Chapitre II. Les administrations nationales
Nous évoquons les administrations nationales et pas simplement les administrations étatiques. Ce choix de vocabulaire n'est pas anodin.
L'ensemble des administrations nationales ne relève pas nécessairement de la personnalité juridique de l'État, mais peuvent, le cas échéant, être titulaires de leur propre personnalité morale.
À côté de l'État, d'autres institutions publiques sont donc chargées de mettre en œuvre tel ou tel politique, tel ou tel service public. C'est ce qu'on appelle la décentralisation fonctionnelle.
Section 1 – Les administrations de l’État
Les administrations de l'État assurent des missions variées, qui relèvent plus spécifiquement de cours de droit administratif. Elles ont pour rôle la définition et la mise en œuvre des différents services publics nationaux, comme l'éducation nationale, les aides sociales, la politique de l'intérieur, la défense.
À l'échelon national, la définition des mesures de police administrative destinées à protéger l'ordre public revient par principe au Premier ministre. La police fait partie de ces activités administratives qui ont pour objet de protéger l'ordre public.
Au sein de la police, on a deux types de police. On a la police judiciaire, qui veille à la poursuite des auteurs d'une infraction et la police administrative qui vise à prévenir les atteintes à l'ordre public, aussi une des missions de l'État exercée au niveau national.
Autre mission qu'on peut qualifier d'administrative mais qu'on ne va pas étudier ici, c'est la question de la défense nationale, qui est dotée par des institutions particulières et propres mais qu'on n'étudiera pas dans ce cadre.
Au niveau national, on comprend bien que la mise en œuvre des missions administratives est étroitement liée à la définition des politiques publiques. Or, les plus hautes autorités administratives du pays sont également les plus hautes autorités politiques.
Elles assument donc cette double casquette un peu particulière. Par principe, l'administration et ses agents publics sont soumis à une obligation de neutralité et de loyauté dans l'exercice des fonctions. L'administration, théoriquement, est politiquement neutre.
Il faut toutefois concilier cette neutralité politique avec un grand principe du système représentatif dans lequel nous vivons, qui consiste à ce qu'un pont soit tout de même établi entre l'administration et la représentation nationale.
Comment établir un pont entre l'administration qui est politiquement neutre et la représentation nationale ? Via ceux qui la dirigent, c'est-à-dire le gouvernement et ses ministres. En effet, les ministres sont politiquement responsables devant le Parlement et plus spécifiquement devant l'Assemblée Nationale des actions de leur administration. Donc, du point de vue de la théorie de la souveraineté représentative, l'administration peut être politiquement neutre si, à sa tête, on a des organes qui sont à la fois administratifs et politiques et qui assument la responsabilité politique des erreurs commises par l'administration.
Ici, on va s'intéresser aux administrations de l'État d'un point de vue essentiellement organique, c'est-à-dire aux autorités administratives de l'État. À cet égard, il est possible de distinguer ce qu'on peut appeler par un souci de pédagogie des autorités mixtes, c'est-à-dire des autorités à la fois politiques et administratives, et des autorités simplement administratives.
Autorités mixtes
Il existe trois grandes autorités mixtes au niveau étatique national, c'est-à-dire des autorités qui sont à la fois politiques et administratives, étant entendu que l'expression politique et administrative est une expression très vague qui désigne simplement l'organe compétent pour prendre des actes administratifs. Ces trois autorités sont le Président de la République, du Premier ministre et des ministres.
Le Président de la République.
Le statut du Président de la République est bien évidemment fixé par la Constitution. L'article 6 prévoit qu'il est élu pour 5 ans en suffrage universel direct. En application de l'article 67 de la Constitution, celui-ci n'est pas responsable des actes accomplis en cette qualité. Il peut toutefois être destitué, ce qui est une sanction politique et non pénale, par le Parlement constitué en haute cour.
La destitution est subordonnée à la qualification de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat. C'est l'article 68 de la Constitution.
Évidemment, qu'est-ce qu'un manquement manifestement incompatible à ses devoirs et avec l'exercice de son mandat ? C'est toute chose que le Parlement réuni en haute cour décidera comme telle. Tout motif, notamment politique, peut donner lieu en soi à une action de destitution sous réserve de réunir les voix suffisantes.
On qualifie souvent à raison le Président de la République de « géant politique » et de « nain administratif ». En effet, s'il est l'organe d'impulsion de la politique de la Nation et des principaux arbitrages, le Président de la République ne dispose pas de la haute main sur l'administration car cette fonction revient au Premier ministre.
Attribution
Les pouvoirs administratifs du Président de la République sont de deux types. Il dispose d'un grand pouvoir de décision, mais au sein de ce pouvoir de décision, il est intéressant d'isoler le pouvoir de nomination. Au-delà des prérogatives qui lui sont expressément attribuées et reconnues par la Constitution, le positionnement politique du Président de la République lui permet d'exercer une véritable influence sur tous les aspects de la vie politique française et notamment d'exercer une influence aussi sur l'administration.
Le pouvoir de nomination du Président de la République est d'abord un pouvoir de nature politique. En effet, il s'agit de la nomination et de la révocation du Premier ministre et du gouvernement qui est prévue à l'article 8 de la Constitution. Le texte dispose que le Président de la République nomme le Premier ministre et il met fin à ses fonctions sur présentation par celui-ci de la démission du gouvernement. Et sur proposition du Premier ministre, le Président de la République nomme les autres membres du gouvernement et met fin à leurs fonctions.
C'est un pouvoir essentiellement politique, c'est la nomination du Premier ministre et du gouvernement. D'abord Premier ministre, ensuite gouvernement, et en deux temps.
En matière plus spécifiquement administrative, le pouvoir de nomination du Président de la République est encadré par l'article 13 de la Constitution. En effet, cet article dispose que le Président de la République "nomme aux emplois civils et militaires de l'État". En vertu du même article, certaines nominations doivent être faites en conseil des ministres, conseil des ministres que le Président de la République préside en vertu de l'article 9. Il s'agit notamment des préfets, des ambassadeurs, des conseils d'État, des directeurs d'administration centrale.
Pour le reste, le Président de la République nomme directement toute une série de fonctionnaires de rang important, les membres du conseil d'État, les professeurs d'université, les magistrats, les membres du corps préfectoral. En réalité, souvent cette nomination a un caractère assez formel.
L'article 13 de la Constitution a été complété d'un nouvel alinéa à l'occasion de la réforme du 23 juillet 2008. Cette réforme instaure une procédure de contrôle du Parlement pour certaines nominations sensibles, nominations qui sont définies par une loi organique à la tête, notamment d'autorités, d'agences administratives ou d'entreprises publiques. Pour certaines nominations administratives assez sensibles, le Parlement dispose d'une forme de droit de regard. Il s'agit de permettre au Parlement d'empêcher une nomination qui est juste contestable.
Une loi organique détermine les emplois ou fonctions, autres que ceux mentionnés au troisième alinéa, pour lesquels, en raison de leur importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation, le pouvoir de nomination du Président de la République s'exerce après avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée. Le Président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque l'addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions. La loi détermine les commissions permanentes compétentes selon les emplois ou fonctions concernés.
— Article 13, alinéa 5 de la Constitution de 1958
Une commission permanente est instaurée à cette fin au sein de l'Assemblée Nationale et au sein du Sénat pour l'examen de ces nominations, et qui sont bloquées lorsque l'addition, dit la Constitution, des votes négatifs dans chaque commission représentent au moins 3 cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions. Il faut quand même convaincre beaucoup de personnes qu'on est vraiment très mauvais pour cette fonction pour ne pas être nommé, ce qui n'arrive pas fréquemment, mais qui n'est pas un exercice forcément très agréable.
Donc, au-delà de la question du pouvoir de nomination, le Président de la République dispose d'un pouvoir de décision assez large. Il préside le Conseil des ministres, et c'est une présidence réelle, il n'est pas juste là pour faire décoration, puisque l'ordre du jour est établi en concertation entre le Président de la République et le Premier ministre.
Parmi les prorogatives, une distinction importante est faite entre les actes dispensés de contre-seing et les actes que le Président peut prendre directement, c'est-à-dire soumis à contre-seing, qui correspond au fait d'imposer une nouvelle signature sur un acte qui a déjà été signé pour qu'il soit validé. La plupart des actes du Président de la République doivent être contre-signés par le Premier ministre et les ministres responsables pour être valides.
Les actes qui n'ont pas besoin d'être contre-signés, on dit que ces actes relèvent des pouvoirs propres du Président de la République, parce qu'il peut les prendre directement.
En revanche, les actes qui ont besoin d'être contre-signés, qui sont soumis à contre-seing, relèvent de ce qu'on appelle les pouvoirs partagés du Président de la République, parce que ce sont des pouvoirs qu'il ne peut pas mettre en oeuvre directement de lui seul. Il a besoin de reculer à l'accord préalable du Premier ministre.
En période de cohabitation, où la majorité présidentielle et la majorité gouvernementale ne concordent pas, des conflits peuvent exister sur la mise en oeuvre de ces fameux pouvoirs partagés du Président de la République, parce qu'il doit y avoir un accord entre le Premier ministre et le Président de la République sur la mise en oeuvre des prorogatives respectives.
En période de concordance des majorités, c'est-à-dire quand la majorité gouvernementale, ou du moins la majorité législative, soutient le Président de la République et que le gouvernement soutient l'action du Président de la République, la distinction pouvoirs propres et pouvoirs partagés est relative, puisque le Président de la République a les moyens de s'imposer, moyens politiques, qu'il y est obligation ou non de contre-seing.
Pour donner quelques exemples de pouvoirs propres, parmi les pouvoirs propres, on a la nomination du Premier ministre, la décision de soumettre un projet de loi au référendum, ou encore, ça c'est un pouvoir important, la dissolution de l'Assemblée Nationale.
À côté des pouvoirs propres du Président de la République, on a finalement des pouvoirs partagés qui sont soumis à l'obligation de contre-seing. En réalité, nous dit la Constitution, tout ce qui n'est pas expressément prévu par l'article 19 de la Constitution comme relevant des pouvoirs propres du Président, requiert le contre-seing du Premier ministre. Donc le principe, c'est qu'on a une compétence limitée, que la liste des pouvoirs propres du Président de la République est limitativement énumérée par la Constitution, et tout ce qui n'enlève pas ces pouvoirs propres, c'est du pouvoir partagé, donc soumis à contre-seing.
Par exemple, la nomination des ministres, tous les actes qui interviennent dans le cadre de la procédure législative ordinaire, ou encore l'exercice du pouvoir réglementaire, la signature des ordonnances et des décrets des libérants conseils des ministres, le droit de grâce, tout un ensemble de mesures qui doivent être contresignées et donc qui nécessitent une forme de coopération entre le Président de la République et les ministres.
Le Président, pour souligner, exerce d'autres fonctions, et préside notamment un certain nombre de comités, notamment en matière de défense nationale, où il exerce des prorogatives très importantes.
L'influence générale du Président de la République dans la vie politique et administrative ne correspond pas seulement aux prorogatives que lui accorde la Constitution. Le cours de droit constitutionnel montrent que la place du Président de la République dans les institutions françaises dépend du jeu des rapports de force politique, du jeu des rapports de force politique. En effet, plus le Président finalement dispose d'une majorité solide à l'Assemblée nationale, et plus il va avoir une influence qui va pouvoir être mise en oeuvre de façon large au sein des institutions politiques. En revanche, plus la majorité du Président est faible, et plus le Président va à ce moment-là devoir composer avec son gouvernement qui ne sera pas forcément de la même majorité que la sienne.
Les services du Président
A côté des prorogatives du Président de la République, on a un certain nombre de services qui entourent finalement le Président de la République. Le Président de la République n'est pas isolé, il n'est pas tout seul, il est entouré de services, mais dont le nombre est réduit par rapport à son importance politique. Le Président de la République est essentiellement un organe politique plus qu'administratif. Les services de la Présidence de la République demeurent finalement relativement restreints, plus ceux d'une administration d'état-major que d'une administration de gestion. On peut estimer à environ 1 000 personnes, civiles et militaires, les effectifs de la Présidence de la République, ce qui n'est pas si énorme que ça, environ 1 000 personnes, dont une soixantaine de collaborateurs directs du Président de la République.
Les services de la Présidence comportent tout ce qui est nécessaire à l'intendance, la sécurité, etc. Mais du point de vue un peu plus politique, on a différentes structures qui sont importantes.
Une des structures les plus importantes, c'est le Secrétariat général de l'Elysée. Aujourd'hui, cette fonction est assurée par Alexis Kohler, qui est secrétaire général de l'Elysée. Les secrétaires généraux de l'Elysée, et ça c'est un point intéressant à noter, n'ont pas de statut prévu par un texte, prévu par la loi ou le règlement, ils n'ont pas de statut. C'est un statut coutumier. C'est vraiment une pratique coutumière que cette fonction, qui est absolument essentielle dans le cadre de la gouvernance du pays.
En effet, le secrétaire général de l'Elysée joue un rôle fondamental d'organisation et d'agenda des fonctions exercées par le Président de la République. Il va notamment discuter de tout, il va vraiment être le relais administratif des décisions prises et arrêtées par le Président de la République.
A côté du Président de la République, on a évidemment le Premier ministre.
Le Premier ministre
Il n'existe pas de conditions particulières à remplir pour être Premier ministre. Pas besoin d'avoir le bac, pas besoin d'être élu, il suffit juste d'être nommé comme tel par le Président de la République. Donc, fonction assez facile à prendre, pas de qualification pré-requise.
En théorie, le Premier ministre ne peut être révoqué par le Président de la République. En effet, soit il remet la démission de son gouvernement au Président de la République, soit alors sa responsabilité est mise en cause dans les conditions de l'article 49 de la Constitution et alors il doit démissionner. Ça, c'est la théorie.
Dans la pratique, quand le Premier ministre finalement est issu de la même majorité que le Président de la République, alors le vrai chef, c'est le Président de la République et qu'il dispose du Premier ministre comme d'un véritable fusible.
Attributions
Les attributions du Premier ministre sont très importantes, surtout au terme d'une lecture combinée des articles 20 et 21 de la Constitution. En effet, l'article 20 dispose que le gouvernement détermine et conduit la politique de la nation. Il dispose de l'administration et de la force armée.
L'article 21, pour sa part, prévoit que le Premier ministre dirige l'action du gouvernement. Il est responsable de la défense nationale et il assure l'exécution des lois.
Sous réserve des dispositions de l'article 13, il exerce le pouvoir réglementaire et nomme aux emplois civils et militaires.
Quand on rapproche ces deux articles 20 et 21 et par syllogisme, on pourrait en conclure que, en tant que chef du gouvernement, le Premier ministre détermine et conduit la politique de la nation, ce qui s'oppose un peu à l'article 5 sur le rôle du Président de la République.
Les attributions du Premier ministre sont particulièrement importantes pour assurer la bonne marge des relations entre organes constitutionnels et notamment entre le Parlement et le gouvernement. Le Premier ministre assume politiquement les conséquences des choix menés, même si ces choix sont davantage ceux du Président de la République que les siens. Le Premier ministre assure un rôle de fusible extrêmement utile pour le Président de la République puisqu'il va porter la responsabilité du gouvernement devant le Parlement et le Premier ministre va porter devant le Parlement les erreurs commises par le Président de la République.
La présence de ce Premier ministre témoigne du caractère parlementaire de notre Régime dans la mesure où ce dernier engage sa responsabilité devant l'Assemblée Nationale. L'Assemblée Nationale peut révoquer à tout moment le Premier ministre et il a un rôle essentiel dans la fabrique de la loi.
Du point de vue plus administratif, le Premier ministre a la haute main sur l'administration et il dispose d'importantes prérogatives à cet effet. En principe, l'autorité de principe pour exercer le pouvoir réglementaire, c'est le Premier ministre, sous réserve des compétences attribuées au Président de la République. Le Premier ministre nomme aussi aux emplois civils et militaires. Donc il a un pouvoir de nomination très important et il est aussi responsable de la défense nationale. Ce qui lui confie un rôle important pour préparer le territoire à tout danger imminent.
Les services du Premier ministre
En sa qualité de chef de l'administration, le Premier ministre est entouré de nombreux services qu'il dirige et qui l'assiste dans ses différentes tâches. Le Premier ministre c'est le chef de la fonction publique, et il est donc assisté par une direction générale de l'administration et de la fonction publique.
Dans la pratique, souvent vous allez avoir un ministre ou un secrétaire d'état qui va être spécifiquement dévolu à ses tâches pour assister le Premier ministre et qui va être en charge de la fonction publique.
Parmi les nombreux services qui sont affectés au Premier ministre, il y en a un qu'il faut citer et retenir, c'est le SGG, le Secrétariat général du gouvernement. Là encore, statut coutumier du SGG mais qui est absolument essentiel. La mission de ce secrétariat consiste à assister le Premier ministre dans l'organisation et la coordination du travail gouvernemental ainsi que dans le déroulement des procédures législatives et réglementaires.
Le secrétariat général du gouvernement comprend un ensemble de chargés de missions qui assurent des missions qui sont très techniques, préparent les réunions, les dossiers interministériels, l'organisation juridique, contrôle de la régularité des projets de loi, des décrets suivi des programmes.
Il y a un rôle juridique extrêmement important du SGG pour assurer la cohérence, la fluidité mais aussi la légalité du travail gouvernemental. A sa tête on retrouve un secrétaire général qui a un rôle vraiment moteur dans l'administration française. C'est vraiment quelqu'un qui va mettre de l'huile dans tous les rouages administratifs du pays. Il va préparer par exemple en concertation avec le secrétariat général de l'Elysée l'ordre du jour du conseil des ministres, transmettre les instructions du Premier ministre au gouvernement et il va être consulté sur tout un tas de projets.
Actuellement, le secrétaire général du gouvernement c'est Claire Landais, c'est la première fois que c'est une femme et c'est une fonction assez stable qui survit en général aux alternances politiques. On a eu à peine une dizaine de SGG depuis la Vème République.
A noter l'existence du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, le SGDSN, qui est le volet militaire, des services administratifs qui sont placés sous la direction du Premier ministre.
À côté du Président de la République et du Premier ministre, on retrouve les ministres.
Les ministres
Quelques mots rapides sur les ministres : ils sont nommés conjointement par le Premier ministre et le Président de la République, qui peuvent mettre fin à tout moment à leur fonction en vertu de l'article 8 de la constitution. Là non plus il n'existe pas de conditions à pré-remplir pour être ministre, qu'il s'agisse d'être ministre d'ailleurs ou Premier ministre.
En revanche il existe d'importantes obligations en termes de prévention des conflits de l'intérêt. Il y a des obligations déclaratives à adresser à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, la HATVP, qui sont extrêmement lourdes et qui peuvent être sérieusement sanctionnées en cas de manquement, et qui renforcent l'obligation de transparence.
Mais en soi il n'y a pas de critères particuliers à respecter pour être ministre, simplement pour information il y a une distinction qui est faite entre différents types de ministres, les ministres d'Etat, les ministres classiques ou le plein exercice si vous voulez, les ministres délégués, les secrétaires d'Etat.
L'appellation ministre d'Etat est purement honorifique, purement protocolaire, pour marquer l'importance politique de la personne ou des fonctions qu'elle va exercer.
La fonction ministre c'est la fonction de base, le fait d'être ministre en tant que tel. Un ministre est celui qui va diriger des services administratifs importants. Un ministre important c'est celui qui va assurer la direction de différentes administrations. Si vous êtes ministre mais que vous n'avez aucune direction administrative qui est placée sous votre direction, en réalité vous n'êtes pas un très grand ministre.
En dessous on a les ministres délégués et le secrétaire d'Etat qui se voient confier une tâche d'exécution, une direction d'un point plus particulier de telle politique publique, qui se voient confier une politique publique donnée et qui sont placés soit sous la direction du Premier ministre, soit sous la direction d'un ministre et qui n'assistent pas systématiquement au conseil des ministres, comme les ministres d'Etat et les ministres de plein exercice, mais seulement lorsque le sujet les intéresse.
Les autorités seulement administratives.
Les autorités politico-administratives qu'on vient de voir sont finalement peu nombreuses, le Président de la république et le gouvernement, c'est-à-dire le premier ministre et les ministres. Ce sont des organes d'impulsion qui définissent avec le législateur la politique que les administrations doivent mettre en oeuvre. Ces administrations n'ont pas de personnalité juridique, distinctes de celles de l'état à laquelle elles appartiennent.
Doivent ainsi être distinguées les administrations de gestion, des administrations consultatives et des administrations de contrôle.
Les administrations de gestion
Il existe deux catégories d'administrations de gestion, c'est-à-dire les administrations qui mettent en oeuvre la politique gouvernementale, qui finalement exerce les fonctions quotidiennes d'administration.
Donc ces deux administrations de gestion sont d'une part les administrations centrales des ministères et d'autre part les services à compétence nationale. Ils ont pour point commun d'être placés sous l'autorité d'un ministre et leurs compétences s'appliquent à l'ensemble du territoire, ce qui distingue ces deux grandes administrations de gestion, SCN et administrations nationales, des administrations déconcentrées.
A ce titre, l'article 2 du décret du 7 mai 2015 portant charte de la déconcentration prévoit que sont confiées aux administrations centrales et aux services à compétence nationale les seules missions qui présentent un caractère national ou dont l'exécution en vertu de la loi ne peut être déléguée à un échelon territorial.
En général, ces administrations sont situées à Paris, mais il arrive parfois, sous l'effet des politiques d'aménagement du territoire, qu'elles soient citées dans d'autres villes, par exemple à Nantes est situé le service central de l'état civil du ministère de l'Europe et des affaires étrangères.
Les administrations centrales
Le rôle des administrations centrales est défini par l'article 3 du décret portant charte de la déconcentration.
I. - Les administrations centrales assurent, au niveau national, un rôle de conception, d'animation, d'appui des services déconcentrés, d'orientation, d'évaluation et de contrôle.
A cette fin, elles participent à l'élaboration des projets de loi et de décret et préparent et mettent en œuvre les décisions du Gouvernement et de chacun des ministres
— Article 3, alinéa 1 et 2 du décret n° 2015-510 du 7 mai 2015 portant charte de la déconcentration
Voilà le rôle principal de ces administrations centrales qui est donc un rôle qui est établi au niveau national et qui est placé quand même à côté du gouvernement pour assister à la définition des politiques publiques. Evidemment ce rôle est ensuite plus détaillé par le texte.
Leurs relations entre les administrations centrales et les services déconcentrés de l'État sont également fixées par les textes. "Les administrations centrales maîtrisent, hiérarchisent, coordonnent et formalisent leurs directives et instructions aux administrations déconcentrées". C'est l'article 10 du décret 2015 portant charte de la déconcentration.
Et il faut savoir qu'au sein des ministères, ces directives sont adressées aux administrations déconcentrées par un canal unique; par le secrétaire général du ministère, qui va veiller à la cohérence de celle-ci par rapport aux directives nationales. Donc on va avoir à la volonté d'une véritable mise en cohérence des politiques publiques sur l'ensemble du territoire national.
Les administrations centrales traitent aussi des dossiers qui relèvent de l'exercice du pouvoir hiérarchique. Notamment lorsqu'une affaire normalement traitée par une administration déconcentrée est traitée par le ministère.
Concernant l'organisation des administrations centrales, celle-ci est fixée par un autre décret, un décret du 15 juin 1987 relatif à l'organisation des services des administrations centrales. Là c'est vraiment une organisation bureaucratique. Les services sont organisés en directions, directions qui sont elles-mêmes découpées en sous-direction, en services et en bureaux.
On a donc un cadre général qui est fixé par décret et qui fait l'objet de l'adaptation en fonction de chacune des administrations concernées.
Les services à compétences nationales ou SCN.
Le décret de 2015, portant charte de déconcentration, prévoit que les SCN peuvent se voir confier des fonctions de gestion, d'études techniques ou de formation des activités de production des biens ou de prestations de services, ainsi que toute autre mission opérationnelle qui présente un caractère national et correspond aux attributions du ministre sous l'autorité duquel ils sont placés.
Il ressort de cette définition que les attributions des SCN ont un caractère national et c'est ce qui va les différencier des services déconcentrés. C'est ce qui les distingue aussi des administrations centrales. Le SCN va prendre en charge une tâche opérationnelle.
En général, les tâches opérationnelles sont assurées à l'échelon déconcentré, sauf dans le cadre des SCN. C'est finalement la prise en charge d'une charge opérationnelle, mais à un échelon national. Voilà ce qui distingue les SCN à la fois des autorités centrales, ce caractère opérationnel, et ce caractère national, c'est ce qui va les distinguer des autorisations déconcentrées.
Les SCN vont être placés soit sous l'autorité d'un ministre ou du premier ministre, soit d'un directeur d'administration centrale, soit plus modestement d'un chef de service.
Pour donner différents exemples de SCN, vous avez un SCN interministériel, placé sous l'autorité de plusieurs ministres, par exemple l'agence française anti-corruption, qui est placée sous la compétence du ministre de la justice et du ministre du budget.
Pour un exemple de SCN rattaché à un directeur d'administration centrale, l'école nationale des finances publiques, qui est rattaché auprès du directeur général des finances publiques, qui a une mission opérationnelle générale.
On trouve une liste importante des différents SCN, et c'est vraiment des services qui sont en charge de mettre en œuvre très concrètement une mission.
À côté des administrations de gestion, administrations centrales et SCN, on a les administrations consultatives.
Les administrations consultatives
Les organes consultatifs placés auprès des administrations centrales sont aujourd'hui vraiment très nombreux, et diverses tentatives de rationalisation ont eu lieu pour en diminuer le nombre et accroître leur efficacité. Par ailleurs, au-delà de la consultation d'organismes ad hoc, qui vont être spécialisés pour tel ou tel type de consultation, on a des organismes à caractère plus général.
A côté des formes traditionnelles de consultation, on peut avoir des formes générales de consultation du public, qui sont notamment prévues en matière environnementale. On a l'article 7 de la charte de l'environnement, qui a une valeur constitutionnelle, parce que cette charte de l'environnement est adossée à la Constitution française via la mention qui en est faite par le préambule de la constitution de 1958, c'est une révision constitutionnelle de 2005. Et cet article 7 de la charte de l'environnement prévoit le droit de toute personne de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement. Et ce droit est décliné notamment par les dispositions du code de l'environnement.
On va se concentrer sur deux administrations particulièrement importantes en matière de consultation : le Conseil d'état d'un côté et le conseil économique, social et environnemental, c'est-à-dire le CSE de l'autre.
Le conseil d'état
On reviendra plus longuement peut-être sur cette institution dans le cadre du dernier chapitre, relatif au juge de l'administration.
Le principe de la création du Conseil d'état remonte à l'article 52 de la constitution du 22 frimaire an VIII, c'est-à-dire une loi du 13 décembre 1799. C'est une création de consulat, c'est même une création de Bonaparte.
Cet article 52 de la constitution du 22 frimaire an VIII disposait que sous la direction des consuls, "un conseil d'état est chargé de rédiger les projets de loi et les règlements d'administration publique et de résoudre les difficultés qui s'élèvent en matière administrative".
Cette phrase est vraiment essentielle pour comprendre l'histoire administrative du pays et pour voir ce que les missions du Conseil d'état ont de plus singulier. D'emblée, le Conseil d'état s'est vu confier deux grandes missions.
D'un côté, rédiger les projets de loi et les règlements d'administration publique et de l'autre côté, résoudre les difficultés qui s'élèvent en matière administrative. La première mission correspond à ce qu'on appelle la fonction consultative du Conseil d'état.
Mais la seconde mission, résoudre les difficultés en matière administrative, c'est ce qui correspond à sa fonction juridictionnelle qu'on étudiera plus tard.
Cette double casquette du Conseil d'état, à la fois juge et conseiller de l'administration, est désignée par une expression qui est importante à retenir et qui a été assez simple à comprendre, c'est celle de la dualité fonctionnelle du Conseil d'état, parce qu'il exerce deux fonctions.
Le Conseil d'état est en effet d'abord le conseiller du gouvernement et la Constitution prévoit qu'il est obligatoirement saisi des textes les plus importants devant être délibérés en conseil des ministres comme par exemple les projets de loi et les projets d'ordonnances, les articles 39 et 38 de la constitution. Le gouvernement est libre de rendre ou non publique l'avis du Conseil d'état donné sur de tels textes. Pendant longtemps, ces derniers sont demeurés confidentiels et ils étaient protégés par le secret des délibérations du gouvernement. Mais la pratique plus récente depuis François Hollande est d'en assurer la publication, ce qui a changé un peu la nature de ces avis qui de secret sont devenus publics.
La loi peut également prévoir que certains décrets, c'est à dire certaines décisions du premier ministre ou éventuellement du président de la république, doivent être reprises après l'avis du Conseil d'état.
Mais la saisie du conseil d'état peut aussi être facultative. Le gouvernement qui souhaite être éclairé à propos d'un projet de texte ou qui peut demander au conseil d'état plus largement une étude sur quelques points techniques assez délicats.
En théorie, l'intervention du Conseil d'état, ce n'est pas un conseiller politique mais c'est un conseiller juridique et administratif. Le Conseil d'état raisonne en droit et en bonne administration et veille à la cohérence des politiques publiques.
Le Conseil d'état est ainsi composé d'une section du contentieux, divisé en plusieurs champs et de cinq sections consultatives, les sections administratives, intérieures, finances, travaux publics, la section sociale et la section d'administration, plus une section du rapport et des études.
Donc ce sont les cinq sections administratives qui vont élaborer les avis sur les principaux projets de texte. Depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, une innovation importante a eu lieu pour permettre à un parlementaire auteur d'une proposition de loi, via le président de la chambre concernée, de saisir pour un avis le Conseil d'état. Cela a diversifié le rôle de l'institution qui devient aussi le conseiller du parlement.
A côté, on a un autre organe, le conseil économique, social et environnemental.
Le conseil économique, social et environnemental, CESE
Le CESE n'a pas l'importance du Conseil d'état. Cette instance de consultation est prévue par le titre 11 de la Constitution et vise à permettre la consultation de la société civile.
Actuellement, le CESE est composé de 175 membres dont les fonctions sont incompatibles avec l'exercice d'un mandat parlementaire. Il comprend autant de représentants des salariés que des entreprises et des professions libérales, que des représentants de la cohésion sociale et de territoire et de la vie associative, et des représentants d'associations de protection de l'environnement. C'est vraiment l'idée de représenter la société civile dans sa diversité.
Son rôle traditionnel, prévu par la Constitution, est de donner justement son avis sur les projets de loi ou d'ordonnances ou même de décrets qui lui sont soumis. Sa consultation s'effectue à la discrétion du gouvernement. Et l'avis du CESE n'est pas un avis juridique mais exprime davantage la sensibilité de ses membres, de la société civile, sur les sujets ouverts à discussion.
Avec la révision de 2008, le CESE organise aussi l'exercice d'un droit de pétition qui permet d'attirer l'attention du gouvernement sur certains sujets de société mais qui ne fonctionnent pas très bien.
La grande évolution du CESE correspond à une loi organique du 15 janvier 2021, qui change la nature de cette institution pour renforcer son rôle, notamment dans le rôle des consultations en faisant en sorte que lorsque plusieurs consultations sont organisées par les textes, la consultation du CESE réunisse l'ensemble des consultations.
Surtout, un élément qui est assez original dans cette réforme est relatif à l'organisation des conventions citoyennes. L'organisation de conventions citoyennes, qui est gérée par le CESE, correspond à une nouvelle forme de participation du public, c'est-à-dire une réunion de citoyens éclairée par des travaux d'experts qui sont chargés de débats de grandes politiques publiques. On a eu deux exemples de conventions citoyennes sur le climat et plus récemment sur la fin de vie. Après avoir débattu, ce groupe de citoyens est chargé d'élaborer des propositions au gouvernement.
Quelques éléments marquants dans l'organisation, d'abord la composition de cette instance de consultation, de ces conventions citoyennes, elle s'effectue par un vrai-faux tirage au sort de 150 citoyens, parce que d'abord il faut avoir accepté de participer au tirage au sort, ce qui s'effectue par démarchage téléphonique, mais on a de nombreux critères de désignation qui ont été faits pour rendre cette assemblée la plus représentative.
Il faut une certaine portion d'hommes et de femmes, une parité âge, niveau diplôme, de catégorie socioprofessionnelle, de handicap ou pas, c'est un tirage au sort mais en fait il faut vraiment cocher toutes les cases de la représentativité de la société française. Donc c'est pas un demi, c'est pas vraiment un tirage au sort, plus un tirage au sort tempéré.
On a une assemblée de citoyens qui est chapeautée par un comité de gouvernance qui est chargé de jeter un regard extérieur sur l'organisation du tirage au sort, sur les travaux, et puis un certain nombre d'intervenants éclairent les débats par leur expertise.
Ces conventions citoyennes rendent donc un rapport qui comprend de nombreuses propositions qui sont souvent formulées avec la majorité exprimée. Donc la majorité s'est plutôt exprimé pour à 75%, à 40%, ce n'est pas binaire comme rapport.
Et ce rapport comprend plusieurs propositions qui ont vocation à chaque fois à être reprises par le gouvernement, à la discrétion du gouvernement qui évidemment est libre de reprendre ou non, mais il est difficile d'organiser une convention citoyenne et de ne rien en retenir.
Après les administrations de gestion, les administrations consultatives, il y a les administrations de contrôle.
Les administrations de contrôle
Dans une administration de droit, le contrôle de l'action administrative s'impose notamment évidemment en ce qui concerne la régularité juridique de ces décisions. C'est le principe notamment de l'égalité qui impose que l'administration soit soumise au droit. Et on a des organes juridictionnels, notamment les tribunaux administratifs, les cours administratifs d'appel avec à leur tête le Conseil d'état, qui veillent à la légalité de l'action administrative.
Mais à côté de ce contrôle purement juridictionnel de l'activité administrative, la tradition administrative française accorde une large place au contrôle non juridictionnel de l'administration. Et des corps d'inspection ont été créés à cet effet, dont les missions ont été enrichies au fil du temps.
Inspection générale des finances (IGF), inspection générale de la police nationale (IGPN), inspection générale des affaires sociales (IGAS). Toutes ces grandes inspections sont assez connues, dans les médias on entend souvent parler du rapport de telle grande inspection, de contrôle mené par telle grande inspection.
En France il existe une grande variété de services d'inspection générale, au moins une vingtaine, il y a différentes façons de procéder au calcul mais au moins d'une vingtaine.
Traditionnellement, chacune de ces inspections constituait un grand corps où l'on pouvait y effectuer toute sa carrière, carrière souvent assez prestigieuse et par exemple le recrutement de l'inspection générale des finances s'effectuait à la sortie de l'ENA, c'est les premiers qui sortaient de l'école nationale d'administration, ceux qui étaient classés dans les premiers, ce qu'on appelle la botte à la fin du concours de sortie, qui pouvaient avoir vocation à intégrer l'IGF et y faire toute leur carrière.
Alors aujourd'hui les choses ont été substantiellement révisées.
D'abord l'ENA a été supprimée et remplacée par l'Institut National du Service Public, l'INSP, et on a eu une réforme générale de l'encadrement supérieur de l'État, qui a conduit à la suppression des corps d'inspection, ce qui fait que ce n'est plus au sein de l'administration un corps autonome où l'on pourrait y effectuer toute sa carrière, ce sont désormais de simples emplois auxquels on est affecté après avoir eu une expérience de terrain.
Donc on ne peut plus faire toute une carrière dans les corps d'inspection, maintenant il y a plus d'allers-retours et on n'est pas recruté directement à la sortie de l'INSP, donc le successeur de l'ENA, mais après une expérience sur le terrain.
Ces administrations d'inspection, ces grandes inspections, mènent des missions variées, missions qui se sont progressivement enrichies au fil des ans. Aujourd'hui on pourrait dire que les corps d'inspection, même si ce ne sont plus des corps, les grandes inspections exercent une quadruple mission, une mission de contrôle, une mission d'audit, de conseil et d'évaluation.
La fonction de contrôle des inspections générales est le fondement initial de leur mission, elle repose sur des investigations approfondies, le contrôle mené à posteriori. L'objectif d'un contrôle, c'est de déceler les erreurs de gestion et de confondre les fonctionnaires indélicats. C'est vraiment un contrôle au sens strict du terme, voir si les agents de l'administration ont suivi les procédures.
A côté de ces missions de contrôle, les inspecteurs effectuent aussi un travail d'audit et de conseil, qui est déjà plus valorisé, afin de vérifier que les résultats obtenus correspondent à l'objectif fixé. Donc là, ce n'est pas juste de suivre la régularité des décisions prises par les agents, mais de voir si dans la mise en œuvre des politiques publiques, les résultats recherchés ont été obtenus et conformes à l'objectif fixé, ce qui est déjà une mission un peu plus intéressante.
Et au-delà, on a effectivement la question de l'évaluation, qui est très intéressante, qui s'agit de voir dans quelle mesure telle politique publique a été mise en œuvre, est-ce qu'elle est performante, quels sont les moyens d'améliorer la politique publique en cause.
D'un contrôle vraiment axé sur la régularité d'un certain nombre d'opérations, on passe à l'audit et à l'évaluation des politiques publiques, qui font qu'en réalité, c'est une forme de remise à plat de l'action administrative, pour voir si celle-ci est pertinente, et ce qui permet de diversifier les missions de ces inspections générales.
Section 2 – La décentralisation fonctionnelle (ou horizontale) et la régulation
La décentralisation fonctionnelle se caractérise comme un procédé consistant à octroyer à certains services publics la qualité de personnes publiques, en associant parfois agents et usagers à la gestion de ceux-ci.
Elle répond d'abord à un souci d'efficacité. Il s'agit d'assurer une répartition aussi satisfaisante que possible des fonctions de l'administration. Le caractère décentralisateur de cette forme de décentralisation fonctionnelle est parfois discuté. Certains y voient une forme de déconcentration déguisée, avec une autonomie de gestion de façade, mais une tutelle suffisamment étroite pour permettre au pouvoir central d'imposer ses choix.
La catégorie juridique de base de la décentralisation fonctionnelle correspond à l'établissement public.
La définition traditionnelle de l'établissement public est celle d'un service public doté d'une personnalité juridique.
Les établissements publics sont nationaux quand la collectivité publique à laquelle ils sont rattachés est l'État, et les établissements publics sont locaux lorsque la collectivité publique de tutelle à laquelle ils sont rattachés est une collectivité territoriale.
On peut également se demander si la façon dont les activités de régulation sont organisées et prises en charge par des organismes spécifiques dédiés à cette tâche, et qu'on appelle les autorités administratives ou les autorités publiques indépendantes, ne correspond pas à la forme la plus poussée de décentralisation fonctionnelle.
En science politique, la notion de régulation sert à désigner les nouveaux visages de l'État. Il ne s'agit pas pour l'État de prendre directement en charge certaines fonctions, mais de jouer le rôle d'un arbitre extérieur chargé de maintenir l'équilibre dans l'exercice de certaines activités, en créant un cadre, qui permette l'exercice, par des personnes privées, de l'activité régulée, et de résoudre les tensions qui sont susceptibles de survenir au sein de ce cadre.
Il existe de nombreux acteurs de la régulation. Toute autorité administrative qui intervient sur un marché peut être considérée comme une autorité de régulation. Mais du point de vue des institutions administratives, l'originalité de cette mission tient au fait qu'elle est exercée par une catégorie organique bien particulière, celle des autorités administratives indépendantes, les A.A.I. ou celle des autorités publiques indépendantes, les A.P.I.
Les A.A.I. de façon générale désignent une catégorie propre d'institution administrative créée par le législateur et placée en dehors du cadre des structures administratives traditionnelles et notamment du pouvoir hiérarchique du gouvernement. En cela, elles peuvent être considérées comme de véritables acteurs de la décentralisation puisque des compétences leur sont confiées sans que l'État ne puisse contrôler leur mise en œuvre.
Après les avoir caractérisées davantage, il faudra s'intéresser à leur pouvoir.
Caractérisation
Pour parler avec pudeur, les autorités administratives indépendantes ont connu un développement marqué par l'empirisme. Mais il est malgré tout possible d'en dégager quelques traits.
Pour schématiser, deux grandes phases peuvent être observées. D'une part avant la réforme du 20 janvier 2007, d'autre part après la réforme du 20 janvier 2007.
Identification
Les A.A.I. ont dans le paysage français une origine qui est assez ancienne et peu glorieuse, puisque la doctrine estime que la première autorité administrative indépendante correspondrait à la commission de contrôle des banques qui avait été créée en 1941 sous le gouvernement de Vichy et qui était un instrument, un organe qui promouvait le corporatisme, c'est à dire le mode de relation au travail du gouvernement de Vichy.
Jusqu'aux années 70, ce mouvement est resté en sommeil. Ses structures n'ont pas connu de développement particulier.
L'expression A.A.I. donc autorité administrative indépendante est employée pour la première fois par le législateur avec la très importante loi informatique et liberté du 6 janvier 1979. Et le législateur qualifie comme telle la CNIL, la commission nationale informatique et liberté qui existe encore et qu'elle instituait. Donc la première véritable A.A.I. n'est pas en matière de régulation économique mais bien de protection des droits et des libertés.
Par la suite, on a assisté à un développement qu'on peut qualifier de foisonnant et en même temps de non rigoureux des A.A.I. Le législateur a également employé l'expression autorité publique indépendante.
À la différence des autorités administratives classiques qui relèvent de la personnalité morale de l'état, les A.P.I. sont dotées de leur propre personnalité morale et donc elles engagent en théorie leur propre responsabilité et disposent d'un patrimoine. Exemple d'A.P.I. : l'AMF, l'autorité des marchés financiers, l'agence française de lutte contre le dopage.
Finalement, les enjeux de droit entre A.A.I. et A.P.I. sont souvent à relativiser. L'autonomie et l'indépendance des autorités administratives indépendantes est telle qu'on peut les inclure dans la décentralisation même si les A.A.I. au sens strict sont dépourvus de personnalité morale.
À l'occasion d'un rapport fait en 2001 sur ce sujet, le Conseil d'état a distingué trois critères d'identification des A.A.I.
- elles sont toutes dotées du pouvoir de rendre des décisions individuelles ou réglementaires au nom de l'état.
- elles disposent à des degrés divers d'une véritable autonomie statutaire et fonctionnelle vis-à-vis du gouvernement.
- pour autant, malgré cette autonomie fonctionnelle et statutaire vis-à-vis du gouvernement et ce pouvoir de rendre des décisions individuelles, elles ne sont pas, pour autant, des juridictions dont les décisions seraient susceptibles d'un appel ou d'un recours en cassation.
La caractérisation
Il est possible quand même de dresser une forme de portrait général de ces A.A.I. On peut distinguer, mais c'est schématique évidemment et raccourci, deux grandes catégories d'A.A.I. : celles qui interviennent en matière de régulation économique et celles qui interviennent pour assurer la sauvegarde des droits et libertés du citoyen. Encore une fois, il s'agit de distinctions schématiques.
D'abord, les A.A.I. de régulation économique. Là encore, on peut à nouveau distinguer deux sous-catégories de tels A.A.I. à savoir celles qui ont un objet transversal général et celles qui ont un objet plus sectoriel.
On a effectivement une catégorie d'A.A.I. à objet transversal de régulation de l'économie. On en a trois grands exemples : l'autorité de la concurrence, l'autorité des marchés financiers et bien qu'elle ne soit plus qualifiée aujourd'hui d'A.A.I. mais initialement elle était comme telle, l'autorité de contrôle prudentiel et de résolution. Là, c'est l'idée de confier des pans sensibles de régulation de toute l'économie à une autorité indépendante.
On rencontre de façon plus fréquente, en tout cas elles sont plus nombreuses, des autorités administratives indépendantes à objet sectoriel. Ces A.A.I. ont accompagné l'ouverture à la concurrence d'anciens services publics qui auparavant étaient gérés sous forme monopolistique. Par exemple, la commission de régulation de l'énergie ou l'ARCEP, l'autorité de régulation des communications électroniques et des postes.
Il peut y avoir aussi des A.A.I. sectoriels mais qui ne sont pas forcément liés avec l'idée d'ouverture de la concurrence mais qui sont liés à la spécificité technique de l'objet surveillé et l'exemple typique c'est l'ASN, l'autorité de surveillance du nucléaire.
La pertinence du modèle des autorités administratives indépendantes a séduit dans ces domaines qui sont marqués par un double besoin qui est celui de la technicité du secteur en cause et de l'indépendance à l'égard de l'Etat pour garantir la mise en oeuvre de la concurrence et l'application parfois des règles de sécurité dans le cas du nucléaire.
Des A.A.I. ont aussi été développés en matière de droits et libertés, notamment pour contrôler l'activité tant de l'Etat que des personnes privées. Encore une fois, l'idée de passer par une A.A.I. est justifiée par des motifs d'indépendance et de technicité des missions exercées.
Le premier exemple d'A.A.I. en matière de droits et libertés c'est la CNIL, la Commission Nationale Informatique et Liberté qui avait été créée par la loi du même nom, Informatique et Liberté, en 1979. Autre exemple, l'ancien CSA, désormais devenu ARCOM, donc auparavant Conseil Supérieur de l'Audiovisuel, maintenant Autorité de Régulation de la Communication, dont l'objet est mixte, puisqu'il s'agit à la fois d'assurer la régulation économique du secteur audiovisuel et en même temps de garantir le pluralisme des courants de pensée et d'opinion. On peut également ranger dans cette catégorie, par exemple, le défenseur des droits, qui est une forme d'autorité administrative indépendante constitutionnellement reconnue depuis la révision du 23 juillet 2008 à son propre titre dans la constitution.
La réforme du 20 janvier 2017 et le statut des A.A.I.
On a une grande réforme du statut des autorités administratives indépendantes qui, malgré une tentative de redéfinition, n'a finalement pas changé grand chose à cette notion.
La redéfinition législative des autorités administratives indépendantes.
Cette multiplication, parfois pas très ordonnée des A.A.I., a donné lieu à d'importantes critiques et notamment des critiques qui ont émané de la part de certains parlementaires, qui avaient l'impression d'être dépossédés de leur prérogative en voyant des organismes de nature administrative pas véritablement contrôlés.
Cette critique lancinante contre les autorités administratives a abouti à une réforme du 20 janvier 2017, une loi organique et une loi ordinaire, qui engendre la création d'un statut des AAI et des API. Le législateur a d'ailleurs voulu dissiper le trouble qui existait auparavant sur la qualification d'AAI et qui relevait finalement de qualification jurisprudentielle lorsque le législateur n'était pas très précis.
Désormais, toute autorité administrative indépendante ou autorité publique indépendante est instituée par la loi, donc il ne peut y avoir d'AAI qu'instituée par le législateur. La loi fixe les règles relatives à la composition et aux attributions ainsi que les principes fondamentaux relatifs à l'organisation et au fonctionnement des AAI et des API. Elle fixe également les principaux éléments du statut des AAI en adressant une liste.
D'ailleurs, la Constitution de la liste prévue dans le cadre de cette réforme des AAI a donné lieu d'âpres discussions. Le secrétaire général du gouvernement avait par exemple recensé l'existence de 42 AAI, mais au final il n'y en a que 26 qui ont été retenus.
La notion d'AAI
Si l'existence d'un statut général et d'une énumération limitative des AAI et API constituent une innovation notable, la portée du changement ne doit pas être surestimée, le législateur ayant opté pour une démarche d'harmonisation autour du plus petit dénominateur commun, ce qui fait que d'une AAI à l'autre en termes de statut et d'organisation, il y a une grande diversité qui subsiste.
Tout d'abord, si on veut essayer de qualifier de façon générale les AAI, ce sont bien des autorités administratives, parce que leurs fonctions ne les rattachent ni à l'activité législative, ni à l'activité judiciaire. Elles procèdent bien de l'administration de l'État.
Ce ne sont donc pas des juridictions au regard du droit interne, même si le Conseil d'État, sous l'influence de la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l'Homme, estime qu'elles doivent, lorsqu'elles statuent en matière de sanctions, respecter des garanties minimales du droit à un procès équitable, on peut voir cela dans un arrêt Didier de 1999.
En outre, les AAI sont indépendantes. Mais cette indépendance s'apprécie par rapport au gouvernement, puisque, au contraire de ce qui se fait en matière de déconcentration par exemple, il n'existe pas de pouvoir hiérarchique du gouvernement à l'égard des AAI, bien que ce soit des administrations de l'État.
Et l'indépendance est notamment mise en oeuvre de façon plus concrète par la composition des AAI. Les règles de composition varient d'une AAI à l'autre. En général, elles sont composées de personnalités qualifiées du secteur en cause, ainsi que de magistrats et de membres du Conseil d'État, ou de la Cour des Comptes, et parfois des élus. Le mandat est d'une durée comprise généralement entre 3 à 6 ans, qui éventuellement peut être renouvelable une fois. En revanche, les personnes nommées au sein du collège d'une AAI sont irrévocables.
Généralement, les membres d'une AAI sont nommés par décision du Président de la République, ou du Président du Sénat et de l'Assemblée Nationale, après audition devant l'une des commissions prévues par l'article 13 de la Constitution.
Pouvoirs
Les AAI constituent le symbole de la modernité administrative. Il y a cette idée que la régulation est en dehors de la contrainte, que l'acte de régulation, c'est celui qui n'aurait pas d'effet impératif, dont la force de conviction, en raison du prestige de l'institution, serait suffisante à elle seule pour provoquer les effets voulus. Cela est évidemment trop exagéré.
Certainement, les AAI disposent d'un important pouvoir d'incitation, de suggestion. Mais il n'en demeure pas moins qu'elles procèdent également par la contrainte, et que c'est la possibilité d'employer leur prérogative de puissance publique qui fait d'elles de véritables autorités administratives.
Les AAI sont compétentes pour prendre de nombreux actes administratifs, et notamment des mesures individuelles traditionnelles, comme l'autorisation préalable par exemple. L'ARCOM, une de ses compétences les plus importantes, c'est l'autorisation pour une chaîne de télé d'émettre sur tel type de fréquence et donc de diffuser une émission.
On a deux catégories d'actes des AAI qui ont suscité des discussions plus particulières : le pouvoir réglementaire et le pouvoir de sanction.
Le pouvoir réglementaire des AAI
L'attribution d'un pouvoir réglementaire aux autorités administratives indépendantes, c'est-à-dire la faculté d'émettre des normes impersonnelles et générales, a soulevé des problèmes juridiques de légitimité notamment.
Comment admettre qu'un tel pouvoir normatif puisse être exercé par une autorité administrative, une autorité publique, échappant à tout contrôle public ou hiérarchique, sachant qu'au terme de la Constitution, normalement, si on prend les articles 21 et 20, le pouvoir réglementaire, l'exercice du pouvoir réglementaire, revient au seul Premier ministre sous réserve éventuellement des compétences du Président de la République ? Cette question délicate a notamment été réglée par la jurisprudence du Conseil Constitutionnel.
On peut citer par exemple la décision du 18 septembre 1986 ou la décision du 17 janvier 1989, qui admettent le principe d'une telle délégation de compétences que si celle-ci est de portée limitée, tant en termes de champ d'application que par son contenu, pour permettre à l'autorité de strictement mettre en œuvre les missions dont cette autorité est investie.
Le pouvoir de sanction des AAI
Les difficultés soulevées par l'attribution d'un pouvoir de sanction aux Aïe relèvent un petit peu du même angle que celle relative à l'attribution du pouvoir réglementaire, notamment s'agissant de leur légitimité.
La première difficulté juridique est la conformité de la répression, ce qu'on appelle la répression administrative, c'est-à-dire le fait que les sanctions soient infligées par une autorité administrative, donc c'est la conformité de la répression administrative au principe de séparation des pouvoirs. Dans la logique institutionnelle classique, il revient en effet au juge seul et singulièrement au juge pénal de sanctionner les atteintes aux droits.
Donc comment admettre que l'administration et singulièrement les autorités administratives puissent faire ça ? La réponse a encore été donnée par les deux jurisprudences du Conseil Constitutionnel, et notamment la décision du 17 janvier 1989, qui modifiait la loi relative à la liberté de communication.
Pour le Conseil Constitutionnel, une autorité administrative, même indépendante, peut tout à fait être dotée d'un pouvoir de sanction sans que cela ne porte atteinte à la séparation des pouvoirs, mais dans la limite nécessaire à l'accomplissement de ses missions :
- Première restriction, c'est que le pouvoir de sanction est envisageable dans la limite nécessaire à l'accomplissement des missions de l'autorité en question.
- Mais il y a un deuxième tempérament, c'est qu'il appartient aux législateurs d'assortir l'exercice de ces pouvoirs de mesures destinées à sauvegarder les droits et libertés constitutionnellement garantis.
Donc le Conseil Constitutionnel ne s'oppose pas à ce que les autorités administratives indépendantes exercent un pouvoir de sanction, mais à condition de respecter un certain nombre de standards en matière de droits et libertés.
Les pouvoirs d'incitation
La marque de fabrique des autorités administratives indépendantes est l'utilisation qu'elles font du droit souple, c'est-à-dire l'utilisation d'actes incitatifs sans porter strictement impératif qui en tant que tel ne modifie pas l'ordonnancement juridique.
Et le droit souple s'est beaucoup développé chez les AAI, ça fonctionne bien puisqu'on sait qu'elles sont très compétentes dans leur domaine et qu'en plus elles peuvent prendre des sanctions. Donc les acteurs sont prêts à se plier globalement aux actes ou aux conseils ou aux recommandations annoncées par ces autorités.
Pendant très longtemps, le Conseil d'État estimait qu'il n'avait pas à connaître de tels actes, mais par un arrêt notamment du 21 mars 2016, un arrêt Fairvesta, le Conseil d'État a estimé qu'il ne pouvait pas rester à côté de ce phénomène et a accepté, sous certaines conditions, de contrôler les actes de droit souple au regard de l'importance de leurs effets.
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