Chapitre II. Les experts judiciaires
Les experts judiciaires sont qualifiés par la Cour de cassation et par le Conseil d'État comme des collaborateurs occasionnels du juge, des collaborateurs occasionnels du service public de la justice.
Pour faire vite, l'expert judiciaire est un professionnel qui est reconnu dans une spécialité et à qui on va faire appel en raison de ses compétences particulières justement dans cette spécialité.
Section 1. Les fonctions
L'expert judiciaire a une fonction qui est technique. Le but de l'expert judiciaire est d'apporter son éclairage et ses connaissances sur un aspect technique du litige, sur lequel le magistrat n'a pas forcément la main, n'a pas forcément les connaissances nécessaires pour bien comprendre le litige dans son entier.
Un exemple : imaginons un accident de la circulation, imaginons qu'il n'y ait pas eu d'appareil de mesure de la vitesse du véhicule qui a causé l'accident mais il y a sur le sol des traces de freinage. Grâce à un expert qui va calculer la longueur des traces de freinage et grâce à des calculs, va pouvoir estimer la vitesse du véhicule, va pouvoir déterminer si le conducteur du véhicule était en excès de vitesse ou respectait les vitesses, et donc préciser ainsi les circonstances de fait de l'accident. C'est ça le rôle de l'expert judiciaire.
Le recours à l'expertise est possible dans tous les domaines techniques.
Il est très fréquent en matière immobilière, on peut imaginer le recours à un expert pour évaluer un bien, par exemple un bijou, on peut avoir besoin d'un expert comptable, financier pour examiner par exemple les comptes d'une société, on peut avoir un expert mécanique ou en matière artistique (par exemple, il faut évaluer une oeuvre d'art ou il faut apprécier l'authenticité d'une oeuvre d'art, on va demander à un expert judiciaire en matière artistique).
S'il y a par exemple des victimes de dommages corporels, on va faire appel à un expert médical mais on peut faire appel à un expert dans tous les domaines qui nécessitent une approche technique.
L'expertise est nécessaire à chaque fois que les constatations faites par les juges ou faites par les parties ne sont pas suffisantes pour éclairer le magistrat sur les faits de l'espèce et si le magistrat n'est pas suffisamment éclairé, il ne peut pas prendre sa décision en toute connaissance de cause. Donc l'expert est saisi et il va rendre un rapport.
Attention : ce rapport est nécessairement technique. L'expert se prononce uniquement sur les faits, jamais sur le droit et d'ailleurs le juge n'est pas lié par le rapport de l'expert, il n'est pas tenu de suivre l'avis de l'expert.
En termes de procédure, c'est le magistrat, donc le tribunal lui-même, qui va désigner un expert. Il va fixer la provision qui lui est due parce qu'il faut bien payer l'expert et il va lui donner un délai pour rendre son rapport. Et après, le rapport arrive devant le juge, il va en prendre connaissance et il va décider de le suivre ou pas.
Être expert judiciaire, cela emporte un certain nombre de conséquences en matière notamment de responsabilité parce que la responsabilité de l'expert peut être recherchée civilement s'il rend tardivement son rapport ou s'il y a des carences graves dans son rapport, c'est-à-dire qu'il a mal fait son rapport.
Mais la responsabilité de l'expert peut aussi être recherchée sur un plan pénal, par exemple s'il a violé le secret professionnel ou si l'expert a été corrompu, c'est-à-dire qu'on l'a acheté pour qu'il rende son rapport dans un certain sens. Et enfin évidemment, on peut envisager aussi une responsabilité disciplinaire contre l'expert qui aurait mal agi.
Section 2. Les conditions d’accès
Pour postuler à l'expertise judiciaire, il faut remplir un certain nombre de conditions.
D'abord, il faut déposer une demande auprès du procureur de la République. Cette demande doit comporter un dossier de présentation qui atteste des compétences techniques dans le domaine dans lequel l'expert entend devenir expert judiciaire et des références professionnelles. Bien sûr, pour attester de ces compétences, il faut que la personne qui tend à devenir expert judiciaire ait une activité professionnelle en rapport avec la demande formée.
Ainsi, si vous êtes expert comptable, vous pouvez envisager de devenir expert judiciaire dans le domaine de la comptabilité et de la finance. Évidemment, si vous êtes expert comptable, vous n'allez pas devenir expert judiciaire pour apprécier l'authenticité d'une œuvre d'art. Ça semble cohérent comme condition.
Autre condition, c'est une condition de bonne moralité. Il ne faut pas avoir été déjà condamné. L'expert judiciaire peut subir des tentations comme la corruption..., donc, il faut démontrer des qualités et de la bonne moralité.
Enfin, si ce dossier remplit toutes ces conditions, la personne va être inscrite sur une liste d'experts judiciaires.
L'expert peut être nommé soit sur une liste régionale, qui est tenue par la Cour d'appel, et donc il pourra intervenir dans des affaires qui sont du ressort de cette région. Soit il est inscrit sur une liste nationale, qui est tenue par la Cour de cassation, et à ce moment-là, il peut intervenir sur tout le territoire.
Une fois que l'expert est désigné sur une liste régionale ou nationale, dans ces cas-là, il va prêter serment d'accomplir sa mission de faire son rapport et de donner son avis en honneur et conscience. Ce sont les termes du serment qu'il prête.
Aujourd'hui, on compte à peu près 10 000 experts sur le territoire français, qui donc vont prêter leur concours éventuellement au juge qui en a besoin.
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