Chapitre I. Les juridictions du premier degré
Les juridictions de premier degré sont nombreuses, deux sections : les juridictions civiles, commerciales et sociales, et les juridictions pénales.
Cette distinction est due aux différences de procédure : procédure civile pour les premières et procédure pénale pour les secondes.
Les juridictions civiles, commerciales et sociales
Dans ce groupe de juridictions, on en distingue quatre principales :
- Les tribunaux judiciaires
- Les tribunaux de commerce
- Les conseils de prud’hommes
- Les tribunaux paritaires des baux ruraux (nous n'aborderons que brièvement cette dernière juridiction).
Les tribunaux judiciaires
Pour comprendre ce qu'est un tribunal judiciaire, nous devons déterminer trois éléments essentiels : la matière civile, l’organisation du tribunal et la répartition géographique des tribunaux judiciaires en France.
La présentation de la matière civile
Les tribunaux judiciaires traitent des litiges relevant de la matière civile. La notion de matière civile peut encore sembler floue. Voici donc quelques exemples pour illustrer ce domaine :
- Droit de la famille : par exemple, un divorce contentieux où les conjoints sont en désaccord passe devant le tribunal judiciaire.
- Contrats civils : par exemple, si vous avez un litige avec le propriétaire d’un logement que vous louez.
La compétence du tribunal judiciaire se définit par défaut. Elle couvre tous les litiges qui ne relèvent pas d’autres juridictions spécialisées, comme les tribunaux de commerce, les conseils de prud’hommes, ou encore les juridictions administratives, des baux ruraux et pénales. On dit donc que le tribunal judiciaire a une compétence de droit commun : il intervient quand aucune juridiction spécialisée n’est compétente.
Cette compétence de droit commun est encadrée par le Code de l’organisation judiciaire, aux articles L211-1 et R211-1.
Le tribunal judiciaire statue en première instance en matière civile et pénale. Lorsqu'il statue en matière pénale, il est dénommé tribunal correctionnel ou tribunal de police.
— Article L211-1 du Code de l'organisation judicaire
En plus des attributions qui lui sont dévolues par les lois et règlements et sauf disposition expresse contraire, la cour d'appel statue sur les appels interjetés contre les décisions rendues par :
Les tribunaux de grande instance ;
Les tribunaux d'instance ;
Les tribunaux de commerce ;
Les conseils de prud'hommes ;
Les tribunaux paritaires des baux ruraux.
Elle connaît en outre de l'appel interjeté contre les décisions d'autres juridictions dans les cas prévus par les lois et règlements.
— Article R211-1 du Code de l'organisation judiciaire (abrogé)
L’organisation du tribunal judiciaire
L’organisation d'un tribunal judiciaire repose sur trois points : les chambres du tribunal, le président du tribunal et le personnel du tribunal
- Les chambres : dans les grands tribunaux judiciaires (ayant au moins cinq juges), les affaires sont réparties en chambres. Depuis la réforme de 2019, ces chambres sont appelées tribunaux de proximité (attention à ne pas confondre avec les anciens tribunaux de proximité).
- Le président du tribunal : le président du tribunal joue un rôle administratif essentiel, supervisant la répartition des affaires et le bon fonctionnement de la juridiction. En plus de cette fonction administrative, il a une compétence juridictionnelle en tant que juge des référés. Le référé est un jugement urgent pris rapidement par le président, par exemple pour bloquer une publication portant atteinte à la vie privée.
- Le personnel du tribunal : Le tribunal est composé de magistrats qui statuent en principe de manière collégiale (au moins trois juges par jugement). À chaque jugement, un président est désigné parmi les trois juges, accompagné de deux assesseurs. Parfois, un juge unique est désigné, comme pour les affaires familiales, le juge des exécutions (saisie,...), le juge du contentieux de la protection (tutelle, et surendettement).
Outre les juges, il y a un représentant du parquet (procureur ou magistrat du parquet) et un service de greffe qui gère la rédaction des jugements et d’autres actes de procédure.
La répartition géographique des tribunaux judiciaires
Les tribunaux judiciaires, avec leur compétence de droit commun, doivent être accessibles à tous les citoyens. Leur répartition géographique est donc fonction de la densité démographique : on place davantage de tribunaux dans les zones fortement peuplées. Actuellement, il existe 164 tribunaux judiciaires pour 101 départements. Chaque département a au moins un tribunal, certains en ayant plusieurs.
Les tribunaux de commerce
Pour l'étude des différentes juridictions, nous suivrons un plan similaire : quelques mots sur la compétence de la juridiction (ici, le tribunal de commerce), puis un aperçu de son organisation et enfin la répartition géographique des tribunaux de commerce en France.
La compétence du tribunal de commerce
Comme son nom l'indique, les tribunaux de commerce sont compétents pour toutes les affaires commerciales. Cette compétence couvre les litiges liés à la vie des affaires : achats de marchandises pour la revente, opérations bancaires, engagements commerciaux, litiges entre sociétés commerciales, incidents de paiement et insolvabilité des commerçants ou sociétés commerciales. Depuis le 1er janvier 2002, les litiges entre artisans sont également du ressort des tribunaux de commerce.
Exception : Les litiges entre commerçants et particuliers, qui sont des litiges de consommation, relèvent en principe des tribunaux judiciaires, et non des tribunaux de commerce.
Pour retrouver la liste complète des compétences du tribunal de commerce, il faut consulter l’article L721-3 du Code de commerce.
L’organisation du tribunal de commerce
L’organisation du tribunal de commerce est originale, car il n’est pas composé de magistrats de carrière, mais de magistrats élus par les commerçants. Ainsi, les commerçants sont jugés par leurs pairs, conférant à cette juridiction un aspect corporatiste.
Origine de la justice commerciale élue
Les tribunaux de commerce sont parmi les plus anciennes juridictions françaises. Inspirés des républiques marchandes de Gênes et de Venise, où des "juges consuls" étaient élus pour résoudre les litiges commerciaux, ces juges sont appelés en France "juges consulaires". Ce système a perduré depuis le Moyen Âge, en raison de la vision positive qu'avait la Révolution sur l'élection des juges, perçue comme un gage qualité de la justice.
Il y a plusieurs critiques. Tout d'abord, on peut critiquer une forme de partialité des juges consulaires. Ce sont des commerçants qui jugent d'autres commerçants, peut-être des sociétés qui connaissent, peut-être des concurrents. Il faut donc être très vigilant sur les possibles conflits d'intérêts qui peuvent se produire devant les tribunaux de commerce.
Mais en même temps il y a un revers de la médaille à cet inconvénient. C'est un avantage, puisqu'ils sont commerçants, ils connaissent aussi la vie des affaires, ils connaissent les difficultés que les plaideurs qui sont devant eux rencontrent. Mais à cela il y a encore un inconvénient, c'est que souvent on dit que les juges consulaires connaissent bien la vie des affaires mais connaissent mal le droit.
Et c'était là l'une des difficultés principales des tribunaux de commerce, c'est que les commerçants qui sont élus juges consulaire, n'avaient aucune formation. Or dans certaines affaires, il est tout à fait nécessaire d'avoir des compétences juridiques pointues. Par exemple, lorsqu'une société fait faillite, il y a évidemment des compétences juridiques solides qui sont nécessaires.
Face à ces critiques, il y a eu plusieurs réformes, et notamment, il y a une formation des magistrats, des juges consulaires qui est prévue pour leur donner quand même des bases juridiques pour exercer leur fonction le mieux possible.
Et pour les contentieux les plus compliqués, il y a ce qu'on appelle une concentration des litiges : pour les litige de droits de la concurrence, de propriété littéraire artistique, propriété industrielle et commerciale, au lieu que ce soit le tribunal de commerce d'une toute petite ville qui n'est pas habituée à traiter ce genre de litige et qui n'est pas armé pour traiter ce genre de litige, on décide d'une concentration du contentieux et on va décider que ce sont les tribunaux de commerce des grandes villes, parce qu'il y a plus de juges, et parce qu'ils ont plus l'habitude de traiter ce type d'affaires.
Il y a une solution qui est souvent proposée mais qui jusqu'à maintenant n'a jamais été acceptée : l'échevinage. Il s'agit d'une juridiction dans laquelle il y a à la fois des magistrats de carrière et à la fois des magistrats élus de la spécialité de la matière du tribunal. L'idée serait de garder des juges élus spécialisés en commerce mais auxquels on adjoint des magistrats de carrière, des juges donc qui ont fait l'école nationale de la magistrature et qui apporteraient leur expérience juridique.
Plusieurs obstacles : d'abord il y a une opposition très très forte des commerçants de manière générale à ce qu'un magistrat de carrière siège au tribunal de commerce. Il y a aussi une question de moyens : on n'a déjà pas assez de magistrats dans les juridictions qui sont composés de magistrats de carrière, donc ajouter dans des juridictions qui jusqu'à maintenant échappent à l'état des magistrats serait compliqué.
Les modalités de l'élection
L'élection des juges consulaires est indirecte : les personnes inscrites au registre du commerce élisent un collège électoral, qui, à son tour, élit les juges consulaires. Pour être éligible, un candidat doit justifier de cinq ans d’activité commerciale et avoir au moins 30 ans. Les juges consulaires effectuent un premier mandat de deux ans, puis des mandats de quatre ans, avec un maximum de quatre mandats consécutifs, soit un total de 14 ans. Fait notable, les juges consulaires ne sont pas rémunérés.
Le fonctionnement du tribunal de commerce
En grande partie, le tribunal de commerce fonctionne comme un tribunal judiciaire, avec un président qui remplit également une fonction de juge des référés. Le greffier du tribunal de commerce y joue un rôle essentiel, notamment pour la tenue des actes et des archives: le greffier du tribunal de commerce a une charge, comme les notaires.
Si le tribunal est assez gros, lui aussi va être divisé en plusieurs chambres qui auront chacune leur domaine de spécialité.
La répartition géographique des tribunaux de commerce
Actuellement, on compte 134 tribunaux de commerce répartis sur le territoire français, institués par décret. Ces tribunaux ne sont implantés que dans les régions avec une forte activité commerciale. En cas d’évolution de l’activité, le décret peut décider de leur création, suppression ou déplacement. Par exemple, il n'existe pas de tribunaux de commerce en Lozère ou en Haute-Savoie, où l’activité commerciale est trop faible.
Les conseils de prud’homme
Le conseil de prud’hommes est la juridiction compétente pour tous les litiges de droit du travail.
Prenons un exemple : un employé s’absente de son poste sans explication pendant plusieurs jours. Son employeur souhaite le licencier, mais l'employé n’est pas d’accord. Ce litige sera porté devant le conseil de prud’hommes.
Pour mieux comprendre le conseil de prud’hommes, on suit le plan habituel : compétence, organisation, et répartition géographique.
Compétence de droit commun (présentation de la matière civile)
Le conseil de prud’hommes (ou CPH, pour simplifier) est compétent pour tous les litiges découlant du contrat de travail, y compris le contrat d'apprentissage. Lorsque les litiges entre employeurs et employés ne peuvent être résolus de manière amiable, ils sont portés devant le conseil de prud’hommes, qui a une double mission :
- Fonction contentieuse : trancher les litiges individuels entre employeurs et employés, nés du contrat de travail.
- Fonction conciliatrice : tenter de concilier les parties, c’est-à-dire les amener à un accord. Cela est particulièrement important dans les cas où l'employé reste dans l'entreprise après le litige. Maintenir des relations harmonieuses permet de préserver une atmosphère de travail positive.
Organisation
L’organisation du conseil de prud’hommes présente une originalité : c’est une juridiction paritaire.
Principe de parité
Les juges du conseil de prud’hommes, appelés conseillers, sont des représentants des employeurs et des employés, en nombre égal. Par exemple, si la formation comprend deux conseillers salariés, elle aura également deux conseillers employeurs.
Conséquences de la parité
Cette organisation paritaire entraîne deux conséquences :
- Alternance de la présidence : la présidence alterne entre un conseiller employeur et un conseiller salarié, selon les sessions.
- Égalité des voix : comme la formation du conseil de prud’hommes est paire, il y a un risque d’égalité des voix. Pour éviter tout biais si la présidence était tranchée par un représentant de l’une des parties, on fait appel à un juge départiteur du tribunal judiciaire en cas d’égalité. Ce magistrat de carrière intervient uniquement en cas de partage des voix pour trancher le litige.
Répartition géographique
Il y a un conseil de prud’hommes dans chaque lieu où se trouve un tribunal judiciaire, en application du principe d'accès à la justice. Contrairement aux tribunaux de commerce, la répartition des conseils de prud’hommes ne dépend pas de la densité de l’activité économique locale. Un employé en zone à faible emploi a autant droit à son conseil de prud’hommes qu’un salarié d’une zone à forte activité.
Actuellement, il existe 210 conseils de prud’hommes sur le territoire français, soit plus que le nombre de tribunaux judiciaires.
Critique
Le conseil de prud’hommes est composé de représentants des employés et des employeurs, mais sans magistrats de carrière. Cette organisation, bien qu’ayant ses avantages, pose des problèmes de qualité dans les décisions rendues. En effet, les décisions du conseil de prud’hommes connaissent un taux de réformation en appel élevé, ce qui témoigne d'une difficulté à garantir des décisions satisfaisantes.
Les tribunaux paritaires des baux ruraux
Qu’est-ce qu’un bail rural ?
Avant de comprendre le rôle des tribunaux paritaires des baux ruraux, il est important de définir ce qu’est un bail rural.
Vous connaissez sans doute le concept de bail, notamment pour des locations d'appartements ou de chambres. Dans le cadre d’un bail rural, cependant, il ne s’agit pas de louer un logement, mais une terre. Cette terre est louée pour permettre au locataire d'y exercer une activité, comme l’agriculture ou l’élevage.
Il existe deux types principaux de baux ruraux :
- Le contrat de fermage : le locataire est appelé fermier.
- Le contrat de métayage : le locataire est appelé métayer.
Les propriétaires de ces terres, appelés bailleurs, louent donc leurs terres aux fermiers ou métayers.
Comme pour tout contrat de location, des litiges peuvent survenir. Par exemple, le propriétaire de la terre (bailleur) pourrait décider de reprendre sa terre pour construire un bâtiment, alors que le fermier a déjà planté ses cultures en vue de les vendre. Ces conflits sont courants dans les baux ruraux et nécessitent un tribunal spécialisé.
En raison de la nature très spécifique de ces litiges, les contrats de fermage et contrats de métayage sont encadrés par un code spécifique : le Code rural. Pour traiter ces affaires spécialisées, un tribunal dédié a été créé : le tribunal paritaire des baux ruraux.
Ce tribunal est dit paritaire, car il est composé de manière équilibrée :
- Moitié de représentants des locataires (fermiers et métayers)
- Moitié de représentants des bailleurs (propriétaires des terres)
Une particularité des tribunaux paritaires des baux ruraux est qu’ils ne siègent pas en permanence. Contrairement aux juridictions qui siègent toute l'année, cette juridiction fonctionne par sessions en raison du faible volume de contentieux dans ce domaine.
Ainsi, les tribunaux paritaires des baux ruraux n’ouvrent des sessions que lorsqu’un nombre suffisant de litiges a été rassemblé. Une fois ces litiges traités, la session est clôturée, et une nouvelle session sera ouverte uniquement lorsque de nouveaux litiges surgiront.
Les juridictions pénales
Les juridictions pénales, ce sont l'ensemble des tribunaux ou des cours qui jugent les infractions. L'infraction au sens large c'est la violation d'une règle de droit pénale qui donc peut donner lieu à un procès pénal.
Souvent, lorsque l'infraction est constatée, lorsque le tribunal ou la cour juge que l'infraction existe, elle va prononcer une sanction, ce qui fait que vous trouverez peut-être dans les manuels l'expression de juridiction répressive pour désigner les juridictions pénales, parce que le plus souvent elle prononce une sanction, elle prononce une peine.
La particularité des juridictions pénales c'est qu'en leur sein on peut distinguer les juridictions pénales de droit commun qui s'appliquent à n'importe lequel des citoyens qui commettraient une infraction, un vol, une agression sexuelle,...puis certaines juridictions pénales sont spécialisées, en ce sens qu'elles ne concernent que certaines personnes en particulier. Il en va ainsi de la justice militaire, de la justice martiale. Il peut en aller aussi ainsi en matière politique.
Les juridictions pénales de droit commun
En réalité, ces juridictions pénales de droit commun, c'est la Cour d'assises qui juge des crimes, le tribunal correctionnel qui juge des délits et le tribunal de police qui lui traite des contraventions. Toutes ces juridictions sont les juridictions qui interviennent au stade de la phase de jugement en matière pénale.
Mais ce qui est intéressant c'est qu'en matière pénale, la phase préalable au jugement, qu'on appelle la phase d'instruction, est une phase qui est absolument déterminante.
Alors attention, dans le procès civil il existe une phase d'instruction. Mais cette phase d'instruction, dans le procès civil, qui sert à rassembler les éléments de preuves nécessaires au procès, c'est-à-dire à la prise de décision, elle est faite par le juge qui va trancher ensuite l'affaire.
La particularité de la matière pénale, c'est que pour des raisons d'impartialité, on a décidé de dissocier la phase d'instruction et la phase de jugement. Ce ne sont pas les mêmes juges qui sont chargés de la phase d'instruction et qui sont chargés de la phase de jugement.
L’instruction préparatoire
En matière pénale, cette phase d'instruction est tout à fait primordiale. C'est une phase très importante de ce qu'on appelle la procédure pénale et la procédure pénale instaure une séparation très nette entre cette phase d'instruction et la phase de jugement par ailleurs.
Et surtout, elle distingue, dans ces deux phases, les juges. Ce ne sont donc pas les mêmes juges qui instruisent l'affaire et ceux qui jugent l'affaire.
Pendant longtemps, la phase d'instruction était entre les mains d'un seul juge qu'on appelait le juge d'instruction, qui avait trois missions principales : la mission d'information, certains pouvoirs juridictionnels et enfin, la maitrise de la question de la détention provisoire des prévenus.
Puis, il y a eu une évolution. On a estimé que le juge qui décidait du renvoi ou non de l'affaire ne pouvait pas décider de la mise en détention provisoire. Aujourd'hui, on a dans la phase d'instruction deux juges, le juge d'instruction et le juge de la détention et des libertés.
Le juge d’instruction
Le juge d'instruction a hérité donc de deux missions, vu qu'il s'est vu privé de sa troisième mission qui est la détention provisoire : une mission d'information et une mission de juridiction.
La mission d'information
Cela signifie que le juge d'instruction est chargé de rassembler tous les éléments de preuve qui permettent la manifestation de la vérité. On dit que le juge d'instruction instruit, à charge et à décharge.
Cette expression est tout à fait fondamentale parce qu'elle signifie que le juge d'instruction est chargé aussi bien de rassembler les éléments de preuve de culpabilité du prévenu, mais aussi les éléments de preuve de non culpabilité du prévenu.
Pour réaliser cette mission, pour rassembler ces preuves, le juge d'instruction va faire de multiples opérations qu'on appelle tout simplement des actes d'instruction. Par exemple, il va demander des avis d'experts, il va auditionner des témoins, il va se transporter sur les lieux de l'infraction, il va demander des perquisitions ou des saisies de documents. Il peut agir en concours avec la police ou seul selon les cas.
Le juge d'instruction a aussi des pouvoirs de contrainte, notamment en termes de personnes. Il peut obliger une personne à comparaître devant lui, c'est ce qu'on appelle le mandat de comparution, mais il peut contraindre une personne à comparer devant lui avec l'aide de la police, c'est-à-dire que la personne sera présentée au juge d'instruction par les policiers, ça c'est s'il forme un mandat d'amenée. Et enfin, le juge d'instruction peut éventuellement émettre un mandat d'arrêt pour des prévenus qui seraient en fuite.
La mission de juridiction
Le juge d'instruction dans sa mission a des pouvoirs juridictionnels, c'est-à-dire qu'il a le pouvoir de dire le droit, de trancher certaines contestations. Ces actes juridictionnels du juge d'instruction sont appelés des ordonnances et les deux principales ordonnances que va rendre le juge d'instruction sont relatives au fait de choisir de renvoyer ou pas le prévenu dans la phase de jugement, c'est-à-dire devant un juge.
Ces deux ordonnances sont pour la première l'ordonnance qu'on appelle l'ordonnance de non lieu. L'ordonnance de non lieu, c'est l'acte par lequel le juge d'instruction considère qu'il n'a pas rassemblé suffisamment d'éléments de preuve pour poursuivre le prévenu. Et donc le prévenu n'ira pas devant un juge, il n'y aura pas dans cette affaire de phase de jugement.
Au contraire, si le juge d'instruction estime que les preuves rassemblées sont suffisantes, à ce moment-là il va rendre une ordonnance de renvoi, c'est-à-dire qu'il considère que son dossier contient suffisamment d'éléments de preuve pour permettre à ceux qui le jugeront sur le fond de se faire une opinion éclairée. Et donc ce renvoi, c'est le renvoi du prévenu dans la phase de jugement, donc devant un juge.
Mais il existe désormais dans la phase d'instruction un autre juge qui a une fonction importante, c'est celui qu'on appelle le JLD, en abréviation, le juge des libertés et de la détention.
Le juge des libertés et de la détention
Dans certaines hypothèses, dans certains cas graves, donc dans les cas, les infractions les plus graves, on craint que le prévenu, s'il reste en liberté, puisse soit fuir, soit exercer des pressions sur les protagonistes, les témoins de l'affaire, de manière à éviter qu'il témoigne ou qu'il modifie la version de leur témoignage, etc.
Dans ces cas-là, on estime donc qu'il faut placer le prévenu en détention provisoire. C'est évidemment une décision extrêmement grave, vu qu'il s'agit de mettre une personne en prison, alors même, et c'est ça qui est grave dans la détention provisoire, qu'elle n'a pas encore été jugée. Cette mission est désormais confiée au juge des libertés et de la détention.
Il va donc se fonder sur le dossier d'instruction, qui a été monté par le juge d'instruction, et c'est lui qui doit examiner s'il est opportun, ou pas, de placer le prévenu en détention provisoire.
C'est la première phase du procès pénal, la phase d'instruction. Lorsque le juge d'instruction adopte, rend une ordonnance de renvoi, le prévenu va passer devant un juge, s'ouvre alors la phase de jugement.
La phase de jugement
Cette phase de jugement se déroule devant certaines juridictions, mais on peut se demander pourquoi il existe plusieurs juridictions pénales.
Il existe plusieurs juridictions pénales de droit commun tout simplement parce qu'il existe plusieurs types d'infractions. En droit pénal français, il existe trois types d'infractions qui sont graduées en fonction de leur gravité.
Les infractions les moins graves, comme brûler un feu rouge par exemple, s'appellent les contraventions et relèvent du tribunal de police. Les infractions moyennement graves s'appellent les délits et ces délits relèvent, eux, du tribunal correctionnel. Et puis enfin, les infractions les plus graves sont les crimes et ces crimes relèvent, en principe, de la cour d'assises.
Le tribunal de police
La compétence du tribunal de police relève du domaine des contraventions.
Les contraventions sont les infractions les moins graves du code pénal et, étant les infractions les moins graves du code pénal, il s'agit aussi des infractions à laquelle la loi réserve évidemment une peine assez légère. Les contraventions sont punies uniquement d'amende sans peine de prison et d'un montant qui est relativement faible.
Pour rappel, l'amende est payée au Trésor Public français et les personnes qui sont coupables d'une infraction, donc d'une contravention, sont appelées les contrevenants.
Étant donné que le tribunal de police n'a à gérer que des infractions les plus minimes, on a estimé que la collégialité n'était pas nécessaire dans ce cas-là et donc le tribunal de police est une juridiction à juge unique. C'est un juge du tribunal judiciaire qui va statuer dans la formation de tribunal de police. Il statue seul donc sur les infractions.
Dès lors, cela nous donne aussi une information sur le ressort géographique des tribunaux de police : partout où se trouve un tribunal judiciaire, il y a un tribunal de police.
Le tribunal correctionnel
Le tribunal correctionnel est compétent pour la matière délictuelle, c'est-à-dire pour traiter des délits.
Les délits sont les infractions de degrés intermédiaires entre les contraventions et les crimes et ceux qui commettent un délit sont appelés les délinquants.
S'agissant des peines qui sont encourues en matière délictuelle, elles sont beaucoup plus importantes que les peines encourues en matière contraventionnelle vu qu'il peut être prononcé des amendes mais qui sont d'un montant beaucoup plus lourd que celles qui peuvent être prononcées en matière contraventionnelle, et surtout les délits peuvent être éventuellement punis d'une peine d'emprisonnement, donc d'une peine privative de liberté.
Cette information est importante parce qu'elle a une conséquence sur la composition du tribunal correctionnel. Le tribunal correctionnel ayant la possibilité de prononcer des peines très lourdes, et notamment des peines privatives de liberté, la possibilité de statuer à juge unique est totalement exclue dans ce cas.
C'est pourquoi le tribunal correctionnel est toujours un tribunal collégial, un tribunal composé de trois magistrats de carrière, un président et deux assesseurs.
Comme pour le tribunal de police, le tribunal correctionnel est rattaché au tribunal judiciaire, donc partout où il y a un tribunal judiciaire il y a un tribunal correctionnel.
La cour d’assises
S'agissant de la troisième catégorie d'infractions, les crimes, celle-ci est du ressort d'une troisième juridiction qu'on appelle la Cour d'assises.
La répartition géographique des cours d'assises est exactement la même que celle des tribunaux judiciaires, donc dans le ressort du tribunal judiciaire, il y a aussi une cour d'assises.
Mais la cour d'assises nécessite des précisions très importantes sur plusieurs points, d'abord sur sa composition qui est extrêmement originale, ensuite sur la compétence de la cour d'assises; et enfin, il y a quelques exceptions à la cour d'assises, c'est-à-dire des crimes qui ne sont pas soumis à la cour d'assises mais à d'autres formes de juridiction
Composition
La cour d'assises est composée de manière mixte, c'est-à-dire à la fois de magistrats de carrière mais surtout d'un jury populaire.
Dans la cour d'assises il y a donc la cour proprement dite, formée par les trois magistrats de carrière, un président et deux assesseurs.
A la Cour est accolé, pour la prise de décision, un jury populaire, qui est composé de six jurés, donc six personnes qui sont tirés au sort sur les listes électorales.
On va tirer au sort un panel de jurés possibles, le plus souvent on tire au sort pour une année. Si on est désignés comme juré pour la cour d'assises de Paris en 2023, cela ne veut pas dire qu'on va siéger à tous les procès de la cour d'assises. Il est possible qu'on nous appelle pour certains d'entre eux, parfois même il est possible qu'on ne vous convoque pas si finalement on n'a pas besoin d'autant de jurés qui ont été tirés au sort.
Ce jury populaire il est très important, parce qu'il faut rappeler que la justice est rendue au nom du peuple français.
Toutes les décisions de justice commencent par "au nom du peuple français" et on estime que dans la matière criminelle, qui est la matière la plus grave, vu que c'est là où les peines encourues sont les plus graves, des peines privatives de liberté qui peuvent être très longues, voire la perpétuité, on estime qu'il faut s'en remettre à l'expression de la souveraineté nationale pour prendre une telle décision. On a donc décidé d'instaurer un jury populaire.
Dans cette Cour d'assises, il y a bien sûr aussi un avocat général qui représente le ministère public.
Un point très important sur le délibéré de la cour d'assises : lors du délibéré, les six jurés se retirent mais ils se retirent avec les trois magistrats de carrière. Et donc ces magistrats sont présents et ils votent. Il y a donc neuf personnes qui votent à la fois sur la culpabilité du prévenu et ensuite il y a un vote sur la peine qu'on veut faire supporter au prévenu.
Et ce vote se fait à la majorité absolue de sept voix sur neuf. Donc les magistrats de carrière ont quand même une place qui reste très importante non seulement dans la conduite de la phase du procès pénal mais aussi au moment du délibéré.
L'autre particularité de la cour d'assises, c'est qu'elle a un fonctionnement intermittent, par sessions.
Compétences
La cour d'assises est compétente en matière criminelle. Ce sont donc les infractions les plus graves qui encourt les sanctions les plus lourdes, à la fois les amendes les plus lourdes, mais surtout les peines de prison les plus importantes.
Alors des exemples de crimes : l'assassinat, bien sûr, le trafic de stupéfiants, la séquestration, la torture, le viol, l'association de malfaiteurs.
Un phénomène particulier : certains crimes ne sont pas jugés devant la cour d'assises, mais sont jugés devant le tribunal correctionnel. On s'est rendu compte que le jury populaire, donc dans les Cours d'assises, avait tendance à hésiter à prononcer des peines lourdes ou avait tendance à hésiter à retenir des décisions de culpabilité, les affaires qui sont concernées par ce phénomène sont notamment les affaires de viol.
Le viol est un crime et devrait donc être traité par la cour d'assises. Sauf qu'il y a eu ce phénomène où le jury populaire prononçait des peines assez faibles, voire ne reconnaissait pas la culpabilité du prévenu.
C'est l'expression de la souveraineté populaire, on devrait la respecter, mais dans certains cas, il s'est avéré que les magistrats ont décidé de correctionnaliser le viol, c'est-à-dire de ne retenir qu'une infraction de niveau délit, pour faire traiter de l'infraction par un tribunal correctionnel.
En effet, le tribunal correctionnel est composé uniquement de magistrats de carrière et les magistrats de carrière rendent des décisions qui sont souvent plus sévères que les décisions des jurys populaires. Voilà pourquoi certaines infractions qui sont à l'origine des crimes, le viol par exemple, mais ça peut arriver pour d'autres infractions, sont finalement traitées par le tribunal correctionnel.
Il y a des cas où ce n'est pas la cour d'assises classique, telle qu'on vient de voir, qui va siéger en matière de crime. Ces exceptions de crimes qui sont retirées à la cour d'assises, elles sont au nombre de deux.
Il a été décidé de créer des cours d'assises spéciales, qui sont des cours d'assises sans jury populaire, dans les matières de crimes de terrorisme ou de trafic de stupéfiants en bande organisée.
L'idée ici, c'est de protéger les citoyens. Les affaires de terrorisme ou les affaires de trafic de stupéfiants en bande organisée signifient le plus souvent qu'il y a un réseau, un réseau terroriste ou un réseau de bande organisée. Et ces gens-là peuvent faire des pressions, peuvent essayer d'intimider les jurés. Pour éviter cela - ils peuvent attenter même à la vie des jurés -, on a décidé que ces deux catégories d'infractions particulièrement graves et qui mettent en danger les jurés relèvent d'une Cour d'assises spéciale dans laquelle siègent uniquement des magistrats de carrière.
Et puis, depuis la loi du 23 mars 2019, ont été créées une juridiction supplémentaire qui s'appelle les cours criminelles départementales. À l'origine, c'était expérimental, c'est-à-dire qu'elles n'existaient que dans certaines villes (7 départements), et depuis le 1er janvier 2023, l'expérience a été généralisée, c'est-à-dire qu'il y a une cour criminelle départementale dans chaque département.
Aujourd'hui, dans tous les départements, il y a une cour criminelle départementale. L'idée, là encore, c'est que pour juger des crimes les plus graves, et ces crimes les plus graves sont définis par les textes comme les crimes qui sont commis par des personnes majeures accusées d'un crime puni de 15 ou 20 ans de réclusion criminelle, ce sont les peines de prison les plus lourdes.
Pour ces crimes-là, désormais, au lieu de passer devant la cour d'assises, on va les passer devant les cours criminelles départementales qui, là encore, sont des juridictions dans lesquelles il n'y a pas de jury populaire. Il y a seulement des magistrats de carrière qui siègent.
L'idée est d'éviter le phénomène de correctionnalisation. Pour les crimes les plus graves, on trouvait que les jurys populaires n'adoptaient pas des décisions satisfaisantes, et donc on a préféré que pour les crimes les plus graves, pour lesquels un jury populaire ne se sentait pas de prononcer des sanctions fortes, on préfère faire peser cette responsabilité sur des magistrats de carrière qui siègent au sein de la cour criminelle départementale.
Les juridictions pénales spécialisées
On peut avoir une certaine méfiance à propos des juridictions pénales spécialisées, parce que, souvent, on a connu ce genre de juridictions qui étaient créées à l'occasion d'une circonstance particulière, aux heures les plus sombres des régimes, des différents régimes politiques français. On a eu des juridictions spéciales sous l'Ancien Régime, au moment de la Terreur, ou encore sous l'Occupation.
Donc ce sont des juridictions qui peuvent attirer un petit peu de méfiance. Néanmoins, dans certains cas, ces juridictions pénales spéciales sont tout à fait justifiées. Alors pendant longtemps on pouvait citer trois cas de juridictions pénales spéciales.
D'abord la justice pénale des mineurs, qui existe toujours, puis, certaines juridictions pénales de nature politique, et enfin, des juridictions pénales de nature militaire.
Les juridictions pénales de nature militaire ont longtemps existé, mais elles sont aussi depuis fort longtemps supprimées. Il existait une Cour de Sûreté de l'État qui jugeait des militaires français, mais cette Cour a été supprimée en 1982.
Les juridictions pénales des mineurs
Il y a, à l'origine du comportement infractionnel de l'enfant, sans doute, une défaillance en termes d'éducation, de suivi de l'enfant. Et donc, de manière générale, on essaye de privilégier, pour un enfant, les mesures éducatives plutôt que des mesures répressives. Et pour cela, on a estimé qu'il fallait le soumettre à des juridictions particulières.
Néanmoins, il n'y a pas un seul juge pénal des mineurs, mais il y en a trois, et on choisit le juge devant lequel on attrait le mineur en fonction à la fois de l'âge du mineur, mais aussi de la gravité de l'infraction qu'il a commise. Donc, il y a une combinaison entre son âge et la gravité pour déterminer le tribunal, la juridiction compétente.
Les trois juridictions sont le juge des enfants, le tribunal pour enfants et la cour d'assises des mineurs.
Le juge des enfants
Le juge des enfants, c'est un juge unique, donc un juge qui appartient au tribunal judiciaire. C'est un magistrat de carrière et il est compétent dans deux cas.
- Pour les délits qui sont commis par les mineurs de 13 ans, ce qui veut dire mineurs de moins de 13 ans,
- Pour les contraventions dites de cinquième classe, qui sont, parmi les contraventions, celles qui sont les plus graves, comme par exemple, les violences légères ou les dégradations de biens.
Évidemment, le juge des enfants, étant un juge unique, il ne peut prononcer aucune peine privative de liberté et son action se limite à des mesures éducatives.
Le tribunal pour enfants
Le tribunal pour enfants est une formation de jugement, cette fois-ci, qui est collégiale. Elle est formée de trois personnes, un président qui est un magistrat de carrière et deux assesseurs qui sont des particuliers.
Ces particuliers ne sont pas choisis n'importe comment, ce sont des majeurs d'au moins 30 ans qui sont connus pour leurs compétences ou leur expérience quant au problème de l'enfance, par exemple, des psychologues, des éducateurs spécialisés, des assistants sociaux, etc.
Le tribunal pour enfants est compétent dans deux cas.
- Les délits commis par des mineurs ayant au moins 13 ans, donc ça veut dire de plus de 13 ans.
- Les crimes commis par les mineurs de 16 ans, c'est-à-dire les crimes commis par des mineurs de moins de 16 ans.
Le tribunal pour enfants peut, lui, prononcer des peines privatives de liberté, même si le plus souvent, on va privilégier des mesures éducatives.
La cour d’assises des mineurs
Elle est compétente pour les crimes commis par un mineur d'au moins 16 ans. En réalité, cette cour d'assises des mineurs a un fonctionnement très proche de la cour d'assises.
Elle est composée de la même manière, à savoir un président assisté de deux assesseurs et un jury populaire.
La seule différence, c'est que les deux assesseurs sont choisis parmi les juges pour enfants et que l'excuse de minorité, donc qui est un moyen de défense en matière pénale, est mise en avant autant que possible.
Les juridictions pénales de nature politique
On va insister deux juridictions, la juridiction destinée à juger le chef de l'État d'abord et la juridiction destinée à juger les membres du gouvernement ensuite.
Juger le chef de l’État : la Haute cour
La Haute cour est la juridiction qui est destinée à juger le chef de l'État.
Alors, attention, le chef de l'État, le président de la République française, bénéficie d'une immunité de juridiction pendant toute la durée de son mandat. Cela signifie que si, avant son mandat ou même pendant ce mandat, il était amené à commettre une infraction de droit commun, imaginons un vol, il ne pourrait pas être poursuivi pendant la période de son mandat.
En revanche, une fois le mandat terminé, il sera poursuivi. Le seul effet de l'élection est de suspendre la prescription. Donc, c'est une interruption de la prescription et une fois que le mandat est terminé, on peut le poursuivre devant un tribunal de droit commun.
Certains présidents de la République ont été jugés devant des cours d'assises de droit commun.
Mais on parle ici de manquements à ses devoirs en tant que président de la République, des manquements tels qu'ils sont manifestement incompatibles avec sa fonction de président de la République. Dans ces cas-là, une juridiction peut prononcer une destitution du président de la République et cette juridiction, c'est la Haute cour.
La Haute cour est en réalité constituée du Parlement, c'est-à-dire de la réunion de l'Assemblée nationale et du Sénat, et peut décider de cette mesure extrême, mais qui est évidemment assez rare en pratique.
Le Président de la République n'est pas responsable des actes accomplis en cette qualité, sous réserve des dispositions des articles 53-2 et 68.
Il ne peut, durant son mandat et devant aucune juridiction ou autorité administrative française, être requis de témoigner non plus que faire l'objet d'une action, d'un acte d'information, d'instruction ou de poursuite. Tout délai de prescription ou de forclusion est suspendu.
Les instances et procédures auxquelles il est ainsi fait obstacle peuvent être reprises ou engagées contre lui à l'expiration d'un délai d'un mois suivant la cessation des fonctions.
— Article 67 de la Constitution de 1958
Le Président de la République ne peut être destitué qu'en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat. La destitution est prononcée par le Parlement constitué en Haute Cour.
La proposition de réunion de la Haute Cour adoptée par une des assemblées du Parlement est aussitôt transmise à l'autre qui se prononce dans les quinze jours.
La Haute Cour est présidée par le président de l'Assemblée nationale. Elle statue dans un délai d'un mois, à bulletins secrets, sur la destitution. Sa décision est d'effet immédiat.
Les décisions prises en application du présent article le sont à la majorité des deux tiers des membres composant l'assemblée concernée ou la Haute Cour. Toute délégation de vote est interdite. Seuls sont recensés les votes favorables à la proposition de réunion de la Haute Cour ou à la destitution.
Une loi organique fixe les conditions d'application du présent article.
— Article 68 de la Constitution de 1958
Juger les membres du gouvernement : la Cour de justice de la République
La Cour de justice de la République est celle qui peut être amenée à juger des membres du gouvernement, donc des ministres.
Alors là encore, attention à bien distinguer deux cas. Un ministre, comme tout citoyen et comme le président de la République, peut commettre une infraction, une infraction dans sa vie de tous les jours. Dans ces cas-là, les ministres ne bénéficient pas, contrairement au Président de la République, d'immunité. S'il est avéré qu'un ministre a commis une infraction, il peut être poursuivi alors qu'il est ministre devant une juridiction. L'actualité donne des exemples de ministres qui sont poursuivis en justice alors qu'ils sont ministres.
Mais ces poursuites n'ont aucun lien avec leur fonction de ministre. Or, pour la Cour de justice de la République, il s'agit de poursuivre les ministres pour une infraction, un manquement qu'ils ont commis dans l'exercice de leur fonction.
Un exemple : l'affaire du sang contaminé. On s'est rendu compte que les poches de sang du Centre français du sang étaient contaminées par le VIH. On s'est demandé s'il fallait détruire les poches de sang ou les conserver et les administrer. Ces poches de sang ont été conservées, elles ont été administrées et des personnes ont été infectées par le virus du VIH. Or il s'est avéré que la décision de ne pas détruire ces poches avait été prise par le ministre de la Santé de l'époque, en accord avec le premier ministre de l'époque. Un tel manquement a lieu à l'occasion de l'exercice des fonctions de ministre et relèverait de la Cour de justice de la République.
Il y a des modalités pour saisir la Cour de justice de la République, tout simplement parce qu'on pourrait imaginer que tout justiciable, mécontent de l'action d'un ministre, cherche à saisir cette Cour. Or évidemment, cette Cour est amenée à se prononcer uniquement dans les cas de manquement grave à la fonction ministérielle.
Donc il y a une commission spécialisée qui est appelée à se prononcer pour savoir si le dossier est transmis à la Cour. Cette commission spéciale des requêtes, elle est composée par trois conseillers de la Cour de cassation, deux conseillers d'État et deux conseillers maîtres à la Cour des comptes. Cette commission se réunit et décide ou pas de transmettre le dossier à la Cour de justice de la République.
Quant à la Cour de justice de la République, elle est composée de 15 juges, il y a 12 parlementaires, donc sénateurs et députés, et trois magistrats du siège, donc trois magistrats de carrière.
No Comments