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Chapitre III. La cour de cassation

Cette juridiction est la juridiction qui est tout en haut de l'ordre juridictionnel judiciaire et elle rend des décisions particulièrement importantes, des décisions qui sont souvent suivies par les juridictions inférieures. Les décisions de la Cour de cassation sont des décisions centrales que vous allez étudier, que l'on commente dans le fameux exercice du commentaire d'arrêt.

La Cour de cassation est une juridiction particulièrement importante et les arrêts, les décisions qui sont rendues par la Cour de cassation sont aussi particulièrement importantes.

D'abord nous allons envisager le rôle de la Cour de cassation, à quoi sert-elle et nous verrons que peut-être ce rôle n'est pas celui que vous croyez car la position de la Cour de cassation, tout en haut de l'ordre judiciaire français, ne vaut pas cour suprême comme il existe dans d'autres états. Puis nous verrons l'organisation de la Cour de cassation, ses différentes chambres, ses magistrats, et enfin la procédure qui est suivie devant la Cour de cassation et qui déroge assez largement à la procédure qui est suivie devant les autres juridictions que ce soit civile, commerciale, sociale ou même pénale.

Le rôle de la Cour de cassation

L'article L411-1 du code de l'organisation judiciaire prévoit qu'"il y a pour toute la République une Cour de cassation".

Alors qu'il y a de nombreux tribunaux judiciaires, de nombreuses cours d'appel, de nombreux tribunaux de commerce, conseils de prud'homme, il y a une seule Cour de cassation.

Il y a une seule Cour de cassation pour toute la République et ce point est très important, parce que c'est ce qui permet à la Cour de cassation de remplir sa fonction, son rôle originaire qui est d'être le gardien de la loi et de veiller à une application uniforme de la loi sur l'ensemble du territoire de la république.

Il est vrai que ce rôle originaire a beaucoup évolué, ou du moins des rôles complémentaires se sont ajoutés, avec de nouvelles missions confiées au fur et à mesure de son existence.

Rôle originaire de la Cour de cassation

En réalité, la Cour de cassation ne s'est pas appelée Cour de cassation dès l'origine. Les lois des 27 novembre et 1er décembre 1790 ont instauré en premier lieu ce qu'on a appelé le tribunal de cassation.

Le tribunal de cassation avait pour mission une mission assez simple, on voulait, parce que on était en période post révolutionnaire et surtout post Ancien Régime où les juges s'étaient amusés par voie des arrêts de règlement à devenir législateur, voulait lutter contre ça.

Pour lutter contre ça, on a créé le tribunal de cassation dont la mission était de veiller à l'application de la loi, de veiller à ce que les juges ne fassent pas n'importe quoi avec la loi et qu'elle soit appliquée de manière uniforme sur l'ensemble du territoire français.

On disait que le tribunal de cassation était la sentinelle de la loi, un soldat armé chargé d'assurer la garde du poste, et le poste qu'on devait garder c'était le respect de la loi. Donc finalement le premier rôle de la Cour de cassation c'est de veiller au respect de la règle de droit par les juridictions inférieures et de vérifier que les lois sont appliquées de manière uniforme sur le territoire.

Cela a une première conséquence très importante, c'est que la Cour de cassation n'est pas un juge du fait. La Cour de cassation ne juge pas, contrairement aux juridictions inférieures, en fait et en droit, la Cour de cassation juge uniquement en droit, parce que, pour elle, ce qui compte c'est l'application de la loi, c'est veiller à ce que la loi soit bien appliquée.

Donc peu importe les faits, ça c'est une question d'appréciation souveraine des juges du fond, pour la Cour de cassation ce qui compte c'est le droit, la bonne application du droit. Donc la Cour de cassation ne fait pas de nouvelles appréciations des faits, elle les prend telles que la cour d'appel les a appréciées.

C'est ce qui fait, et c'est la conséquence logique de cette mission, que la Cour de cassation n'est pas considérée comme un troisième degré de juridiction, parce que pour être un troisième degré de juridiction, et pour donc être considérée comme une Cour suprême, il faudrait que la Cour de cassation juge en fait et en droit, ce qui n'est pas le cas : la Cour de cassation juge uniquement en droit et de fait elle n'est donc pas un troisième degré de juridiction.

C'est la mission première, originaire qui existe toujours, c'est toujours la mission principale de la Cour de cassation.

Mais le rôle de la Cour de cassation a évolué et la Cour de cassation s'est vue confier de nouvelles missions.

Rôle actuel de la Cour de cassation

Le rôle originaire existe toujours, la Cour de cassation est toujours aujourd'hui chargée de veiller à l'application de la loi. Mais de nouvelles missions se sont ajoutées.

La première mission qui s'est développée et qui a résulté de son activité, c'est que la Cour de cassation est devenue par la voie de ses arrêts et de sa jurisprudence une source de droit. Alors évidemment qu'elle n'est pas source de droit comme l'est le législateur, mais la Cour de cassation, en rendant des décisions qui ont une certaine autorité, étant donné qu'elles émanent de la juridiction la plus importante de l'ordre judiciaire, émet des règles jurisprudentielles qui ont une certaine valeur normative. Et par conséquent, elle peut être considérée comme une source de droit.

Deuxième mission qui s'est beaucoup développée, c'est le contrôle de conventionnalité. Le contrôle de conventionnalité, c'est vérifier qu'une loi française est conforme aux traités internationaux. La France est parti à de nombreux traités internationaux, donc des traités qui l'allient à d'autres états, et notamment la France fait partie de trois organisations très importantes, l'Organisation des Nations Unies, mais surtout l'Union Européenne et la Convention de l'Europe avec notamment la Convention Européenne de sauvegarde des libertés fondamentales.

La Cour de cassation s'est arrogée le droit de vérifier la conformité des lois aux conventions internationales. En d'autres termes, si la loi n'est pas conforme à un engagement international de la France, le juge va pouvoir l'écarter.

Cette mission détonne un peu par rapport à la mission initiale, qui était que la Cour de cassation devait veiller au respect de la loi. Là, elle va écarter la loi parce qu'elle est contraire à une convention internationale.

Troisième nouvelle mission de la Cour de cassation qui date du début des années 1990, c'est le fait que le législateur a créé la saisine pour avis de la Cour de cassation. L'idée, c'est que si les juges du fond sont confrontés à une question de droit nouvelle qui présente une difficulté sérieuse et qui a vocation à se poser dans de nombreux litiges, alors les juges peuvent sursoir à statuer, c'est-à-dire "attendez, je ne vais pas trancher le litige, je vais demander son avis à la Cour de cassation".

Le but, ici, c'est de favoriser et surtout d'accélérer l'application uniforme de la loi. On est face à une question qui soulève des difficultés, qui est susceptible de nombreuses applications. Et donc, si on attend que le juge de Lille, le juge de Nice, le juge de Lyon, le juge de Clermont, le juge de Bordeaux disent chacun ce qu'ils en pensent, et le temps que toutes ces décisions arrivent devant la Cour de cassation pour qu'enfin elles, elles disent non, ce texte, on l'applique comme ça, on perd du temps, d'où l'idée de sursoir à statuer et de demander son avis à la Cour de cassation.

La portée de ces avis est dans les textes limités, c'est-à-dire que la Cour de cassation donne son avis, mais l'avis ne lie pas le juge qui a posé la question. En pratique, en réalité, la portée de ces avis est très importante, parce que si un juge a eu assez de recul pour se dire, face à cette question, il vaut mieux demander son avis à la Cour de cassation, c'est rarement pour dire revenir dessus. En pratique, cela arrive très rarement et la plupart du temps, les avis de la Cour de cassation sont suivis.

Autre mission nouvelle de la Cour de cassation, c'est de jouer le rôle de filtre en matière de questions prioritaires de constitutionnalité. Il s'agit, là encore, de questions que les juges du fond ou la Cour de cassation décident d'opposer au Conseil constitutionnel lorsqu'ils ont une hésitation sur le caractère constitutionnel d'une loi. Les juges judiciaires, en France, n'ont pas la possibilité de déclarer une loi contraire à la Constitution, seul le Conseil constitutionnel peut le faire.

Et donc, lorsqu'on a créé cette possibilité de poser une question au Conseil constitutionnel sur n'importe quelle loi pour savoir si elle était conforme à la Constitution, on a craint une explosion du contentieux et que le Conseil constitutionnel croule sous les questions prioritaires de constitutionnalité. Pour trier les questions et pour ne retenir que celles qui étaient véritablement sérieuses et pertinentes, on a instauré un filtre, qui se joue au niveau des deux juridictions les plus importantes, celle de l'ordre judiciaire, la Cour de cassation, et celle de l'ordre administratif, le Conseil d'État.

Et donc, la Cour de cassation doit décider, lorsqu'une question prioritaire de constitutionnalité est posée dans un litige, si elle transmet la question au Conseil constitutionnel, si cette question est suffisamment nouvelle, sérieuse.

Enfin, toujours dans ce contexte du rôle actuel de la Cour de cassation, il faut savoir que depuis une dizaine d'années, la Cour de cassation réfléchit. Les magistrats de la Cour de cassation réfléchissent à sa propre évolution et à sa place finalement au sein du dialogue des juges.

Du dialogue avec les juges du fond, mais du dialogue aussi avec les autres juridictions les plus élevées en France, notamment son dialogue avec le Conseil constitutionnel ou avec le Conseil d'État, et puis son dialogue avec les cours internationales, notamment avec la Cour de Justice de l'Union européenne et la Cour européenne des droits de l'homme.

En quelque sorte, la Cour de cassation réfléchit à sa réforme aussi pour asseoir son pouvoir, pour asseoir son autorité parmi toutes ces juridictions qui, elles aussi, se développent énormément, et donc pour que la Cour de cassation ne perde pas de terrain et conserve toute son autorité.

Ces réflexions, ces réformes ont conduit à plusieurs changements, notamment le filtrage des pourvois, la motivation des arrêts ou encore le changement de mode de rédaction des arrêts.

L’organisation de la Cour de cassation

Pendant très longtemps, l'organisation de la Cour de cassation était somme toute assez simple, il y avait une chambre criminelle qui statuait en matière pénale et une chambre civile qui statuait en matière civile et en matière civile entendu très largement qui comprenait en réalité les matières sociales, rurales, commerciales.

Désormais, les choses sont beaucoup moins simples parce que l'activité de la Cour de cassation s'est intensifiée : elle a eu de plus en plus d'affaires à traiter et donc il a fallu réorganiser la Cour de cassation pour qu'elle soit plus efficace dans le traitement des affaires.

Composition de la Cour de cassation

La Cour de cassation évidemment fonctionne grâce à des magistrats. Ces magistrats sont réunis en formation, des formations de jugement qui ne sont pas toutes identiques.

Les magistrats de la Cour de cassation

Attention, la Cour de cassation n'est pas composée uniquement de magistrats, évidemment en son sein exerce aussi de nombreux greffiers comme dans toute juridiction et les greffiers sont un rouage essentiel de la juridiction.

Parmi les magistrats à la Cour de cassation, on fait la distinction qu'on fait dans les autres juridictions entre les magistrats du siège et les magistrats du parquet.

Les magistrats du siège

À la tête de la Cour de cassation, d'abord se trouve ce qu'on appelle le premier président de la Cour de cassation. Son rôle est important, il préside les formations les plus solennelles de la Cour. C'est lui qui surveille l'activité de la Cour, qui va la représenter lors de rencontres nationales ou internationales et il est le premier magistrat de l'ordre judiciaire dans son ensemble.

Il a aussi un rôle important parce qu'il siège au Conseil Supérieur de la Magistrature.

Ensuite, on trouve les présidents de chambre, les chambres sont les différentes formations de la Cour de cassation. Il existe sept chambres, donc sept présidents de chambre.

Ensuite, sous ces présidents de chambre, on trouve des conseillers à la Cour de cassation. Les conseillers sont les magistrats qui composent les différentes chambres, qui participent aux délibérés et aux jugements. Ils exercent une fonction qui est évidemment très prestigieuse.

On arrive souvent à la fonction de conseiller à la Cour de cassation plutôt en fin de carrière.

Le conseiller qui est le plus ancien de la chambre a la qualité de doyen de la chambre et notamment cette qualité de doyen permet de présider la chambre lorsque le président de chambre a un empêchement.

Au sein de ces conseillers, on trouve aussi des conseillers qu'on appelle en service extraordinaire. Ce sont des conseillers dans le sens où ce ne sont pas des magistrats professionnels, mais des personnes qui sont nommées conseillers, mais en service extraordinaire à la Cour de cassation. Donc ce sont des personnalités qui ont une certaine expérience évidemment du droit, très souvent cette mission peut être confiée notamment à des professeurs de droit. Actuellement, il y a deux ou trois professeurs de droit qui siègent comme conseillers en service extraordinaire à la Cour de cassation.

Les magistrats du Parquet

À la tête du parquet de la Cour de cassation se trouve le procureur général près la Cour de cassation.

C'est le plus haut magistrat du parquet en France et il préside aussi le Conseil Supérieur de la Magistrature dans sa formation spécifique aux magistrats du parquet. Les magistrats du parquet sont moins nombreux que les magistrats du siège : en plus du procureur général, on trouve sept premiers avocats généraux puis des avocats généraux.

Les chambres de la Cour de cassation

La Cour de cassation est composée de six chambres.

Attention : il y a bien sept présidents de chambre, car il y a un président de chambre qui n'a pas de chambre, qui en fait est le président qui est à la tête du service de la documentation des études et du rapport. C'est un service très important qui s'occupe de fournir les sources aux magistrats pour une aide à la décision, qui établit le rapport de la Cour de cassation ainsi que toutes les études qu'elle peut faire. Donc c'est un service très important au sein de la Cour de cassation, mais ce n'est pas une chambre à proprement parler.

Les six chambres sont apparues progressivement. À l'origine, il n'y avait qu'une chambre criminelle et une chambre civile, auxquelles s'ajoutait une chambre des requêtes. La chambre des requêtes, c'était la chambre devant laquelle allaient les affaires les plus compliquées.

Finalement, en 1938, on a ajouté une chambre sociale qui a, comme son nom l'indique, vocation à connaître de tout le contentieux concernant la législation sociale, la législation en droit du travail.

Ensuite, on a ajouté, en 1947, la chambre commerciale de la Cour de cassation. En réalité, la chambre commerciale s'appelle la chambre commerciale financière et économique, mais comme le titre est un peu long, on la désigne le plus souvent comme la chambre commerciale. Et cette chambre est spécialisée dans tout le contentieux de droit des affaires.

Cela n'a pas suffi parce que le contentieux a continué de grossir et la chambre civile s'est trouvée submergée par le contentieux. Et donc, à la chambre civile qui existait déjà, a été ajouté deux autres chambres civiles.

La deuxième chambre civile a été créée en 1952. C'est elle qui règle les questions de procédure civile, de responsabilité délictuelle, de droit des assurances ou de sécurité sociale.

Et la troisième chambre civile a été ajoutée, elle, en 1967, elle connaît essentiellement des questions d'immeubles, donc de beaux, de propriétés, d'urbanisme.

La première chambre civile, elle, connaît du droit des personnes, du droit des obligations et du droit international privé.

Mais il faut dire maintenant quelques mots des formations de la Cour de cassation parce qu'on ne trouve pas à la Cour de cassation que des formations de jugement. Il y a aussi des formations pour avis ou des formations administratives.

Les formations de la Cour de cassation

Encore une fois, traditionnellement, on distingue les formations de jugement, donc les formations juridictionnelles, des formations pour avis et des formations administratives.

Les formations juridictionnelles

Il y a quatre formations juridictionnelles au sein de la Cour de cassation.

La formation restreinte

La formation restreinte, qui peut exister au sein de chaque chambre, est la formation qui est composée uniquement de trois magistrats. En matière civile, cette formation restreinte examine les pourvois et déclare s'ils sont recevables ou pas.

De plus, si l'affaire n'est pas compliquée et si la solution s'impose et prête peu à discussion, c'est aussi la formation restreinte qui va statuer au fond. Donc certains pourvois, s'ils ne suscitent pas de difficultés particulières, seront examinés par la formation restreinte, à savoir trois magistrats seulement de la Cour de cassation.

La formation ordinaire

La formation ordinaire de la Cour de cassation, c'est une formation qui est un petit peu plus importante et qui comprend cinq magistrats. Là encore, la formation ordinaire, c'est au sein de chaque chambre et elle peut réunir des magistrats différents à chaque fois, mais c'est pour un dossier, la formation ordinaire, on réunit cinq magistrats.

Là, ce sont pour les affaires, on va dire, d'une difficulté classique, le tout venant des pourvois qu'il faut étudier, sont confiés aux formations ordinaires.

Et puis, il existe des questions, des pourvois qui suscitent plus de difficultés ou qui vont concerner des matières qui appartiennent à plusieurs chambres. Par exemple, on va avoir un contentieux qui relève à la fois de la chambre commerciale et à la fois d'une des chambres civiles.

Les questions qui sont posées sont plus difficiles et alors, on va confier l'étude de ce pourvoi, non pas à une formation restreinte ou à une formation ordinaire, mais à une formation plus solennelle.

La chambre mixte

Une chambre mixte est composée de magistrats qui appartiennent à au moins trois chambres.

Attention, les chambres mixtes sont différentes selon l'affaire en cause. On peut avoir une chambre mixte avec des magistrats de la chambre commerciale, de la chambre sociale et de la chambre pénale parce que le contentieux concerne de la chambre criminelle, parce que ce contentieux concerne ces trois séries de blocs de matière.

On peut avoir une chambre mixte qui soit composée de magistrats des trois chambres civiles parce que le contentieux concerne toutes ces matières civiles. Donc, il n'y a pas une seule chambre mixte pour toute la Cour de cassation. Les chambres mixtes sont composées en fonction du dossier. La seule chose, c'est que pour être composée, il faut prendre des magistrats dans trois chambres différentes.

Le plus souvent, on réunit une chambre mixte parce que l'affaire relève de l'attribution de plusieurs chambres et donc on a besoin de l'avis et de l'expertise des différents magistrats sur ces matières.

La chambre mixte peut être aussi réunie dans une autre circonstance, c'est en cas de divergence de jurisprudence. Il s'agit au sein de la Cour de cassation d'une divergence, d'une différence de solution sur un même sujet entre les différentes chambres.

C'est une difficulté énorme que suscitent les divergences de jurisprudence : le rôle originaire de la Cour de cassation, c'est l'application uniforme de la loi. Or là, au sein de la Cour de cassation elle-même, on applique la loi de deux manières différentes. Et donc, en cas de divergence de jurisprudence entre les chambres, on réunit les chambres mixtes, comme ça les magistrats qui ont une divergence parlent entre eux et ils essayent d'arriver à une solution.

L’Assemblée plénière

L'Assemblée plénière de la Cour de cassation est composée du premier président de la Cour de cassation, des présidents, des doyens de chambre ainsi que d'un conseiller de chaque chambre.

Une affaire est portée devant l'Assemblée plénière lorsqu'elle pose une question de principe.

Une question de principe, soit parce que là encore il existe une divergence de jurisprudence et on n'a pas réussi à passer outre avec une chambre mixte, soit parce qu'il existe aussi une divergence de jurisprudence entre la Cour de cassation et les juges du fond, et donc la Cour réunit son assemblée la plus solennelle pour dire aux juges du fond, maintenant c'est comme ça et pas autrement, il faut suivre cette position.

Les formations pour avis

Lorsque les juges du fond se posent une question qui est nouvelle, sérieuse, qui est susceptible de s'appliquer dans de nombreux litiges et qui sursoit à statuer pour demander son avis à la Cour de cassation, la Cour de cassation va réunir une formation qui va se prononcer sur l'avis. C'est une formation donc qui est créée pour l'avis.

Cette formation n'existe pas en continu, étant donné qu'il n'y a pas des avis qui tombent tous les jours à la Cour de cassation, mais lorsqu'une telle demande est formée, on va choisir les magistrats et faire une formation pour avis.

Les formations administratives

Le service de la documentation des études et du rapport est dirigé par un président de chambre, et ce service est très important.

Il est très important d'un point de vue administratif, parce que c'est d'abord le service qui va orienter les pourvois dans les différentes chambres. Il va dire si ça relève de la chambre commerciale ou de la chambre criminelle.

Ce service a aussi un rôle d'aide à la décision, parce que lorsqu'un magistrat de la formation de jugement va se poser une question, va être à la recherche de sources, il va s'adresser au service de la documentation qui va faire les recherches de décisions qui ont déjà été rendues, de sources, de doctrines, etc.

Troisième rôle du service de la documentation, c'est éventuellement d'identifier les divergences de jurisprudence pour décider d'avoir recours à une formation solennelle de la Cour de cassation, c'est-à-dire soit une chambre mixte, soit l'assemblée plénière.

Et enfin, le service de la documentation a une quatrième mission très importante qui est la diffusion à propos du travail de la cour. Il publie des lettres, il diffuse les décisions aux juges du fond.

Certains juges du fond peuvent poser des questions au service qui doit y répondre. Et c'est aussi au sein du service que se prépare le rapport annuel de la Cour de cassation.

C'est une mission administrative qui est de gestion de la Cour, de l'organisation de la Cour qui est très importante.

La procédure devant la Cour de cassation

Connaître les rudiments de la procédure de cassation permet de donner parfois certaines clés de lecture des arrêts.

Le pourvoi en cassation, c'est le recours qui est exercé contre une décision, alors le plus souvent contre une décision d'appel, le recours qui est formé et qui est porté devant la Cour de cassation.

On distingue le demandeur au pourvoi, donc celui qui forme le pourvoi en cassation, du défendeur au pourvoi, donc qui sont les adversaires du demandeur.

Pour étayer son pourvoi, c'est-à-dire pour argumenter, pour dire pourquoi il fait un pourvoi en cassation et pourquoi il pense que la décision de la Cour d'appel n'est pas une décision juridiquement correcte, le demandeur au pourvoi va étayer son pourvoi avec ce qu'on appelle des moyens de cassation.

La Cour de cassation a grosso modo deux solutions possibles.

  • Soit elle rejette le pourvoi, c'est-à-dire qu'elle n'est pas d'accord avec les moyens du demandeur et elle va rejeter son pourvoi et donc la décision qui était attaquée, le plus souvent la décision de la Cour d'appel, est confirmée et elle devient inattaquable, elle doit s'appliquer.
  • Soit la Cour de cassation casse, d'où son nom, la Cour de cassation, l'arrêt de la Cour d'appel, la décision rendue en amont, elle va l'anéantir. Alors soit la cassation est totale, soit la cassation est partielle parce que seulement un bout de l'arrêt est annulé.

Le déroulement du procès devant la Cour de cassation

Alors on va commencer d'abord par le pourvoi, la vie du pourvoi, puis ensuite la décision qui est rendue.

Le pourvoi

  • Première étape, c'est la déclaration de pourvoi.

La déclaration de pourvoi, c'est donc le fait de faire un pourvoi en cassation, de se pourvoir en cassation. L'une des parties est mécontente de la décision du fond et dans les deux mois de la signification de cette décision, peut être déposé un pourvoi devant la Cour de cassation.

La particularité, c'est que ce pourvoi ne peut pas être déposé par n'importe quel avocat, mais par un avocat qui a le droit d'exercer devant la Cour de cassation et le Conseil d'État. On les appelle les avocats au Conseil, qui désignent donc avocats à la Cour de cassation et au Conseil d'État. C'est un barreau d'avocats spécialisé devant les deux plus hautes juridictions de l'ordre judiciaire et administratif.

Dans la déclaration de pourvoi, il n'y a pas encore tous les arguments qui viennent étayer le raisonnement et la justification du pourvoi, c'est juste dire qu'on forme un pourvoi en cassation.

  • La deuxième étape, c'est le mémoire ampliatif.

Une fois qu'on a fait la déclaration de pourvoi, il faut l'étayer avec des arguments. Ce qui va étayer, ce qui va contenir ce raisonnement de pourquoi on fait un pourvoi, c'est ce qu'on appelle le mémoire ampliatif.

C'est un document écrit dans lequel le demandeur au pourvoi va formuler toutes les critiques qu'il adresse contre la décision et c'est cela que l'on appelle les différents moyens de cassation.

Alors, le mémoire ampliatif respecte un certain nombre de règles qui sont issues de la pratique. Il va décrire la partie de la décision attaquée, il va décrire les motifs qui sont critiqués de cette décision et enfin, il va conclure sur pourquoi, selon lui, cette décision doit être cassée.

  • Troisième étape, c'est le mémoire en défense.

Le défendeur au pourvoi, lui aussi, bien sûr, il a le droit de se défendre et de dire pourquoi. Au contraire, il considère que la décision est tout à fait justifiée et donc le défendeur, lui, va rédiger un mémoire en défense.

Donc, il contient précisément une défense de la décision attaquée, il considère que la décision est tout à fait conforme à la loi et de la même manière que le mémoire ampliatif, il va développer un certain nombre d'arguments pour expliquer pourquoi la décision lui semble, selon lui, justifiée.

  • Quatrième étape, c'est l'attribution à une chambre.

Une fois qu'on en est là, donc il y a eu la déclaration de pourvoi, il y a eu l'échange des mémoires ampliatif et des mémoires en défense, il faut distribuer le pourvoi à une chambre. L'affaire est attribuée à une chambre par le service de la documentation, et on va décider si l'affaire est compliquée ou pas, si on la donne à une formation restreinte, une formation ordinaire, une chambre mixte ou l'assemblée plénière, selon le cas.

  • Cinquième étape, c'est la procédure d'admission du pourvoi.

Une fois que la formation reçoit le pourvoi, les magistrats doivent suivre une procédure d'admission. Ils doivent déclarer si le pourvoi est admis ou pas.

Cette procédure a été rajoutée en 2001 pour essayer de désengorger la Cour de cassation qui croulait un peu sous les affaires. L'idée ici, c'est de dire que si les pourvois ne sont pas fondés sur des moyens sérieux, s'il n'y a aucun argument qui se tient dans le pourvoi, à ce moment-là, les magistrats ont le droit de déclarer le pourvoi non admis, et on refuse de statuer sur le pourvoi.

C'est une espèce de procédure de filtrage du pourvoi qui permet d'éliminer un certain nombre d'affaires en amont avant même de commencer tout travail. Depuis que cette procédure est mise en place, il y a environ un tiers des pourvois qui sont déclarés non admis.

Lorsque le pourvoi est admis, on continue.

  • Sixième étape, c'est l'instruction du pourvoi.

L'instruction du pourvoi, cela consiste à confier à un des magistrats qui est sur l'affaire, on l'appelle le conseiller rapporteur, d'examiner le dossier, de déposer un rapport dans lequel il va orienter l'affaire, donc selon lui, vers une décision de rejet ou une décision de cassation.

Le parquet, l'avocat général, lui aussi consulte le dossier, lui aussi instruit, lui aussi rend un avis dans lequel il dit dans quel sens, selon lui, il faut trancher l'affaire.

Et puis, l'affaire est alors portée en audience devant tous les magistrats de la formation, soit la formation de trois magistrats, soit la formation de cinq, soit la chambre mixte, soit l'assemblée plénière, selon le cas. Finalement, les magistrats, donc dans leur formation, vont rendre leur jugement.

La décision

S'agissant de cette décision, deux points importants : la substance, le contenu de la décision, et ensuite, la publicité de la décision.

La substance de la décision

Les formations juridictionnelles ont la possibilité de rendre trois décisions différentes.

La première décision, c'est la décision de non-admission.

La décision de non-admission, les moyens du pourvoi ne sont pas crédibles, ne sont pas pertinents, ne sont pas sérieux, et donc, les magistrats décident de rendre une décision de non-admission, ce qui signifie que cela met un terme au litige et la décision critiquée, la décision du fonds critiquée, va s'appliquer.

Deuxième décision possible, c'est ce qu'on appelle le rejet du pourvoi.

Le pourvoi était sérieux, donc les magistrats l'ont étudié, l'ont instruit le dossier, mais finalement, ils ne sont pas convaincus par les arguments et ils estiment que le droit a été bien appliqué dans l'espèce. Et donc, ils vont rejeter la décision.

Il y a un cas de rejet du pouvoir un petit peu plus subtil, c'est-à-dire que la Cour de cassation, les magistrats qui instruisent le dossier, vont être d'accord avec la solution à laquelle est arrivée la cour d'appel en l'espèce, mais en revanche, elle n'est pas d'accord sur le raisonnement qui a mené la cour d'appel à cette solution. Ici, elle est gênée parce qu'elle ne peut pas casser la solution parce que c'est la bonne, mais en revanche, elle n'est pas d'accord avec le raisonnement.

Dans ces cas-là, elle rend une décision de rejet, mais avec ce qu'on appelle une substitution de motif. Substitution de motif, cela signifie qu'elle enlève la partie du raisonnement de la cour d'appel avec laquelle elle n'est pas d'accord, et elle dit la cour d'appel a eu raison de statuer dans ce sens, mais parce que pour ce motif-là, cette solution est la bonne. Donc elle substitue son raisonnement à celui de la cour d'appel.

De la même manière, elle peut rendre une décision de rejet en considérant que dans la décision de la cour d'appel, il y a ce qu'on appelle des motifs surabondants, c'est-à-dire des motifs que la cour d'appel a énoncé alors qu'ils n'étaient pas nécessaires au raisonnement. Et donc là, de la même manière, elle précise que la solution est fondée pour cette raison sans qu'on ait besoin de se préoccuper de ces motifs surabondants.

Troisième décision, la décision de cassation.

Lorsque la Cour de cassation rend une décision de cassation, cela signifie donc qu'elle a été convaincue par le pourvoi et qu'elle remet en cause la décision du fond. Le plus souvent, la Cour de cassation doit faire une décision de cassation avec renvoi, ce qui signifie que lorsque la Cour de cassation a rendu sa décision, ce n'est pas elle qui peut trancher au fond, puisque le rôle de la Cour de cassation est de juger en droit.

Mais elle ne peut pas se saisir des faits, elle ne peut pas juger des faits, donc elle ne peut pas dire en principe, "ici il aurait fallu faire comme ça". Et donc, on renvoie devant une nouvelle cour d'appel qui, elle, est chargée d'appliquer le droit de la bonne manière. Donc, quand il y a une décision de cassation, l'affaire n'est pas terminée, encore faut-il que l'affaire soit réexaminée devant une nouvelle cour d'appel.

Mais alors, si on est mécontent encore de ce qui s'est passé devant la nouvelle cour d'appel, à ce moment-là, il peut y avoir un nouveau pourvoi contre la décision, et si tel est le cas, c'est-à-dire s'il y a un deuxième pourvoi en cassation dans la même affaire, ce pourvoi est confié à l'Assemblée Plénière pour mettre un terme définitif à l'affaire.

Certaines fois, le renvoi devant la cour d'appel n'est pas utile et la Cour de cassation peut casser l'arrêt sans renvoi, notamment lorsque les faits qui sont souverainement appréciés par les juges du fond et qui lui ont été présentés lui permettent d'appliquer la règle de droit pertinente. En d'autres termes, la Cour de cassation ne fait toujours pas de faits, mais elle détient les faits suffisants pour faire juste une application du droit. Et à ce moment-là, c'est de bonne alloi, de bonne justice et que c'est plus rapide que ce soit la Cour de cassation qui dise directement quelle est la règle qui s'applique et comment le litige va être tranché, plutôt que de renvoyer devant une cour d'appel.

Cette procédure de cassation sans renvoi était à l'origine exceptionnelle, mais elle tend de plus en plus à se développer justement dans une visée d'accélération de la justice et de traitement des affaires plus rapide.

Diffusion de la décision

Les décisions de la Cour de cassation font l'objet d'une certaine publicité. Alors évidemment, avec les moyens modernes et le développement d'internet, ces moyens de publicité sont encore accrus, donc les décisions sont anonymisées et sont disponibles sur le site de la Cour de cassation.

C'est une étape qui est fondamentale pour favoriser l'accès au droit.

En principe c'est le président de chambre qui a cette mission de diffusion de l'arrêt et les arrêts peuvent faire l'objet d'une publicité plus ou moins importante selon justement la nature de l'affaire et selon qu'elle est d'importance ou pas.

Il y a des arrêts inédits qui sont finalement des arrêts pas très importants sur des affaires pas très importantes et qui reprennent des solutions éculées. Parfois on a des arrêts qui, au contraire, soit rendent une solution nouvelle, soit viennent trancher une divergence de jurisprudence, et donc qui font l'objet d'une publicité beaucoup plus importante.

Évidemment dans ce rôle de publicité, de publication, de diffusion des décisions, le service de la documentation de la Cour de cassation va favoriser aussi cette diffusion.

Lorsqu'on va sur le site de la Cour de cassation, et qu'on a les arrêts, on a les abstracts, c'est-à-dire les mots-clés de l'arrêt et ces mots-clés sont très importants pour retrouver la décision. Parce que si on a connaissance d'une décision et de sa date, on la retrouve facilement; mais si on cherche une décision sur un sujet particulier, grâce à ces mots-clés qui sont déterminés par le service de la documentation, on peut retrouver les arrêts pertinents.

Les cas d’ouverture à cassation

Pour pouvoir obtenir la cassation, il faut se prévaloir d'un cas d'ouverture. Ces cas d'ouverture sont nombreux et il y a les cas usuels, c'est-à-dire ceux auxquels on recourt le plus souvent, et puis il y a des cas qu'on appelle disciplinaires.

Les cas d’ouverture usuels

Dans ces cas d'ouverture à cassation, on peut en distinguer deux : la violation de la loi et le manque de base légale, ou défaut de base légale.

La violation de la loi

C'est le cas d'ouverture à cassation le plus fréquent. Il faut comprendre par violation de la loi, la méconnaissance d'une règle quelle qu'en soit la source. Donc que ce soit la loi, la violation de la loi au sens strict du terme cette fois-ci, la violation d'un traité international ou même la violation d'un principe général du droit non écrit.

Lorsque un tel cas d'ouverture à cassation est invoqué, deux possibilités.

  • La cassation étant courue, lorsque les motifs de faits ou de droits exposés par la décision critiquée, sont impropres à justifier la solution. Dans ces cas-là, on retrouve dans l'arrêt, dans le dispositif de l'arrêt, le fait que la cour d'appel a violé le texte susvisé.
  • Parfois la décision de la cour d'appel présente des motifs suffisants, contrairement au cas précédent, mais ces motifs n'ont pas été utilisés de la bonne manière, et la Cour de cassation explique alors que la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations. Donc en gros la cour d'appel a fait le bon raisonnement mais elle n'a pas tiré la bonne conclusion.

En revanche, si la Cour de cassation considère que le pourvoi doit être rejeté, dans ces cas-là vous trouverez dans les arrêts la formule "la Cour d'appel a retenu à bon droit que", "la Cour d'appel a fait exacte application de la loi", ça veut dire que la Cour de cassation ne pense pas ici qu'il y a violation de la loi.

Le manque de base légale

Le manque de base légale, c'est lorsque les motifs de la décision ne permettent pas de vérifier si les éléments nécessaires pour justifier l'application qui a été faite de la loi se rencontraient bien dans la cause. Donc ce défaut appelle une réponse spécifique qui différencie la violation de la loi du manque de base légale.

On trouve souvent, lorsque la Cour de cassation rejette ce cas d'ouverture à cassation, la formule "en retenant que [...] la Cour d'appel a procédé à la recherche prétendument omise", au contraire lorsque la Cour de cassation retient le défaut, le manque de base légale, elle va affirmer que "en se déterminant ainsi la Cour d'appel n'a pas donné base légale à sa décision".

Les cas d’ouverture disciplinaires

Au delà de ces deux cas qui sont donc les deux cas les plus répandus, il y a aussi ce qu'on appelle des cas d'ouverture à cassation disciplinaire. L'idée ici est de faire censurer la décision mais uniquement pour la façon dont elle a été rédigée.

En réalité, la décision ne comporte pas de défaut quant au raisonnement, quant à l'application de la loi, quant au fond finalement, mais plutôt on peut invoquer un vice de motivation, par exemple parce qu'il n'y a pas de réponse à une conclusion qui était dans les conclusions de l'avocat. On peut rattacher à ces cas d'ouverture disciplinaire toutes les critiques qui sont purement formelles et qui dérivent de la procédure civile : on n'a pas respecté les droits de la défense, on n'a pas respecté la publicité de l'audience, on n'a pas respecté la bonne composition de la juridiction.

Dans tous ces cas, le pourvoi se borne à soutenir que la décision n'a pas été rendue dans les conditions attendues et on ne la discute pas au fond. Si la Cour de cassation accueille ce type de pourvoi, encore une fois elle ne va pas censurer les juges du fond sur le fond de l'affaire, elle les censure pour s'être prononcés en dehors des formes légales.

Cela ne veut pas dire que c'est moins grave, si vous ne respectez pas la publicité de l'audience ou si vous ne respectez pas les droits de la défense, cela peut être extrêmement préjudiciable pour l'une des parties; mais ici, et c'est pour cela qu'on appelle ça disciplinaire, parce qu'en fait on vient taper sur les doigts des juges du fond qui n'ont pas respecté les procédures, les formes qui sont imposées, mais en revanche le fond de l'affaire lui n'est pas remis en cause.

Le mode de rédaction des arrêts de la Cour de cassation

Si on lit des décisions récentes, des décisions qui datent depuis la fin de l'année 2019, on verra donc que les arrêts ont une structure, respectent un certain mode de rédaction qui est assez accessible, c'est un style direct, etc, alors que, quand on lit des arrêts antérieurs, ils n'avaient pas du tout cette structure.

La motivation des arrêts

La motivation traditionnelle des décisions de la Cour de cassation était une motivation qui était assez laconique : les arrêts de la Cour de cassation sont pour la plupart sont assez courts, parce que la Cour de cassation se contente vraiment, ou se contentait la plupart du temps, du minimum pour justifier sa décision. Et c'est là un style qui était très différent d'autres décisions, alors de décisions notamment étrangères ou de décisions de la Cour de justice de l'Union européenne ou de la Cour européenne des droits de l'homme.

Donc la motivation traditionnelle de la Cour de cassation, c'est plutôt une motivation laconique, très courte, on se contente de l'argument juridique sans expliquer.

Pendant le processus qu'on vit toujours de réforme de la Cour de cassation, est arrivée l'idée que ce défaut de motivation ne permettait pas aux justiciables et aux destinataires de la décision de toujours bien comprendre les décisions de la Cour de cassation.

Et donc la Cour de cassation a décidé, dans certains cas seulement, d'avoir recours à ce qu'elle appelle la motivation enrichie.

La motivation enrichie, c'est rédiger l'arrêt de manière à ce que la motivation soit plus conséquente. Cela a une vertu, une dimension explicative, donc on va mieux expliquer son raisonnement, pédagogique, et aussi, le but de cette motivation est de persuader les destinataires de la règle du bien fondé de la solution. L'idée d'une motivation plus importante est d'assurer une meilleure sécurité juridique et aussi d'assurer peut-être une meilleure diffusion du droit français au niveau international.

Cette motivation enrichie elle peut prendre la forme des formes différentes.

La Cour de cassation peut faire un maillage des arrêts, c'est-à-dire qu'elle va reprendre ses solutions antérieures, expliquer pourquoi elle a statué dans ce sens antérieurement et expliquer pourquoi désormais elle statue dans un nouveau sens. C'est un exemple de motivation enrichie d'un revirement de jurisprudence par exemple. Elle peut faire état d'études, elle peut même mentionner éventuellement de la doctrine.

Évidemment, elle ne peut pas faire de motivation enrichie dans toutes les affaires, et notamment pas dans les affaires de moindre importance où les solutions sont déjà admises et où elles ne sont pas controversées, mais elle va le faire pour chaque décision importante, à savoir les revirements de jurisprudence, les questions de principe, l'interprétation d'un texte nouveau, la garantie d'un droit fondamental ou lorsqu'il s'agit soit de renvoyer l'affaire devant la Cour de justice de l'Union européenne, soit lorsqu'elle demande un avis à la Cour européenne des droits de l'homme.

Le style de rédaction et la structure des arrêts

L'idée ici est de distinguer depuis l'existence de la Cour de cassation jusqu'à 2019 et depuis 2019.

Avant la fin de l'année 2019, les arrêts de la Cour de cassation étaient rédigés en style indirect avec des phrases qui commençaient par « attendu que » et qui respectaient une certaine structure.

Depuis 2019, dans un souci dit-on de simplification et d'accessibilité de la décision, la Cour de cassation a renoncé au style indirect, donc elle a renoncé aux « attendus ». Elle écrit les arrêts au style direct et elle va rendre la structure de l'arrêt plus apparente, c'est-à-dire qu'il y a des paragraphes apparents et cette structure repose en général sur trois parties bien identifiées.

  • La première partie, les faits. Il y a un titre qui s'appelle « les faits » et puis elle déroule en style direct les faits.
  • Une seconde partie qui s'appelle « examen des moyens du pourvoi » et là il y a plusieurs paragraphes en style direct qui présentent les moyens du pourvoi.
  • Et puis enfin, troisième partie, c'est le dispositif de l'arrêt, c'est-à-dire là les paragraphes qui sont la décision de la cour de cassation, ce qu'elle décide et pourquoi, s'il y a une motivation enrichie.

Cela a été véritablement une révolution pour ceux qui avaient lu les arrêts de la cour, les anciens arrêts de la cour et qui étaient habitués à l'ancienne structure.

On peut voir cela comme une simplification, mais en réalité pour tout juriste qui fait des études de droit, le droit ne s'arrête pas à 2019.

Évidemment qu'on rencontre des jurisprudences plus anciennes et qu'il faut s'accoutumer à la forme ancienne des arrêts qui peut être parfois plus difficile d'accès.