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Chapitre II. Les juridictions du second degré

Que se passe-t-il si la personne, une des protagonistes du procès, que ce soit civile ou pénale, n'est pas satisfaite de la décision qu'elle a obtenue devant la juridiction du premier degré ? Dans ces cas-là, cette personne, mécontente de la décision qu'elle a obtenue, a la possibilité de faire appel. C'est pourquoi il faut envisager désormais les juridictions d'appel ou les juridictions du second degré.

On dit bien second degré et pas deuxième degré tout simplement parce qu'il n'y a pas en France de troisième degré de juridiction.

Les juridictions du second degré, c'est communément ce qu'on appelle la cour d'appel, devant laquelle on va pouvoir faire appel de la décision dont on est mécontent au niveau de la décision, donc de la juridiction du premier degré.

On n'est pas satisfait, on estime que les faits ont mal été interprétés, on estime que le droit a mal été appliqué, on n'est pas content, on veut donc faire réétudier son affaire. Et ce réexamen de l'affaire s'appelle l'appel.

On peut trouver que l'appel est une formalité qui s'impose et qui est normale. En réalité quand on y réfléchit cela peut être discuté. Finalement vous avez une affaire, elle a été examinée par des magistrats qui ont étudié votre cas, qui ont appliqué des règles. Pourquoi avoir besoin d'un appel ?

Aujourd'hui, la question posée ainsi peut sembler étonnante mais il faut savoir que l'appel n'est pas forcément un droit fondamental.

Bien sûr, il y a l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme selon laquelle on a droit à un procès équitable. Et on peut trouver que ce droit à un procès équitable comprend le droit à un appel.

Mais en réalité, pour connaître la position de la Convention européenne des droits de l'homme sur l'appel, il faut se référer au protocole additionnel numéro 7 et plus précisément à son article 2 :

1/ Toute personne déclarée coupable d'une infraction pénale par un tribunal a le droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité ou la condamnation. L'exercice de ce droit, y compris les motifs pour lesquels il peut être exercé, sont régis par la loi.

2/ Ce droit peut faire l'objet d'exceptions pour des infractions mineures telles qu'elles sont définies par la loi ou lorsque l'intéressé a été jugé en première instance par la plus haute juridiction ou a été déclaré coupable et condamné à la suite d'un recours contre son acquittement
Article 2, protocole 7 de la Convention européenne des droits de l'homme 

Ce droit à l'appel n'est finalement fondamental qu'en matière pénale, ce qui signifie que si on décidait demain de supprimer l'appel en matière civile, cela ne porterait pas aux droits fondamentaux et ne porterait pas atteinte à la Convention européenne des droits de l'homme.

Ceci étant dit, ce n'est pas le système que connaît l'organisation judiciaire française qui organise un appel à la fois en matière civile au sens large donc en réalité la matière civile, commerciale, sociale, rurale; mais aussi (et donc nécessairement) en matière pénale.

En matière civile, commerciale, sociale et rurale

L'organisation et le fonctionnement des cours d'appel en ces matières sont réglementés par le code de l'organisation judiciaire aux articles L311-1 et suivant.

Généralités sur les cours d’appel

D'abord, il faut savoir que toutes les affaires ne sont pas susceptibles d'appel.

Toutes les affaires ne sont pas susceptibles d'appel, ce qui, en matière civile, n'est pas contraire aux droits fondamentaux et notamment pas contraire à la convention européenne des droits de l'homme.

Cette situation peut peut-être paraître choquante, mais il arrive que le tribunal du premier degré qui statut, on dit qu'il juge en premier et dernier ressort. Quand le juge du tribunal du premier degré statut et juge en premier et dernier ressort, cela signifie que l'affaire n'est pas susceptible d'appel. En réalité, ce sont les affaires peu importantes financièrement qui ne sont pas susceptibles d'appel.

Aujourd'hui la somme qui est fixée réglementairement c'est la somme de 5 000 euros dans toutes les matières civiles sauf en matière sociale où c'est fixé à 4 000 euros.

En d'autres termes dans toutes les matières si l'affaire est inférieure à 5 000 euros et en droit social si elle est inférieure à 4 000 euros, si le litige est inférieur à 5 000 ou à 4 000, l'appel n'est pas possible, parce que l'appel est une procédure longue et coûteuse et qu'en réalité il serait plus coûteux de faire appel que le montant du litige.

Néanmoins, retenez que si le tribunal de premier degré statut en premier et dernier ressort, certes l'appel n'est pas possible, en revanche est toujours ouvert un pourvoi en cassation, c'est à dire un recours devant la Cour de cassation qui est la juridiction la plus haute de l'organisation judiciaire.

Si on écarte ces affaires donc qui sont exclus et qui n'arriveront jamais devant la cour d'appel, toutes les autres décisions rendues par une juridiction de premier degré est susceptible d'appel et pourra donc arriver devant une cour d'appel. Sachant qu'il existe 36 cours d'appel en France, il faut bien se rendre compte que c'est assez peu : en se souvenant qu'il y a 164 tribunaux judiciaires, tout ce contentieux des tribunaux judiciaires va s'étrangler ensuite s'il y a appel dans seulement 36 cours.

Le fonctionnement de l’appel

La cour d'appel est une unique cour, mais qui souvent est organisée en chambres spécialisées.

On peut faire appel des décisions du tribunal judiciaire donc de la matière civile de droit commun, on peut faire appel devant la cour d'appel des décisions du tribunal de commerce, on peut faire appel des décisions du conseil de prud'homme, on peut faire appel des décisions du tribunal paritaire des baux ruraux. La compétence de la cour d'appel est extrêmement large.

Le plus souvent la cour va être divisée en chambres. La chambre sociale est chargée de l'appel contre les jugements du conseil de prud'homme, mais aussi contre les jugements du tribunal paritaire des baux ruraux et par ailleurs on trouve souvent aussi une chambre commerciale pour les appels contre les décisions du tribunal de commerce et la matière civile peut selon la taille de la cour d'appel elle aussi être divisée en plusieurs chambres.

En matière pénale

En matière pénale, on retrouve en réalité l'originalité de la procédure pénale.

L'appel est possible lors de la phase d'instruction contre les décisions que prend le juge d'instruction ou le JLD notamment, et par ailleurs l'appel est possible à l'issue de la phase de jugement contre la décision rendue par la juridiction pénale du premier degré.

Et donc s'agissant de l'appel en matière pénale, il faut distinguer encore une fois la phase d'instruction et la phase de jugement.

Pendant la phase d’instruction : la chambre de l’instruction

Cet appel a lieu devant ce qu'on appelle la chambre d'instruction.

Pendant la phase d'instruction, le juge d'instruction peut prendre des actes d'instruction et a aussi des pouvoirs juridictionnels et surtout des pouvoirs juridictionnels lui permettant d'adopter des ordonnances, ordonnances de renvoi, le prévenu est renvoyé devant un juge pour être jugé, ou ordonnances de non-lieu, on estime qu'il n'y a pas assez de preuves et donc l'affaire s'arrête ici, le prévenu n'ira jamais devant un juge.

Ces actes juridictionnels sont évidemment susceptibles d'appel, ils sont susceptibles d'appel devant la chambre de l'instruction. Cette chambre de l'instruction est une chambre spéciale de la cour d'appel, qui est composée comme presque toujours de trois magistrats, de trois conseillers de la cour d'appel et le président de la chambre de l'instruction est le plus souvent un président de chambre.

L'appel interjeté contre les décisions du juge d'instruction ont lieu devant la chambre d'instruction. La chambre d'instruction a aussi des prérogatives très particulières que la loi lui attribue, comme par exemple l'étude des demandes d'extradition, ou les actions disciplinaires contre les officiers de police judiciaire, mais ce sont vraiment des attributions très particulières.

À l’issue de la phase de jugement

S'il y a eu cette phase lors du procès pénal, la phase de jugement, le prévenu est condamné, il n'est pas content, il veut faire appel, ou au contraire la victime n'est pas contente parce que le prévenu n'a pas été condamné et donc on cherche à faire appel.

D'abord, première particularité, l'appel n'est pas possible contre les jugements du tribunal de police. Cela peut peut-être étonner vu que l'appel est un droit fondamental en matière pénale. Mais le tribunal de police a une compétence limitée aux contraventions, c'est-à-dire aux infractions les moins graves. Et ici, on estime qu'on a "perdu" suffisamment de temps à mobiliser un juge pour trancher sur une infraction finalement mineure et que l'on ne va pas remobiliser une juridiction pour statuer à nouveau sur ce sujet.

Finalement, c'est le caractère mineur de l'infraction qui justifie que ce ne soit pas une atteinte au droit fondamental que de ne pas bénéficier d'un appel en matière contraventionnelle. Donc on ne peut jamais faire appel d'une décision du tribunal de police.

Cela signifie en d'autres termes que l'appel n'est possible en matière pénale que des décisions du tribunal correctionnel et des décisions de la cour d'assises.

La chambre des appels correctionnels

Au sein de cette unique cour d'appel, il y a une chambre spécialisée qui est la chambre des appels correctionnels et qui est dédiée à l'étude des appels qui sont formés contre les jugements du tribunal correctionnel. On trouve une chambre des appels correctionnels dans toutes les cours d'appel.

Là encore, elle est formée de trois magistrats, un magistrat qui est un président de chambre et qui a le rôle de président de la chambre, et deux assesseurs, deux conseillers.

La cour d’assises d’appel

Jusqu'en 2000, il n'était pas possible en France de faire appel contre les arrêts de la cour d'assises.

Tout simplement, parce que la cour d'assises est formée par un jury populaire qui rend la justice au nom du peuple français. C'est l'expression de la souveraineté nationale. Dès lors, on imaginait que le peuple français ne pouvait pas se tromper et s'il ne peut pas se tromper, on ne peut pas faire appel de sa décision.

Le raisonnement valait ce qu'il valait, mais il était intenable face à la Convention européenne des droits de l'homme qui instaure un droit fondamental à l'appel en matière pénale. Et évidemment, il était impossible de maintenir la position française et de dire que dans la matière la plus grave, c'est-à-dire la matière criminelle, il n'était pas possible d'obtenir un appel.

Dès lors, une loi du 15 juin 2000 a instauré les cours d'assises d'appel et donc a mis en oeuvre l'appel, possiblement contre les arrêts de la cour d'assises. Les articles relatifs aux cours d'assises d'appel sont les articles 380-1 à 380-15 du code de procédure pénale.

Néanmoins, il faut bien comprendre contre quoi il est possible de faire appel, et là encore, c'est tout à fait particulier.

La cour d'assises prend une décision sur la culpabilité et une décision sur la peine, sur le quantum de la peine. Est-ce qu'on punit à 2000, 3000, 5000 euros d'amende ? Est-ce qu'on punit de 2 ans, 5 ans, 10 ans d'emprisonnement ?

Il y a donc deux décisions de la cour d'assises sur la culpabilité et sur le quantum de la peine.

La loi de 2000 a décidé que l'appel contre les décisions de la cour d'assises ne pouvait concerner que le quantum de la peine. En d'autres termes, la cour d'assises d'appel qui se réunit ne peut jamais revenir sur la question de la culpabilité. Tout ce qu'elle peut faire, c'est revenir sur le quantum de la peine.

Alors, soit pour le diminuer, soit pour l'aggraver, selon qui fait appel et ce qui est demandé, mais elle ne peut se prononcer, elle ne peut réformer l'arrêt de la cour d'assises que sur la question du quantum de la peine et pas sur la question de la culpabilité, ce qui est particulièrement important.

Une dernière précision sur la cour d'assises d'appel : elle est formée comme une cour d'assises classique, c'est-à-dire de magistrats de carrière et d'un jury populaire, sauf qu'il y a plus de jurés dans le jury populaire : il y a neuf au lieu de six. Il y a neuf jurés populaires plus les trois magistrats, donc ça fait une juridiction à douze personnes.

Et évidemment, cette cour d'assises doit être constituée différemment que la cour d'assises qui a statué initialement : si on a droit à un appel, ce n'est pas pour être jugé par les mêmes personnes.

Il y a donc une nouvelle formation de la cour d'assises, nouvellement formée, qui va statuer en formation de cour d'assises d'appel.