Skip to main content

Chapitre I. La cour de justice de l'union européenne

L'Union européenne a été créée par le traité de Rome en 1957. A l'heure actuelle, il y a 27 membres au sein de l'Union européenne et la particularité de l'Union européenne est d'être une organisation internationale qui a son propre ordre juridique.

L'Union européenne fonctionne comme un état. En effet, l'Union européenne a des institutions qui détiennent le pouvoir exécutif, c'est le rôle de la Commission européenne; l'Union européenne a des institutions qui exercent le pouvoir législatif, c'est le rôle du Parlement européen. Et l'Union européenne s'est dotée d'un pouvoir judiciaire qui se trouve entre les mains de la Cour de justice de l'Union européenne.

On parle des compétences de la Cour de justice de l'Union européenne, puis de son fonctionnement.

Section 1. Compétence

La mission principale de la Cour de justice de l'Union européenne est finalement une mission qui ressemble assez à celle de notre Cour de cassation. La mission de la Cour de justice de l'Union européenne, c'est une mission régulatrice, en ce sens, qu'il s'agit pour elle d'assurer l'application uniforme du droit européen sur tout le territoire des États membres.

Plus il y a de pays membres du traité international, plus il risque d'y avoir d'interprétations différentes du traité. Et pour que le traité soit interprété de manière uniforme et appliqué partout de la même manière, il faut une juridiction qui dise quelle est l'interprétation qu'il faut retenir du texte. Au sein de l'Union européenne, c'est la mission de la Cour de justice de l'Union européenne.

Pour comprendre un peu mieux cette mission, on va dire quelques mots du droit de l'Union européenne, et on parlera ensuite de cette mission de régulation de la Cour de justice.

Le droit de l’Union européenne

Ce qui est très particulier au sein de l'Union européenne, c'est qu'il y a deux sources de droits différentes. On distingue le droit originaire, qu'on appelle aussi le droit primaire, ou le droit dérivé.

Le droit originaire, ou le droit primaire, c'est le droit qui est issu des traités. Le traité fondateur de l'Union, c'est le traité de 1957, mais il y a eu énormément de traités, certains plus connus que d'autres, le traité de Maastricht, le traité de Nice, par exemple.

Mais tous ces traités forment et posent les jalons de l'organisation de l'Union européenne, quelles sont ses institutions, quelles sont ses compétences, comment elles fonctionnent. Et tous ces traités, forment le droit originaire, ou le droit primaire.

Mais les institutions mêmes de l'Union européenne, et notamment la Commission et le Parlement européen, créent elles-mêmes du droit. Elles adoptent ce qu'on pourrait appeler "des lois européennes". Il y en a deux types : les institutions européennes peuvent adopter soit des règlements, qui sont directement applicables en droit interne, soit des directives, qui fixent des grandes lignes, et qui doivent être ensuite transposées par les États pour pouvoir être mises en œuvre au sein de chaque État. Et ça, cela constitue le droit dérivé.

Il y a une masse très importante de textes, entre tous les traités et tout le droit dérivé, c'est-à-dire tous les règlements et toutes les directives adoptées par les institutions européennes, il y a une masse de textes très importante, susceptibles d'être interprétés.

Les techniques d’application uniforme du droit européen

On en vient à s'interroger sur les techniques d'interprétation par la Cour de justice de l'Union européenne de ces textes.

À la fois le droit dérivé et le droit primaire doivent être appliqués uniformément dans tous les États membres, que ce soit en France, en Grèce ou en Allemagne. Pour cela, non seulement les pays membres de l'Union européenne doivent respecter le droit primaire et le droit dérivé, mais les institutions européennes elles-mêmes doivent respecter le droit européen.

Le respect du droit européen par les institutions européennes

L'Union européenne a son propre ordre juridique et toutes les institutions européennes, commissions, parlements notamment, doivent respecter le droit de l'Union européenne. Et si ces institutions ne le font pas, deux recours sont possibles devant la Cour de justice de l'Union européenne.

Le premier recours s'appelle le recours en carence. Le recours en carence, c'est très particulier, c'est lorsque une institution européenne n'a pas publié correctement un acte juridique. Donc elle a adopté un texte et elle ne l'a pas publié. Il y a une carence en publication et donc on peut faire un recours en carence contre cette institution devant la Cour de justice.

Le deuxième recours envisageable contre une institution européenne, c'est ce qu'on appelle le recours en annulation. Cette fois-ci, l'institution européenne a adopté un acte qui est illégal, illégal au sens du droit européen, soit que la procédure d'adoption de l'acte n'a pas été respectée, soit que le fond de l'acte est contraire aux droits européens. Dans ces cas-là, on peut toujours poursuivre l'institution européenne par un recours en annulation.

Ces deux recours, recours en carence et recours en annulation, permettent ainsi d'assurer la cohérence du droit européen au sein des institutions européennes. Mais il n'y a pas évidemment que les institutions européennes qui doivent respecter le droit européen : les Etats membres de l'Union doivent aussi respecter le droit européen.

Le respect du droit européen par les institutions nationales

Encore une fois, l'Union européenne, c'est 27 Etats membres. 27 Etats membres, 27 pouvoirs exécutifs, 27 pouvoirs législatifs, 27 pouvoirs judiciaires.

Toutes ces institutions sont soumises aux droits de l'Union et doivent en principe le respecter, vu que leur Etat membre est parti à l'Union européenne. Alors bien sûr, on imagine "la pagaille" que cela peut être qu'une même directive soit interprétée dans 27 pays différents. Évidemment, il faut une interprétation uniforme parce que finalement, on risque d'arriver avec un même texte à des résultats d'application très différents d'un pays à l'autre.

La technique la plus utilisée comme recours pour faire respecter le droit européen, c'est ce qu'on appelle le renvoi préjudiciel ou la question préjudicielle et la Cour de justice peut être aussi saisie dans notre recours mais qui est moins fréquent, qui est le recours en manquement du respect des traités.

Le renvoi préjudiciel

Le renvoi préjudiciel s'appelle aussi la question préjudicielle. La question préjudicielle, c'est le motif à l'heure actuelle le plus important de saisine de la Cour de justice de l'Union européenne.

En fait, on a déjà rencontré le mécanisme de la question préjudicielle : la QPC est une forme de question préjudicielle. Parfois, les juridictions du fond posent une question préjudicielle à la Cour de cassation. C'est une question préjudicielle.

Tout commence par une situation de fait, un litige devant une juridiction d'un des Etats membres. Admettons que ce soit en France. Donc, on a un litige devant un juge national et dans ce litige, on cherche à faire application d'un texte de droit européen, par exemple d'une directive. Or, le juge national saisit doute de l'interprétation de cette directive. Il n'est pas certain du sens qu'il doit lui donner. Alors, il décide de poser la question de l'interprétation à la CJUE.

Pour poser cette question, il va utiliser le renvoi préjudiciel, la question préjudicielle. Il pose la question à la Cour et il va sursoir à statuer, c'est-à-dire qu'il attend la réponse de la Cour. Et une fois que la Cour aura délivré son interprétation du texte, il pourra reprendre son affaire et juger en conséquence.

Dans ce cas-là, la CJUE ne tranche aucunement le litige au fond, elle se contente d'éclairer le sens du texte européen.

Le recours en manquement du respect des traités

Le second recours, c'est ce qu'on appelle le recours en manquement du respect des traités. Cette seconde voie est une voie moins courante, beaucoup moins répandue.

L'idée de ce recours serait qu'un État aurait violé un traité européen et un autre État ou la Commission européenne poursuit l'État qui a prétendument violé les traités européens en manquement. C'est un État qui commet un manquement ou on croit qu'il commet un manquement et c'est un autre État ou la Commission qui va poursuivre l'État qui a manqué au traité.

On comprend pourquoi finalement ce recours est beaucoup moins utilisé parce qu'il est rare, du point de vue diplomatique, qu'un État poursuive un autre État au sein même de l'Union européenne, parce que ça crée quand même des tensions entre les États. Et de la même manière, si la Commission décide de poursuivre un État, c'est quand même un acte très fort et donc relativement rare.

Mais cela existe, par exemple lors d'une affaire qui a eu lieu en 2021 qui est un recours en manquement contre la Pologne.

La Pologne avait une juridiction spéciale au sein de son ordre judiciaire qui était chargée de lutter contre la corruption des juges polonais. Or, il s'est avéré que cette juridiction spéciale n'était pas suffisamment indépendante du pouvoir exécutif. Donc, il n'y avait pas de séparation suffisante entre le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire. Et donc, on se demandait vraiment si on luttait contre la corruption du juge ou si on n'essayait pas d'évincer le juge pour un motif politique : cette juridiction ne respectait pas l'indépendance de la justice.

Or, l'indépendance de la justice est un principe qui est affirmé par les traités européens. Et donc, l'État polonais a été poursuivi pour recours en manquement. Il a été poursuivi pour recours en manquement, et l'État polonais a été condamné : on a considéré que la juridiction n'était pas conforme aux traités.

Et on l'a sanctionné là où ça fait mal. C'est-à-dire que la CJUE l'a frappé au porte-monnaie parce que la CJUE a prononcé une astreinte d'un million d'euros par jour de retard dans la mise en place de la réforme de cette juridiction spécialisée.

Ainsi la CJUE a quand même un pouvoir de sanction assez fort.

Section 2. Fonctionnement

Composition

Il y a au sein de la Cour de justice de l'Union européenne un juge par état membre. Il y a donc 27 juges à la Cour de justice de l'Union. Le mandat de chaque juge dure six ans et il est renouvelable. Et le personnel de la Cour se renouvelle par moitié tous les trois ans.

La Cour de justice connaît pour son fonctionnement plusieurs formations. Parfois elle se réunit dans des formations plutôt restreintes, de trois à cinq juges, quand l'affaire n'est pas très compliquée.

Quand l'affaire est un peu plus complexe, on peut réunir ce qu'on appelle la grande chambre de la Cour de justice, qui comporte 13 juges.

Et enfin, pour les affaires les plus importantes, on peut réunir l'Assemblée plénière de la CJUE; c'est lorsque l'affaire pose une grave question de principe. Dans ces cas là, on réunit les 27 juges.

Sanction

Dernier point sur la CJUE, c'est la question des sanctions, du pouvoir de sanction de la Cour et plus particulièrement du pouvoir de l'exécution des sanctions.

La mise en oeuvre des sanctions pour une juridiction internationale, c'est la principale difficulté parce qu'il faut un pouvoir coercitif. Or, il n'existe pas d'espèce de police internationale qui peut forcer un État à faire ce à quoi il a été condamné.

Pourtant, on a vu que la CJUE a prononcé une astreinte d'un million d'euros par jour contre la Pologne.

Alors comment fait-on pour que cette sanction soit respectée ?

En réalité, on ne va pas faire payer à la Pologne une amende, une astreinte d'un million d'euros par jour. Ce qu'on va faire, c'est un mécanisme finalement assez simple : chaque Etat membre contribue à l'Union européenne, c'est-à-dire que chaque Etat membre verse chaque année une certaine somme à l'Union européenne et cet argent est réparti ensuite entre les différents Etats membres pour certaines raisons.

Par exemple, pendant la période de Covid, pour pallier les difficultés économiques, etc., on a pu attribuer pendant les crises de 2009, la crise financière de même, etc.

Comment on exécute ici la sanction contre la Pologne ?

En fait, on avait promis à la Pologne, par exemple, tant d'aides pour la soutenir, de l'aide qu'on lui avait prévue, on soustrait les un million par jour afin de la forcer à respecter la condamnation qu'elle a eue lors du recours en manquement. Voilà comment on arrive à faire respecter les sanctions au sein de l'Union européenne.

La CJUE est une cour très importante, et qui a un pouvoir vraiment beaucoup plus large que les autres cours internationales.