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Chapitre I. La règle de droit

Les règles de droit ou juridique ne sont pas les seules normes de conduite qui gouvernent la vie sociale (il y a les préceptes religieux, les devoirs moraux, le savoir-vivre et la politesse, la mode). Les chevauchements entre règle de droit et règle de conduite sont fréquents.

Par exemple, dans les 10 commandements :

  • "tu ne tueras point", prohibition de l'homicide dans le Droit positif;
  • le devoir d'honorer son père et sa mère, article 371 du Code Civil "L'enfant, à tout âge, doit honneur et respect à ses père et mère."

Le Droit positif diffère par divers éléments : par exemple, une loi votée par un parlement, mais ce n'est qu'un critère extérieur, tenant à des sources formelles.

Section 1. Caractères de la règle de droit

Il y a des caractères communs à toutes les règles, mais également des caractères spécifiques.

Caractères communs à toutes les règles

La règle de droit présente un aspect général et obligatoire.

  • Caractère obligatoire : toute règle se définit par son caractère obligatoire pour ceux auxquels elle s'applique. La règle est un commandement, elle ordonne ou défend. Par exemple, elle ordonne d'accomplir un acte, de respecter ses parents, de verser des aliments à ses ascendants qui sont dans le besoin. Elle défend de tuer, de causer un dommage à autrui. Même quand elle se présente comme une permission, la règle de Droit, en tant que règle, emporte toujours un ordre qui est alors adressé aux autres individus. Par exemple, article 678 du Code Civil : on peut avoir des ouvertures dans un mur s'il y a au moins 1,9m de séparation avec le voisin. Cela signifie l'ordre au tiers voisin de respecter l'exercice de cette faculté, de ne pas s'y opposer. On trouve toutefois des degrés. Il y a des règles impératives, et des règles supplétives. Les règles impératives (ou d'ordre publique), nul ne peut s'y soustraire (article 6 du Code Civil). Par exemple, la faculté de préemption d'un locataire lorsque le propriétaire veut vendre; autre exemple, l'interdiction du mariage entre ascendants et descendants. Il y a aussi des règles non impératives, des règles supplétives, ou interprétatives de volonté. Une manifestation de volonté contraire est possible, mais si la volonté contraire n'est pas exprimée, la règle s'impose et son exécution est obligatoire. Par exemple, le droit des régimes matrimoniaux : on peut choisir un régime matrimonial (séparation de bien, participation aux acquêts...), mais si on n'en choisit pas, une règle légale s'applique obligatoirement : la communauté d'acquêt. Le caractère obligatoire reste donc présent.
  • Caractère général : toute règle est marquée de généralité.
    • quant aux destinataires : la règle ne s'adresse pas à une personne déterminée, mais à toutes les personnes sans distinction, ou au moins une catégorie de personne. Il y a également des degrés : des généralités absolues, et des généralités relatives. Les généralités absolues s'appliquent à tous les citoyens (ou à toutes les personnes suivant une religion pour le cas des règles religieuses). Par exemple, l'article 7 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen : "Nul homme ne peut être accusé, arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par la Loi, et selon les formes qu'elle a prescrites.". Les généralités relatives, quant à elles, ne s'appliquent qu'à certaines catégories de personnes, à certaines catégories du corps social, ou d'une partie des adeptes d'une religion. Par exemple, la règle du célibat pour les membres du clergé catholique, l'obligation de porter un voile pour les femmes musulmanes. Autre exemple, articles 903 et 904 du Code Civil qui donnent des interdictions aux mineurs; autre exemple, l'imposition d'une compatibilité spécifique pour les commerçants. Cela soulève une question, vis à vis de l'article 6 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen : le principe d'égalitéL'égalité n'est pas l'uniformité et il est admis que toute différence dans le traitement n'est pas prohibée. Le principe d'égalité n'impose de traiter pareillement que les personnes qui sont dans une situation identique. Même chose avec l'article 14 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme (principe de non discrimination). Le principe de non discrimination impose de traiter différemment des personnes se présentant dans des situations de fait différentes. Autre exemple : le droit du consommateur, qui protège le consommateur contre le commerçant, qui ne sont pas sur dans situation égalitaire : il y a une distinction de fait à sa base.
    • dans le temps : la règle a vocation à régir l'avenir. La règle est toujours dotée d'une certaine permanence, avec à nouveau des degrés : des règles sans limitation de temps, qui durent aussi longtemps qu'elles ne sont pas modifiées (ex : le droit des successions, dernière version 2001); mais aussi des règles adoptées dans des circonstances particulières, qui ne durent que le temps de ces circonstances (ex : législation de guerre, pendant les guerres mondiales; l'encadrement des loyers adoptée pendant l'été 2012, limitée pour un an jusqu'au 1er août 2013, mais un décret a rallongé d'un an).

Caractère spécifique de la règle de droit

La règle est de droit car elle est assortie d'une sanction. La règle de droit est sanctionnée par l'Etat. Toutes les règles de droit, et seulement les règles de droit, bénéficient d'une sanction étatique. La justice privée est prohibée dans un Etat de Droit; en contrepartie, la puissance publique est chargée de mettre en oeuvre les sanctions du droit. Cela peut être de façon spontanée, mais également à la demande des particuliers (et saisissent par exemple le juge, pour faire reconnaître leur droit, et demander l'exécution de cette décision, confiée au pouvoir exécutif - la force publique par exemple). Exemple classique : l'expulsion d'un squatteur.

Cette contrainte étatique plane sur tout le droit. Elle peut prendre des sanctions préventives, des sanctions répressives et des sanctions réparatrices.

  • Sanctions préventives : elles tendent à éviter le non respect, ou la violation de la règle de droit. Par exemple, pour éviter les abus sexuels sur les mineurs, un tribunal correctionnel pourra interdire lors de la sortie de prison le travail au contact des enfants. Pour prévenir des troubles à l'ordre publique, lors de match de football, des individus connus pour hooliganisme pourront être ordonnés de pointer au commissariat de leur domicile.
  • Sanctions répressives : infliger une peine (sanction pénale) aux individus qui ont violé certaines règles du droit, celles qui sont essentielles à la vie sociale. En violant ces règles, ils ont commis une infraction (contravention, délit, crime). Par exemple, le retrait de point du permis de conduire, une peine d'amende pour sanctionner une fraude fiscale, une peine d'emprisonnement pour sanctionner un vol, ou une peine de réclusion criminelle pour sanctionner un meurtre.
  • Sanctions réparatrices : pour faire comme si la règle de droit n'avait pas été violée, il s'agit d'effacer les conséquences de sa violation. Ex : un contrat signé est contraire à l'ordre publique, défendu par l'article 6 du Code Civil, celui-ci devient nul, et les parties devront restituer ce qui ne leur appartient pas. Dommage à autrui, l'auteur doit réparer le préjudice (dommages et intérêts à la victime).

Cependant, les sanctions ne sont pas toujours satisfaisantes. Par exemple, les sanctions répressives (prison) et réparatrices (dommages et intérêts) dans le cas d'un accident mortel causé par la faute d'une personne qui avait bu ne sont pas suffisantes, car elles ne répareront pas totalement.

Enfin, la mise en oeuvre effective des sanctions est en pratique de l'ordre de l'exception dans la réalisation du droit. Le plus souvent, la sanction étatique reste à l'état de menace, et cette menace suffit à imposer le respect de la règle de droit. Par exemple, l'article 1134 du Code Civil dit qu'il faut respecter les contrats comme des lois; ces contrats sont exécutés spontanément sans que la menace des sanctions soit utile. Ici, les sanctions sont purement théoriques. Il reste que la menace d'une sanction a un effet dissuasif très efficace pour le respect de la règle.

Un exemple récent : la vitesse sur autoroute, limitée en 1973. La vitesse moyenne sur autoroute était nettement plus élevée, jusqu'à 2002, où des mesures de retrait de points ont été instaurées, et les radars ont été mis en place. Les menaces étaient présentes, qui ont amené une diminution de la vitesse.

Section 2. Les buts de la règle de droit

La finalité du droit contribue à le distinguer des autres règles de conduite, spécialement de la morale. Le but du droit est d'assurer l'ordre social, afin de rendre la société viable. Mais ce n'est pas son seul but : il sert à assurer la justice, ainsi que le bien commun, en cherchant par exemple l'activité économique, en réglementant l'urbanisme, en protégeant l'environnement.

La morale, ou l'éthique, a pour but la justice, la vertu et la charité. Cela recoupe ceux du droit (la justice), mais le recoupement n'est pas complet. Le droit et la morale ont, chacun, un domaine propre.

Dans le chevauchement, toutes les règles morales qui ont été juridiquement consacrées. Par exemple, le devoir de respecter et d'honorer ses père et mère (article 371 du Code Civil), interdiction de tuer (code pénal), exigence d'une conformité aux bonnes moeurs dans le cas d'un contrat (article 6 du Code Civil). Autre exemple, une règle jurisprudentielle dont est issue une règle de droit : celle qui interdit de s'enrichir injustement au détriment d'autrui (jurisprudence en 1891).

Dans le domaine propre du droit : les règles qui ne correspondent pas à des règles morales. Il y a les règles qui correspondent uniquement à l'ordre sociale. Par exemple, la règle qui impose de circuler à droite est une règle de droit, mais pas de morale; interdiction de construire à bâtiment à moins de 100 mètres du littoral.

Il y a des règles dans le domaine propre de la morale, car la morale est à certains égards plus exigeante que le droit. Par exemple, la charité et le pardon des offenses. Le droit impose un geste de charité : porter secours à autrui qui se trouve en danger. Autre exemple, l'obligation alimentaire (articles 205 et 207 du Code Civil) ne s'impose qu'aux ascendants/descendants, mais pas aux frères et soeurs par exemple, mais la règle morale vous y impose. Même chose pour tout ce qui concerne le fort intérieur, qui n'intéresse que la morale. Par exemple, dans les 10 commandements, l'interdiction de convoiter tout ce qui appartient à son prochain.

Les différences entre le droit et la morale s'expliquent par des différences de but. Le but du droit est de régler les relations extérieures des hommes entre eux pour y faire régner l'ordre, la justice et assurer le bien commun. Le but de la morale est de perfectionner l'homme, donc pas uniquement les relations extérieures, mais aussi le fort intérieur.

Section 3. Structure de la règle de droit

Toute règle de droit se compose de deux éléments.

  • Le premier décrit la situation à laquelle cette règle s'applique. C'est ce qu'on appelle l'hypothèse ou le présupposé
  • Le second attache à cette situation une conséquence. C'est qu'on appelle l'effet juridique, assuré au besoin par les moyens étatiques.

Un exemple : l'article 1382 du Code Civil. "Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer."

  • Hypothèse : un homme a causé un dommage par sa faute.
  • Effet juridique : l'auteur de cette faute dommageable est obligé à réparer le dommage, i.e. verser des dommages et intérêts.

Cette structure logique se trouve dans toute règle de droit.

Autre exemple, article 147 du Code Civil : "On ne peut contracter un second mariage avant la dissolution du premier."

  • Hypothèse : une personne est mariée.
  • Effet juridique : cette personne ne peut se remarier avant la dissolution de son premier mariage.