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Chapitre III. Les mandataires judiciaires

La catégorie des mandataires judiciaires est vaste et il y a deux principaux mandataires judiciaires.

D'abord ceux qui sont appelés à intervenir en cas de procédure collective, c'est à dire lorsque une société, une entreprise connaît des difficultés financières et on parle alors des administrateurs judiciaires et des mandataires liquidateurs.

Et puis d'autres mandataires judiciaires sont appelés à intervenir en cas de protection de certains majeurs qui, en raison, par exemple, d'une altération de leur faculté mentale, peuvent être soumis à certaines mesures de protection. En principe la personne qui s'occupe de cette protection est un membre de la famille, mais dans certaines circonstances, ce rôle de protection peut être confié à un tiers, un mandataire judiciaire à la protection des majeurs.

Section 1. Les administrateurs judiciaires et les mandataires liquidateurs

La loi du 25 janvier 1985 a scindé les deux fonctions. Auparavant, une même personne pouvait être à la fois administrateur judiciaire et mandataire liquidateur, ce qui a conduit à des pratiques et à des dérives, à des excès dans la profession et donc la loi de 1985 a fait le choix de scinder et de distinguer les deux professions : d'un côté les administrateurs judiciaires et de l'autre les mandataires liquidateurs.

Mais les deux sont des mandataires judiciaires, c'est-à-dire que les deux sont désignés par le juge en cas de procédures collectives. Même si la loi de 1985 a distingué les deux professions, leur organisation est très proche.

L’organisation des deux professions

Les mandataires judiciaires, qu'il s'agisse donc des administrateurs ou des mandataires liquidateurs, sont agréés par une commission nationale. Cette commission nationale s'appelle le conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires à la liquidation des entreprises.

Pour être mandataire judiciaire à la liquidation des entreprises, il faut être inscrit sur une liste nationale, un peu comme les experts judiciaires. Pour pouvoir être inscrit sur cette liste nationale, il faut répondre à un certain nombre de conditions.

  • La première, c'est d'être de nationalité française ou d'être un ressortissant de la communauté européenne ou de l'espace économique européen.
  • Il faut avoir un certain degré de diplôme, c'est-à-dire être titulaire d'une première année de master en droit ou d'une équivalence.
  • Il faut avoir effectué un stage professionnel, compris entre 3 et 6 ans, avec une personne exerçant les fonctions de mandataire judiciaire à la liquidation des entreprises.
  • Il faut avoir passé et réussi un examen professionnel.
  • Il faut présenter évidemment des conditions de bonne moralité
  • et surtout il faut présenter des garanties financières et notamment adhérer à une caisse de garantie.

Si jamais le mandataire judiciaire venait à prendre de mauvaises décisions ou venait à détourner des fonds de l'entreprise à difficulté, ce qui a été le cas et ce qui a provoqué de gros scandales justement qui ont mené à la loi de 1985, on a renforcé les garanties financières devant être exigées des mandataires judiciaires.

La particularité des mandataires judiciaires, c'est qu'ils ne sont pas des officiers ministériels mais pourtant ils exercent bien une fonction de service public, qui est assumée par une profession libérale, parce que les mandataires judiciaires sont considérés comme des professions libérales mais des professions libérales particulières étant donné que leur honoraire est fixé par l'État.

Donc c'est un statut un peu mixte, un petit peu particulier qu'a cette profession libérale des mandataires judiciaires à la liquidation des entreprises.

Les fonctions

Les administrateurs judiciaires

Les administrateurs judiciaires sont des personnes physiques ou morales qui sont chargés par décision de justice, c'est pour ça qu'on les appelle mandataires judiciaires, chargés par décision de justice d'administrer les biens d'autrui ou d'exercer les fonctions d'assistance ou de surveillance dans la gestion des biens.

Attention, ce ne sont pas les biens d'autrui de n'importe qui ou les biens de n'importe qui, ce sont les biens d'une entreprise en difficulté.

Ces règles se trouvent dans le Code de commerce, il s'agit de venir assister le chef d'entreprise ou le dirigeant de société dont l'entreprise ou la société connaît des difficultés financières.

C'est le plus souvent le tribunal de commerce qui va désigner l'administrateur judiciaire et l'idée c'est qu'on est dans une première phase de difficulté, c'est-à-dire dans la phase qu'on appelle en procédure collective la phase de redressement, et cette phase de redressement est caractérisée par l'idée qu'on peut encore sauver l'entreprise.

On fait alors appel à l'administrateur judiciaire, c'est lui qui va assister le dirigeant de société, le chef d'entreprise pour prendre les bonnes décisions et pour redresser l'entreprise pour qu'elle puisse continuer à exercer son activité.

Il va donc aider, surveiller, parfois représenter le chef d'entreprise, il va essayer d'établir un bilan économique et social de l'entreprise et il va proposer des solutions, des mesures pour apurer le passif de l'entreprise et pour proposer donc au tribunal qui va adopter le plan de redressement des mesures qui permettent de finalement sauver l'entreprise ou la société. L'administrateur judiciaire a donc toutes ses missions d'accompagnement pendant la phase de redressement.

On comptait en France en 2022 environ 162 administrateurs judiciaires.

Les mandataires liquidateurs

Les mandataires liquidateurs, encore une fois, sont désignés par le tribunal compétent, encore une fois le plus souvent par un tribunal de commerce, mais ces mandataires sont désignés pour agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers de l'entreprise en difficulté.

Là, la situation est tout à fait différente de l'administrateur judiciaire. L'administrateur judiciaire c'était la première phrase. On cherche à redresser l'entreprise et on aide le gérant à le faire.

Là on est déjà plus loin dans la procédure collective. On est dans ce qu'on appelle la phase de liquidation. L'entreprise, la société, ne parvient pas à se redresser. Il y a un échec des mesures du plan de redressement et il faut procéder à la liquidation de la société.

Mais cette étape de la liquidation est évidemment extrêmement dangereuse pour les créanciers de la société liquidée parce que dans quel ordre vont-ils être indemnisés ? Qui va représenter leur intérêt ? Est-ce que chaque créancier doit se battre pour être payé en premier ?

Non, les procédures collectives imposent qu'il va y avoir un représentant de tous les créanciers et ce représentant c'est le mandataire liquidateur.

Il va procéder en cours de la liquidation au licenciement des salariés; il va liquider les biens et les actifs de l'entreprise; il va répartir les fonds entre les différents créanciers selon leur rang de priorité.

C'est une fonction qui est quand même extrêmement différente de l'administrateur judiciaire. L'administrateur judiciaire est là pour sauver l'entreprise. Le mandataire liquidateur est là pour acter la mort de l'entreprise et en tirer toutes les conséquences en termes de liquidation.

Le nombre de mandataires liquidateurs est aussi assez peu nombreux mais un peu plus nombreux que les administrateurs judiciaires. On en comptait un petit peu moins de 300 en 2002.

Section 2. Les mandataires judiciaires à la protection des majeurs

Cette fonction de mandataire judiciaire à la protection des majeurs est une fonction relativement nouvelle qui a été créée par la loi de 2007, là encore à la suite de nombreux scandales.

Certains majeurs vont être soumis à des mesures de protection. Ils subissent une altération de leur faculté mentale, ils ne sont plus capables de prendre des décisions par eux-mêmes, alors selon leur état à un certain degré plus ou moins avancé, et on va prendre une mesure de protection.

Ces mesures de protection, les principales, sont la sauvegarde de justice, la curatelle, la tutelle et on parle aussi parfois d'habilitation familiale. Dans l'esprit de ces mesures, c'est que le majeur protégé va être soit assisté, soit représenté par un tiers.

Le curateur, le tuteur ou par exemple la personne habilitée. Très souvent dans ces mesures, c'est une personne de l'entourage familial qui est choisie comme tuteur, curateur ou personne habilitée. Mais il peut arriver que soit il n'y ait personne dans la famille, soit que personne dans la famille ne souhaite assumer cette fonction. Et alors il faut faire appel à un tiers.

Et c'est ce qui est fait depuis très longtemps, mais qui avait conduit à des dérives, parce que des personnes assez mal intentionnées prenaient les charges de tuteur, de curateur. Sauf qu'il est assez aisé de piocher dans les fonds de la personne qui est incapable, de la personne qui est protégée. Par hypothèse, elle a subi une altération de ses facultés mentales ou de ses facultés physiques et elle n'est plus à même de prendre des décisions. Donc elle sera souvent très peu à même de se rendre compte que celui qui est chargé de la protéger est en train de la ruiner, de vider les caisses, de vider les comptes.

Il y a eu plusieurs scandales parce que la profession n'était pas tellement à encadrer.

C'est pourquoi la loi de 2007 est intervenue pour créer cette profession et pour poser un certain nombre de conditions à l'exercice de cette profession pour assainir la profession et les personnes chargées de protéger les personnes frappées d'incapacité.

Les règles relatives aux mandataires judiciaires à la protection des majeurs figurent dans le Code de l'action sociale et des familles.

L’organisation de la profession

Il faut être inscrit sur une liste; la liste est ici départementale et elle est établie par le préfet après avis du Procureur de la république.

Il y a aussi une liste nationale mais des mandataires qui sont radiés, c'est-à-dire à qui on a interdit d'exercer la profession à cause d'un manquement, etc.

Et pour pouvoir être inscrit sur la liste départementale, il faut remplir un certain nombre de conditions, notamment des conditions de bonne moralité, des conditions de formation, donc il faut avoir passé un examen professionnel, et des conditions d'expérience professionnelle.

Les fonctions

Le mandataire à la protection des majeurs est le tiers qui est chargé soit d'assister, soit de représenter le majeur protégé selon la gravité de la mesure qui frappe le majeur protégé. Donc c'est lui qui va prendre toutes les mesures de protection et qui va soit assister le majeur protégé dans la réalisation des actes de la vie quotidienne, soit carrément le représenter, par exemple il peut représenter le majeur protégé pour la réalisation d'une vente immobilière.

Évidemment, le mandataire judiciaire à la protection des majeurs dans sa mission a une obligation de tenir des comptes, donc il doit rendre des comptes de la façon dont il a géré les biens, le patrimoine de la personne qu'il a à sa charge.