Chapitre Introductif. Le Cadre général
Il semble qu'il est nécessaire, avant de détailler le rôle, les missions, la nature et la composition des institutions administratives, de présenter une vue d'ensemble de celle-ci.
Les notions d'administration et d'institutions administratives doivent ainsi être définies en premier lieu, ce qui permettra d'apprécier finalement une forme de panorama, d'examiner un peu un panorama général des institutions administratives françaises, avant d'étudier les principes généraux de l'organisation administrative.
Section 1 – Les notions d’administrations et d’institutions administratives
En première approche, une institution désigne les éléments qui constituent la structure juridique d'une réalité sociale. Et cette réalité sociale est appréhendée sous le prisme du droit à travers différentes catégories et règles.
Une institution correspond à un ensemble homogène de principes et de règles qui viennent structurer tel aspect de la réalité sociale. Il existe deux grandes catégories d'institutions.
- D'un côté, on a des institutions organes avec l'Etat qui est la première des institutions organes, le préfet, la commune, la société anonyme, etc.
- Et de l'autre, on a des institutions normatives qui régissent tel ou tel aspect de la vie en société, par exemple le mariage, le testament, le service public.
Ce cours d'institutions administratives va porter, pour l'essentiel, sur les structures juridiques qui permettent à la fois d'exercer et encadrent l'activité administrative. Il convient donc de définir cette dernière, de définir l'activité administrative et d'indiquer quelles sont ses missions.
Caractérisation de l'administration
Absence de définition juridique
Aussi étonnant que cela puisse paraître de prime abord, il n'existe pas de définition véritablement juridique de l'administration, mais une multitude de manières d'appréhender cette dernière.
Le mot « administration » est pourtant employé à six reprises par la Constitution, sans qu'elle n'en donne de définition. En l'occurrence, la plus importante de ce terme figure à son article 20, dont l'alinéa 2 prévoit que le gouvernement "dispose de l'administration et de la force armée".
Il est également indiqué à l'article 13 de la Constitution que le président de la République "nomme les directeurs d'administration centrale en conseil des ministres".
L'article 34 de la Constitution, sur le domaine de la loi, assigne quant à lui au législateur la mise en œuvre d'un important principe, celui de "libre administration des collectivités territoriales". De même, toujours selon cet article 34 et 47.2, les comptes des administrations publiques sont évoqués directement par la Constitution.
Malgré cette absence de définition textuelle, la notion d'administration n'a cessé d'évoluer et de croître depuis le XIXe siècle. Celle-ci est liée à la conception de l'État. La diversification des activités de la puissance publique conduit à une association étroite du secteur privé dans l'accomplissement de ses missions.
Et l'administration n'est ainsi pas synonyme de personnes publiques. Les personnes morales de droit privé peuvent ainsi exercer des missions de nature statutaire.
La notion de personnalité est extrêmement importante. La personnalité est une fiction juridique pour traduire en droit certaines réalités sociales. Notre système juridique repose sur la notion de personnes à qui l'on impute des droits et des devoirs.
On fait une distinction habituelle entre les personnes physiques et les personnes morales. La personnalité morale donne une consistance juridique à une institution sociale organique, c'est-à-dire à une collectivité rassemblée pour exercer des missions données. Aussi, une personne morale est une collectivité disposant de la personnalité juridique et a ce titre titulaire de droit et d'obligation. Ces droits et obligations engagent la responsabilité de la personne morale en question.
L'intérêt de la personnalité morale pour une institution administrative est de disposer d'une autonomie de gestion, d'organisation, et de son propre budget. C'est un concept vraiment important, le concept de personne morale.
Le concept de personne morale de droit public dispose de caractéristiques qui diversent de la personnalité morale de droit privé. En cela, elle est soumise à un régime de droit public sur lequel il n'y a pas lieu de revenir, mais qui comporte des différences substantielles par rapport à la personnalité de droit public.
Pour simplifier, le régime des biens, le régime des agents, le régime des missions exercées par ces personnes morales de droit public va être soumis au droit public, et notamment au droit administratif, c'est-à-dire à un corps de règles et à un ensemble de juges différents de ceux qui existent en droit public.
A noter que le terme de personne privée est relativement indéterminé, dans la mesure où, selon l'usage, on désigne aussi bien des personnes physiques que morales. À l'inverse, le terme personne publique désigne toujours une personne morale de droit public.
Les personnes publiques sont toutes des personnes morales. En droit, il n'existe pas de personnalité physique publique. Des personnes comme le président de la république, le premier ministre, le maire, etc. ne sont pas des personnes publiques, mais ce sont des agents ou des représentants d'autres personnes de droit public, comme l'état ou la commune.
Tout cela pour insister sur le fait que personnes publiques et administrations ne sont pas synonymes, et il faut aller plus loin en conjuguant les approches organiques et fonctionnelles.
Approche organique
Le point de vue organique est, comme son nom l'indique, celui qui fait référence aux organes, c'est-à-dire aux auteurs d'une action, à la structure de l'institution qui lui permettent d'assurer son fonctionnement.
L'approche organique de l'administration consiste en quelque sorte à définir celle-ci par rapport aux organes publics. L'administration se présente comme un ensemble d'institutions, aux statuts ou règles de fonctionnement très variés.
Au premier rang de cet édifice administratif, on trouve l'État, accompagné de ses administrations centrales et déconcentrées. Ce sont ensuite les collectivités territoriales et leurs établissements publics.
Les collectivités territoriales comprennent elles-mêmes plusieurs catégories comme les communes, les départements, les régions, les collectivités à statut particulier et les collectivités d'outre-mer, sous cela en vertu de l'article 72 de la Constitution. Ces collectivités ont elles-mêmes donné naissance à des structures complémentaires pour exercer toutes leurs missions.
A cet ensemble s'ajoute l'ensemble des établissements publics créés par ces diverses institutions pour exercer, sous leur contrôle, des missions spécialisées. Pour autant que valent ces chiffres et pour donner une idée, en 2022, la France compte 5,6 millions d'agents publics, soit près d'un emploi sur cinq. Donc l'administration, a minima, c'est cette masse conséquence de femmes et d'hommes qui oeuvrent pour des missions assignées aux différentes collectivités publiques.
D'un point de vue institutionnel, l'état est composé de multiples structures. Soit des administrations centrales, on a plus de 450 sous-directions, plus de 2 000 bureaux, soit des administrations déconcentrées. On a 101 préfectures, dont 96 se situent en métropole, et 232 sous-préfectures d'arrondissement.
Les collectivités territoriales sont très nombreuses, on en compte autour de 35 000. 101 départements, 18 régions, dont certaines se situent en outre-mer. Les collectivités à statut particulier et les collectivités d'outre-mer. Il faut aussi citer un très grand nombre d'établissements publics nationaux ou locaux. Ces administrations, au sens organique, peuvent être évaluées budgétairement. Concernant l'état, elle représente pour 2023 un budget de plus de 577 milliards d'euros.
L'approche fonctionnelle
L'approche fonctionnelle renvoie aux finalités de l'action administrative. Pour en dire un mot, l'administration se définit ici non pas par référence à un organe, mais par rapport à une activité. L'activité administrative est celle qui se rapporte à l'intérêt général.
Mais attention, toute activité d'intérêt général n'est pas nécessairement une activité administrative. Sont seulement administratives les activités d'intérêt général assurées sous le contrôle plus ou moins direct d'une personne publique.
Cette vision fonctionnelle de l'activité administrative laisse ainsi une importante place aux personnes privées qui peuvent se voir associées à des missions de services publics dès lors que celles-ci sont réalisées sous le contrôle d'une personne publique. Dès lors, le champ de l'administration varie selon l'approche restrictive ou extensive de l'intérêt général.
L'approche idéologique
L'approche idéologique valorise la question de la légitimité de l'action publique. Il s'agit de s'interroger sur la place de l'espace public par rapport à la société civile ou sur les limites et la nature de l'intervention publique.
De nombreux qualificatifs de l'État sont mis en avant pour décrire cette intervention et celle de son administration.
Historiquement, un premier clivage a opposé les tenants de l'État-gendarme à ceux de l'État-providence. Dans la première expression, l'État-gendarme, à la fin du XIXe siècle, l'État ne doit avoir pour fonction que d'assumer des tâches essentiellement régaliennes. Les doctrines de l'État-providence étendent le champ de l'activité de l'État aux activités de production, ce dernier s'aventurant notamment dans le champ de l'activité des entreprises pour fournir directement des prestations qui lui apparaissent d'intérêt général.
Autre notion développée aujourd'hui, celle de l'État-régulateur qui aurait pour fonction de favoriser la concurrence afin d'organiser le marché, pour permettre l'exercice d'une concurrence saine et profitable à tous.
L'État-stratège est une conception plus récente et un peu fourre-tout du rôle de l'État et qui fait la synthèse de l'État-gendarme et de l'État-providence, en conservant les aspects régaliens de la mission de l'État, mais en concevant son action plus largement pour l'autoriser à intervenir dans des secteurs stratégiques de la vie économique.
Ces approches idéologiques sont importantes car elles drainent les politiques publiques et façonnent à plus ou moins long terme la structure de l'administration.
Les missions de l'administration
On définit les missions de l'administration, c'est-à-dire celle de l'État et de ses composantes, en s'intéressant aux finalités de l'action administrative et à ses moyens.
La finalité de l'action administrative
En réalité, trois grandes fonctions principales sont assurées par l'administration.
- Premièrement, celle-ci assure le service public, dont la définition du service public est évidemment très évanescente.
Il s'agit des activités d'intérêt général qu'une collectivité publique décide d'assurer soit en la prenant directement à sa charge, soit en la confiant à un tiers qui peut être une personne privée. Et dans ces cas-là, le tiers à qui est confiée la mission, voit son activité contrôlée par la personne publique principale.
La nature du service public est très variable et les buts qu'il remplit diffèrent selon qu'il s'agit de missions à caractère économique, éducatif, social et culturel, avec des régimes juridiques différents.
- Deuxièmement, l'autre grande fonction assurée par l'administration, c'est la police.
L'administration assure la police, c'est-à-dire le maintien de l'ordre public. À cet égard, on distingue la police judiciaire qui relève du droit de la procédure pénale et qui consiste à poursuivre les auteurs d'infractions.
Mais l'activité qui consiste à maintenir l'ordre en prévenant toute atteinte à celui-ci, c'est la police administrative. En matière de police, tout est question de périmètre et de proportionnalité.
Que recouvre exactement la notion d'ordre public ? Et dans quelle mesure l'action de l'administration est-elle proportionnée au risque d'atteinte à ce dernier ?
C'est le contrôle de la mise en balance de la police.
- Dernière fonction, la plus récente de l'administration et qu'on peut distinguer de deux autres, c'est celle de la régulation.
La régulation est l'activité de l'administration menée dans l'économie pour créer des conditions d'une saine concurrence. L'activité de la régulation, c'est celle qui a pour objet la concurrence.
Bilan : L'administration gère tout ce qui est service public. Service public est une notion variable et maléable qui connaît différentes exceptions juridiques et d'ailleurs différentes catégories avec différentes règles applicables.
Pour simplifier, quand on a du service public, on a une part minimale de droit administratif qui va s'appliquer, mais cette part de droit administratif n'est pas exclusive. Le droit privé peut également avoir vocation à s'appliquer pour certains services publics. Plus on va vers des activités régaliennes, plus on va avoir une part de droit administratif importante.
À côté du service public, on a la police. La police est fondée sur la notion d'ordre public puisqu'elle a pour objet de le protéger, donc tout l'enjeu est de savoir comment on conçoit cet ordre public de façon plus ou moins stricte ou plus ou moins large. En fonction de la façon dont on conçoit l'ordre public, les missions de l'administration seront plus ou moins étendues.
Puis on a la régulation beaucoup plus moderne qui consiste à réguler l'activité économique en matière de concurrence.
Les moyens de l'administration
Ce qui nous intéresse ici ce sont les moyens juridiques. On a déjà évoqué certains moyens matériels en mentionnant à grands traits les chiffres de l'emploi public et du budget.
Du point de vue juridique, l'administration met en œuvre ses missions par un ensemble de décisions qui s'imposent directement. C'est ce qu'on appelle l'exercice de prérogative de puissance publique.
L'administration dispose de la compétence pour prendre des décisions qui vont s'imposer au tiers sans avoir à recourir à leur consentement, ce qu'on appelle le caractère exécutoire des décisions administratives et qui les distingue des décisions privées.
L'administration dispose ainsi d'un pouvoir normatif très important, pouvoir normatif qui lui permet notamment d'édicter des actes réglementaires.
Les actes réglementaires, à ne pas confondre avec les actes individuels, ont une nature générale et impersonnelle. Ce sont des sortes de lois administratives. Matériellement, presque rien ne distingue la loi du règlement. Mais la distinction principale est organique, c'est-à-dire qu'elle est d'auteur.
- Si c'est le Parlement, c'est une loi.
- Si c'est par exemple le Premier ministre, ça va être un règlement.
A l'échelle nationale, le Premier ministre est compétent par décret pour prendre des règlements valables sur l'ensemble du territoire. Il se réserve des compétences exercées par le Président de la République.
Par exemple, le code de la route, pour l'essentiel, c'est le fruit de différents actes réglementaires du Premier ministre.
Evidemment, toute la mise en oeuvre de ce pouvoir normatif s'appuie sur les fameuses prérogatives de puissance publique dont l'administration bénéficie, qui font que ces règlements vont s'imposer directement, être directement exécutoires.
Section 2 – Panorama des institutions administratives
L'idée est de donner à voir un panorama général des institutions administratives au sens organique, c'est-à-dire au sens des principaux organismes de droit public français, en distinguant d'un point de vue un peu plus théorique l'Etat et les collectivités territoriales.
L'État
Ce concept est évidemment essentiel au droit, mais il donne lieu à de nombreuses variations et il convient de le définir et d'évoquer brièvement ces différentes formes d'Etat afin de mieux comprendre l'originalité française.
Définition
L'État se définit communément comme "l'autorité souveraine qui exerce son pouvoir sur la population habitant un territoire déterminé et qui à cette fin est dotée d'une organisation permanente" (Que sais-je sur l'Etat de Renaud-Denoy de Saint-Martin, ancien vice-président du conseil d'Etat).
Une définition de l'Etat met en avant les éléments consécutifs de ce dernier : un peuple, un territoire et un pouvoir ou une puissance qu'on appelle la fameuse souveraineté qui en assure le gouvernement. Mais cette définition n'est pas juridique mais doctrinale, c'est-à-dire théorique.
Elle se fonde sur l'histoire des Etats et de leur apparition. En droit, paradoxalement, la définition de l'Etat est une question plutôt secondaire. Ce qui compte, c'est l'attribution de la qualité Etat à une entité donnée plutôt que l'essence même de cette entité. Ce n'est pas la définition juridique de l'Etat qui compte en droit mais le fait d'attribuer à une entité particulière, une entité collective, le label Etat.
Il faut bien comprendre que l'Etat, même dans un pays comme la France, où il est profondément ancré dans la culture, n'est pas une entité naturelle. C'est une construction intellectuelle destinée à rendre compte de l'organisation du pouvoir.
Aussi, du point de vue strictement juridique et non pas doctrinal, l'Etat est, sans avoir besoin de véritablement le définir.
Les conséquences juridiques de cette caractérisation de l'Etat est qu'il s'agit, en droit, d'une personne morale, c'est-à-dire une fiction juridique qui sert à produire une existence juridique. Bien sûr, l'Etat n'a pas d'existence réelle au sens matériel, tangible, mais pourtant, pour faire fonctionner cet Etat, celui-ci va devoir se reposer sur des organes qui vont lui permettre d'agir, l'Etat va devoir s'incarner. C'est du reste la même chose en droit privé.
Les associations, les sociétés constituent autant de personnes morales que de droits privés. Toutes ces entités, qu'elles soient privées ou publiques, pour agir doivent pouvoir énoncer une volonté, volonté qu'elles énoncent à travers leurs organes.
Mais il y a quelque chose de différent avec l'Etat, par rapport aux autres personnes publiques ou privées, c'est que la volonté de l'Etat est à l'origine de la règle de droit. Une norme, c'est avant tout l'expression d'une volonté arrêtée qui reçoit une sanction. Donc l'Etat est composé d'organes chargés de vouloir pour lui, chargés d'exprimer sa volonté, c'est-à-dire le droit.
Parmi ces organes, on trouve évidemment le Parlement, le gouvernement. Mais l'Etat ne doit pas seulement vouloir, il doit agir matériellement. Il existe un ensemble d'organes qui ont pour rôle de mettre en œuvre la volonté de l'Etat, le cas échéant, en agissant matériellement. Et ça, c'est le rôle de tous les agents publics. Un fonctionnaire fait partie, à cet égard, des organes de l'Etat.
Le fait d'avoir pour l'Etat une personnalité morale a, entre autres conséquences juridiques, de générer un certain nombre de droits et obligations. Le paradoxe est que, dans le cas de l'Etat, c'est l'Etat lui-même, en tant que producteur de droits, qui a la charge de faire assurer, par lui-même, le respect du droit. Ce qui fait qu'on a une forme d'auto-limitation de l'Etat par lui-même, c'est-à-dire de l'Etat par le droit, par la volonté de l'Etat.
La volonté de l'Etat, c'est en même temps ce qui guide les actions de l'Etat, mais en même temps ce qui les limite.
Les différentes formes de l'État
Les représentations de l'Etat en droit constitutionnel ne sont pas univoques. Il existe autant de formes d'État que d'États.
Pour en rendre compte, la doctrine procède à des classifications. Ces classifications ont évidemment un caractère théorique et pédagogique, on ne les retrouve pas dans la réalité, dans la nature. Ce sont des constructions théoriques destinées à rendre compte d'un certain trait de la réalité.
Elles ont une vocation essentiellement pédagogique, c'est le propre des classifications et notamment des classifications en matière d'Etat.
Il existe deux grands modèles théoriques d'Etat, l'Etat fédéral et l'Etat unitaire. Entre les deux, il existe de nombreuses nuances, comme l'Etat régional et l'Etat décentralisé. Ces différents types d'Etat ont tout de même un point commun, en droit international public. Du point de vue du droit international public, la souveraineté appartient toujours à l'Etat central.
Les collectivités infraétatiques, quel que soit leur degré d'autonomie ou d'indépendance par rapport à l'Etat central, n'ont pas d'existence propre, n'ont pas de capacité à agir internationalement, puisqu'elles sont dépourvues de souveraineté. Au niveau du droit international public, on ne reconnaît qu'une seule forme qui est l'Etat central.
Mais en dehors du droit international public, là, on connaît des formes variées. La forme d'organisation de l'Etat correspond à la forme de l'organisation juridique de l'Etat. La forme de l'organisation juridique de l'Etat, c'est ce qui correspond à la forme d'Etat. À partir de quoi on va définir cette forme d'Etat ?
Ce qui compte pour déterminer la forme de l'Etat, c'est de s'intéresser aux questions relatives à la détermination de l'espace de validité territoriale des normes.
Est-ce que les normes en question, qu'on va étudier, sont applicables sur tout le territoire ou seulement sur une portion de ce territoire ? Et est-ce que ces normes nationales ou ces normes locales, on va s'intéresser à leur nature et on va s'intéresser à la façon dont elles sont posées ?
Ce qui fait que la forme de l'Etat tient avant tout à la répartition des matières entre celles qui sont régies par des normes nationales et celles qui sont régies par des normes locales et, au-delà de la répartition des matières, à la façon dont cette répartition des matières entre le local ou le national est opérée.
Prenons le cas de l'État unitaire dont on dit qu'il correspond à la France. Dans l'État unitaire, les normes locales ne peuvent être créées qu'en application de normes nationales préalables. Et dans un État unitaire, les compétences de principe reviennent à l'État central.
Des collectivités étatiques peuvent recevoir certaines compétences, mais ces compétences leur sont précisément et spécialement attribuées par un texte de nature constitutionnelle ou législative. Pour simplifier, la compétence de principe revue,t à l'État central et les organes infraétatiques, les collectivités territoriales, ne disposent que de compétences d'attribution.
Dans l'État fédéral, l'État central est beaucoup plus limité. La répartition des compétences entre l'État fédéral et les États fédérés est assurée par la Constitution, pas par la loi. Dans ce cadre, la compétence de l'État fédéral est limitée et la compétence de principe revient aux États fédérés. Cela signifie que toutes les matières qui ne sont pas attribuées à l'État fédéral sont de la compétence des États fédérés.
Point très intéressant, c'est la section 8 de l'article 1er de la constitution américaine de 1787. Cet article 1 de la section 8 fixe limitativement les pouvoirs du Congrès en matière législative et en fixant limitativement les pouvoirs du Congrès en matière législative, la Constitution établit le champ d'action de l'État fédéral. Cette fameuse section 8 article 1er est sujet à d'âpres débats entre les tenants de l'interventionnisme fédéral, qui sont plutôt démocrates, et les tenants d'un libéralisme plus affirmé et donc d'une limitation des interventions de l'État fédéral, plutôt les républicains.
Notamment, une clause de cette Constitution qui génère une grande discussion, c'est ce qu'on appelle la clause de commerce. La clause de commerce confie au Congrès le pouvoir "de réglementer le commerce avec les nations étrangères, entre les divers États et avec les tribus indiennes". La question de l'interprétation de ces termes, de cette réglementation du commerce, est essentielle pour définir le périmètre de l'intervention de l'État dans l'économie.
Plus on va l'interpréter largement, plus les interventions de l'État, notamment en matière économique, vont être étendues, plus on l'interprète restrictivement et plus l'État fédéral, l'État central, ne pourra intervenir que de façon restrictive.
En France, l'article 1er de la Constitution dispose que la "France est une république indivisible [avec] une organisation décentralisée". Cette première phrase du premier alinéa de l'article 1 de la constitution a été ajoutée à la suite d'une révision constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République. La France correspond donc à un État unitaire décentralisé, ce qui est un peu oxymorique comme expression.
Il en résulte une double aspiration politique, sinon contradictoire, en tout cas paradoxale, avec d'un côté une tendance au centralisme en vue d'assurer l'égalité et de l'autre une tendance à la décentralisation et au développement de l'autonomie locale.
L'État et les collectivités territoriales constituent ce qu'on appelle des personnes publiques-mères qui peuvent être à l'origine d'autres groupements dotés d'une personnalité morale de droit public, voire même parfois de droit privé, c'est ce qu'on appelle les démembrements de l'État et des collectivités territoriales.
Pour information, il existe ainsi d'autres personnes morales de droit public qui exercent une compétence beaucoup plus spécialisée à côté de l'État et des collectivités territoriales, c'est ce qu'on appelle les établissements publics et qui relèvent de la tutelle de l'un ou de l'autre.
Less collectivités territoriales
Après la rationalisation de la carte administrative au début de la Révolution Française, la création des départements date de la fin de l'année 1789, et après la réforme de toutes les structures administratives françaises, notamment sous le Consulat (1799-1804), l'administration française, au moins l'organisation de l'administration française, est devenue relativement simple.
Initialement, la France dispose de deux étages : un niveau national qui correspond à l'administration de l'État, et un autre étage qui est l'étage local, étage local qui se décompose lui-même en deux niveaux, pour simplifier, le département et la commune. On avait des structures simples et assez lisibles, l'État, et à côté de l'administration de l'État, le département et la commune.
Ce niveau local s'est enrichi et complexifié.
Il y a même eu un moment, en 2013-2012, velléité de suppression d'un de ces échelons, à savoir le département, qui aurait été fait au profit de la région, mais finalement, le département a fait de la résistance, et celui-ci continue au contraire de développer de nouvelles compétences. Ce qui fait qu'aujourd'hui, la France compte au niveau local, trois niveaux d'administration, la région, le département et la commune.
Evidemment, ces trois niveaux, région, département, commune, doivent tenir compte de l'État, mais aussi de l'application du droit de l'Union Européenne. Si ce cadre reste immuable, le nouveau triptyque région, département, commune, en revanche, le contenu de chaque catégorie connaît des évolutions de diverses natures.
Éléments d'histoire
Les rapports entre l'État et les collectivités territoriales sont marqués par une tension, tension qui s'exprime par l'opposition de grands principes constitutionnels opposés de prime abord. D'un côté l'unité de l'État et l'indivisibilité de la République, de l'autre côté la libre administration des collectivités territoriales et le respect des libertés locales.
De cette tension, entre l'État et les collectivités territoriales, l'aspiration à l'unité, à l'égalité, au centralisme d'un côté et à l'autonomie et au développement de l'autre, de cette tension naît une instabilité des rapports entre l'État et les collectivités territoriales.
Instabilité qui, si elle s'oriente vers davantage de décentralisation, c'est-à-dire pour simplifier, de pouvoir confier à ces organes décentralisés, décentralisation qui néanmoins demeure dans les mains de l'État puisque finalement c'est l'État, l'État central qui en exprimant sa volonté définit le niveau de décentralisation jusqu'où il est prêt à aller.
L'histoire de la décentralisation est jalonnée par différentes étapes qui tentent à se rapprocher dans le temps, et il faut souligner que la critique tendant à déplorer l'instabilité normative, cette instabilité normative a désormais aussi atteint le droit de la décentralisation qui apparemment était plutôt stable.
Grande réforme de la décentralisation, on l'appelle l'acte 1 de la décentralisation, corresponde aux lois Defferre de 1982-83 et aussi de 1986. Les lois Defferre marquent l'acte 1 de la décentralisation et renforcent celle-ci.
Tout d'abord en posant le principe de l'élection de l'exécutif des collectivités territoriales. L'exécutif des collectivités territoriales, auparavant était désigné par l'État, est désormais élu par un suffrage indirect, directement par les populations locales.
Deuxième apport de la loi Defferre, ces lois élargissent les compétences attribuées aux collectivités territoriales et posent notamment un principe important, celui de la compensation. C'est l'idée que le transfert de compétences de l'État vers les collectivités territoriales doit s'accompagner du transfert des moyens humains, matériels et financiers nécessaires à l'accomplissement de ces nouvelles missions.
Et le troisième apport de l'acte 1 de la décentralisation des lois Defferre porte sur la fin de la tutelle du préfet sur les actes des collectivités territoriales. Le préfet pouvait directement annuler auparavant ou refuser l'entrée en vigueur d'un acte d'une collectivité territoriale; désormais cette tutelle a été remplacée par un simple contrôle de légalité avec création du déféré préfectoral : le préfet se voit communiquer l'ensemble des actes des collectivités territoriales et s'il estime qu'un acte est illégal, il peut saisir le tribunal administratif pour en contester sa légalité. C'est un "super justiciable" le préfet pour simplifier.
L'acte 2 de la décentralisation correspond à la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 qui constitutionnalise la décentralisation et renforce les compétences et les ressources dont disposent les collectivités territoriales et renforce surtout le niveau de garantie constitutionnelle de ces compétences et de ces ressources.
On peut éventuellement s'interroger sur l'existence d'un acte 3 de la décentralisation qui correspondrait aux réformes entreprises sous le quinquennat de François Hollande.
Deux grands objectifs ont été mis en avant : d'une part, l'idée de simplification des structures existantes et de clarification des modalités d'exercice des compétences au moyen de trois grandes lois, une loi Maptam du 27 janvier 2014, loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, une loi du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions et une loi du 7 août 2015 portant Nouvelle organisation de la république.
Ces lois partagent les mêmes objectifs, à défaut d'y arriver, à savoir l'idée de rationaliser la carte des territoires en diminuant par exemple le nombre des régions et l'architecture institutionnelle, en renforçant le rôle des métropoles et des intercommunalités qui sont une espèce de collectivité intermédiaire.
Alors y a-t-il eu un acte 4 de la décentralisation sous Emmanuel Macron ?
Non, pas vraiment, le gouvernement a plutôt souhaité approfondir les réformes précédentes, les corriger, les améliorer, mais pas revenir sur les grands principes. Cela a engendré une certaine instabilité normative, avec par exemple la loi du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et la proximité de l'action publique, loi qui porte principalement sur les communes et sur les plus petites communes, en renforçant les pouvoirs du maire et en leur confiant de meilleures indemnités.
On a aussi eu une loi du 21 février 2002, c'est la loi 3DS, pour loi relative à la Différenciation, la Décentralisation, la Déconcentration et portant diverses mesures de Simplification. C'est un texte fourre-tout et technique qui développe notamment un principe de différenciation, afin de permettre aux collectivités territoriales de chercher à pouvoir adapter leurs droits à leurs circonstances locales, mais dans des conditions qui sont extrêmement précises et encadrées.
Physionomie Générale
Pour évoquer la physionomie générale à grands traits des collectivités territoriales, on a aujourd'hui plusieurs ensembles qui ont un peu évolué : le découpage des communes repose initialement sur le découpage des paroisses d'anciens régimes, ce qui fait que la France est un pays qui compte le plus de communes à l'heure actuelle. On a eu un mouvement de rationalisation de ces communes mais qui a permis une diminution relative.
Il faut savoir qu'en 2015, plus de la moitié des communes comptaient moins de 500 habitants, et aujourd'hui la population moyenne par commune est de 1800 habitants.
Au-dessus de la commune, on a l'intercommunalité, qui est une forme de regroupement de communes afin d'exercer en commun leurs compétences, prendre en charge des missions particulières. On a différentes catégories d'intercommunalité comme la communauté de communes, la communauté d'agglomération par exemple, ou la communauté urbaine en fonction de la taille des compétences exercées.
Et au-dessus de la commune, on a le département, aujourd'hui on a 101 départements, le dernier département français c'est la collectivité de Mayotte à la suite d'un référendum local qui s'est prononcé pour un statut départemental.
Et encore au niveau au-dessus, on a les régions dont le nombre a été diminué sous François Hollande, ce qui donne lieu à des très très gros ensembles, on doit avoir 13 régions.
Section 3 – Les principes de base de répartition du pouvoir entre institutions
Il résulte de l'article 1er de la Constitution que la France est une république indivisible, dont l'organisation est décentralisée.
À l'indivisibilité de la République s'ajoute le respect des principes d'égalité rappelés directement par la Constitution, notamment avec l'article 1er et l'article 2 qui fixent l'égalité parmi la devise de la France.
Et surtout on a l'article 6 très important de la DDHC, la Déclaration des droits de l'homme et de la citoyenne de 789 :
La loi est l'expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents.
— article 6 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789
Il s'agit de concilier ces principes d'indivisibilité et d'égalité avec les justes aspirations locales. A cet égard, il y a lieu de citer une très intéressante décision du Conseil constitutionnel, c'est la décision du 9 mai 1991, loi portant statut de la collectivité territoriale de Corse.
Cette décision pose les limites de la décentralisation et ouvre des perspectives. Du point de vue des limites, et c'est là le sujet conflictuel, il s'agit de ne pas permettre ou d'autoriser une forme de séparatisme ou de régionalisme trop excessif qui mettrait en péril l'unité du peuple français. Et ainsi, pour le Conseil constitutionnel, celui-ci rappelle les principes d'indivisibilité et d'égalité prévus et garantis par la Constitution.
Dans cette loi de 1991, sur le statut de la Corse, il avait notamment à examiner la mention prévue par le législateur de l'existence d'un peuple corse composant du peuple français. Pour le Conseil constitutionnel, cette mention du peuple corse comme composante du peuple français est contraire à la Constitution laquelle ne connaît que le peuple français composé de tous les citoyens français sans distinction d'origine, de race ou de religion.
Mais le Conseil constitutionnel admet cependant une forme de différenciation et d'adaptation des catégories juridiques à un territoire donné. Au sujet en l'espèce de la Corse, le Conseil constitutionnel reconnaît la possibilité pour le législateur, agissant sur le fondement notamment des articles 34 et 72 de la Constitution, de créer une nouvelle catégorie de collectivité territoriale même si cette nouvelle catégorie ne comprend qu'une seule unité dotée d'un statut spécifique.
Donc le Conseil constitutionnel admet quand même des éléments de diversité en admettant l'existence de catégories uniques faites pour un territoire déterminé, ici la Corse. Juridiquement, cette tension entre l'état central et les collectivités territoriales est articulée autour de deux grands concepts qu'il convient de comprendre et de maîtriser parfaitement : la déconcentration et la décentralisation.
La déconcentration
Définition
La centralisation comprend plusieurs ingrédients pour pouvoir bien fonctionner, avec notamment l'idée d'unité et de concentration du pouvoir de décision, de structure hiérarchique et de principes d'obéissance à un niveau central. La décision du centre doit s'appliquer de manière uniforme sur un ensemble territorial.
Dans un système centralisé, toutes les impulsions et toutes les décisions proviennent du centre. L'état central est reconnu comme le seul apte à prendre les décisions fondamentales.
Lorsque des fonctionnaires sont répartis sur le territoire pour y exercer une autorité administrative, ils restent soumis hiérarchiquement au pouvoir central et reçoivent des directives qu'ils sont chargés d'appliquer. La capacité d'initiative du fonctionnaire local, dans un cadre centralisé, est très limitée. Les décisions importantes se prennent à l'échelon central.
L'histoire administrative de la France a permis la construction d'un état centralisé. La centralisation administrative a été longtemps considérée comme le complément indispensable du fait que la politique elle-même, les institutions politiques, sont centralisées. L'emploi de ce système a donc profondément marqué notre pays au-delà de la seule organisation administrative.
La centralisation est évidemment une des clés de compréhension de la société française. On peut facilement le constater au travers du poids de la capitale et de la région parisienne dans notre pays par rapport à la province. Paris est le siège non seulement politique du gouvernement, du parlement, mais aussi des grandes administrations centrales, des grandes entreprises, des grands sections syndicales, des principales chaînes de télévision, de radio, etc.
Tout cela est le résultat d'une organisation administrative qui a été très fortement centralisée. Cela explique aussi la nécessité de procéder en France plus qu'ailleurs à une forme de politique d'aménagement du territoire en vue de rechercher à équilibrer le reste du territoire français par rapport à la région,
La notion de déconcentration
Un système trop strictement centralisé est quasiment impraticable dans un état moderne car il entraîne nécessairement un engorgement du centre par embouteillage de problèmes plus ou moins anodins puisque toute décision sur le territoire supposerait alors l'intervention des autorités centrales. Et il appelle des corrections.
La déconcentration fait partie des corrections face à un système trop centralisé.
La déconcentration est un système d'administration consistant à confier des pouvoirs de décision à des autorités administratives réparties sur le territoire et placées à la tête de circonscriptions administratives. Ces autorités administratives, placées sur le territoire, restent soumises au pouvoir hiérarchique des autorités centrales.
La déconcentration correspond ainsi à un transfert de compétences internes à une même personne publique d'une autorité centrale à une autorité territorialisée ou périphérique.
Deux formules gouvernent la notion de déconcentration.
- Première formule, on peut gouverner de loin mais on n'administre bien que de près.
- Seconde formule, c'est toujours le même marteau qui frappe seulement on a raccourci le manche. Le même marteau c'est-à-dire l'état mais au lieu de frapper depuis Paris, il vous frappe depuis la préfecture départementale.
Le pouvoir de décision détenu par les autorités supérieures, par exemple par le ministre, est avec la déconcentration transféré à des autorités subordonnées comme les préfets, les recteurs, afin d'assurer la transmission intégrale des instructions et veiller à leur application concrète.
On a une transmission uniforme des instructions qui est faite au niveau national vers le local. Mais en tout état de cause, c'est toujours la même institution qui décide. Dans le cas de la déconcentration, que soit le ministre ou le préfet qui décide, on est toujours dans le cadre de l'état.
La déconcentration opère une simple redistribution du pouvoir de décision au sein d'une même personne publique, c'est-à-dire au sein de l'état, dont l'autorité est intégralement préservée.
On le voit, la déconcentration n'affecte en rien le caractère centralisé de l'état. Elle n'est pas autre chose qu'une modalité de la centralisation.
Parmi les textes importants qu'il y a en cas de la déconcentration, on a un décret du 7 mai 2015 portant charte de la déconcentration qui reprend et adapte cette définition de la déconcentration.
Il existe 4 grands niveaux de déconcentration : la commune, l'arrondissement, le département et la région.
La commune est à la fois une collectivité territoriale disposant d'une personnalité juridique propre, mais tout en disposant d'une personnalité juridique propre, c'est aussi une circonscription administrative de l'état. Si bien, c'est un point un peu complexe, que le maire dispose d'une double casquette. En effet, le maire n'est pas seulement un élu local, c'est aussi le représentant de l'état dans sa circonscription.
Au niveau intermédiaire, il existe une autre circonscription administrative qu'on appelle l'arrondissement. L'arrondissement c'est une circonscription interne au département et elle est dirigée par un sous-préfet.
L'échelon vraiment de base et le plus important de la déconcentration, c'est le département, département qui est dirigé par un préfet.
Il existe aussi un préfet de région qui est également le préfet du département du chef lieu où est implanté le conseil régional. En gros, le préfet de région exerce les compétences du préfet de département plus des compétences supplémentaires en sécurité de préfet de région.
Il faut savoir aussi que les préfectures ne sont pas les seuls organes de déconcentration sur le territoire. On a aussi par exemple les rectorats qui sont des émanations déconcentrées du ministère de l'éducation nationale ou encore les ARS en matière de santé.
Le pouvoir hiérarchique
Au cœur de la déconcentration, il y a une notion qui est très importante et qui mérite qu'on s'y arrête, c'est celle du pouvoir hiérarchique. C'est particulièrement le cas, ce pouvoir hiérarchique, dans le cadre de l'État que son exercice est le plus remarquable.
Les rapports entre les membres du gouvernement et les préfets ou encore entre le préfet et le maire, agent de l'État, sont vraiment structurés par cette idée de pouvoir hiérarchique.
Le représentant de l'État dans le département peut exercer son pouvoir hiérarchique sur les actes du maire lorsque celui-ci agit comme agent de l'État dans la commune, ce que prévoit explicitement le Code Général des Collectivités Territoriales.
Le pouvoir hiérarchique se déploie effectivement au sein d'une même personne au droit public. C'est un point important, le pouvoir hiérarchique s'exerce au sein de la même personne au droit public. Il équivaut alors à l'ensemble des pouvoirs appartenant à une autorité administrative supérieure vis-à-vis des compétences et attributions des autorités ou agents qui lui sont subordonnés.
Les composantes du pouvoir hiérarchique
Les composantes du pouvoir hiérarchique sont à distinguer de ces modalités d'exercice. Les composantes du pouvoir hiérarchique relèvent de l'idée que l'institution hiérarchique est indispensable à toute forme d'organisation administrative. Elle est nécessaire pour que l'autorité supérieure puisse adresser des instructions à ses subordonnés, annuler leurs décisions ou, au besoin, les réformer.
Le pouvoir d'instruction permet aux chefs de service de prendre à destination des autorités et des agents subordonnés des notes et des circulaires. Les circulaires désignent l'ensemble des instructions qui sont adressées par les chefs de service, les ministres, etc. aux agents de l'administration et aux subordonnés et qui viennent expliquer finalement la façon dont il convient de conduire et de mettre en oeuvre l'action publique. Cette question des circulaires est très débattue en droit administratif.
Point intéressant aussi, le pouvoir hiérarchique s'accompagne du pouvoir d'annulation, qui permet au supérieur hiérarchique de faire disparaître de l'ensemble juridique les décisions de ses subordonnés. L'annulation a un effet rétroactif et dans ces cas-là, ces décisions sont réputées n'être jamais intervenues.
Troisième pouvoir dont dispose l'autorité hiérarchique supérieure, c'est le pouvoir de réformation. Le supérieur hiérarchique a la possibilité de remplacer les décisions prises par son subordonné par tout simplement une autre décision qui revient sur la décision initiale, qui réforme la décision initialement prise, qui la remplace pour l'avenir.
Les modalités d'exercice du pouvoir hiérarchique
Ces modalités sont en nombre de trois.
Tout d'abord, le pouvoir hiérarchique s'exerce de plein droit. L'autorité supérieure en investit même sans texte, il n'y a pas besoin d'un texte qui va prévoir l'existence d'un pouvoir hiérarchique pour telle autorité supérieure.
En second lieu, le pouvoir hiérarchique peut s'exercer sans cause déterminée. Ça veut dire que l'autorité hiérarchique supérieure peut aussi bien agir pour des raisons de pure opportunité, en estimant que du point de vue de la politique administrative, telle décision est préférable à telle autre, mais l'autorité hiérarchique peut aussi agir pour des raisons de légalité, en estimant que des décisions illégales ont été prises.
En dernier lieu, le pouvoir hiérarchique peut aussi être exercé par le supérieur, soit de façon spontanée, soit par recours d'administrés. C'est un principe important, qui est prévu d'ailleurs par le Code des relations entre le public et l'administration, c'est l'article LK110 de ce Code. Les administrés ont la possibilité de s'adresser à l'autorité supérieure, à celle qui a pris une décision, lui demandant de bien vouloir la réformer. C'est ce qu'on appelle le recours hiérarchique.
Un recours hiérarchique qui permet de faire valoir des éléments de droit, mais aussi parfois des éléments d'opportunité. Ce recours est ouvert, même sans texte, et proroge le délai de recours contentieux. C'est un outil notamment pour les administrés extrêmement intéressant, qui ont toujours la possibilité de contester les décisions prises par une autorité administrative, de les contester devant l'autorité administrative supérieure, à condition qu'il existe évidemment une autorité administrative supérieure.
La décentralisation
C'est l'autre grand concept à côté de la déconcentration qu'il faut bien maîtriser. La France n'est pas une république seulement centralisée, c'est aussi une république décentralisée, qui compte à côté de l'Etat de nombreux autres organismes publics.
La notion de décentralisation
La décentralisation désigne le transfert de compétences et de pouvoirs de l'Etat à une autre personne publique distincte de l'Etat.
Il existe deux formes de décentralisation, soit fonctionnelle ou horizontale, c'est-à-dire un transfert de compétences de l'Etat vers un organisme public destiné à exercer un service public ou une activité publique donnée mais au niveau national, soit territorial ou vertical, et dans ces cas-là, la décentralisation, c'est la version la plus importante, désigne un transfert de compétences de l'Etat vers une collectivité territoriale infraétatique.
Avec la décentralisation, la décision n'est plus prise au nom et pour le compte de l'Etat par un de ses agents, mais au nom et pour le compte d'une institution publique représentant une communauté d'intérêt, c'est-à-dire une collectivité territoriale ou un établissement public.
Et c'est là évidemment une différence essentielle avec la technique de la déconcentration. En cela, la décentralisation est une modalité d'exercice de l'autorité à l'intérieur du système administratif français beaucoup plus radical et politique que la déconcentration, parce que la décentralisation donne dans une certaine mesure plus de liberté politique aux citoyens.
L'acte 2 de la décentralisation déjà évoqué, qui constitutionnalise la décentralisation et renforce le pouvoir des collectivités territoriales, témoigne de cet aspect politique de la décentralisation et de la place accordée aux citoyens, notamment avec le fait de garantir l'existence de conseils élus.
La décentralisation, si on veut approfondir sa définition, est composée de trois éléments constitutifs.
- Tout d'abord, l'institution décentralisée doit se voir reconnaître la personnalité juridique et posséder ainsi un patrimoine propre distinct de celui de l'Etat.
Elle est donc l'institution décentralisée, sujet de droit et d'obligation et bénéficie d'une autonomie financière. De plus, elle doit pouvoir gérer ses affaires propres, distinctes des affaires qui sont prises en charge par l'Etat.
De ce point de vue, le fait que la décentralisation entraîne une forme d'autonomie dans la gestion des affaires, la décentralisation est louée pour sa vertu civique en tant qu'instrument d'éducation politique des citoyens, puisqu'elle permettrait de rapprocher le citoyen de la prise de décision. Évidemment, les collectivités territoriales ne disposent comme affaire propre que celle que veut bien leur attribuer l'Etat. Dans le cadre qui demeure unitaire, c'est toujours l'Etat qui détermine les compétences qu'il alloue aux collectivités territoriales. C'est toujours l'Etat qui conserve la maîtrise du processus de transfert de ses compétences.
Dans le cadre de la décentralisation, la maîtrise du processus de transfert des compétences et donc des affaires qui vont être traitées par les autorités décentralisées, c'est entre les mains de l'Etat.
- Deuxième caractéristique de la décentralisation, elles doivent disposer d'une forte indépendance vis-à-vis de l'Etat.
A ce titre, l'idée d'élection n'est pas nécessairement indispensable à la décentralisation, mais elle permet d'assurer et d'éviter toute subordination. Ce principe de l'élection est mis en oeuvre de manière très large au niveau des collectivités territoriales dans le cadre de la décentralisation territoriale ou verticale. Moins, voire pas du tout dans le cadre de la décentralisation fonctionnelle où il y a d'autres garanties d'indépendance.
Mais dans le cadre de la décentralisation territoriale, l'élection des organes est vraiment un gage d'indépendance, et c'est ce qui permet de bien distinguer de l'Etat. Dans le cadre de la décentralisation fonctionnelle, on a des garanties d'indépendance autres qui permettent d'assurer l'autonomie de la personne en question.
- Enfin, troisième caractéristique de la décentralisation, les institutions décentralisées doivent pouvoir disposer de moyens propres, de ressources suffisantes, de moyens humains, techniques et financiers suffisants pour mettre en oeuvre leurs compétences.
En pratique, malgré tout, l'autonomie financière des collectivités territoriales, qui est pourtant reconnue par la Constitution, est souvent relative. Collectivités territoriales et établissements publics devront faire appel à des concours financiers de l'Etat, souvent pour pouvoir mettre en oeuvre leurs missions. Mais sur le principe, la décentralisation doit s'accompagner du transfert de ressources suffisantes.
La question de la tutelle et du contrôle administratif
La décentralisation n'implique pas l'absence de tout contrôle de l'Etat sur les collectivités décentralisées. A cet égard, il existe plusieurs niveaux de contrôle.
La tutelle est souvent vue comme un type de contrôle exercé par le pouvoir central, au nom du pouvoir central, sur les personnes morales autres que l'Etat, et notamment sur les collectivités territoriales. Contrôle exercé, notamment, pour faire respecter la légalité et préserver les intérêts nationaux au-dessus des intérêts locaux.
Le terme tutelle est un terme extrêmement lourd au sens et très chargé. Aussi, désormais, on ne parle plus de tutelle, mais on parle de contrôle administratif, parce que le mot tutelle a été supprimé, sans pour autant que le législateur ait complètement renié sur cette idée.
Le pouvoir de tutelle, traditionnellement, c'est celui qui était confié au préfet pour veiller à ce que les autorités décentralisées, notamment dans le département, exercent correctement leurs compétences. Dans l'histoire de la tutelle, le préfet pouvait directement annuler des actes pris par les collectivités territoriales de lui-même.
Avec l'acte 1, notamment dans le cadre de l'acte 1 de la décentralisation, cette tutelle a été suppriméee, qui fait que le préfet ne peut aujourd'hui plus directement annuler un acte d'une collectivité territoriale.
Mais cette tutelle a été remplacée par un contrôle administratif.
D'ailleurs, le législateur ne pouvait pas complètement la supprimer, parce que ce contrôle administratif est directement prévu par l'article 72 de la Constitution, qui dispose que le représentant de l'État, dans le département, a la charge des intérêts nationaux et du contrôle administratif.
L'idée d'un contrôle administratif assuré par le préfet est directement prévue par la Constitution. Et ce contrôle administratif marque plus de liberté et de responsabilité à l'égard des collectivités territoriales puisque l'ensemble des actes des collectivités territoriales doivent être envoyés au préfet à la préfecture pour pouvoir entrer en vigueur. Mais le seul envoi de ces actes pour information à la préfecture suffit à ce qu'ils entrent en vigueur.
Le préfet qui reçoit ces actes exerce ce qu'on appelle un contrôle de légalité et peut déférer devant le tribunal administratif un acte qu'il estime illégal. Le seul pouvoir du préfet aujourd'hui, en tout cas s'agissant des actes des collectivités, c'est d'aller devant le juge administratif pour contester éventuellement les actes pris. Mais le préfet n'a plus le pouvoir de réformation directe ou d'annulation des actes pris par les collectivités territoriales.
Donc décentralisation et déconcentration sont des grandes notions des institutions administratives.
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