun, il y a des branches, des grosses branches, qui sont des règles générales à des grandes matrices de contrats (la vente, le mandat, le prêt, le bail).

Dans une branche, par exemple celle du bail, il y a des règles qui sont communes à tous les baux; des règles qui sont communes à tous les baux immobiliers, mais qui ne sont pas les mêmes que les règles propres aux locations mobilières. Dans les baux immobiliers, il y a des règles spéciales aux baux d'habitation, ou bien aux baux des biens ruraux...

La détermination des lois en vigueur

Les lois positives, celles qui sont applicables et constituent le droit positif, sont celles qui sont entrées en vigueur et qui ne sont pas venues à expiration.

L’entrée en vigueur des lois

C'est la publication qui déclenche l'entrée en vigueur des lois, ce qui suppose au préalable une promulgation. En outre, un certain délai survient entre la publication et le moment précis de l'entrée en vigueur.

La promulgation

C'est un acte du Président de la République qui, au terme de l'article 10 de la Constitution, promulgue les lois dans les 15 jours qui suivent leur transmission après l'adoption définitive par le Parlement.

Par cet acte, le Président donne l'ordre d'exécuter la loi, tel est le sens de la promulgation, et la loi est ici prise au sens strict du texte émanant du Parlement. Formellement, cet ordre est donné par un décret du Président de la République qui est ainsi rédigé :

Cela commence par "L'Assemblée nationale et le Sénat ont adopté, Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :", puis tous les articles qui ont été votés par le Parlement (article 1er, 2, 3, dans les grandes lois, l'article 108, 258...).

Cela se termine de la façon suivante par "La présente loi sera exécutée comme loi de l'Etat. Fait à Paris, le ........"

Paris, parce que c'est le siège du Président de la République. Ensuite, elle est signée par le Président (cela ne se voit pas au journal officiel où on va reproduire seulement son nom, mais le Président, va signer ce décret), puis signé également par le Premier ministre, ainsi que par le ou les ministres dont les départements ministériels sont concernés par cette loi.

C'est la date du décret de promulgation qui devient celle de la loi, ce n'est pas le jour où la loi a été définitivement votée par la dernière assemblée qui s'est prononcée en dernière lecture.

Par exemple, un texte qui est la loi numéro 23907 du 11 octobre 2013, relatif à la transparence de la vie publique, et qui est paru au journal officiel du 12 octobre 2013, a fait l'objet d'un contrôle de constitutionnalité et d'une décision du conseil constitutionnel du 9 octobre 2013. Ce texte avait été discuté au Parlement pendant la fin de l'été et l'automne, et avait été adopté définitivement au mois de septembre; ce qui compte c'est la date du 11 octobre, date du décret de promulgation.

Cette date est unique, ça n'a pas toujours été le cas, pendant la période révolutionnaire nous avons eu beaucoup de textes qui portaient deux dates, qui étaient en réalité la date du vote du texte, et puis la date de la promulgation. Par exemple, la loi des 16 et 24 août 1790 correspondait à ces deux moments.

Si le texte voté est déféré au Conseil Constitutionnel, le Président de la République ne promulgue la loi qu'après la décision du conseil constitutionnel, et dans la mesure seulement où celui-ci la dit conforme à la constitution.

Si le président de la République trouve que la loi est mauvaise, ce qui peut arriver en période dite de cohabitation, comme nous en avons connu en France entre 1986 et 1988, ou bien entre 1993 et 1995, ou encore entre 1997 et 2002, il peut demander, dans la Constitution de 1958, de demander une seconde délibération.

Le parlement est alors obligé de revoter sur le sujet, ce qui va reprendre tout un temps, et le Président sera ensuite obligé de promulguer le texte issu de cette seconde délibération, si le parlement résiste bien. Comme le Président de la République dispose du pouvoir de dissoudre l'Assemblée Nationale, éventuellement, dans une crise comme celle-ci, on peut avoir une dissolution qui lui éviterait d'avoir à subir un second texte identique au premier.

Les effets de la promulgation sont d'attester la régularité du processus parlementaire qui a été suivi, d'authentifier la teneur du texte de la loi, et puis de dater la loi, et enfin d'ordonner son exécution.

La publication

C'est une formalité officielle par laquelle la loi, après sa promulgation, est publiée au Journal Officiel de la République française. Longtemps, ceci s'est fait sous la forme d'une publication exclusivement sur papier. Depuis une ordonnance du 20 février 2004, la publication se fait le même jour, à la fois sur papier et sous forme électronique, c'est ce qu'on appelle le journal officiel électronique.

Il faut remarquer que le journal officiel électronique n'est pas techniquement ce qu'on pourrait appeler de l'image du journal officiel papier, il n'y a pas, dans le journal officiel électronique, la reproduction même des pages du J.O. papier.

Ce J.O. électronique permet d'accroître la diffusion des lois, puisque ce journal officiel électronique est consultable gratuitement en ligne. Pour le J.O. papier, on peut s'abonner (de manière payante), on peut aussi le consulter en mairie, puisque toutes les mairies doivent avoir un abonnement, et puis on peut se rendre aussi dans certaines bibliothèques.

Le texte de la loi promulguée est donc inséré dans un journal officiel en préparation, puis ce J.O. est imprimé, et il est envoyé à ses destinataires en même temps qu'il est mis en ligne.

La publication du J.O. a lieu en général un jour après la signature du décret de promulgation, mais on peut avoir deux jours, voire trois jours, pour des questions d'encombrement, mais aussi parce que le journal officiel paraît tous les jours du mardi au dimanche. Si le président de la République a signé un décret de promulgation un samedi soir ou un dimanche matin, ça ne va pas paraître au journal officiel du lundi puisqu'il n'y en a pas.

Il faut noter que les décrets et arrêtés ministériels font l'objet de la même publication que les lois au journal officiel, et en revanche ces décrets et arrêtés ne donnent pas lieu eux à une promulgation, qui sont directement publiés, souvent avec un certain retard d'ailleurs entre la date de signature du décret et la date de publication au J.O., parce qu'il y a de longues listes d'attentes parfois, mais il y a des périodes où il y a beaucoup de textes et ça prend un certain temps.

Les textes au journal officiel, du moins les lois et les décrets, font l'objet d'une numérotation en continu, depuis le numéro 1, le premier texte de l'année. Par exemple au mois d'octobre, actuellement nous en étions au numéro 907, ce qui signifie que 907 lois et décrets avaient déjà été publiées depuis le début de l'année; souvent on termine vers 1200, 1300, 1400, ce qui est tout à fait considérable.

Si vous avez la loi numéro 907, ça ne veut pas dire qu'il y a eu 906 lois avant, mais il y a eu 906 lois et décrets avant.

Une question inévitable : cette œuvre de promulgation, de publication, c'est une œuvre humaine, il peut y avoir des erreurs. En cas d'erreur matérielle, par exemple quelqu'un en saisissant le texte de la loi, a fait disparaître un chiffre, et on avait prévu ainsi, mettons, un délai de 18 mois pour agir dans quelque chose, et puis il ne reste que 8 mois, ou alors on a fait disparaître les lettres DIX et il reste HUIT. Dans ce cas, on publiera dans un J.O. ultérieur, lorsqu'on se sera aperçu de l'erreur, un rectificatif, si bien qu'une loi comportant une erreur portera en réalité deux dates de J.O., le J.O. de sa publication, et le J.O. rectificatif.

Mais attention, il s'agit seulement de rectifier des erreurs matérielles.

En revanche, si le Parlement, qui a bien voté le chiffre 8 mois, se dit qu'au fond c'est une bêtise, et qu'on aurait dû donner un délai un petit peu plus long parce que c'est trop court, et qu'on aurait mieux fait de voter 18 mois, alors il ne s'agit pas de rectifier simplement le JO : il s'agit de voter un texte qui viendra modifier la loi avec tout le processus parlementaire ordinaire, et c'est la même chose pour un décret.

Mais les rectificatifs ne sont pas rares, il y en a un assez grand nombre, d'ailleurs plus il y a de lois, plus il y a de rectificatifs évidemment, et un assez grand nombre, il n'est pas absolument certain que cette ligne de partage ait été toujours scrupuleusement respectée; parfois, on implorait un trop grand usage du rectificatif.

La date d’entrée en vigueur

Le premier article du Code civil règle la question :

Les lois et, lorsqu'ils sont publiés au Journal officiel de la République française, les actes administratifs entrent en vigueur à la date qu'ils fixent ou, à défaut, le lendemain de leur publication. Toutefois, l'entrée en vigueur de celles de leurs dispositions dont l'exécution nécessite des mesures d'application est reportée à la date d'entrée en vigueur de ces mesures.

En cas d'urgence, entrent en vigueur dès leur publication les lois dont le décret de promulgation le prescrit et les actes administratifs pour lesquels le Gouvernement l'ordonne par une disposition spéciale.

Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux actes individuels.
Article 1er du Code Civil 

Pour toutes les lois, pas seulement les lois au sens strict mais également donc les règlements, ces principes sont donnés par ce texte.

Principe dual, c'est-à-dire principe d'une entrée en vigueur à la date que la loi elle-même fixe.

Un exemple important pour tout ce qui est le règlement des successions : une loi du 3 décembre 2001 a profondément modifié les règles successorales. 3 décembre, c'est le jour de signature du décret de promulgation. La loi elle-même a indiqué qu'elle entrerait en vigueur le premier jour du 7e mois suivant sa publication au journal officiel. Pourquoi ce type de référence ? Parce que les parlementaires, quand ils votent, ne savent pas exactement quand le processus va se terminer, et puis quel sera le jour précis de la publication. Ici, la loi était promulguée le 3 décembre, sans doute publiée le 4 décembre, mais ça a pu être le 30 novembre, donc le jour précis n'est pas connu, et on veut laisser un certain temps pour que la profession notariale s'acclimate à ces nouveaux textes. C'est donc le 1er juillet 2002 que la loi est entrée en vigueur.

Toutes les lois, loin de là, ne fixent pas de telles dates, et à défaut d'indication donc, c'est l'article 1er du code civil qui fixe le second principe subsidiaire, les lois et donc les décrets aussi entrent en vigueur le lendemain de leur publication.

Un autre exemple, très important : une loi du 17 juin 2008 a réformé la prescription en matière civile. 17 juin, date de signature du décret de promulgation, publication au J.O. du 18 juin 2008, sans indication de date d'entrée, donc le principe subsidiaire de l'article 1er du code civil s'applique, et la loi est entrée en vigueur le 19 juin 2008. À partir de ce jour très précis, le 19 juin 2008, le nouveau délai de prescription de droit commun est entré en vigueur, ce délai c'est un délai quinquennal, et de très nombreuses obligations dont la prescription extinctive était en cours sont arrivées et se sont éteintes par 5 ans à compter du 19 juin 2008.

Alors deux exceptions sont susceptibles cependant d'être apportées au principe dual à deux composantes qui viennent d'être énoncées : un report de l'entrée en vigueur est possible à une date pour le moment inconnue. Tel est le cas lorsque les dispositions qui ont été votées nécessitent pour leur exécution des mesures d'application, leur entrée en vigueur est reportée à la date d'entrée en vigueur de ces mesures, comme le dit l'article 1er du nouveau code civil.

Inversement, une anticipation est également concevable : c'est le cas d'urgence envisagé par la suite de l'article 1er : si c'est urgent, il n'y a pas à attendre le lendemain de la publication, la loi entrera alors en vigueur dès le jour de la publication et il peut en aller de même pour les décrets. Mais il faut d'une part que le décret de promulgation le prescrive pour la loi et pour les règlements que le gouvernement l'ordonne par une disposition spéciale. Par exemple, lorsqu'on prend des mesures à l'occasion d'une épidémie, une grave épidémie touchant des animaux, on veut interdire le transport et la vente de ces animaux, mais on ne va pas interdire pour demain, on interdit pour le plus vite possible et dès la publication au journal officiel, donc un texte réglementaire..

La disparition de la loi

La loi est obligatoire depuis son entrée en vigueur jusqu'à sa disparition, selon deux types de mode : un mode normal qui est l'abrogation, et puis des modes exceptionnels.

Le mode normal

Celui qui a le pouvoir de faire la loi, au sens large, a le pouvoir de la refaire ou de la défaire, donc de l'abroger. L'abrogation est une suppression de la loi pour l'avenir. Elle se distingue à cet égard de l'annulation, qui fait aussi disparaître l'acte concerné, mais pour le passé aussi.

Ainsi, le Parlement a le pouvoir d'abroger une loi au sens strict, et le Gouvernement a le pouvoir d'abroger un décret, et un ministre a le pouvoir d'abroger un arrêté ministériel.

On peut distinguer deux types d'abrogation.

Abrogation expresse

L'abrogation express résulte d'un texte formel qui abroge la loi ancienne, et ceci peut concerner une loi dans son ensemble ou bien une disposition précise d'une loi.

Par exemple, l'article 55 de la loi du 23 décembre 1986 sur les baux d'habitation, qui vient dire la que loi du 22 juin 1982 est abrogée. Ici, une loi dans son ensemble est abrogée.

Parfois, c'est un article d'une loi ou quelques dispositions d'une loi qui se trouvent abrogées par une loi ultérieure.

Par exemple, l'été 2012, suite aux élections présidentielles et législatives du printemps 2012, ont été votées des abrogations de diverses dispositions législatives qui avaient été prises du temps du quinquennat précédent et de la majorité parlementaire précédente. Une abrogation avec la loi du 16 août 2012 de l'exonération des heures supplémentaires qui jusque là, depuis une loi de 2007, était exonérée d'impôts sur le revenu et puis de cotisations sociales. De même, abrogation de la mise en place qui avait été votée en mars 2012, ce qui avait été appelé peu approximativement la TVA sociale. De même, au début de l'année 2013, on a eu l'abrogation de dispositions qui dataient de quelques années, et qui avait instauré un contrat de responsabilité parentale.

On a vu depuis quelque temps se multiplier les abrogations de textes pris par des majorités précédentes. Mais c'est dans le pouvoir normal d'un parlement ou d'un gouvernement d'abroger, s'il le souhaite, des dispositions antérieures qui ne lui conviennent pas. On ne peut ainsi pas dire qu'une fois qu'une loi est votée, il n'y a plus rien à faire, c'est voté.

Parfois, l'abrogation est même massive, et concerne d'un seul coup tout un ensemble de lois déterminées ou toute une liste énumérative de lois. Et ceci se produit tout spécialement lors d'une codification.

Lors de la codification napoléonienne, avec la loi du 30 Ventôse an 12, donc 1804, qui avait promulgué le code civil, d'un bloc, l'article 7 de cette loi, a abrogé l'ancien droit dans les domaines codifiés. À compter du jour où ces lois sont exécutoires, celles qui composent le code civil, les lois romaines, les ordonnances, les coutumes générales ou locales, les statuts, les règlements, cessent d'avoir force de loi générale ou particulière dans les matières qui sont l'objet des dites lois.

Même chose avec la codification contemporaine à droit constant. Lorsque le processus de codification aboutit à réunir dans un nouveau code des textes qui jusque-là étaient dispersés, tous ces textes-là sont abrogés par une disposition de la loi de codification.

Par exemple, pour le code de commerce, qui a été, dans sa nouvelle mouture, édicté en 2000, il y a une liste considérable de textes antérieurs qui se sont trouvés du même coup abrogés explicitement, avec, malheureusement, quelques erreurs ici ou là, des textes qui ont été abrogés, alors qu'il n'y a pas eu de l'être, parce qu'ils n'avaient pas été codifiés. C'est de la technique, mais qui parfois a des conséquences dramatiques, et on les découvre après coup.

Abrogation tacite

Celle-ci se produit lorsque le législateur édicte un texte contraire à des dispositions antérieures, mais sans préciser qu'il les abroge. Encore faut-il que les dispositions nouvelles soient réellement incompatibles avec les dispositions antérieures, et tel n'est pas le cas si leur généralité n'est pas la même.

Ainsi, si la loi nouvelle édicte une règle spéciale, elle dérogera à une loi ancienne qui avait une portée plus générale, mais qui reste applicable au-delà du champ d'application de la loi spéciale nouvelle.

Inversement, si la loi nouvelle est plus générale, on se demande parfois si elle n'abroge pas implicitement des lois spéciales antérieures. La question délicate est discutée, d'où l'utilité tout de même des dispositions expresses sur ce point. Mais en l'absence de dispositions expresses, on estime plutôt que l'abrogation tacite ne se produit pas non plus.

En revanche, si la loi nouvelle est de même généralité ou de même degré de spécialité que la loi ancienne, alors elle l'abroge tacitement par son incompatibilité. C'est donc une clé difficile à manier.

Les modes exceptionnels

L'annulation

L'annulation est l'anéantissement rétroactif d'un acte. L'acte annulé disparaît totalement, non seulement pour l'avenir, mais aussi pour le passé, tout doit se passer comme si l'acte nul n'avait jamais existé.

Ceci peut se rencontrer, mais tout de même très rarement, au sujet de la loi au sens strict.

Cela peut se produire à l'issue d'une période troublée, au cours de laquelle des lois portant de trop graves atteintes à des intérêts légitimes ont été adoptées, si bien qu'il faut les faire disparaître et rétroactivement.

Ainsi, on signalera que l'ordonnance du 9 août 1944, relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental, a annulé certaines lois promulguées en France, pas toutes, mais certaines lois promulguées en France continentale, entre le 16 juin 1940 et le 9 août 1944; entre autre, a été annulée la loi du 8 septembre 1942 réprimant l'utilisation ou la détention des postes radioélectriques d'émissions non autorisées. Et surtout, ont été annulées tous les textes qui avaient établi une discrimination quelconque fondée sur la qualité de juif, c'est l'article 3 de cette ordonnance du 9 août 1944. En conséquence, notamment, les biens qui avaient été confisqués en vertu des lois de spoliation ont été restitués dans la mesure du possible, après, l'annulation de ces lois, c'est la logique de la nullité.

L'annulation d'un règlement, elle, est beaucoup plus courante, elle se produit chaque fois qu'un recours pour excès de pouvoir, ouvert pendant deux mois après la publication, est présenté avec succès devant les juridictions administratives.

L’expiration

Si une loi est adoptée pour une durée limitée, si on parlera alors de loi temporaire, elle expire lorsque le terme fixé est arrivé.

Il n'y a pas d'exemple en matière civile, en revanche, de nombreux exemples existent en matière fiscale où des dispositions sont parfois prises pendant un certain temps pour faire sortir de l'argent des "bas de laines" et l'injecter dans l'économie.

Il arrive au législateur fiscal de prévoir des exonérations de droits de mutation pour des donations de somme d'argent effectuées entre telle date et telle date, avant tel moment, souvent avant le 31 décembre d'une année, ou inversement, pour faire face à des besoins d'argent du Trésor Public, on prévoit d'instaurer parfois des impôts pour une durée temporaire.

Ce ne sera pas pour trop longtemps, comme actuellement, doit mettre en cours le vote d'une taxe à 75% pour certaines entreprises qui versent des salaires très élevés à leurs salariés, mais seulement pour deux ans, donc une date butoir, deux ans après, le texte devrait disparaître. On sait aussi que parfois du provisoire peut être pérennisé.

On se demande parfois, lorsqu'un texte a été édicté en raison de circonstances, et on parle de loi de circonstances, mais sans fixation d'un terme précis dans le temps, on se demande si la disparition de circonstances suffit à entraîner la cessation de la force obligatoire de la loi.

La réponse est négative, ne serait-ce que parce qu'il pourrait être difficile, au fond, de déterminer si les circonstances ont totalement disparu, ou même si elles n'ont pas été remplacées par d'autres circonstances qui justifient désormais la loi.

Par exemple, la limitation de vitesse sur les autoroutes, qui avait été initialement votée en réponse à la crise du pétrole de 1973, et puis finalement s'est substituée à un objectif qui est devenu prépondérant, qui a été celui de la sécurité routière. De même, on songe aux économies de l'énergie actuellement, et on pense surtout à la préservation de la planète.

Il serait extrêmement difficile de dire quelles sont les circonstances qui ont vraiment motivé la loi et qui justifieraient la disparition de la loi.

Le conflit de lois dans le temps

Nous allons traiter une question d'une importance pratique considérable, le conflit de loi dans le temps.

Position de la question

Un conflit de loi se présente lorsque deux ou plusieurs lois différentes paraissent avoir une vocation concurrente à régir une situation donnée, et si bien qu'il faut choisir laquelle sera appliquée. Ce conflit de loi peut se rencontrer dans l'espace ou dans le temps.

Dans l'espace, tel est le cas lorsqu'une situation présente des liens avec deux ou plusieurs États et l'on se demande de quel état il faut appliquer la loi. Par exemple, un français épouse une allemande, le régime matrimonial de ces deux époux sera-t-il celui que prévoit la loi française ou celui que prévoit la loi allemande ? C'est une question de conflit de loi dans l'espace. Ce type de conflit de loi est l'objet de toute une matière qui s'appelle le droit international privé.

Pour le conflit de loi dans le temps, cette fois, la situation à laquelle nous nous intéressons n'a de lien qu'avec un seul état, la France, et c'est donc seulement le droit français qu'il peut s'agir d'appliquer. Mais au sein du droit français, un conflit de loi se rencontre lorsque plusieurs lois se succèdent dans le temps sur un même sujet.

Quelle loi faut-il donc appliquer à une situation donnée ? La question apparaît ainsi à chaque réforme, à chaque modification législative.

Quel est le domaine respectif d'application dans le temps de la loi ancienne, celle qui a été réformée, et de la loi nouvelle, celle qui vient poser la réforme ? On voit que plus la législation est changeante, ce qui est l'une des caractéristiques du droit contemporain, et plus la question se pose avec acuité.

Quelques exemples bien concrets qui vont permettre de comprendre la question.

Une loi de 1816 a supprimé le divorce qui auparavant avait été prévu par le Code civil de 1804. Cette loi a certainement eu vocation à s'appliquer aux personnes qui se sont mariées après 1816, c'est sûr. Mais qu'en est-il des personnes qui s'étaient mariées auparavant ? Leur mariage est-il resté dissoluble ou est-il devenu indissoluble ?

Une loi du 3 décembre 2001 a modernisé diverses dispositions du droit successoral. Elle est entrée en vigueur le 1er juillet 2002, et cette loi a notamment accru les droits successoraux du conjoint survivant. Donc plus de droits pour le conjoint, mais évidemment moins pour d'autres héritiers, et en particulier pour les grands-parents, par exemple, ou les frères et sœurs du défunt. Alors à quelle succession ces nouvelles dispositions s'appliquent-elles ? À quelle succession faut-il éventuellement continuer d'appliquer la loi ancienne ? Et à quelle succession applique-t-on la loi de 2001 ?

La loi du 6 juillet 1989 est venue augmenter les droits des locataires de logement. Notamment, elle leur a donné un droit à la reconduction de leur contrat en fin de période triennale, et elle leur a donné un droit de préemption en cas de vente. Ces nouveaux droits, bien sûr, ont vocation à s'appliquer à tous les contrats de bail qui auront été conclus après son entrée en vigueur. Mais qu'en est-il des contrats déjà en cours au moment où elle est entrée en vigueur ?

Deux cas en réalité ne soulèvent pas de problème.

  • Lorsqu'une situation juridique s'est créée, s'est développée, a produit tous ses effets et a expiré exclusivement sous l'empire de l'ancienne législation, c'est-à-dire avant que la loi nouvelle n'entre en vigueur. Alors tout naturellement, est-ce seulement la loi ancienne que l'on va appliquer ici, sauf des cas tout à fait exceptionnels, dans lesquels il pourrait y avoir une rétroactivité ? On comprend bien que là, on va plutôt appliquer la loi ancienne.

Pour reprendre les exemples, on divorçait en 1810, le jugement de divorce est devenu définitif. A l'évidence, on n'a pas cherché, après la loi de 1816, à dire qu'ils étaient toujours mariés, leur divorce avait déjà été prononcé.

Pour reprendre l'exemple de la succession, qu'une personne est décédée en 1995. Le partage de sa succession a eu lieu en 2000. Il est évident que lorsque la loi du 3 décembre 2001 est entrée en vigueur, on n'a pas cherché à remettre en cause les successions réglées auparavant.

Pour le bail, un bail a été conclu en 1983 et puis il a été résilié en 1986 parce que le locataire, de toute façon, est parti vivre à Tahiti et qu'il n'a eu aucune intention de revenir. Il est hors de question, maintenant que le logement est vendu, d'aller lui proposer à ce locataire d'acquérir, en utilisant le droit de préemption prévu par la loi de 1989. La situation est expirée, elle a été régie totalement par la loi ancienne.

  • Le second type de cas facile à régler, est l'hypothèse totalement inverse : la situation juridique que règle la loi nouvelle se crée et développe ses effets après l'entrée en vigueur de la loi nouvelle. Évidemment, la loi nouvelle a vocation à s'appliquer.

Le bail est conclu après la loi de 1989, la succession est ouverte par le décès d'une personne après le 1er juillet 2002, les époux se sont mariés en 1817, après la loi de 1816. Évidemment, ils n'ont pas pu divorcer pendant les dizaines d'années qui ont suivi.

Tout change et tout devient délicat lorsqu'une situation se crée et commence à produire ses effets sous l'empire de la loi ancienne, mais continue à développer des effets après que la loi nouvelle a été publiée et qu'elle ait entrée en vigueur. Cette situation prend ses racines dans le passé, sous l'empire de la loi ancienne, mais elle continue à vivre dans l'avenir, à une époque où la loi nouvelle est obligatoire.

Les époux se sont mariés avant 1816, et ils sont toujours vivants et toujours mariés lorsque cette loi est adoptée. Alors, peuvent-ils maintenant divorcer ou non ?

Une personne est décédée le 30 juin 2002, c'est-à-dire la veille de l'entrée en vigueur de la loi successorale dont nous parlons. Sa succession n'est évidemment pas encore réglée lorsque la loi nouvelle entre en vigueur. Quelle loi faut-il appliquer pour déterminer les droits des parents et du conjoint survivant ?

Le contrat de bail est conclu avant la loi de 1989, et le locataire est toujours dans les lieux lorsque la loi entre en vigueur. Bénéficie-t-il ou non des droits nouveaux octroyés par cette loi, alors que son contrat est antérieur à la loi ?

Plusieurs enjeux rendent la question fort délicate.

D'un côté, le besoin de sécurité juridique, qui exige que les individus puissent se fier à la législation en vigueur à un moment où ils accomplissent des actes de la vie juridique et qu'ils se lancent dans des situations appelées à développer des effets à l'avenir.

La sécurité passe par la prévisibilité, et celle-ci suppose que la loi en vigueur à un moment reste le plus longtemps possible applicable aux situations qui ont été créées sous son empire, quand bien même une loi nouvelle viendrait succéder à la loi initialement en vigueur.

Mais d'un autre côté, si un changement de législation est décidé, c'est parce que la loi nouvelle est supposée réaliser une amélioration par rapport à la loi ancienne. Les dispositions nouvelles sont censées meilleures ou plus justes, et c'est pour cela que les législateurs les votent, sinon ils ne les adopteraient pas.

Dès lors, le besoin de justice n'impose-t-il pas de chercher à donner à ces nouvelles dispositions le domaine d'application dans le temps le plus vaste possible ? Ceci aurait en outre le mérite d'éviter la création d'un système juridique, un stratification décalé, un système extraordinairement complexe et cloisonné, où chacun vivrait avec le droit de sa génération, et où l'on éprouverait un certain sentiment d'inégalité devant la loi.

Il faut examiner les solutions qui concrètement sont apportées à la question du conflit de loi dans le temps, donc après un changement de législation, quel est le domaine respectif de la loi nouvelle et de la loi ancienne. Et ceci passe par une distinction fondamentale, selon qu'il y a ou qu'il n'y a pas de disposition transitoire dans la loi nouvelle.

Solution en présence de dispositions transitoires dans la loi nouvelle

La première chose à faire lorsque l'on cherche la solution d'un conflit de loi dans le temps est de regarder si le législateur l'a donné lui-même dans la loi qu'il a votée, car il suffira alors de suivre ce qu'a dit le législateur, qui est en principe souverain sur le sujet.

On verra cependant que de curieuses limites sont aujourd'hui apportées par le juge à cette souveraineté.

La souveraineté du législateur

Le législateur contemporain règle très souvent lui-même le conflit de loi dans le temps dans ce que l'on appelle des dispositions transitoires de la loi nouvelle qui en fixent le domaine d'application dans le temps et qui figure en général vers la fin de la loi dans un chapitre intitulé « dispositions transitoires et diverses » ou « dispositions finales et transitoires ». Le législateur le fait en principe comme il le veut, il est souverain à cet égard.

Alors bien sûr, l'article 2 du code civil pose un principe de non rétroactivité des lois. Mais en matière civile, ce principe n'est que de valeur législative et non pas constitutionnelle.

Il en va différemment en matière pénale, avec l'article 8 de la déclaration des lois de l'homme :

La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée.
Article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen 

Cette non rétroactivité des lois s'impose donc au législateur, sauf pour les lois pénales plus douces, puisque justement on va moins punir ou même ne pas punir un fait qui précédemment a été puni. Mais les lois pénales plus dures, elles, ne peuvent pas être rétroactives, ça s'impose au législateur.

En revanche, cette non rétroactivité de principe ne s'impose pas au législateur civil, puisqu'en matière civile, elle n'est prévue que par une loi ordinaire.

Par une autre loi, le législateur peut, dans des dispositions spécifiques, préciser, adopter une position différente, du moins, le législateur au sens strict le peut-il, c'est-à-dire le Parlement; la non rétroactivité en revanche s'impose au pouvoir réglementaire en tant que principe fondamental relevant du domaine de la loi.

Un décret ne peut donc pas être rétroactif, sauf s'il s'agit d'un décret d'application d'une loi qui s'est dite elle-même rétroactive, auquel cas c'est la rétroactivité de la loi qui va imprimer, qui va donner ce même caractère au décret.

Rétroactivité

Le pouvoir législatif, en tout cas, peut tout faire dans des dispositions transitoires d'une loi : il peut prévoir qu'une loi sera rétroactive, c'est-à-dire qu'elle s'appliquera à certaines situations qui ont déjà produit tous leurs effets et qu'elle désigne.

Alors évidemment, ceci il y a des inconvénients qui ont été évoqués, c'est l'insécurité juridique. Les inconvénients sont ici au maximum et le législateur n'adopte que très rarement des dispositions rétroactives, du moins en matière civile. En matière fiscale, il le fait souvent, il le fait même presque chaque année : s'agissant de l'impôt sur le revenu, celui qui sera perçu dans une année n sera relatif au revenu de l'année n-1, alors l'impôt de l'année n va être voté à la fin de l'année n-1.

Nous avons tout de même un exemple célèbre qui est celui de la loi du 17 nivôse an II, donc en 1794, sur les successions et qui imposait le partage de toutes les successions ouvertes depuis 1789 et toutes les successions à venir bien sûr, sur la base des nouvelles règles, avec plus d'égalité qu'auparavant. Mais cela imposait en fait de reliquider des successions qui avaient déjà été partagées entre 1789 et 1794, ce qui a été d'une complexité considérable.

Le souvenir est tel que le législateur en fait n'a quasiment jamais refait de loi rétroactive en matière civile, sauf à relever l'article 21 de la loi du 17 mai 2013 :

Le mariage entre personnes de même sexe contracté avant l'entrée en vigueur de la présente loi est reconnu, dans ses effets à l'égard des époux et des enfants, en France, sous réserve du respect des articles 144, 146, 146-1, 147, 161, 162, 163, 180 et 191 du code civil. Il peut faire l'objet d'une transcription dans les conditions prévues aux articles 171-5 et 171-7 du même code. A compter de la date de transcription, il produit effet à l'égard des tiers.
Article 21 de la loi du 17 mai 2013 

Le législateur ici a voulu valider des mariages contractés entre deux personnes de même sexe avant l'entrée en vigueur de cette loi, alors que s'agissant de Français, à supposer qu'ils aient contracté, mettons, à l'étranger, des mariages de ce type avant la loi, ces mariages étaient nuls : la loi a voulu les valider rétroactivement.

Sans aller aussi loin qu'une telle rétroactivité, les dispositions transitoires d'une loi peuvent la dire applicables aux situations en cours, qu'il s'agisse de situations légales ou de situations contractuelles, et même elles peuvent chercher à la dire applicables aux instances en cours devant les tribunaux qui ont pourtant commencé à examiner une affaire à la lumière de la loi ancienne.

Par exemple, la loi du 3 décembre 2001 en matière successorale, avec l'article 25 de cette loi, ces dispositions transitoires, sont en principe applicables aux successions ouvertes après son entrée en vigueur, mais certaines dispositions de la loi de 2001 ont été déclarées valables, même aux successions ouvertes avant la publication de la loi, mais qui n'étaient pas encore partagées à cette date, donc situations en cours, situations légales en cours.

De même, la loi du 6 juillet 1989 sur les beaux, avec son article 25, qui a abrogé la loi de 1986. Elle a précisé que les contrats antérieurement conclus et en cours à cette date demeuraient soumis aux dispositions antérieures, sauf un certain nombre d'articles précisément énumérés que le législateur a dit applicables immédiatement aux contrats, même en cours, à la date d'entrée en vigueur de la loi.

On peut relever encore l'article 33 de la loi du 26 mai 2004 relative au divorce, où le législateur a dit que la loi s'appliquait aux procédures de divorce en cours, introduite avant son entrée en vigueur, dès lors qu'elle n'avait pas donné lieu déjà à des décisions.

Enfin, les dispositions transitoires de la loi du 17 juin 2008, qui a réformé la prescription, à l'article 26, où l'on voit que le législateur détaille minutieusement comment les nouvelles règles qui ont réduit le délai de prescription, fixé la prescription extinctive en principe à 5 ans, ont été appliquées aux prescriptions qui étaient déjà en cours au moment où la loi a été adoptée.

Loi interprétative

Un effet voisin de l'application aux situations en cours est atteint lorsque la loi nouvelle se dit interprétative d'une loi ancienne, d'une loi antérieure. Le but est de fixer le sens de cette loi antérieure, qui a soulevé des difficultés, et de lever un doute qui est apparu après sa promulgation.

On considère alors que la loi interprétative fait corps avec la loi ancienne, qu'elle n'est pas en réalité une loi nouvelle distincte, puisqu'elle explique seulement la loi ancienne. En conséquence, la loi interprétative rétroagit au jour où la loi ancienne est entrée en vigueur, et elle s'applique même aux instances judiciaires en cours dans lesquelles la loi obscure doit être appliquée. Les juges appliqueront la loi antérieure dans l'interprétation que vient d'en donner le législateur.

Cela a été spécialement le cas avec la loi du 3 décembre 2001, qui a voulu donner une interprétation des articles 734 à 737 nouveaux du Code civil, qui avait soulevé une difficulté sur le concours entre le conjoint survivant et certains ascendants. L'article 738-1 nouveau du Code civil a voulu préciser les choses, et dans les dispositions transitoires de la loi, c'est l'article 47, le législateur a dit que le nouvel article 738-1 était applicable même aux instances en cours et aux successions ouvertes à compter de l'entrée en vigueur de la loi du 3 décembre 2001.

C'est exactement le système du caractère interprétatif des lois. D'ailleurs, le législateur aurait très bien pu dire que la loi seulement était interprétative, sans préciser rien d'autre. Cela aurait eu pour conséquence que son champ d'application dans le temps aurait été le même que celui de la loi du 3 décembre 2001.

On peut relever aussi que même lorsque le législateur ne dit pas expressément qu'une loi est interprétative, si le juge estime qu'un nouveau texte est interprétatif d'un texte antérieur, alors il lui donnera dans le temps le même champ d'application que le texte antérieur. Il n'est pas nécessaire que le législateur l'ait dit expressément.

Non rétroactivité

Inversement, les dispositions transitoires spécifiques peuvent prévoir que des situations contractuelles ou même non contractuelles en cours au moment de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle resteront régies par la loi ancienne.

Par exemple, la loi du 6 juillet 1989 avec toute une série de textes antérieurs qui sont restés applicables et qui n'ont pas été modifiés pour les contraintes en cours par la loi nouvelle.

Enfin, il arrive que des dispositions transitoires d'une loi se contentent de dire que celle-ci sera applicable pour l'avenir seulement et qu'elle ne rétroagira pas.

Cela ne sert à pas grand-chose et il n'est pas nécessaire de le dire expressément, mais lorsque le législateur l'indique, cela révèle au fond que les dispositions transitoires ont acquis une importance très grande aujourd'hui dans l'esprit du législateur, que les dispositions transitoires sont un élément de la politique législative, que lorsque le législateur opère une réforme, il ne se désintéresse pas de savoir à qui cette réforme va s'appliquer, il éprouve le besoin au fond de le préciser même lorsque, au fond, s'il ne disait rien, la solution serait la même.

Un exemple avec une loi du 14 novembre 2006, à l'article 10 : "Elles ne sont pas applicables aux mariages célébrés avant leur entrée en vigueur."

La question du droit transitoire fait partie intégrante aujourd'hui de la réforme et le législateur lui apporte la réponse qu'il juge appropriée. Le législateur est souverain, sauf que cette souveraineté est aujourd'hui combattue, à certains égards, par le juge contemporain.

Limites jurisprudentielles au pouvoir du législateur

Ces limites ne proviennent guère en matière civile d'exigence constitutionnelle, parce que le principe de non rétroactivité n'est que de valeur législative, et le pouvoir législatif peut donc s'en affranchir.

Tout au plus, le Conseil constitutionnel a-t-il rappelé que certaines limites pouvaient exister dans cette rétroactivité. Ainsi, le principe d'indépendance des juridictions s'opposerait à ce qu'une loi préjudicie aux personnes dont les droits ont déjà été reconnus par une décision passée en force de choses jugées.

Mais précisément, le législateur ne va jamais jusque-là, en tout cas aujourd'hui.

Des limites aussi, le Conseil constitutionnel en a tracé pour les lois de validation, c'est-à-dire des lois destinées à reconnaître la validité d'actes qui, en réalité, sont promis à une annulation inéluctable par le juge, car les conditions de leur validité n'ont pas toutes été respectées lors de la formation de ces actes. Des lois de validation peuvent être prises, mais dans certaines limites seulement. Elles doivent reposer sur des motifs d'intérêt général et ne pas compromettre le droit à un recours effectif.

Alors il est assez rare qu'une loi rétroactive soit censurée par le Conseil constitutionnel, c'est-à-dire que celui-ci estime que les limites qu'il a posées sont dépassées. C'est assez rare, mais nous avons des limites qui sont plus prégnantes maintenant qui sont celles d'exigence de la Convention européenne des droits de l'homme, et c'est le juge qui va les tirer.

Ces limites concernent surtout les lois qui se veulent applicables aux instances en cours. Or, dans le prolongement de la Cour européenne des droits de l'homme, la Cour de cassation décide maintenant que le principe de prééminence du droit et la notion de procès équitable consacrée par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme s'opposent, sauf pour d'impérieux motifs d'intérêt général, à l'ingérence du pouvoir législatif dans l'administration de la justice, afin d'influer sur le dénouement judiciaire des litiges.

La Cour européenne des droits de l'homme avait initialement eu en vue des lois de validation intervenant pour orienter l'issue de procès dans lesquels l'État est parti, mais la Cour de cassation est allée plus loin, puisqu'elle fixe la même limite, quels que soient les partis au procès, c'est-à-dire même si l'État n'est pas parti. Et finalement, la Cour européenne des droits de l'homme a fini par suivre aussi la Cour de cassation dans cette voie.

On voit toute la subjectivité qui est en jeu derrière ce contrôle qui conduit le juge à examiner si les motifs d'intérêt général qui ont conduit à cette loi de validation sont suffisamment impérieux.

Le contrôle du juge sur les lois rétroactives est même en train de dépasser le cas des lois de validation.

C'est l'affaire de la loi dite anti-perruche, où la Cour de cassation, dans cet arrêt du 24 janvier 2006, a écarté les dispositions transitoires de la loi en raison de la contrariété à l'article 1 du protocole additionnel numéro 1 et du droit au respect des biens.

Pour la Cour européenne des droits de l'homme et pour la Cour de cassation, d'appliquer aux instances en cours l'article 1 de la loi du 4 mars 2002, qui exclut la réparation d'un préjudice du seul fait de la naissance, et renvoyer à la solidarité nationale, comme avait voulu le faire le législateur, la compensation d'un handicap non décelé pendant la grossesse, c'est méconnaître le droit au respect des biens de ceux qui détenaient une créance de réparation lorsque la loi est survenue.

La rétroactivité d'une loi méconnaît ici l'interprétation que les juges donnent de la Convention européenne des droits de l'homme, et le juge accepte aujourd'hui, au nom de la primauté de la Convention sur la loi, d'écarter les dispositions transitoires de la loi.

Cette montée du contrôle judiciaire des dispositions transitoires ne laisse pas d'étonner, et un remarquable article a été écrit par M. Malinvaux, l'étrange montée du contrôle du juge sur les lois rétroactives, où celui-ci note que le contrôle porte en réalité sur l'opportunité, et c'est donc un contrôle en réalité politique que le juge opère sur ces lois, et au nom de la Convention européenne des droits de l'homme. C'est une dérive qui est dénoncée volontiers par un certain nombre d'auteurs.

Il faut remarquer cependant que le phénomène ne concerne que les lois de validation, et il faut remarquer aussi cette loi qui était relative à la réparation du préjudice d'un enfant né handicapé, mais en dehors de ce domaine, le contrôle n'existe pas, et reste la souveraineté du législateur.

Solution en l’absence de dispositions transitoires spécifiques

Pour les conflits de loi dans le temps en l'absence de dispositions transitoires spécifiques, c'est l'article 2 du Code civil qui est important.

La loi ne dispose que pour l'avenir; elle n'a point d'effet rétroactif.
Article 2 du Code Civil 

C'est ce texte qu'il convient d'appliquer en l'absence de dispositions transitoires spécifiques à la loi nouvelle.

La doctrine en a donné deux interprétations différentes, que nous allons d'abord voir, et nous examinerons ensuite la portée que lui donne la jurisprudence.

Les constructions doctrinales

La théorie des droits acquis

Cela a été la première interprétation qui fut donnée de l'article 2 du Code civil, dans le prolongement d'ailleurs de la position qui était devenue classique sous l'ancien droit, et on trouve encore des traces de cette interprétation dans la jurisprudence actuelle.

Cette construction doctrinale repose sur une distinction entre les droits acquis, c'est-à-dire des droits définitivement entrés dans un patrimoine, et les simples expectatives, c'est-à-dire les espérances non encore réalisées.

Selon cette théorie, l'article 2 signifie qu'elle doit respecter les droits acquis, qu'elle ne peut en priver les personnes qui en sont investies. Ce serait sinon sur lui qu'on ferait une rétroactivité.

En revanche, la loi nouvelle s'applique aux simples expectatives qu'elle peut modifier ou priver d'effet par ses nouvelles dispositions, car il ne s'agissait pas de droits acquis. Ce n'est donc pas rétroagir que de modifier des droits qui n'étaient pas acquis.

Par exemple, une loi vient modifier l'ordre successif entre les diverses catégories de parents. Appliquer cette loi aux successions déjà ouvertes au moment de son entrée en vigueur parce que la personne dont il s'agit est déjà décédée, ce serait lui faire produire un effet rétroactif, contrairement à ce que prévoit l'article 2, parce que les héritiers désignés par la loi ancienne ont un droit acquis, et il est entraîné dans leur patrimoine, à recueillir la succession qui s'est déjà ouverte.

En revanche, cette loi peut être appliquée à toutes les successions qui s'ouvrent après son entrée en vigueur par le décès de nouvelles personnes. Bien sûr, ces personnes avaient déjà des héritiers potentiels, c'est vrai, sans doute ces héritiers potentiels pouvaient-ils espérer recueillir un héritage le moment venu, mais ce n'étaient que des espérances successorales, fondées sur le droit antérieur certes, et qui n'étaient pas encore acquises. Donc ces espérances peuvent être modifiées sans qu'il y ait la rétroactivité.

L'application est facile également, s'agissant des situations nées d'un contrat.

Dès que le contrat est antérieur à la loi, on dira facilement que les droits qui sont nés sous l'empire de la loi ancienne sont acquis, et qu'ils ne peuvent être atteints par la loi nouvelle. Or, c'est bien le contrat qui fait naître tous les droits contractuels.

Cependant, cette théorie essuya au cours du XXe siècle des critiques; au plan technique, on lui a reproché d'être difficile à mettre en œuvre, et de ne fournir dans de nombreux cas, surtout dans les situations légales, en réalité aucun critère, et en définitive d'exprimer seulement un résultat a posteriori.

Qu'est-ce qu'un droit acquis ? Un droit acquis, c'est un droit que la loi nouvelle ne peut pas remettre en cause, elle ne le remet pas en cause, ce qui n'aide pas pour savoir quel est le critère, et pour déterminer si la loi nouvelle s'applique ou pas.

Deux époux mariés avant une profonde réforme du divorce ont-ils un droit acquis à ce que la dissolution de leur union obéisse aux conditions qui étaient prévues lorsqu'ils se sont mariés, ou n'était-ce qu'une simple expectative ? C'est bien difficile à dire.

La deuxième critique est qu'au fond on lui reproche, à cette théorie, de faire une part trop importante à la loi ancienne, sans doute dans un but de sécurité juridique, mais en réduisant excessivement le domaine de progrès que représente ou est censée représenter la loi nouvelle.

La théorie de l’effet immédiat de la loi nouvelle

La théorie de l'effet immédiat de la loi nouvelle a été formulée en 1929 par un grand civiliste, Paul Roubier. Roubier a mis en lumière deux propositions contenues à ses yeux dans l'article 2 du Code civil.

Bien sûr, la proposition que tout le monde voit et a toujours vue, le principe de non-rétroactivité des lois, la loi n'a point d'effet rétroactif dit le texte, c'est incontestable. Mais également une autre proposition qui découle, selon Roubier, de la première phrase.

La loi ne dispose que pour l'avenir, cela veut dire qu'elle s'applique immédiatement, dès son entrée en vigueur, pour tout ce qui va suivre après son entrée en vigueur.

Et le principe d'application immédiate est un second principe du droit transitoire qui ne se confond pas avec celui de la non-rétroactivité.

Pour appliquer ces deux principes, Roubier s'appuie sur la notion de situation juridique et distingue les lois qui concernent les conditions de constitution ou d'extinction des situations juridiques de celles qui réglementent les effets des situations juridiques.

Il affirme qu'en vertu du principe d'effet immédiat, la loi nouvelle a vocation à régir la constitution ou l'extinction des situations lorsqu'elles sont en cours de constitution ou d'extinction, lorsque la loi nouvelle entre en vigueur, et puis les effets futurs des situations déjà constituées.

Et il affirme qu'en vertu du principe de non-rétroactivité, la loi ne peut pas régir la constitution d'une situation déjà constituée ou l'extinction d'une situation déjà éteinte : ceci reste sous l'empire de la loi ancienne.

Mais que la loi ancienne régit les conséquences passées des situations juridiques, là encore, c'est la survie de la loi ancienne qui s'impose pour ses conséquences qui ne peuvent pas être mises en cause au nom de la loi nouvelle. Seules les conséquences à venir pourront être modifiées.

Cette théorie fait une part plus importante à la loi nouvelle en mettant en avant cette idée d'application immédiate.

Cependant, la théorie aurait eu un grave inconvénient s'il s'était agi de l'appliquer en matière contractuelle, où le respect des prévisions des partis commande de faire une place plus large à la survie de la loi ancienne. Et au fond, la bonne démarche consiste très certainement à faire la synthèse des deux théories en prenant dans chacune ce qu'il y a de bon.

La synthèse jurisprudentielle

C'est précisément ce que fait aujourd'hui la jurisprudence, et c'est la synthèse juridique.

Quelle portée le juge donne-t-il à l'article 2 du code civil lorsqu'il est conduit à l'appliquer pour régler le conflit de loi dans le temps, c'est-à-dire en l'absence de dispositions transitoires spécifiques ?

Longtemps, la jurisprudence a été imprégnée de la théorie des droits acquis, mais elle a ensuite accueilli les idées de Roubier. Et si la terminologie qu'elle utilise est encore parfois fluctuante, le système qui se dégage réalise une synthèse assez heureuse entre les deux inspirations.

Il y a un grand arrêt du 29 avril 1960, par lequel la première Chambre civile de la Cour de Cassation a formulé une distinction importante.

Si sans doute une loi nouvelle s'applique aussitôt aux effets à venir des situations juridiques non contractuelles en cours au moment ou elle entre en vigueur et cela même quand semblable situation est l'objet d'un litige judiciaire, en revanche elle ne saurait, sans avoir effet rétroactif, régir rétrospectivement les conditions de validité ni les effets passes d'opérations juridiques antérieurement achevées. C'est donc a bon droit que les juges du fond ont décidé que la validité et l'efficacité de la reconnaissance d'un enfant adultérin, comme de la légitimation qu'elle avait pour objet de réaliser, ne pouvaient être appréciées qu'au regard de la législation sous l'empire de laquelle l'acte avait été accompli.
Arrêt du 29 avril 1960 de la première chambre civile de la Cour de Cassation 

Ainsi, il y a une distinction contractuelle / non contractuelle.

Les situations non contractuelles

Les situations non contractuelles, ce sont les situations juridiques qui ne naissent pas de contrats. Il s'agit de situations purement légales que l'on rencontre spécialement en matière d'état des personnes, de statut personnel, l'affiliation, les incapacités, mais également le statut de la propriété, la responsabilité civile non contractuelle.

Ici, deux propositions règlent le conflit de loi dans le temps.

La première, la loi nouvelle s'applique immédiatement à ces situations en cours au moment où elle entre en vigueur, elle régit leurs effets à venir.

Un exemple : une loi nouvelle vient modifier les pouvoirs des tuteurs de majeure sous tutelle. Cette loi nouvelle s'applique non seulement aux futurs tuteurs, ceux qui seront nommés à l'avenir, mais aussi aux tuteurs actuellement en fonction lorsque la loi entre en vigueur. Et ce n'est plus la loi ancienne qui s'applique mais la loi nouvelle.

Autre exemple, une loi vient créer une action à fin de subsides pour permettre à un enfant de réclamer des aliments ou des subsides à celui qui a eu des relations intimes avec sa mère pendant la période de conception de cet enfant. C'est une situation non contractuelle, la loi nouvelle s'applique immédiatement aux situations en cours, même aux enfants qui sont nés avant l'entrée en vigueur de la loi.

En matière de filiation et tout ce qui tourne autour, ça a toujours été comme ça, l'application immédiate, même pour les enfants nés auparavant.

La seconde proposition : la loi nouvelle ne remet pas en cause les effets juridiques passés des situations établies, ni les conditions de leur établissement, qui restent gouvernées par la loi ancienne.

Ainsi, les actes du tuteur, régulièrement accomplis sous l'empire de la loi ancienne, restent valables. Ce n'est pas parce qu'une loi nouvelle vient d'être votée qui modifie les pouvoirs du tuteur qu'on va réexaminer les actes passés pour voir s'ils sont conformes à la nouvelle loi, sinon, la loi serait rétroactive, et justement, c'est le début de l'article 2 du Code civil qui prit à la lettre, ne le permet pas.

Les situations contractuelles

Les situations contractuelles sont celles qui naissent de contrats, un contrat de bail, un contrat de travail, par exemple. Ici aussi, évidemment, les conditions d'établissement, et donc les conditions de validité du contrat, et les effets passés des situations contractuelles en cours, au moment où la loi nouvelle entre en vigueur, restent sous l'empire de la loi ancienne.

Mais il en va de même aussi, en principe, pour les effets à venir des contrats en cours, lors de cette entrée en vigueur. La loi ancienne survit, et ceci afin d'assurer la sécurité des contrats et le respect des prévisions juridiques des partis.

Ainsi, un contrat reste régi par la loi qui était en vigueur au moment où il a été conclu, et ceci vaut non seulement pour ses conditions de formation et ses effets passés, mais aussi même pour ses effets qui se réalisent postérieurement à la loi nouvelle.

Alors même que la loi nouvelle a abrogé la loi ancienne, qu'elle a disparue de l'ordonnancement juridique français, elle continue de s'appliquer pour les contrats en cours.

Ce principe supporte cependant une exception, lorsque la loi nouvelle a été dictée aux législateurs par d'impérieux motifs d'ordre public. La sécurité des contractants ici cède devant l'intérêt social, et la loi nouvelle va s'appliquer aux effets à venir des contrats en cours.

Une illustration : dans un arrêt de la chambre commerciale du 3 mars 2009, où la Cour de Cassation constate que les dispositions d'une loi répondent à des considérations d'ordre public particulièrement impérieuses, et donc on l'applique à des contrats en cours.

Attention, cela ne signifie pas que toutes les lois d'ordre public sont applicables aux contrats en cours, mais seulement celles qui répondent à d'impérieuses considérations d'ordre public. Toute la difficulté de savoir lesquelles sont concernées, et il y a ici une certaine marge de manœuvre à la disposition du juge.

Il faut tout de même relever que la législation applicable aux contrats de travail est l'un des terrains de prédilection de cette exception au principe de maintien de la loi ancienne. Il est impérieux que tous les salariés bénéficient des avancées sociales, même les salariés dont le contrat de travail est en cours au moment de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, et que les avancées ne soient pas réservées aux nouveaux salariés. Même chose avec une législation protectrice des locataires.

Bilan : Pour les situations extra-contractuelles, nous avons un maintien des effets passés, et puis de la Constitution bien sûr, sous l'empire de la loi ancienne, mais une application immédiate de la loi nouvelle aux effets futurs.
Et pour les situations contractuelles, une application en principe de la loi en vigueur au moment de leur formation, même pour les effets futurs, c'est la survie, à ce moment-là, de la loi ancienne après l'entrée en vigueur d'une nouvelle loi.
Par exception, nous aurons une application immédiate de la loi nouvelle aux effets à venir lorsque des motifs impérieux d'ordre public l'imposent.

Alors on peut relater cela dans un tableau :

Tableau-loi_ancienne-loi_nouvelle.png

Mais ce tableau, on peut le lire dans l'autre sens : en s'intéressant à la constitution des situations et à leurs effets passés, qu'il s'agisse de situations contractuelles ou extra-contractuelles ou contractuelles, c'est de toute façon la loi qui était en vigueur à ce moment-là qui s'applique.

Mais s'agissant des effets à venir, alors nous avons à distinguer selon que la situation est non contractuelle ou qu'elle est contractuelle, et voilà les deux manières au fond de présenter la même question.

C'est une bonne chose, lorsqu'on doit répondre à la question du conflit de loi dans le temps, de se demander si on est en présence d'une situation contractuelle ou non contractuelle et ensuite de défiler les réponses qui s'imposent.