Chapitre III. Les administrations locales
L'expression « administrations locales » est particulièrement vague, parce qu'elle ne dit rien sur la nature de l'administration en question, si ce n'est qu'il ne s'agit pas d'une administration centrale ou nationale.
Le local, par définition, c'est tout ce qui n'est pas national, c'est-à-dire les territoires dont les limites géographiques sont strictement bornées au sein du territoire national. Pour le reste, les administrations locales ne sont pas synonymes de collectivités territoriales, il faut bien faire attention à ça.
L'État est bien évidemment présent partout sur le territoire. Et s'agissant des collectivités territoriales, le particularisme de l'Outre-mer suppose de les distinguer des collectivités métropolitaines.
Section 1 – L’État dans les territoires
"On n'administre bien que de près", la déconcentration répond à cette maxime, l'État ne peut pas tout diriger depuis Paris, il doit être présent évidemment sur l'ensemble du territoire. Et les autorités déconcentrées, qui pour mémoire n'ont pas de personnalité morale distincte de l'État, la préfecture n'a pas de personnalité morale, c'est l'État, demeurent hiérarchiquement subordonnées à une autorité supérieure.
Différents niveaux d'action de l'État sont constitués à travers le territoire au centre desquels apparaît la figure du préfet.
Les échelons de l'action locale.
Les cadres de l'action déconcentrée de l'État sont notamment énoncés par le décret du 7 mai 2015 portant charte de la déconcentration. Quatre principaux échelons sont à distinguer, la région, le département, l'arrondissement et la commune.
La circonscription régionale
Le cadre régional constitue un pivot de coordination de l'administration déconcentrée de l'État dans les territoires. Leur tracé a varié, et si les régions naissent dans les années 1960, elles ne deviennent des collectivités territoriales qu'avec l'acte 1 de la décentralisation en 1992.
Avec la loi du 16 janvier 2015, elles sont de façon assez drastique, assez brutale, passées de 22 à 13, ce qui a évidemment conduit à une réorganisation des préfectures de régions puisqu'il y a une préfecture de région par région : si on modifie la carte de région, on modifie la carte des préfectures.
La circonscription départementale
Le département constitue l'échelon de base de la déconcentration. Le décret du 7 mai 2015, c'est le fameux décret portant en charge de la déconcentration, le désigne plus précisément comme "l'échelon territorial de mise en œuvre des politiques nationales et de l'Union Européenne".
Le découpage de la France en département a été décidé à la fin de l'année 1789, au tout début de la révolution, et réalisé par un décret du 26 février 1790. Il n'a pas connu de grands bouleversements ce découpage en tant que tel, mais plutôt des adaptations.
Le chef lieu du département correspond aussi au siège de la préfecture et à celui du conseil départemental.
L'arrondissement
L'arrondissement, est une façon un peu désuète à nos oreilles, mais la subdivision des départements en arrondissement est en fait assez ancienne puisqu'elle remonte à une loi du 28 pluviôse an VIII, loi très importante du reste, qui correspond au 17 février 1800.
Cette circonscription a servi d'emblée à l'implantation des sous-préfectures, avec à leur tête un sous-préfet qui, initialement, était entouré d'un conseil, d'abord nommé puis ensuite élu. Malgré cela, cet échelon d'administration ne pourra pas s'imposer comme un véritable cadre de la décentralisation et donc il n'y aura pas de développement d'une personnalité morale autonome de l'arrondissement, et l'idée des conseils d'arrondissement ne va pas survivre à la seconde guerre mondiale.
Donc aujourd'hui l'arrondissement n'est plus qu'un simple échelon déconcentré, sans coïncidence avec le tracé d'une autre collectivité territoriale, comme c'est le cas pour la région, le département ou même la commune. Et les arrondissements correspondent au réseau des sous-préfectures, qui est d'ailleurs un réseau très ancien et qui pourrait parfois mériter d'être redessiné pour tenir compte de l'évolution des territoires.
La commune
La commune est un cas un peu particulier, puisqu'elle constitue la cellule de l'administration déconcentrée la plus proche du citoyen. Mais, bien que ce soit quand même une cellule de l'administration déconcentrée, l'État n'y dispose cependant pas d'un agent propre nommé par lui.
Il emprunte à la commune l'un de ses organes les plus importants, le maire, puisque le maire va cumuler deux casquettes, en cumulant finalement les fonctions de représentant de la commune, personne morale décentralisée, et pour lesquelles il a été élu, mais à côté de cette fonction de représentation de la commune personne morale décentralisée, le maire est aussi un agent de l'État, d'un échelon déconcentré.
Comme agent de l'État, le maire dispose d'attributions importantes en matière par exemple de types, de certifications, de polices, pour lesquelles il relève de l'autorité hiérarchique du préfet ou parfois du procureur de la République en matière de polices judiciaires.
L'autorité préfectorale
La figure de l'État dans l'ensemble des territoires, c'est bien le préfet. Attention, le préfet est une autorité administrative, pas une personne publique, une personne physique publique ça n'existe pas. Cette fonction est assurée au service de l'État.
Cette institution, le préfet, a été créée en même temps que le département par la loi du 28 pluviôse an VIII. Si initialement le préfet fut conçu comme l'instrument essentiel de l'administration de l'État dans le département, son rôle s'étendit au niveau régional avec l'instauration des préfets de région en 1964.
Les préfets de département et les préfets de région sont régi en grande partie par des dispositions communes, auxquelles s'ajoutent quelques dispositions spécifiques,
Dispositions communes ou générales
Les préfets de région, c'est important à souligner, sont eux-mêmes les préfets des départements où sont implantés les chefs-lieux de région.
Prenons la région Pays de la Loire, chef-lieu Nantes, à Nantes vous allez avoir le conseil régional des Pays de la Loire, mais aussi puisque Nantes est en Loire-Atlantique le conseil départemental de Loire-Atlantique et vous allez avoir une préfecture. Et le préfet de Nantes sera préfet du département Loire-Atlantique, mais également préfet de la région Pays de la Loire.
Le statut préfectoral
Pendant longtemps, on peut considérer que le préfet n'a pas eu de véritable statut, compte-tenu de sa dépendance étroite avec les autorités politiques.
Et il faut commencer à attendre les années 50 et surtout un décret de 1964 qui a souvent été modifié pour qu'un statut des préfets soit posé. Ce décret de 1964 a été partiellement abrogé par un décret plus récent du 6 avril 2022 relatif aux emplois de préfets et de sous-préfets.
Et ce décret fait suite à une réforme très importante portant sur l'encadrement supérieur de l'Etat, réforme portée par l'ordonnance du 2 juin 2021 et qui supprime la plupart des grands corps de l'Etat pour les fusionner dans une catégorie générale, celle d'administrateur de l'Etat. Donc le corps des préfets, c'est-à-dire un groupement de métiers dans lequel on exerce toute sa carrière, a été supprimé en tant que tel, mais la fonction, en revanche, l'emploi demeure.
Bien qu'ils aient une fonction interministériale, le préfet reposant sur tous les membres du gouvernement, les préfets restent régi par les services du ministère de l'Intérieur et pas paradoxalement par ceux du Premier ministre : c'est le ministre de l'Intérieur qui a un peu la main sur les préfets.
L'emploi de préfet demeure à la discrétion du gouvernement. Pour simplifier, on parle maintenant de postes à la décision du gouvernement dans le cadre des réformes de simplification administrative, ce qui est complètement idiot parce que tout acte pris par le gouvernement est à la décision du gouvernement, tandis que quand on fait référence à la discrétion du gouvernement, ça exprime bien le caractère discrétionnaire, c'est-à-dire le libre choix mené par le gouvernement.
Qu'est-ce que ça veut dire que les préfets sont à la discrétion ou à la décision du gouvernement ? Celaa signifie qu'ils sont librement nommables et révocables par le gouvernement. Un préfet qui fait des vagues, on peut le renvoyer du jour au lendemain.
Plus précisément, les préfets sont nommés en conseil des ministres, c'est-à-dire par le Président de la République, sur proposition du Premier ministre et du ministre de l'Intérieur. La durée maximale d'exercice continu des fonctions de préfet est fixée à neuf ans, quel que soit le nombre d'emplois occupés par cette période. On ne peut pas occuper pendant plus de neuf ans des fonctions de préfet même si ça tourne. Désormais, c'est assez récent, un comité consultatif est chargé de formuler un avis sur l'aptitude professionnelle des personnes susceptibles d'être nommées pour la première fois dans un emploi de préfet, alors qu'en France, c'est totalement à la discrétion du gouvernement.
Nouveauté instaurée par le décret du 6 avril 2022, au moins deux tiers des emplois de préfet doivent être occupés par des personnes justifiant de plus de cinq années de service dans des postes territoriaux d'encadrement supérieur au sein des services des concentrés d'État. Maintenant, on va nommer pour la première fois dans des postes de préfet des personnes qui ont connu une expérience d'administrateur territorial importante.
Les préfets ont une obligation de loyauté, si ce n'est de loyalisme, à l'égard du gouvernement servi. Et les garanties dont ils disposent sont d'ailleurs bien plus faibles que celles prévues pour tous les autres fonctionnaires.
Ils ont certes la garantie d'occuper un emploi dans la fonction publique et donc de percevoir une rémunération, mais pas forcément celle d'occuper un emploi de préfet et encore moins celle d'occuper un emploi en poste territorial. Point particulier, c'est que le dossier administratif des préfets peut comporter leur opinion politique, ce que ne permet évidemment pas le statut général de la fonction publique, mais garde cette obligation de loyauté particulière à l'égard du gouvernement, considère cela comme justifié.
Les fonctions préfectorales
Le préfet est le visage de l'État dans la circonscription administrative qu'il occupe et il a un rôle protocolaire, honorifique, très important. Le préfet assure une double représentation de l'État et du gouvernement ainsi qu'exprime l'article 72 de la constitution.
La constitution dispose que "le préfet est le représentant de chacun des membres du gouvernement" : c'est bien la fonction de représentation du gouvernement et il a la charge des intérêts nationaux. Ce qui prouve bien le côté représentation de l'État.
Au titre de sa fonction de représentant de l'État, les fonctions du préfet se décomposent parmi les trois sous-fonctions suivantes.
- D'abord, une fonction de symbolisation. Le préfet symbolise évidemment la permanence de l'État et généralement les préfectures ne sont pas des endroits trop moches, ça peut être des endroits un peu lourds mais en tout cas ils doivent être dans des bâtiments assez imposants. Le préfet incarne l'intérêt général et on doit assurer sa dignité.
- Le préfet exerce aussi des fonctions de régulation. Il dispose d'un pouvoir de contrôle des normes, notamment des normes produites par les collectivités territoriales dans le cadre du contrôle de l'égalité et il vérifie la régularité du fonctionnement et du financement des instances publiques ou privées qui utilisent des moyens de la puissance publique ou ont recours à des crédits publics.
- Enfin évidemment, le préfet dispose d'un important pouvoir de prescription. Le préfet dispose du pouvoir de prescription juridique. Il a la possibilité, c'est une autorité administrative, d'édicter unilatéralement des actes qui s'imposent aux administrés avec une force obligatoire. Par exemple, on va parler d'un arrêté préfectoral réglementant l'exercice de la pêche en eau douce ou les arrêtés fixant les dates d'ouverture et de fermeture de la chasse dans le département ou venant régir tel point de la circulation au niveau départemental, c'est très très varié.
Au titre de sa fonction de représentation du gouvernement, le préfet décide au nom de l'État en lieu et place du gouvernement, justement pour le compte du gouvernement. Donc il y a vraiment une fonction très importante à cet égard.
Juridiquement, cette fonction de représentation repose sur la notion de délégation, confiée par le gouvernement à son délégué, le préfet, et cette représentation correspond à la mise en œuvre des politiques voulues par la nation. Cette délégation confiée au préfet est de nature interministérielle, il s'agit de conduire toutes les politiques nationales et dirige l'action des services de l'État dans sa circonscription.
Dispositions particulières
L'échelon par excellence en matière de déconcentration, c'est le département. Il faut savoir que le préfet de région étant aussi un préfet de département, les dispositions spécifiques au préfet de département s'appliquent aussi au préfet de région en tant que préfet de région est également un préfet de département.
Les dispositions spécifiques au préfet de région
Les attributions des préfets de département sont très étendues, car depuis sa création cette circonscription est le cadre normalement utilisé pour les interventions des services de l'État. La charte de la déconcentration n'a pas remis en cause cette vocation.
Il s'ensuit que le préfet apparaît comme le dépositaire privilégié de l'autorité de l'État. Il est cependant placé sous l'autorité du préfet de région qui peut décider d'évoquer lui-même certains dossiers.
Dans ce cadre, le préfet de département met en œuvre les politiques nationales et communautaires. Le préfet de département assure le contrôle administratif du département, des communes, des établissements publics locaux et des établissements publics interdépartementaux qui ont leur siège dans le département.
Il veille à l'exercice régulier de leurs compétences par les autorités du département et des communes : c'est du contrôle de légalité qui est très important.
Le préfet de département a la charge de l'ordre public et de la sécurité des personnes et des populations. Il dispose à cette fin d'un pouvoir de police administrative générale dans sa circonscription qui est très important.
Les dispositions spécifiques au préfet
La région a été consacrée comme un niveau de pilotage des politiques publiques nationales et communautaires. Un niveau de pilotage, donc pas un niveau d'exécution, un niveau de conception plutôt, alors que le département, lui, c'est la mise en œuvre de ses politiques publiques.
Une relation nouvelle entre le préfet de région et le préfet de département en a découlé. Le préfet de région est responsable de l'exécution des politiques de l'État dans la région. Il assure le contrôle administratif de la région en tant que collectivité territoriale.
Le préfet de département assure le contrôle administratif du département en tant que collectivité territoriale. C'est la même chose pour le préfet de région, il va contrôler l'égalité des actes, exercer le contrôle de légalité, c'est-à-dire faire l'usage de son déferré s'il estime qu'un acte produit par la région est illégal, de la région, de ses établissements publics et de tous les établissements publics qui ont siège dans la région et qui ont une vocation régionale.
Le préfet de région s'efforce de concilier la politique nationale de développement économique et sociale avec celle de la région en négociant des actes qui sont très importants du point de vue symbolique, ce qu'on appelle les contrats de plan État-Région qui ont pour objet de fixer la répartition des financements entre l'État, la région et d'autres collectivités en matière de développement économique.
Enfin, le préfet de région peut se saisir de dossiers relevant normalement des préfectures de départements dès lors qu'il estime nécessaire pour garantir la coordination à l'échelle régionale. Donc il peut évoquer des dossiers qui normalement devraient relever d'un département.
Le préfet de département conserve toutefois une compétence générale et exclusive dans certains domaines pour lesquels le préfet de région ne peut intervenir, notamment en matière d'ordre public, de sécurité et de droit des étrangers.
À l'échelle déconcentrée, il existe des administrations de la déconcentration qui ne sont pas soumises à l'autorité hiérarchique du préfet mais à d'autres autorités, notamment en matière d'éducation nationale. On a les académies et les rectorats, avec à leur tête un rectorat, donc on a un découpage par académie avec à leur tête un rectorat.
En matière de santé, on a les ARS, qui sont les agences régionales de santé sur lesquelles les préfets ont un rôle limité. La plupart des administrations déconcentrées sont sous la conduite d'un préfet, mais il existe certaines administrations déconcentrées qui ne relèvent pas du préfet.
Section 2 – La décentralisation territoriale (ou verticale)
Pour mémoire, la décentralisation territoriale désigne le transfert de compétences de l'État vers une collectivité territoriale laquelle est dotée de sa propre personnalité morale.
Les collectivités territoriales font l'objet du titre XII de la Constitution auquel s'ajoute la Nouvelle-Calédonie qui fait l'objet d'un titre XIII. Les rapports entre l'État et les collectivités territoriales sont marqués par une vive tension qui s'exprime par l'opposition entre grands principes constitutionnels opposés de prime abord.
D'un côté l'unité de l'État avec l'indivisibilité de la République et de l'autre côté la libre administration des collectivités territoriales et la promotion des libertés locales. Cette tension a progressivement façonné l'organisation des collectivités territoriales métropolitaines.
Les rapports des collectivités territoriales de l'État sont régis par le principe de libre administration des collectivités territoriales qui est énoncé aux articles 34 et 72 de la Constitution. Ce principe de LACT dispose de deux composantes à la fois matérielles et formelles.
D'un point de vue matériel, il résulte de cette liberté que les collectivités territoriales impliquent l'existence d'un Conseil élu doté d'attributions effectives.
D'un point de vue formel, la Constitution fixe une règle de répartition des compétences entre la loi et le règlement. En effet, il appartient aux législateurs de déterminer les principes fondamentaux de la LACT, de leurs compétences et de leurs ressources, notamment l'article 34 aligné à 13 de la Constitution.
Ce principe de libre administration des collectivités territoriales conduit à l'instauration d'une véritable démocratie locale et à la constitution d'un pouvoir local doté de compétences élargies.
Les collectivités territoriales métropolitaines
L'instauration d'une démocratie locale
La Constitution reconnaît l'importance de la démocratie locale en précisant que les collectivités territoriales s'administrent librement par des conseils élus, au-delà de l'élection, les citoyens locaux peuvent être consultés sur divers sujets.
La désignation des organes
Qu'il s'agisse de la commune, du département ou de la région, la physionomie des collectivités territoriales est toujours la même, avec l'élection directe d'une assemblée délibérante et l'élection indirecte d'un organe exécutif, le maire, le président, le conseil départemental.
Toute personne française de 18 ans révolu est éligible à un mandat local à condition d'être inscrit au rôle des contributions directes, c'est-à-dire à condition de payer des impôts dans l'échelon territorial concerné. Les ressortissants européens peuvent parfois être éligibles aux assemblées locales.
Il y a toutefois certaines incompatibilités qui empêchent de se présenter à des élections locales et qui visent toutes, pour simplifier, des fonctions sensibles à l'échelle locale comme le préfet, les magistrats, les policiers ou aussi les agents supérieurs des collectivités territoriales en question.
Un préfet ne peut pas se porter candidat à une élection dans le cadre de la circonscription qu'il administre, le directeur général des services d'une commune ne peut pas convoiter la place du maire. Il y a une incompatibilité.
Elections
Tant pour la commune, le département ou la région, les mandats sont de 6 ans et le renouvellement de l'organe délibérant est intégral.
Au sein de la commune, l'assemblée délibérante est le conseil municipal. Le nombre de conseillers municipaux varie en fonction de la taille de la commune. Il y a un minimum de 7 conseillers pour les communes de 100 habitants, un maximum de 69 pour les communes de plus de 300 000 habitants. 7 conseillers municipaux à trouver dans les petites communes de moins de 100 habitants qui sont quand même importantes, ce n'est pas si évident que ça. C'est à l'origine de véritables difficultés.
Le mode de scrutin pour les élections communales varie selon que la commune a plus ou moins 1000 habitants. Pour les communes de moins de 1000 habitants, il s'agit d'un scrutin majoritaire à deux tours pour simplifier. On élit donc directement les personnes qui vont devoir siéger au conseil municipal. On peut choisir telle ou telle personne, on peut choisir tout un groupe ou telle candidature individuelle.
En revanche, pour les communes de moins de 1000 habitants, c'est un scrutin de liste. On ne vote plus pour certains individus, mais on vote pour une liste particulière comportant autant de candidats que de sièges à pouvoir. Peuvent accéder au second tour les listes ayant obtenu au moins 10% du suffrage des votes exprimés.
Le scrutin des municipales est un scrutin mixte parce que la répartition des sièges mêle aspect proportionnel et majoritaire. La liste obtenant le plus de voix dispose d'un nombre de sièges égal à la moitié du nombre de sièges à pouvoir. D'emblée, c'est le côté majoritaire de l'élection municipale, la liste qui obtient le plus de voix est assurée d'avoir la majorité des sièges au conseil municipal. Les autres sièges restant à répartir le sont dans le cadre de la représentation proportionnelle, réparties à la proportionnelle entre les différentes listes qui ont proposé des candidats.
Pour le département, il s'agit de l'élection au conseil départemental, avant on appelait ça au conseil général. Le département est divisé géographiquement en cantons et les électeurs de chaque canton élisent au conseil départemental deux membres de sexe différents, on élit un binôme homme-femme en fonction de sa circonscription interne au département. C'est ce qu'on appelle un scrutin majoritaire binominal puisqu'il y a deux personnes à deux tours, chaque binôme doit obtenir au moins 12,5% des voix pour se présenter au second tour. Au second tour, l'élection a lieu à la majorité relative quel que soit le nombre de binômes encore en liste.
Les conseillers régionaux pour leur part sont élus par un scrutin mixte de listes à deux tours, donc un peu comme pour les municipales, la liste qui obtient le plus de voix obtient cette fois-ci un quart du nombre de sièges, ça c'est différent des municipales, un quart, le seuil est un peu plus bas, et les autres sièges sont répartis entre toutes les listes ayant obtenu plus de 5% à la représentation professionnelle.
Désignation des exécutifs locaux
Les organes dirigeants d'une collectivité territoriale, les exécutifs locaux, ne sont pas, contrairement d'ailleurs à ce qu'on peut croire parfois, directement élus par les populations locales mais choisis en leur sein par les assemblées locales au scrutin majoritaire.
Dans le cas des municipales, on voit untel qui se présente pour être maire, ou dans les élections locales untel qui veut être président du département ou de la région, mais en réalité ce ne sont pas les citoyens qui élisent directement le maire, le président du conseil départemental ou régional, mais bien l'assemblée délibérante qui, elle, a été désignée par les citoyens.
Le maire et ses adjoints sont élus pour six ans par le conseil municipal. Le président du conseil départemental est élu lui aussi pour six ans par l'assemblée départementale. Il est élu par l'assemblée départementale lors de la réunion qui suit de droit chaque renouvellement général de cette assemblée et il est élu à la majorité absolue des membres de l'assemblée.
Il est assisté donc par des membres d'une commission permanente composée de vice-présidents qui reçoivent un certain nombre de délégations.
Comme dans le cas du département, les instances de direction au niveau régional comprennent le président du conseil régional et une commission permanente qui est composée, outre le président, de plusieurs vice-présidents et éventuellement d'autres membres qui ont une autre qualité. Le président est élu à la majorité absolue des membres du conseil régional pour une durée de six ans.
Depuis une loi du 14 février 2014, une incompatibilité a été créée entre le cumul de fonctions parlementaires avec l'exercice de fonctions exécutives locales, ce qu'on appelle la prohibition du cumul des mandats, loi qui avait été faite pour forcer les députés et les sénateurs à choisir, à choisir soit entre leur mandat local ou leur mandat national et à se consacrer pleinement à l'un ou à l'autre de leur mandat.
Les critiques de cette réforme estiment qu'elle accentue la supposée déconnexion des membres du parlement, sans qu'on sache exactement à quoi correspond cette déconnexion.
En tout cas, ce qui est sûr, c'est que la prohibition du cumul des mandats, qui fait qu'on ne peut pas combiner les fonctions parlementaires avec celles de chef d'un exécutif local, tend à affaiblir le poids politique des parlementaires, puisque avant certains parlementaires qui cumulaient différentes fonctions de maires, de présidents de conseil d'agglomération ou départemental au général, plus de députés ou de sénateurs, ils avaient un poids politique beaucoup plus important, puisqu'au-delà de leur mandat national, ils avaient des mandats locaux très importants, et c'est ce qu'on appelait des baronnies, c'est-à-dire un allié local très implanté et qui dispose également d'un mandat national.
La participation et la consultation du public
Il faut être quand même assez réaliste, en dehors des périodes électorales, la participation des citoyens aux affaires locales est assez souvent très médiocre. Il y a bien des dispositifs de participation des citoyens à la vie locale qui ont été instaurés, mais ils connaissent un succès relatif.
D'abord, paradoxalement, certains instruments de consultation des populations locales sont à l'initiative des autorités nationales. On en trouve la trace, notamment, aux articles 53 ou 72-1 de la Constitution. L'article 53 de la Constitution évoque les traités qui modifient le territoire national. Et dans ces cas-là, de tels traités ne peuvent être conclus sans l'accord des populations intéressées.
Et c'est une disposition, celle de l'article 53 de la Constitution, qui a notamment servi dans le cas des décolonisations, pour purger un peu les restes de colonisation. Lorsqu'il est envisagé de créer une collectivité territoriale dotée d'un statut particulier ou de modifier son organisation, l'article 72-1 de la Constitution prévoit d'organiser une consultation des électeurs dans les collectivités intéressées.
La modification des limites des collectivités territoriales peut également, mais ce n'est pas obligatoire, donner lieu à une consultation des électeurs dans les conditions prévues par l'article 72-1 de la Constitution.
À remarquer, et ça a été quand même beaucoup souligné, que la loi, c'était sous François Hollande, du 16 janvier 2005, relative à la délimitation des régions, n'a fait l'objet d'aucune consultation. Ça a été vraiment une espèce de gribouille entre classiques régionaux, les grands barons justement, qui avaient leurs attaches politiques du moment, avec le président de la République, et ceux qui n'étaient pas du même bord politique, qui ont été un peu victimes de ces redécoupages, et donc les populations intéressées n'ont pas du tout été consultées dans le cadre de ces découpages.
On peut avoir aussi des consultations des populations d'outre-mer, concernant l'évolution de leur statut, fixées, ces consultations, par l'article 72-4 de la Constitution.
A côté des instruments à l'initiative des autorités nationales, on a des instruments à l'initiative des autorités locales, on a deux instruments, notamment, qui sont intéressants à souligner.
D'abord, la question du référendum local, qui est permise par l'article 72-1 de la Constitution. Ce référendum d'initiative locale est assez complexe et structuré à mettre en oeuvre, il ne peut porter que sur des questions limitées en lien avec les compétences de la collectivité qui initiait ce référendum. Et en principe, le résultat du référendum a une valeur décisionnelle.
Et puis, on a une autre technique de consultation qui est organisée directement par le CGCT, le Code Général des Collectivités Territoriales, et l'idée, c'est d'instaurer au profit des citoyens locaux, une forme de droit de pétition, pour permettre aux électeurs locaux de faire des consultations et de faire des découpements, de faire des consultations pour permettre aux électeurs locaux d'une commune de demander à son assemblée délibérante d'organiser une consultation sur toute affaire relevant de cette assemblée.
Si la demande émane d'au moins un cinquième des électeurs inscrits, ce qui est énorme comme seuil, l'assemblée a l'obligation d'en discuter, mais elle est libre d'accepter ou de refuser la proposition d'organiser la consultation, consultation qui n'est pas décisive. Donc ça c'est un peu une usine à gaz, particulièrement, étroitement limitée.
L'organisation du pouvoir local
Les collectivités territoriales exercent différentes attributions qui ont progressivement été étendues par les lois de la décentralisation. Sans dénier l'importance des assemblées locales, il faut quand même reconnaître que ces compétences sont quand même surtout exercées ou dirigées par les exécutifs locaux.
Les compétences des collectivités territoriales
La collectivité territoriale exerce deux types de compétences. Des compétences générales pour les affaires d'intérêt local et des compétences d'attribution spécifiquement édictées par les textes.
Pour la commune, c'est prévu directement par le Code général des collectivités territoriales, celle-ci exerce une forme de compétence générale sur toutes les affaires d'intérêt strictement local comme l'exprime l'article L21-29 du CGCT, le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune, toutes les affaires de la commune, le conseil municipal a vocation à les régler.
Ce principe a une vocation double, en interne il permet de distinguer la compétence de principe de l'organe délibérant, c'est bien le conseil municipal, et les compétences d'attribution de l'organe exécutif. Et il permet aussi de protéger les communes contre d'éventuels autres empiétements de la part de l'Etat ou d'autres collectivités territoriales.
Évidemment tout l'enjeu dans le cadre de la mise en oeuvre de ces dispositions porte sur la définition des contours de la notion d'affaires locales, si vous interprétez strictement la notion d'affaires locales, les compétences de la commune vont être réduites, tandis que si vous l'interprétez largement, les compétences vont être plus grandes, et sur cette question la jurisprudence du conseil d'Etat a évolué.
On a aussi toute une liste de compétences d'attribution qui doivent être exercées par la commune, par exemple en matière de petite enfance, de ramassage des ordures ménagères, etc, bref, d'urbanisme évidemment, c'est une compétence importante, la rédaction des plans d'urbanisme, ou le fait d'autoriser les familles de construire, des compétences qui sont spécifiquement attribuées par les textes à côté de la compétence générale aux communes et qui peuvent être parfois très importantes.
Pour le département, et d'ailleurs comme pour la région, il n'est d'ailleurs plus possible de parler de clauses de compétences générales, il n'y a pas de dispositif semblable à l'article L21-29 du CGCT qui vaut que pour les communes, donc on n'a pas d'équivalent de cette clause de compétences générales, ce qui signifie que le département comme la région vocation à être des organes davantage spécialisés, et leurs compétences sont fixées par les textes, par le CGCT, s'agissant du département, donc il ne dispose que d'une compétence d'attribution, mais cette compétence d'attribution est quand même très large.
Les textes, les prérogatives fixées par le département sont quand même importantes. Pour donner quelques exemples, il est compétent notamment en matière d'action sociale, de santé, d'aide sociale à l'enfance, ce qu'on appelle l'ASE, il est compétent en matière d'enseignement, il prend en charge les collèges, tandis que les communes prennent en charge les écoles et les régions, les lycées, et puis il a une importante compétence en matière d'aide au développement économique.
Pour la région, là encore, on est sur des compétences d'attribution, pour autant la région est plutôt considérée comme une instance de réflexion, une instance d'impulsion, en complément des interventions de l'Etat ou des collectivités territoriales. Souvent, quand on voit un ouvrage public, on voit les financements, cet ouvrage a été financé à hauteur de 20% par la commune, 40% par la région et 40% par l'Etat par exemple. La région intervient en support.
En matière d'enseignement, elle a la responsabilité, de la construction de l'équipement et de l'entretien des lycées, et ça c'est un point qui est très important de la formation professionnelle et de l'apprentissage.
La répartition interne des compétences
Cette répartition interne des compétences aux collectivités territoriales, entre l'organe exécutif et l'organe délibérant, est beaucoup plus proche du modèle présidentiel que du modèle parlementaire, parce que, de façon générale, l'organe exécutif, typiquement le maire, n'est pas responsable devant l'Assemblée délibérante, devant l'organe "législatif".
Ce qui fait que le conseil municipal ne peut pas renverser de lui-même le maire. On est plutôt dans le cadre d'un système de présidentialisme fondé sur une séparation des pouvoirs assez stricte, mais avec une prééminence de l'exécutif.
Et ce qui pose problème, si on prend un exemple d'actualité un peu scabreux récent, le maire de Saint-Etienne, qui est poursuivi dans une affaire de chantage et d'extorsion, de chantage à la sextape à l'encontre d'un de ses adjoints, le conseil municipal s'est très largement prononcé pour sa démission, mais il refuse de démissionner.
Les collectivités ultramarines
A côté des collectivités territoriales métropolitaines, les collectivités territoriales d'outre-mer présentent d'importantes spécificités qui sont plus ou moins développées.
Trois catégories de collectivités sont à distinguer : les DROMs, les départements et régions d'outre-mer, régis par l'article 73 de la Constitution, les collectivités à statut propre, régis par l'article 74 de la Constitution et la Nouvelle-Calédonie, qui dispose de son propre titre, le titre 13, dans la Constitution, auxquels des développements plus importants doivent être consacrés.
Les DROMs, donc l'article 73 de la Constitution, correspondent à la Guadeloupe, la Guyane, la Réunion et Mayotte. Ces collectivités relèvent du droit commun des collectivités territoriales sous quelques réserves.
D'une part, elles constituent à la fois, pour certaines d'entre elles, un département et une région. Mais pour certaines d'entre elles, notamment la Guyane, Martinique et Mayotte, les compétences du département et de la région ont été fusionnées au sein des mêmes organes. Pour les autres, notamment pour la Guadeloupe, on a toujours un conseil départemental et un conseil régional qui forment des entités distinctes.
D'autre part, les lois et les règlements nationaux peuvent faire l'objet d'adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités. Depuis la révision du 28 mars 2003, une forme de pouvoir normatif autonome leur est reconnue. Ces collectivités peuvent, selon le cas, être habilitées par la loi ou par le règlement à fixer elles-mêmes les règles applicables sur le territoire dans un nombre limité de matières pouvant relever du domaine de la loi.
Les collectivités à statut particulier relèvent de l'article 74 de la Constitution. On y trouve la Polynésie française, qui est la plus importante et la plus développée en termes de particularisme, Wallis et Futuna, Saint-Pierre et Miquelon, Saint-Martin et Saint-Barthélémy. Ces collectivités disposent chacune d'un statut propre fixé par une loi organique qui tient compte de leurs intérêts propres au sein de la République.
Ce statut peut ainsi être à la fois très différent de celui des collectivités territoriales métropolitaines, mais en même temps différent d'une collectivité à l'autre. L'exemple le plus original est celui du statut de la Polynésie française, qui est fixé par une loi organique du 27 février 2004, qui dispose que les autorités de la Polynésie française sont compétentes dans toutes les matières qui ne sont pas dévolues à l'État. Donc la compétence de principe revient à la Polynésie française, et l'État ne reste compétent que dans les domaines suivants : nationalité, droit civique, droit électoral, État, capacité des personnes, justice et garantie des libertés publiques, politique étrangère, défense, sécurité et ordre public.
On a la création dans le cadre de la Polynésie française d'un véritable organe législatif, à savoir l'Assemblée de la Polynésie française. Toutes les matières qui sont de la compétence de la Polynésie française relèvent de l'Assemblée de la Polynésie française. Et les actes pris par l'Assemblée de la Polynésie française, c'est ce qu'on appelle les lois du pays, sur lesquelles le Conseil d'État exerce un contrôle juridictionnel spécifique.
Du point de vue institutionnel et politique, le cas le plus intéressant, mais aussi le plus délicat, est celui de la Nouvelle-Calédonie qui fait l'objet de dispositions constitutionnelles spécifiques dans le cadre du titre XIII de la Constitution. Les rapports de la Nouvelle-Calédonie à la République sont marqués par une tension consubstantielle entre aspiration à l'émancipation et appartenance adaptée à la France. Ils sont à apprécier dans le cadre du long processus qui vise à l'autodétermination de cette île.
Il faut bien comprendre que dans le cas de la Nouvelle-Calédonie, on a deux questions de légitimité qui se font face. D'un côté, une légitimation historique, celle des peuples premiers qui peuplaient la Nouvelle-Calédonie, et de l'autre, une légitimité plutôt démocratique qui est la loi du plus grand nombre, avec un conflit entre ces deux légitimités qui évidemment ne coïncident pas.
La question est d'un point plus aigu que ce sont déroulées trois consultations relatives à l'autodétermination de la Nouvelle-Calédonie, consultations prévues dans le cadre de l'accord de Nouméa qui a été conclu le 5 mai 1998. Ces trois consultations ont donné lieu à chaque fois à des résultats négatifs.
- Première consultation du 4 novembre 2018, non à l'indépendance à 56,67% des voix.
- Deuxième consultation 24 juin 2020, non à l'indépendance à 53,26% des voix.
- Et troisième consultation 12 décembre 2021, non à 96,5%.
Comment expliquer ce non à 96% ? En raison du boycott des élections par les indépendantistes Kanak qui étaient opposés au gouvernement sur la question de la date. Ils auraient préféré que cette date soit postérieure aux élections présidentielles et non pas antérieure aux élections présidentielles, ce qui, du coup, n'a pas amélioré les rapports entre les indépendantistes Kanak et l'État.
Quelle est la situation de la Nouvelle Calédonie ? Elle est complexe puisqu'on est face à un régime transitoire pensé pour mener à une autodétermination qui a avorté. Donc la Nouvelle Calédonie constitue une collectivité à émanciper mais dont le statut n'est toujours pas déterminé.
Une collectivité à émanciper
Et pour comprendre finalement cette émancipation, il faut bien revenir sur l'exercice d'un processus de décolonisation.
L’exercice d’un processus de décolonisation
Au cours des années 1980, de très vives tensions opposent les partisans de l'indépendance de la Nouvelle Calédonie, pour l'essentiel des Kanaks, c'est-à-dire le peuple antérieur à la colonisation, aux partisans loyalistes qu'on appelle parfois les caldoches et qui soutiennent le maintien de la Nouvelle Calédonie au sein de la France.
Il faut savoir que les Kanaks étaient pendant très longtemps majoritaires au sein de leur île. Mais ils sont devenus minoritaires du fait de vagues d'immigration successives liées notamment au boom économique qu'a connu l'île à partir des années 60, boom économique qui était lié à la production de nickel. Donc les Kanaks majoritaires sont devenus minoritaires suite de cette immigration économique.
Le paroxysme des violences a été atteint avec le triste épisode de la grotte d'Ouvea en 1988, dans lequel 26 gendarmes ont été pris en otage par les Kanaks et qui s'est soldé par un bilan extrêmement lourd. Donc pour atténuer ces violences, il y a eu la nécessité de prévoir l'organisation de scrutins sur l'accession à la pleine souveraineté.
Pour dénouer la tension à cause de l'épisode de la grotte d'Ouvea, il y a eu un accord entre les différents partis qui a donné lieu aux accords de Matignon. Les accords de Matignon concluent le 26 juin 1988 et approuvés par une loi référendaire prise au titre de l'article 11 de la constitution, prévoient un scrutin d'autodétermination entre le 1er mars et le 31 décembre 1998 qui n'a jamais eu lieu, parce que dans le cas des négociations qui ont eu lieu, les Kanaks ne s'estimaient pas prêts à participer à de telles opérations qu'ils étaient sûrs de perdre.
Donc un nouveau processus a pris le relais. C'est un processus qui est marqué par les accords de Nouméa qui ont été conclus en 1998. Ces accords de Nouméa prolongent finalement le processus transitoire mis en place et prévoient au bout d'un certain nombre d'années une suite de consultations en vue de l'autodétermination.
On va organiser une première consultation vers l'autodétermination, si le résultat est contre cette autodétermination il y aura ensuite à la demande du congrès de Nouvelle-Calédonie une seconde consultation et si le résultat est encore négatif il pourra y avoir à la suite de cette deuxième consultation et toujours à la demande du congrès de Nouvelle-Calédonie une troisième consultation. La base de cet accord repose sur la reconnaissance de deux types de légitimité.
L'accord de Nouméa a été conclu entre les deux légitimités de la Nouvelle-Calédonie, c'est à dire la légitimité historique kanak qui sont dans le cadre d'un processus de décolonisation et la légitimité démocratique, c'est à dire pour simplifier la loi de la majorité.
Or la difficulté de conduire un tel processus qui oppose finalement un peuple interne à la Nouvelle-Calédonie à un peuple majoritaire du point de vue démocratique explique la difficulté d'inscrire cet accord dans le contexte français de l'état unitaire dont la conception juridique est complètement étrangère à la reconnaissance de communautés ethno-culturelles et étranger à l'idée d'accorder des droits spécifiques à des peuples déterminés.
Au contraire, notre droit est fondé sur le principe d'égalité d'où la nécessité de passer par un processus constitutionnel pour créer un processus tout à fait adapté à la Nouvelle-Calédonie : c'est la constitutionnalisation du processus de décolonisation.
La constitutionnalisation du processus de décolonisation
Ce que prévoit l'accord de Nouméa, et qui a été repris dans le cadre de la révision constitutionnelle qui a permis de valider dans la constitution l'accord de Nouméa, c'est que ne peuvent participer d'une part à certaines élections locales et d'autre part aux consultations sur l'indépendance de la Nouvelle-Calédonie que les électeurs membres d'une liste spéciale qui se distingue de la liste électorale générale pour les élections nationales. Pour figurer sur cette liste spéciale il y a toute une série de conditions qui sont prévues et qui favorisent pour simplifier les personnes qui peuvent témoigner d'une présence ancienne en Nouvelle-Calédonie. Ce qui fait que le champ de la liste spéciale est beaucoup plus réduit que le champ de la liste générale et cette liste spéciale elle a été faite pour favoriser les populations Kanaks.
Donc tout ce processus issu des accords de Nouméa a été validé dans le cadre de la loi constitutionnelle du 20 juillet 1998 relative à la Nouvelle-Calédonie et à l'origine de notre titre XIII. Le Conseil constitutionnel a d'ailleurs rendu une décision sur la loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie et le Conseil d'état a pu se prononcer aussi sur ce processus constitutionnel par son célèbre arrêt que les administrativistes connaissent bien, l'arrêt du 30 octobre 1998 Sarran et Levacher.
Sarran et Levacher est un arrêt porté sur un recours en annulation contre le décret organisant les élections qui étaient prévues par la constitution dans le cadre de la mise en oeuvre des accords de Nouméa. Les requérants se prévalaient évidemment de l'atteinte au principe d'égalité telle qu'elle était reconnue notamment au delà de la Constitution par un certain nombre de traités et accords internationaux, puisque la Constitution de ces listes spéciales excluait d'un certain nombre d'élections toute une partie de la population.
Et à cette occasion le Conseil d'état estime qu'est inopérant les moyens tirés de la violation d'accords ou de conventions internationaux puisque, finalement, l'accord de Nouméa et sa mise en oeuvre concrète résultent de la loi constitutionnelle de 1998 et le Conseil d'état nous dit que la suprématie conférée aux engagements internationaux par l'article 55 de la Constitution ne s'applique pas dans l'ordre interne aux dispositions de nature constitutionnelle.
Donc primauté de la Constitution qui implique cette dérogation au caractère unitaire de l'état en reconnaissant finalement une légitimité particulière propre qui est celle de la légitimité des Kanaks qui est distincte de la légitimité démocratique traditionnelle.
Une collectivité à déterminer
Une collectivité actuellement indéterminée
Il faut savoir que le statut de la Nouvelle-Calédonie est tout à fait hybride et il reste à lui trouver encore un nouveau statut. Il faut se rendre compte que la Nouvelle-Calédonie dispose de compétences, l'entité, la collectivité de Nouvelle-Calédonie dispose de compétences extrêmement fortes.
L'état n'y dispose plus que du régalien : ce qui n'est pas explicitement attribué comme terme de compétences revient à la Nouvelle-Calédonie. Et d'autre part, le processus de Nouméa acte le caractère irréversible des compétences transférées.
Et ça c'est ce qui distingue par exemple le cas de la Nouvelle-Calédonie de la Polynésie française ou des autres collectivités à statut particulier. Cette irréversibilité des compétences confiées à la Nouvelle-Calédonie est en effet assez singulière puisqu'en général l'état a la maîtrise de la décentralisation, c'est-à-dire que l'état peut toujours revenir sur les compétences qu'il attribue aux collectivités.
Ce n'est pas possible dans le cadre de la Nouvelle-Calédonie; et par ailleurs, dans le cadre de la Nouvelle-Calédonie et de son statut, existe la mise en oeuvre d'une nouvelle notion, celle de citoyenneté, de citoyen de la Nouvelle-Calédonie, ce qui évidemment s'oppose à la tradition unitaire du droit public français.
Autre cas particulier, les actes pris par l'Assemblée, par le Congrès de la Nouvelle-Calédonie sont qualifiés de lois du pays qui symbolisent l'exercice du pouvoir législatif délégué et mis en oeuvre par la Nouvelle-Calédonie et sont contrôlés directement par le Conseil constitutionnel et non pas par le Conseil d'État. Donc, des compétences très larges mais absence de définition positive de ce que c'est la Nouvelle-Calédonie.
Par une décision assez remarquable, une décision du 13 décembre 2006, une décision Genelle, le Conseil d'État, observant que le statut de la Nouvelle-Calédonie était régi par le titre XIII et que le titre XII de la Constitution était relatif aux collectivités territoriales, et bien la Nouvelle-Calédonie n'était pas une collectivité territoriale. Donc, en droit, on ne sait pas, on n'a pas précisément qualifié la nature de cette Nouvelle-Calédonie.
Pour des auteurs, notamment pour Léo Hamon et Michel Troper, en réalité quand on observe la nature des compétences exercées par la Nouvelle-Calédonie et les rapports entre l'État et la Nouvelle-Calédonie, on est dans le cadre d'un État fédéral, où finalement l'État central exerce des compétences très restrictives et n'a pas la main sur les compétences qui sont confiées à l'entité fédérée. Et c'est sans doute ça qui rend le plus compte des rapports entre la France et la Nouvelle-Calédonie, ce sont les rapports d'un État fédéré à un État fédéral.
Un futur à décider
La Nouvelle-Calédonie ayant un statut provisoire, puisque l'accord de Nouméa avait été pensé de façon provisoire, le sort institutionnel de la Nouvelle-Calédonie reste à décider. La question de l'indépendance pleine et entière de la Nouvelle-Calédonie n'est pas encore exclue complètement.
Même si les résultats du 3e référendum semblent l'écarter pour l'instant, il n'est pas exclu qu'il y ait encore une ultime consultation sur l'indépendance de la Nouvelle-Calédonie.
Généralement, quand une collectivité accède à la pleine indépendance, c'est qu'elle veut se détacher de son ancienne colonie, il y en va sans doute de même pour la Nouvelle-Calédonie. Par ailleurs, si la Nouvelle-Calédonie venait à accéder à l'indépendance, il est sans doute probable qu'elle s'écarterait brutalement de la France.
L'autre possibilité serait de formaliser le caractère fédéral des relations entre la France et la Nouvelle-Calédonie. Ce serait vraiment reconnaître la Nouvelle-Calédonie dans le cadre d'un état fédéré qui disposerait de compétences élargies. Mais là encore, il faudrait une révision de la Constitution et il faudrait parvenir à un accord entre toutes les populations intéressées.
Or, pour l'instant, entre les Kanaks d'un côté, les indépendantistes et l'État, les relations sont complexes. Malgré de nouvelles discussions engagées sur le futur constitutionnel de la Nouvelle-Calédonie, rien ne se dessine à l'horizon. Ce qui fait que le statu quo actuel risque de perdurer un moment.
L'accord de Nouméa et le cadre constitutionnel qui en est résulté prévoyait une vocation provisoire et transitoire du statut qui avait été façonné pour la Nouvelle-Calédonie, tant que celle-ci n'accédait pas à la pleine souveraineté. Mais l'accord de Nouméa prévoyait de façon assez fine que si la réponse à l'issue du troisième référendum était encore négative, les partenaires politiques se réuniront pour examiner la situation créée. Tant que les consultations n'auront pas abouti à une nouvelle organisation politique, l'organisation politique mise en place par l'accord de 1998 restera en vigueur, sans possibilité de retour en arrière.
Pour l'instant, ce que prévoient les accords de Nouméa, c'est que tant qu'il n'y a pas de nouveaux accords sur un futur constitutionnel de cette île, le système tel qu'il est prévu à la fois par la Constitution, la loi organique et les accords de Nouméa, demeure en vigueur. Ce système correspond finalement à celui d'un État, des relations entre État fédéral et État fédéré, qui ne dit pas son nom.
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